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Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

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Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
13 décembre 2024 5 13 /12 /décembre /2024 10:22
Il y a 110 ans ... Pour mieux connaître Karl Liebknecht

Il y a 110 ans, Karl Liebknecht votait contre le renouvellement des crédits de guerre. Le blog comprendre-avec-rosa-luxemburg, s'est donné pour tâche de mieux faire connaître sa pensée et son action. Près de 80 articles sont déjà disponibles, textes inédits en français, documents  sur le net. ... Une contribution pour la réflexion pour aujourd'hui. Ici les dix derniers articles.

Les 10 derniers articles

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/

 

1. Karl Liebknecht en 1910

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2024/08/karl-liebknecht-1910.html samedi 24 août 2024 à 19:48 par Dominique Villaeys-Poirré depuis Overblog. Bien que peu enthousiaste concernant la colorisation, j'apprécie cet artiste qui porte son travail à la hauteur d'un art, sans facilité. J'utilise cette occasion pour rappeler le travail en cours ici sur Karl Liebknecht: Sur le blog, de nombreuses tr

 

2. Karl Liebknecht dans sa prison d’Alix Guillain

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/12/karl-liebknecht-dans-sa-prison1-alix-guillain.html mercredi 27 décembre 2023 à 22:43 par Dominique Villaeys-Poirré depuis Overblog . Le 1er mai 1916, de la gare de Potsdam descend un soldat, l'uniforme râpé, la tenue négligée. Personne ne fait attention à lui. C'est un simple soldat comme on en voit passer tous les jours, et qui, sûrement, n'appartient pas à, un régiment d'élite, celui-là. Arrivé au milieu de la Potsdamer Platz, au centre même de Berlin, il s'arrête.

 

 3. Illustration de Frenckell pour la Vague du 23 janvier 1919

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/10/karl-liebknecht-et-rosa-luxemburg-fraenkel.html samedi 21 octobre 2023 à 14:12 par Dominique Villaeys-Poirré depuis Overblog. Illustration de FRENCKELL pour La Vague du 23 janvier 1919 La Vague : pacifiste, socialiste, féministe Directeur Pierre Brizon Publication : Paris (20, rue du Croissant) : [éditeur inconnu], 1918-19?? [133639] Description :44 cm puis 53 cm

 

4. Karl Liebknecht. Qu’est-ce qu’une grève politique de masse ?

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/09/karl-liebknecht.qu-est-ce-qu-une-greve-politique-de-masse.html vendredi 15 septembre 2023 à 11: Dominique Villaeys-Poirré Overblog. Grève des mineurs 1912 Extraits d'un article de Karl Liebknecht, "Et maintenant en Prusse? …" " Il va de soi qu’aucun des moyens de lutte actuels ne doit être abandonné. Mais ils ne suffisent plus, nous avons besoin de nouveaux moyens pour mener un nouveau combat. La grève est, avec le boycott, la forme d’utilisation du pouvoir du prolétariat

 

5. Le vote de Karl Liebknecht dans la revue suisse « La Guerre mondiale », le 7 août 1914

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/09/le-vote-de-karl-liebknecht-dans-la-revue-suisse-la-guerre-mondiale-le-7-aout-1914.html mercredi 06 septembre 2023 à 15:36 par Dominique Villaeys-Poirré depuis Overblog. Un document inestimable. "Pendant un moment, il attira tous les yeux du Reichstag. Liebknecht était pâle comme un mort, mais ne bougea pas.

 

6. Karl Liebknecht. Mansfeld, Police et armée, armes ultimes de la politique intérieure en Prusse

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/08/karl-liebknecht.police-et-armee-armes-ultimes-de-la-politique-interieure-en-prusse-extrait.html jeudi 17 août 2023 à 15:26 Dominique Villaeys-Poirré depuis Overblog. Discours au landtag de Prusse, 25 février 1910

 

7. Armée contre grévistes, Mansfeld 1909. Karl Liebknecht rappelle cette grève emblématique et l’utilisation de l’armée

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/08/armee-contre-grevistes-mansfeld-1909.karl-liebknecht-rappelle-cette-greve-emblematique-et-l-utilisation-de-l-armee.html jeudi 17 août 2023 à 12:30 par Dominique Villaeys-Poirré Overblog. … Dans son intervention au Reichstag, le 20 juin 1913, Karl Liebknecht mentionne la grève de 1909 dans les mines de cuivre, témoignant de son caractère emblématique : "Mais ce que l'on doit reprocher le plus aux autorités administratives dans la situation actuelle, c'est le fait que l'armée a été réquisitionnée dans différentes régions po 

 

8.Karl Liebknecht. Messieurs, la rubrique « Protection contre ceux qui nous protègent est devenue quasiment permanente dans notre presse. »

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/08/karl-liebknecht.messieurs-la-rubrique-protection-contre-ceux-qui-nous-protegent-est-devenue-quasiment-permanente-dans-notre-presse.html lundi 07 août 2023 à 15:53 par Dominique Villaeys-Poirré depuis Overblog Police et armée – dernières armes de la politique intérieure en Prusse. 1910 C'est une très longue intervention de Karl Liebknecht devant les députés du Landtag de Prusse en 1910 - c'est alors l'un des points culminants des combats sociaux-démocrates en Prusse et dans tout l'empire.. Liebknecht y passe en revue tout ce qui touche à l'acti

 

9.Karl Liebknecht et la grève de masse, juillet 1913

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/07/karl-liebknecht-et-la-greve-de-masse-juillet-1913.html par Dominique Villaeys-Poirré depuis Overblog. 1910 Le système électoral à trois classes, particulièrement inique a été combattu par la social-démocratie à de multiples reprises, en particulier en 1910. En 1913, le combat s'enflamme à nouveau et Karl Liebknecht écrit ce texte en juillet 1913, pour lui la grève de masse est devenue la seule réponse au refus obstiné du pouvoir impér

 

10. Karl Liebknecht VS Jean Jaurès. “la nouvelle méthode”, 1902

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/07/kar-liebknecht-jean-jaures-1902.html mardi 04 juillet 2023 à 17:39 par Dominique Villaeys-Poirré depuis Overblog. En 1902 paraît aux Editions des "Sozialistische Monatshefte", un ouvrage "Aus Theorie und Praxis. Sozialistische Studien". Ces textes de Jean Jaurès sont traduits par l'un des principaux tenants du réformisme, Südekum, dans la maison d'édition de ce courant - incarné par Eduard Bernstein. Karl Liebknecht écrit alors son premier long article

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21 décembre 2024 6 21 /12 /décembre /2024 11:54
Karl Liebknecht au stade Karl-Liebknecht à Babelsberg (Berlin)

En 2019, j'avais découvert un hommage à Karl Liebknecht inattendu, celui de l'équipe de football de Babelsberg. De nouveau aujourd'hui un coup de coeur, l'installation dans ce même stade d' un bas-relief en son honneur.

"Lorsque nous avons appris qu'il était possible de déplacer le monument au stade Karl Liebknecht, nous avons tout de suite été enthousiastes. Un stade qui porte le nom de Liebknecht, dans une rue portant son nom, au sein d'un club qui se sent redevable de son héritage politique : de notre point de vue, il n'y a pas d'emplacement plus approprié à Potsdam pour ce monument !

Vous trouverez sur ce site des articles très documentés sur Karl Liebknecht en particulier dans le quartier où se trouve le stade! https://karl-liebknecht.rotes-nowawes.de/hintergrund.html

 

Karl-Liebknecht-Denkmal im KarLi eingeweiht

Foto: Thoralf Höntze Donnerstag, 12.12.2024 15:03 Uhr | Thoralf Höntze

 

Am heutigen 12. Dezember 2024 wurde, nach einem Umzug und der Restaurierung, ein Karl-Liebknecht-Relief, in unserem Stadion eingeweiht. Der Umzug des Reliefs wurde durch Umbaumaßnahmen im Babelsberger Park notwendig, wo sich das Denkmal zuvor befand. Als wir von der Möglichkeit erfuhren, das Denkmal ins Karl-Liebknecht-Stadion verlegen zu können, waren wir sofort begeistert. Ein Stadion, das den Namen Liebknechts trägt, an einer Straße mit seinem Namen, bei einem Verein, der sich seinem politischen Erbe verpflichtet fühlt: Aus unserer Sicht gibt es in Potsdam keinen passenderen Standort für dieses Denkmal! Das Denkmal weihen wir auch mit dem Wissen ein, dass dies ein wichtiges Ereignis für unsere aktive Fanszene ist und zukünftig ein weiterer wichtiger und zentraler Ort im Stadion sein wird. Die geschichtliche Aufarbeitung erfolgte durch die „Geschichtswerkstatt Rotes Nowawes e.V.“ unter der Leitung von Christian Raschke. Unter dem nachfolgenden Link sind alle geschichtlichen Hintergründe nachzulesen:

 

Informationen zum Karl-Liebknecht-Relief

 

Unseren besonderen Dank möchten wir den Personen aussprechen, die dieses Projekt ermöglicht haben:

 

Harald Kümmel, der bis August 2023 als kommissarischer Leiter der Geschäftsstelle Stadtentwicklung, Bauen, Wirtschaft und Umwelt der Landeshauptstadt Potsdam den Weg für das Projekt ebnete.

Christian Raschke, der den gesamten Prozess geschichtlich betreute und uns beraten hat.

Florian Pohlmann vom Restaurierungsatelier Pohlmann, der uns bei der Sanierung des Reliefs unterstützt hat.

Olaf Lieberwirth, der den Aufbau der Trägerwand für das Relief realisierte.

Steve Müller und Carsten Scheidt, für die professionelle Umsetzung des Gesamtprojekt.

Karina Mertsching (Stadtwerke Potsdam) für die Unterstützung, Hilfe  und die unkomplizierte Zusammenarbeit.

 

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18 décembre 2024 3 18 /12 /décembre /2024 11:05
Fritz Stucke, Gustav Seiter et Wilhelm Eildermann, Brême, été 1914.

Fritz Stucke, Gustav Seiter et Wilhelm Eildermann, Brême, été 1914.

Vous pouvez retrouver sur notre site cette présentation (https://adlc.hypotheses.org/14082) ainsi que le programme des prochaines séances (https://adlc.hypotheses.org/seminaire-ldm-2024-2025) . Enregistrement de la séance sur ce site.
 
Ce Lundi 25 novembre, Pierre Millet interviendra au Séminaire Lectures de Marx de l'ENS dans le cadre d'une séance intitulée: Rouges en vert de gris : correspondances, journaux et mémoires de jeunes socialistes allemands opposés à la guerre de 1914-1918 qui inaugurera un cycle consacré au rapport des marxistes à l'impérialisme et à la question nationale.
 
La séance aura lieu à 18h30 en salle des résistants au 45 rue d'Ulm (1er étage, couloir AB).
Comme toujours, le séminaire est ouvert à toutes et à tous, il ne nécessite aucune inscription préalable.
Voici la présentation de la séance:
 
"L’été 1914 est un moment de bascule dans l’histoire du mouvement ouvrier. Dans tous les pays belligérants, à l’exception notable de la Russie et de la Serbie, les partis membres de l’Internationale socialiste se rangent derrière leurs gouvernements. Ils avaient pourtant juré solennellement au Congrès de Bâle (1912), et maintes fois ensuite, de tout faire pour stopper cette guerre que tous avaient vu venir. En quelques jours ces promesses sont pourtant oubliées, tant est forte la pression à l’unité nationale. En Allemagne, la majorité des députés du SPD (Parti social-démocrate d’Allemagne), qui avec son million de membres est le plus grand parti de l’Internationale, se prononcent en faveur du vote des crédits de guerre. Par discipline de parti, les députés qui s’étaient opposés à tout soutien à l’effort de guerre, dont Karl Liebknecht, votent comme un seul homme les crédits de guerre au Reichstag le 4 août 1914. Ce reniement des engagements antimilitaristes de la sociale démocratie ouvre la voie à la normalisation du SPD, qui était longtemps resté un parti paria, même si le souvenir des lois antisocialistes (1878-1898) était déjà loin. Le 1er août, l’empereur Wilhelm II prononce une phrase que l’on imprime à des centaines de milliers d’exemplaires sur les cartes postales, qui sont alors un important véhicule de la propagande officielle : « Ich kenne keine Parteien mehr, Ich kenne nur noch Deutsche ! » : « Je ne connais plus de partis, je ne connais que des Allemands ! ». Ainsi débute la période de Burgfrieden, (paix au château), le pendant allemand de l’Union sacrée, à ceci près qu’en Allemagne contrairement à ce qui advient en France, le SPD n’entre pas au gouvernement au cours du conflit.
 
Les militants du SPD sont alors jetés dans une grande perplexité, d’autant plus qu’ils ignorent encore la division des députés qui s’est exprimée lors de la réunion de fraction du parti, qui n’était pas publique. L’association de jeunesse sociale-démocrate soutient également la Burgfrieden et Ludwig Frank, qui n’était alors déjà plus très jeune, mais était toujours le dirigeant historique de la Junge Garde (jeune garde), se fait l’un des plus fervents partisans de l’entrée en guerre. Engagé volontaire, il meurt au combat le 3 septembre 1914 près de la ville de Baccarat en Meurthe et Moselle.
 
Son cas est abondamment discuté par les jeunes socialistes qui entendent rester fidèles à leurs engagements passés et cherchent à s’organiser contre la guerre. Leurs noms – Wilhelm Eildermann, Emil Birkert, Gustav Seiter, Fritz Rück, Otto Unger, Karl Jannack – sont aujourd’hui largement oubliés, de même que leur engagement contre la guerre. Il existe pourtant des sources très riches et encore méconnues les concernant. Une partie des lettres qu’ils se sont envoyées entre le front et l’arrière sont conservées aux archives fédérales allemandes et elles ont été publiées en ordre dispersé. Elles constituent un témoignage de première main sur la subjectivité, les prises de position et le rôle de ces jeunes militants, qui furent tous mobilisés, dans le mouvement d’opposition à la guerre qui débouchera sur la révolution de novembre 1918. C’est à ces lettres, ainsi qu’aux mémoires et journaux de ces jeunes militants, que nous consacrerons cette séance qui entend inaugurer un cycle sur le rapport des marxistes à l’impérialisme et à la question nationale."
 
 
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17 décembre 2024 2 17 /12 /décembre /2024 11:47
Un texte de Rosa Luxemburg. Démocratie industrielle et démocratie politique - Critique de Bernstein

A lire sur le site matière et révolution : http://www.matierevolution.fr/spip.php?article8043

mardi 17 décembre 2024, par Alex

Ce texte porte le numéro 129 dans le catalogue de Kaczanowska. Il fut publié en français dans lle numéro 11 de la revue Le mouvement socialiste. Il est très proche du chapitre 2. Les syndicats, les coopératives et la démocratie politique de Réforme Sociale ou Révolution.  Mais cette version a été écrite par Rosa Luxemburg spécialement pour un public français.E. Bernstein publia sa Réponse à Mlle Luxemburg dans le numéro 16 de la même revue.(1) Voir sur la même question les numéros 6, 7 et 8 du Mouvement socialiste.

(Traduit par J. Rivière)

 

 

Le socialisme de Bernstein se ramène à faire participer les ouvriers au développement de la richesse sociale et à transformer ainsi les pauvres en riches. Comment cela peut-il s’effectuer ? Dans ses articles de la Neue Zeit, intitulés Problèmes du Socialisme, Bernstein ne laissait entrevoir que quelques indications à peine compréhensibles. Mais dans son livre, il nous fournit un éclaircissement complet sur cette question : son socialisme doit être réalisé par deux moyens, par les syndicats, ou selon l’expression qu’il emploie par la démocratie industrielle, et par les coopératives. Par les premiers, il veut s’en prendre au profit industriel ; par les seconds, au profit commercial.

Pour ce qui est des coopératives, et avant tout des coopératives de production, elles représentent, dans leur essence, au milieu de l’économie capitaliste, une forme hybride : une production socialisée en petit, dans un système d’échange capitaliste. Or, dans la société capitaliste, c’est l’échange qui domine la production et, par suite de la concurrence, pose comme condition même de l’existence pour toute entreprise une exploitation brutale, c’est-à-dire une subordination complète du processus de production aux intérêts du capital. En pratique, cela s’exprime par la nécessité de rendre le travail le plus intense possible, de le raccourcir ou de le prolonger selon la situation du marché, d’attirer la force de travail ou de la repousser et la jeter sur le pavé selon les exigences du débouché, en un mot de pratiquer toutes les méthodes connues qui rendent une entreprise capitaliste apte à soutenir la concurrence. Il résulte de ce qui précède que,dans les coopératives de production, les ouvriers se trouvent dans l’obligation contradictoire de se régir eux-mêmes avec tout l’absolutisme inévitable, de jouer par rapport à eux-mêmes le rôle de l’entrepreneur capitaliste. Et c’est précisément par suite de cette contradiction que la coopérative de production doit sombrer. Car, ou bien elle redevient, par un développement régressif, une entreprise capitaliste ; ou bien, si les intérêts ouvriers sont plus forts, elle se dissout.

Ce sont là des faits que Bernstein lui-même constate, mais qu’il comprend mal ; car, avec Mme Potter-Web, il voit dans une « discipline » insuffisante la cause de la décadence des coopératives de production. Ce qu’on appelle ainsi « discipline » d’une façon superficielle et plate, ce n’est pas autre chose que le régime absolutiste propre au capital, qu’il est évidemment impossible aux ouvriers de s’appliquer à eux-mêmes.

Il suit de là que la coopérative de production ne peut assurer son existence, au milieu de l’économie capitaliste, que si elle réussit à résoudre par un détour la contradiction — qu’elle porte en elle — entre le mode de production et le mode d’échange, et si elle se soustrait d’une façon artificielle aux lois de la libre concurrence. Elle ne le peut que si elle s’assure à l’avance un débouché, un cercle fixe de consommateurs, — et c’est la coopérative de consommation qui lui en fournit le moyen.

Et c’est là — et non pas dans la distinction entre coopératives d’achat et de vente — que gît ce mystère que cherche à résoudre Bernstein, à savoir pourquoi les coopératives indépendantes de production sombrent et pourquoi c’est seulement une coopérative de consommation qui peut leur assurer la vie.

Mais si c’est ainsi, si les conditions d’existence des coopératives de production sont, dans la société actuelle, liées aux conditions d’existence des coopératives de consommation, il en résulte, comme conséquence ultérieure, que les coopératives de production sont limitées, dans les cas les plus favorables, à un petit marché local restreint, et en sont réduites à la fabrication des choses—peu nombreuses— de consommation immédiate, et surtout à la production des objets de première nécessité. Toutes les branches les plus importantes de la production capitaliste : les industries textile, houillère, métallurgique, du pétrole, de même que la construction des machines, des locomotives, des navires, sont exclues par avance de la coopérative de consommation et par conséquent aussi de la coopérative de production. Donc, même en faisant abstraction de leur caractère hybride, les coopératives de production ne peuvent pas être un instrument de réforme sociale générale, déjà pour cette raison que leur généralisation suppose avant tout la suppression du marché mondial, —la dissolution de l’économie mondiale présente en petits groupes locaux de production et d’échange, c’est-à-dire essentiellement une régression de l’économie capitaliste vers l’économie médiévale.

D’ailleurs, môme dans les limites de leur réalisation possible, dans les cadres de la société actuelle, les coopératives de production se réduisent naturellement à de simples appendices de coopératives de consommation, lesquelles, en leur qualité de porteurs principaux de la réforme socialiste poursuivie, montent ainsi au premier plan. Mais si c’est cela, alors toute la réforme socialiste poursuivie au moyen des coopératives cesse d’être une lutte contre le capital de production, c’est-à-dire contre le tronc principal de l’économie capitaliste, pour devenir une lutte contre le capital commercial, et notamment contre le moyen et le petit commerce, c’est-à-dire contre de simples ramifications du tronc capitaliste.

Pour ce qui est des syndicats, qui, eux aussi, représentent, d’après Bernstein, un moyen de lutte contre le capital de production, ils ne sont pas en état— comme nous l’avons démontré d’ailleurs — (1) d’assurer aux ouvriers une influence quelconque sur le processus de production, ni au point de vue de son étendue, ni au point de vue de ses procédés techniques.

Mais pour ce qui est du côté purement économique, « la lutte du taux du salaire contre le taux du profit », comme l’appelle Bernstein, cette lutte ne se produit pas dans l’espace éthéré, mais dans les limites déterminées de la loi des salaires, qu’elle ne peut pas transgresser, qu’elle ne peut que réaliser. Cela devient évident aussi lorsqu’on prend la question à un autre point de vue, et que l’on se demande quelles sont les fonctions propres des syndicats.

Les- syndicats auxquels Bernstein assigne le rôle de mener, dans la lutte pour l’émancipation de la classe ouvrière, l’attaque principale contre le taux du profit industriel et de le dissoudre progressivement dans le taux du salaire, ne sont nullement en état d’entreprendre une politique économique offensive contre le profit. Ils ne sont, en effet, que la défensive organisée delà force de travail contre les attaques du profil, qu’un moyen de résistance de la classe ouvrière contre la tendance dépressive de l’économie capitaliste.

D’abord les syndicats ont comme rôle d’influencer sur le marché, par leur organisation, la situation de marchandise qu’est la force de travail. Mais cette organisation est continuellement disloquée par le processus de prolétarisation des couches moyennes, qui l’ait affluer sur le marché du travail des marchandises toujours nouvelles. En second lieu, les syndicats ont pour but d’élever le niveau de la vie, la part de la classe ouvrière à la richesse sociale. Mais cette part est continuellement rabaissée, avec la fatalité d’un processus naturel, par la croissance de la productivité du travail. Pour comprendre cela, on n’a pas du tout besoin d’être marxiste ; il suffit d’avoir eu une fois entre ses mains le Zur Beleutung der sozialen Frage de Rodbertus.

De cette façon, la lutte syndicale se transforme, dans ses deux fonctions économiques principales, grâce à des processus objectifs de la société capitaliste, en une sorte de travail de Sisyphe. Ce travail de Sisyphe est, il est vrai, inévitable, si l’ouvrier veut arriver à obtenir le taux du salaire qui lui est échu d’après la situation donnée du marché, si la loi capitaliste des salaires doit être réalisée, et si la tendance dépressive du développement économique doit être paralysée, ou plutôt, plus exactement, affaiblie dans son action. Mais lorsqu’on songe à transformer les syndicats en un instrument de réduction progressive du profit au bénéfice du salaire, cela suppose avant tout, comme condition sociale : i° un arrêt dans la prolétarisation des classes moyennes et dans la croissance de la classe ouvrière ; 2° un arrêt dans l’augmentation de la productivité du travail. Donc dans les deux cas, de même que dans l’économie basée sur les coopératives de consommation, c’est une régression vers les formes sociales précapitalistes.

Les deux moyens de Bernstein pour accomplir la réforme socialiste : les coopératives et les syndicats, apparaissent donc comme complètement impuissants à transformer le mode de production capitaliste. A proprement parler, Bernstein en a une conscience obscure. Il ne les considère que comme moyen de rogner le profit capitaliste, et d’enrichir de cette façon les travailleurs. Mais par là même il renonce lui même à la lutte contre la production capitaliste, et oriente le mouvement démocrate socialiste vers la lutte contre la distribution capitaliste. En effet, Bernstein formule, à plusieurs reprises, son socialisme, comme la tendance à une distribution « juste », « plus juste » (page 51 de son livre), même « encore plus juste » (Vorwaerts, 26 mars 1899).

Certes le motif qui pousse le plus immédiatement vers le mouvement démocrate socialiste, au moins dans les masses populaires, est aussi sans contredit la distribution « injuste » de l’ordre capitaliste. Et en luttant pour la socialisation de toute l’économie, la démocratie socialiste tend par cela même aussi à établir une distribution « juste » de la richesse sociale. Seulement, grâce à cette conception marxiste que la distribution n’est à chaque moment que la conséquence naturelle du mode de production donné, elle dirige sa lutte, non pas contre la distribution dans le cadre de la société capitaliste, mais vers l’abolition de la production marchande elle-même. En un mot, la démocratie socialiste veut instaurer la distribution socialiste par la suppression du mode de production capitaliste, tandis que le procédé de Bernstein est juste le contraire. Il veut combattre la distribution capitaliste et espère amener, par cette voie, l’établissement du mode de production socialiste.

Cela étant, quelle base théorique peut-on maintenant donner à la réforme socialiste de Bernstein ? Peut-on la fonder sur des tendances déterminées de la production capitaliste ? — Nullement. Car, en premier lieu, il nie lui-même ces tendances ; et, en second lieu, d’après ce que nous venons de dire, la forme poursuivie de la production n’est, chez lui, que le résultat et non la cause de la distribution. Le fondement théorique de sonsocialisme ne peut donc pas être économique. Après avoir renversé de fond en comble les buts et les moyens du socialisme, et par .cela même les rapports économiques, il ne peut plus donner des bases matérialistes à son programme : il est forcé d’avoir recours à un fondement idéaliste.

« Pourquoi déduire le socialisme de la nécessité économique ? », s’écrie Bernstein. « Pourquoi dégrader l’intelligence, la conscience du droit, la volonté de l’homme ? ». (Vorwaerls, 26 mars 1899). La distribution plus juste de Bernstein sera donc réalisée, grâce à la volonté humaine souveraine n’agissant pas sous l’impulsion de la nécessité économique, ou, plus,exactement, — comme cette volonté n’est elle-même qu’un instrument,— grâce à la conscience de la justice, en un mot grâce à l’idée de la justice.

Nous voici donc arrivés— heureusement—au principe de la Justice, ce vieux cheval de retour, monté depuis des siècles par tous les rénovateurs du monde privés de plus sûrs moyens de locomotion historique, à cette Rossinante déhanchée sur laquelle ont chevauché tous les Don Quichotte de l’histoire, à la recherche de la grande réforme mondiale, — pour ne rapporter de ces voyages autre chose que quelque oeil poché.

Les rapports de pauvre à riche, comme base sociale du socialisme, le « principe » coopératif comme son contenu, la « distribution plus juste » comme son but et l’idée de la justice comme son unique légitimation historique, voilà ce que l’on nous propose.

Avec combien plus de force, avec combien plus d’esprit, avec, combien plus d’éclat cette sorte de socialisme fut défendue par Weitling, il y a cinquante ans ! Il est vrai que ce tailleur génial ne connaissait pas encore le socialisme scientifique. Et si aujourd’hui, un demi-siècle plus tard, toute sa conception déchirée en petits morceaux par Marx et Engels a été de nouveau heureusement apiécée et recousue pour être soumise au prolétariat allemand comme le dernier mot de la science, il a fallu pour ce travail un tailleur..., mais pas un tailleur génial !

De même que les syndicats et les coopératives en sont le point d’appui économique, de même la principale condition politique de la théorie de Bernstein est le développement continuellement progressif de la démocratie. Les explosions présentes de la réaction ne sont pour lui que des « spasmes » qu’il tient pour fortuits et passagers, et avec lesquels on n’a pas à compter, lorsque l’on pose la directive générale de la lutte ouvrière.

Mais ce qui est important, ce n’est pas ce que Bernstein pense en se fondant sur les assurances orales et écrites de ses amis sur la durée de la réaction, mais c’est le rapport objectif interne entre la démocratie et le développement social réel.

D’après Bernstein, la démocratie apparaît comme une phase inévitable dans le développement de la société moderne. La démocratie est même pour lui, tout comme pour un théoricien quelconque du libéralisme, la grande loi fondamentale du développement historique en général. C’est à sa réalisation que doivent servir toutes les forces agissantes de la vie politique. Ce principe, sous cette forme absolue, est foncièrement faux ; ce n’est qu’une schématisation petite-bourgeoise et superficielle des résultats d’une courte période de l’évolution bourgeoise pendant les vingt-cinq à trente dernières années.

En effet, lorsqu’on regarde de plus près le développement de la démocratie dans l’histoire et en même temps l’histoire politique du capitalisme, on arrive à un résultat essentiellement différent.

Pour ce qui est du premier point, nous trouvons la démocratie dans les formes sociales les plus diverses : dans les sociétés communistes primitives ; dans les Etats antiques basées sur l’esclavage, dans les communes urbaines du Moyen-Age. De même on rencontre la monarchie liée aux conditions économiques les plus différentes. D’autre part, le capitalisme provoque à ses débuts—comme production marchande —une constitution purement démocratique dans les communes urbaines.

Plus tard, dans sa forme plus développée—comme manufacture— il trouve sa forme politique adéquate dans la monarchie absolue.

Enfin, il produit en France — au stade de l’économie industrielle développée— successivement la république. démocratique(1793), la monarchie absolue de Napoléon Ier, la monarchie aristocratique de la Restauration(1815-1830), la monarchie bourgeoise constitutionnelle de Louis-Philippe, puis de nouveau une République démocratique, puis la monarchie de Napoléon III, enfin la troisième République.

En Allemagne, l’unique institution vraiment démocratique,le suffrage universel, n’est pas une conquête du libéralisme bourgeois, mais un instrument qui a servi à l’unification du pays par la soudure des petits Etats, et qui n’a pas d’autre signification dans le développement de la bourgeoisie allemande ; laquelle se contente fort bien pour le reste d’une monarchie constitutionnelle à moitié féodale.

En Russie, le capitalisme prospère merveilleusement, sous l’absolutisme oriental, sans que la bourgeoisie ait l’air, pour le moment du moins, de désirer ardemment la démocratie.

En Autriche, le suffrage universel se montre en grande partie comme une ceinture de sauvetage pour la monarchie en perdition, et le peu de rapport qu’il a avec la démocratie proprement dite est prouvé par la puissance du paragraphe 14.

En Belgique enfin, la conquête démocratique du mouvement ouvrier,le suffrage universel, est indubitablement liée à la faiblesse du militarisme (donc à la position géographique et politique spéciale du pays), et avant tout ce n’est pas « un bout de démocratie » conquis par la bourgeoisie, mais contre la bourgeoisie.

La montée ininterrompue de la démocratie qui parait être pour Bernstein et pour le libéralisme bourgeois la grande loi fondamentale de l’histoire humaine ou tout moins de l’histoire moderne, n’est donc, si on la regarde de plus près, qu’une construction en l’air. Il n’est pas possible d’établir une connexité absolue entre le développement du capitalisme et la démocratie.

La forme politique est chaque fois la résultante de tous les facteurs politiques intérieurs et extérieurs, et permet —dans ces limites — une extrême diversité, depuis la monarchie absolue jusqu’à la République démocratique.

Si donc après avoir ainsi dû rejeter de la société moderne la loi historique générale du développement de la démocratie, nous nous adressons à la phase actuelle de l’histoire de la bourgeoisie, nous voyons ici encore, dans la situation politique, des facteurs qui tendent non pas à la réalisation du schéma de Bernstein, mais plutôt, au contraire, à l’abandon par la société bourgeoise de toutes les conquêtes faites jusqu’à présent.

D’une part, les institutions démocratiques, et cela est d’une importance capitale, ont en grande partie épuisé leur rôle dans le développement de la bourgeoisie : autrefois nécessaires pour la réunion des petits Etats et pour la constitution des grandes nationalités modernes (Allemagne, Italie), elles sont devenues superflues.

Le développement économique a, depuis amené une « coalescence organique » entre les différentes parties, et les « bandages » de la démocratie politique peuvent être enlevés sans danger pour l’organisme des sociétés bourgeoises.

Les mêmes considérations valent pour la transformation en un mécanisme capitaliste du mécanisme féodal de toute la machine politico-administrative de l’Etat.

Cette transformation qui, au point de. vue historique, a été indissolublement liée à la démocratie, s’est accomplie aujourd’hui dans une mesure telle que les « ingrédients » purement démocratiques de l’Etat ; le suffrage universel, la forme républicaine, peuvent être éliminés sans danger, sans que l’administration, les finances, la défense nationale retombent dans les formes d’avant 48-

Si donc, à ce point de vue, le libéralisme est, pour la société bourgeoise, essentiellement superflu, à un autre point de vue non moins important il est devenu pour elle un obstacle immédiat. Ici il faut prendre surtout en considération deux facteurs, qui dominent toute la vie politique de l’Etat moderne : la politique mondiale et le mouvement ouvrier — qui ne sont que deux côtés différents de la phase actuelle du développement capitaliste.

Le développement de l’économie mondiale, l’accentuation et la généralisation de la concurrence sur le marché mondial ont fait du militarisme et du ce « marinisme » le moment déterminant de la vie intérieure et de la vie extérieure de tous les grands Etats. Mais si la politique mondiale et le militarisme présentent indubitablement—parce que liés aux besoins économiques du capitalisme, — une tendance ascendante de la phase actuelle, il en résulte logiquement que la démocratie bourgeoise doit suivre une marche descendante. — et nous en trouvons l’exemple le plus frappant dans les Etats-Unis depuis la guerre espagnole.

En France, la République doit surtout son existence à la situation politique internationale, qui rend une guerre momentanément impossible.

En Allemagne, l’ère récente des « grands armements » et la politique mondiale inaugurée à Kiau-Tchéou a été immédiatement payée par deux sacrifices de la démocratie bourgeoise, la décomposition du libéralisme et la défaillance du centre catholique.

Si donc la politique extérieure de la bourgeoisie la pousse dans les bras de la réaction, il en est de même de sa politique intérieure — déterminée par l’ascension de la classe ouvrière. Bernstein lui même le reconnaît en rendant responsable de la désertion de la bourgeoisie ; libérable la légende de l’Ogre démocrate socialiste, c’est-à-dire les tendances socialistes de la classe ouvrière, et c’est pour celte raison qu’il conseille au prolétariat d’abandonner son but final, afin de tirer du terrier réactionnaire le libéralisme effrayé jusqu’à la mort.

Mais avec cela, il prouve de la façon la plus frappante—en faisant aujourd’hui du rejet du mouvement ouvrier socialiste la condition vitale et la « présupposition » sociale de la démocratie bourgeoise —, que cette démocratie est contradictoire au développement de la tendance intérieure de l’évolution de la société bourgeoise et dans la même mesure que le mouvement ouvrier est le produit direct de cette tendance.

Mais il prouve encore autre chose. En faisant de l’abandon par la classe ouvrière du but final socialiste, la condition et la présupposition de la résurrection de la démocratie bourgeoise, il montre combien peu au contraire la démocratie bourgeoise peut être une condition et une présupposition nécessaire du mouvement socialiste et de sa victoire.

Ici, le raisonnement de Bernstein aboutit à un cercle vicieux, sa dernière conclusion détruisant sa première supposition.

Le moyen de sortir de ce cercle est très facile ; du fait que le libéralisme bourgeois a rendu l’âme, par peur du mouvement ouvrier ascendant et de son but final, il ne résulte que ceci : c’est que le mouvement ouvrier peut être et est aujourd’hui l’unique soutien de la démocratie ; que le sort du mouvement socialiste n’est pas lié à la démocratie bourgeoise, mais au contraire que le sort de la démocratie est liée au mouvement socialiste ; que la démocratie n’acquiert pas d’autant plus de vitalité que la classe ouvrière abandonne plus la lutte pour son émancipation, mais au contraire qu’elle en acquiert dans la mesure où le mouvement socialiste devient assez fort pour combattre les conséquences réactionnaires delà politique mondiale et de la désertion de la bourgeoisie ; que quiconque désire le renforcement de la démocratie doit aussi désirer le renforcement—et non pas l’affaiblissement—du mouvement socialiste ; enfin qu’en abandonnant les tendances socialistes, on abandonne en même temps la démocratie.

Bernstein déclare à la fin de sa « réponse » à Kautsky dans le Vorwaerts qu’il est complètement d’accord avec la partie pratique du programme de la démocratie socialiste et que s’il a quelque objection à faire, c’est uniquement contre la partie théorique. Malgré tout cela il croit encore pouvoir marcher à bon droit dans les rangs du Parti, « car, pour lui, quelle importance y a-t- il, à ce que dans la partie théorique il y ait une phrase qui ne soit pas à l’unisson de sa conception ? » Cette déclaration prouve tout au plus combien Bernstein a perdu le sens de la connexité entre l’action pratique de la démocratie socialiste et ses principes généraux, combien les mêmes mots ont cessé d’exprimer les mêmes choses pour le « Parti » et pour « Bernstein ». En réalité, les théories propres à Bernstein conduisent à cette conception socialiste très élémentaire que, sans les principes fondamentaux, toute la lutte pratique devient inutile et sans valeur, qu’avec l’abandon du but final le mouvement lui-même doit sombrer.

(1) Nous reproduisons le passage auquel Rosa Luxemburg fait allusion :

« La fonction principale des syndicats (et personne ne l’a mieux prouvé que Bernstein lui-même, il y a sept ans, dans la NeueZeit) consiste en ce qu’ils fournissent aux ouvriers le moyen de réaliser la loi capitaliste des salaires, c’est-à-dire la vente de la force de travail d’après la situation du marché. Ce en quoi les syndicats servent au prolétariat, c’est qu’ils lui permettent de tirer profit des conjonctures du marché à chaque moment donné. Mais ces conjonctures elles-mêmes, c’est-à-dire d’une part la demande de la force de travail déterminée par l’état de la production, et d’autre part l’offre de cette force de travail conditionnée par la prolétarisation et par la reproduction naturelle, et enfin le degré donné de la productivité du travail, — tout cela se trouve en dehors de la sphère d’action des syndicats. Et c’est pour cela qu’ils ne peuvent pas renverser la loi des salaires. Ils peuvent tout au plus replacer l’exploitation capitaliste dans ses limites « normales », mais en aucun cas supprimer progressivement cette exploitation capitaliste elle-même.

« Conrad Schmidt, il est vrai, traite le mouvement syndicat présent de « stade initial faible », et il annonce qu’à l’avenir « le « syndicalisme exercera une influence croissante sur la production elle-même ». Mais on ne peut comprendre que deux choses sous ce mot « réglementation de la production » : i° l’intervention dans la technique du processus de production ; 2° la détermination de l’étendue de la production. Quelle peut être, sur ces deux questions, la nature de l’action des syndicats ? Il est évident que, pour ce qui est de la technique de la production, l’intérêt d’un capitaliste pris individuellement se confond complètement avec le progrès et le développement de l’économie capitaliste. Ce sont ses propres besoins qui le poussent aux améliorations techniques. Mais la situation d’un ouvrier pris individuellement est précisément tout à fait le contraire ; toute amélioration technique est en opposition avec les intérêts des ouvriers, qui en sont atteints directement, et empire leur situation immédiate, en dépréciant la valeur de la force de travail. En tant que le syndical peut intervenir dans la technique de la production, il ne peut le faire que dans le sens que nous venons d’indiquer, c’est-à-dire agir dans l’intérêt du groupe d’ouvriers directement intéressé, en s’opposant à toutes les innovations. Or, dans ce cas, il n’agit pas dans l’intérêt de la classe ouvrière prise dans son ensemble et dans le sens de son émancipation, — lesquels concordent plutôt avec le progrès technique, c’est-à-dire avec- l’intérêt d’un capitaliste pris individuellement ;—mais précisément dans le sens contraire, dans le sens de la réaction. Et, en effet, nous trouvons celle tendance d’agir sur la technique de la production, non pas dans l’avenir, où la cherche Conrad Schmidt, mais dans le passé du mouvement syndical : elle est ta marque caractéristique de l’ancienne phase du trade-unionisnie anglais (jusqu’en 1860 environ), pendant laquelle il se rattachait encore aux traditions des corporations du Moyen-Age, et s’appuyait d’une façon caractéristique sur le principe suranné « du droit acquis à un travail,convenable ».

« Par contre, la tendance des syndicats à déterminer l’étendue de la production et les prix des marchandises est un phénomène de date tout à fait récente. Ce n’est que tout dernièrement que nous avons vu (de nouveau en Angleterre seulement) surgir des tentatives dirigées dans ce sens.

« Mais aussi bien, pour ce qui est de leur caractère et de leurs tendances, ces tentatives valent celles qui précèdent. Car en somme à quoi se réduit nécessairement la participation active des syndicats dans la détermination de l’étendue et des prix de la production marchande ? — A un cartel des ouvriers et des patrons contre le consommateur, — et notamment en employant à l’égard des patrons en concurrence des mesures de compression qui ne cèdent en rien aux méthodes employées par les syndicats patronaux réglementaires. Ce n’est plus en fait une lutte entre le travail et le capital, mais une lutte solidaire du capital et du travail contre les consommateurs. Au point de vue de sa valeur sociale, c’est une entreprise réactionnaire qui ne peut devenir une étape clans la lutte que le prolétariat mène pour son émancipation, pour la raison qu’elle représente plutôt le contraire de la lutte des classes. Au point de vue de sa valeur pratique ;, c’est une utopie qui, comme quelques instants de réflexion doivent le faire voir, ne pourra jamais s’étendre, à des branches de production d’une certaine importance ; et produisant pour le marché mondial.

« L’activité des syndicats si ; borne donc essentiellement à la lutte pour le salaire et pour la réduction de la journée de travail, c’est-à-dire à la simple, réglementation de l’exploitation capitaliste d’après la situation du marché ; l’action sur le processus de production leur est fermée par la nature même des choses. Plus encore. Toute la marche du développement syndical tend précisément, à l’encontre de ce que dit Conrad Schniidt, à supprimer complètement tout rapport immédiat entre le marché du travail et le reste du marché. Le l’ait le plus significatif, à ce sujet, c’est
même la tendance de mettre le contrat de travail au moins en rapport passif avec la situation générale de la production, à l’aide du système de l’échelle mobile, qui est actuellement complètement dépassé par l’évolution, et dont les trades-unions anglaises se détournent de plus en plus. »

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4 décembre 2024 3 04 /12 /décembre /2024 20:00
Monatte. Sa lettre de démission au Comité Confédéral de la C.G.T.
1914. Ils furent peu nombreux au sein du mouvement ouvrier à refuser la guerre. Luxemburg, Liebknecht et leur courant au sein de la social-démocratie allemande. Et en France, un symbole ... Pierre Monatte

Décembre 1914


Camarades,

Après le vote émis dans sa séance du 6 décembre par le Comité Confédéral, je considère comme un devoir de renoncer au mandat que vous m'aviez confié.

Voici les raisons qui ont dicté ma détermination : au cours de ces cinq derniers mois, c'est avec stupeur, avec douleur, que j'avais vu le Comité Confédéral enregistrer purement et simplement l'acceptation par son secrétaire général d'une mission officielle de commissaire de la nation.

Quelques semaines plus tard, la Commission Confédérale envoyée à Bordeaux consentir à faire une tournée de conférences pour le compte du gouvernement.

Des militants syndicalistes, des fonctionnaires d'organisations, tenir un langage digne de purs nationalistes. Aujourd'hui, le Comité Confédéral vient de refuser sa sympathie aux efforts tentés eu vue de la paix par les socialistes des pays neutres. Pour le Comité Confédéral, parler en ce moment de paix constituerait une faute, presque une trahison, une sorte de complicité dans une manœuvre allemande, tout comme pour Le Temps et pour le gouvernement. Dans ces conditions, il m'est impossible de rester plus longtemps dans son sein, car je crois, au contraire, que parler de paix est le devoir qui incombe, en ces heures tragiques, aux organisations ouvrières conscientes de leur rôle.

Le 22 novembre, le secrétaire confédéral donnait connaissance au Comité d'une invitation à la Conférence des socialistes des pays neutres organisée à Copenhague, pour les 6 et 7 décembre par les partis socialistes scandinaves. M'opposant au passage à l'ordre du jour, je faisais la proposition suivante : que la C.G.T. répondit en assurant les socialistes scandinaves que, s'il nous était impossible d'envoyer un délégué, nous suivrions cependant leur efforts en faveur de la paix avec la plus grande sympathie et que nous faisions des vœux pour le succès de Copenhague. A la séance du 29 novembre, la fédération des Métaux déposait une résolution motivée, inspirée du même esprit, à laquelle je me ralliai avec empressement.

Comment et par qui elle fut combattue ? Par quels arguments ?

Il serait trop long de le dire ici ; mais les procès-verbaux du Comité Confédéral 22 novembre, 29 novembre et 6 décembre vous fixeront sans doute un jour prochain.

Le 6 décembre, le Comité Confédéral se trouvait devant trois propositions : une première, de la Fédération du Bâtiment, tendant à ne faire aucune réponse ; une seconde, de Luquet, comportant des restrictions importantes et l'accord de la C.G.T. et du Parti sur un texte commun de réponse ; enfin celle des Métaux. Le Comité se prononça d'abord sur la proposition à caractère préjudiciel du Bâtiment, l'adoptant par 22 voix contre 20 et 2 abstentions. Il est hors de doute que la proposition des Métaux aurait été écrasée, le 6 décembre, par une forte majorité.

Ainsi, une nouvelle fois, des appels socialistes en faveur de la paix n'auront trouvé aucun écho dans les organisations centrales françaises, ni dans la presse ouvrière de ce pays, celle-ci allant même jusqu'à refuser de les reproduire. Appels et initiatives conformes cependant à la résolution des congrès socialistes internationaux de Stuttgart, de Copenhague et de Bâle, qui déclare :

" Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, c'est le devoir (aux classes ouvrières) de s'entremettre pour faire cesser promptement et d'utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste ".

Ce devoir, Keir Hardie et l'Independent Labour Party, en Angleterre, se sont efforcés, dès le premier jour, de le remplir ; ainsi que les deux partis socialistes russe ; de même que les socialistes italiens et suisses dans leur Conférence de Lugano et le parti socialiste américain par son initiative d'un Congrès socialiste international extraordinaire. C'est le devoir que vient de remplir Karl Liebknecht et avec lui une minorité du parti socialiste allemand par sa protestation au Reichstag, le 2 décembre :

" Une paix rapide qui n'humilie personne, pour une paix sans conquêtes, voilà, déclare-t-il, ce qu'il faut exiger. Tous les efforts dirigés dans ce sens doivent être bien accueillis.
Seule, l'affirmation continue et simultanée de cette volonté, dans tous les pays belligérants, pourra arrêter le sanglant massacre avant l'épuisement complet de tous les peuples intéressés. " Seule, une paix basée sur la solidarité internationale de la classe ouvrière et sur la liberté de tous les peuples peut être une paix durable. C'est dans ce sens que les prolétariats de tous les pays doivent fournir, même au cours de cette guerre, un effort socialiste pour la paix ".

Il est incompréhensible, dans une certaine mesure, que les masses du peuple, trompées et excitées journellement par la presse, par toute la presse, aient accepté comme articles de foi toutes les déclarations gouvernementales. Mais que les militants du syndicalisme n'aient pas montré plus de plus de clairvoyance, qu'ils n'aient pas apporté plus de sens critique à l'examen des allégations gouvernementales, qu'ils se soient laissé gagner par la fièvre de la vanité nationale, qu'ils aient perdu le souvenir des principes qui guidaient jusqu'à maintenant leur action, voilà le plus attristant spectacle.

Quand Poincaré, il y aura deux ans le mois prochain, monta à la présidence de la République, certains d'entre nous se dirent : " Nous aurons la guerre avant la fin de son septennat ".

Nous l'avons eue moins de deux ans après. Cette guerre prévue, redoutée par nous, cette guerre voulue, préparée par nos politiciens de l'esprit national, c'est elle que la majorité du Comité Confédéral envisage maintenant comme une guerre de libération pour l'Europe, comme une guerre capable de porter la liberté et la République à l'Allemagne et de ruiner le militarisme universel.

Quelle illusion !

Cette guerre, dont l'attentat de Sarajevo ne fut que le prétexte, a ses sources réelles dans le duel économique anglo-allemand et dans la rivalité germano-slave.

L'alliance russe, déjà la honte de la République française, a précipité notre pays dans le gouffre. L'alliance russe et les ambitions marocaines de nos coloniaux. Le Kaiser n'a fait qu'avancer l'heure de la conflagration européenne. Sa responsabilité en est plus lourde que celle d'aucun gouvernement ; mais celle des gouvernements français, russe et anglais n'est pas légère.

Encore n'est-il pas établi que le gouvernement français ait tout fait pour sauvegarder la paix dans la dernière semaine de juillet. Nul ne doute que la diplomatie secrète - aux méfaits tant de fois dénoncés - ait joué un rôle considérable dans la déclaration de la guerre.

Les travailleurs conscients des nations belligérantes ne peuvent accepter dans cette guerre la moindre responsabilité ; elle pèse, entière, sur les épaules des dirigeants de leurs pays. Et loin d'y découvrir des raisons de se rapprocher d'eux, ils ne peuvent qu'y retremper leur haine du capitalisme et des Etats. Il faut aujourd'hui, il faudrait plus que jamais conserver jalousement notre indépendance, tenir résolument aux conceptions qui sont nos nôtres, qui sont notre raison d'être.

Si on les croit fausses, qu'on le dise !

Alors seulement on aura le droit de faire du nationalisme sous toutes ses formes, nationalisme politique et nationalisme économique. Mais je crains fort que nos organisations centrales, en France comme en Allemagne, C.G.T. comme Parti socialiste, Union Syndicale internationale comme Internationale socialiste, n'aient signé leur faillite. Elles venaient de se révéler trop faibles pour empêcher la guerre, après tant d'années de propagande organisatrice. Mais on pouvait encore se dire que la faute en incombait peut-être aux masses restées à l'écart et qui n'avaient pas compris les devoirs de l'internationalisme. Cette dernière lueur d'espoir vacille sous les paroles des militants d'un pays à l'autre. C'est au centre que le feu, c'est-à-dire la foi, a manqué.

Si l'humanité doit connaître un jour la paix et la liberté, au sein des Etats-Unis du monde, seul un socialisme plus réel et plus ardent, surgissant des désillusions présentes, trempé dans les fleuves de sang d'aujourd'hui, peut l'y mener. Ce n'est pas, en tout cas, les armées des alliés, non plus que les vieilles organisations déshonorées qui le peuvent. C'est parce que je crois, chers camarades du Gard et du Rhône que la C.G.T. s'est déshonorée par son vote du 6 décembre, que je renonce, non sans tristesse, au mandat que vous m'aviez confié.

A lire, comme toujours chez maspero, pierre monatte, la lutte syndicale

et sur le net le texte reproduit ici : https://www.marxists.org/francais/monatte/works/1914/12/monatte_19141200.htm

 

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3 septembre 2024 2 03 /09 /septembre /2024 11:40
 
Cahiers d'Histoire 2023.G ilbert Badia et Nicolas Offenstadt, Le Spartakisme. Les dernières années de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, 1914-1919.Ivry-sur-Seine, Éditions Otium, 2021, 448 p., 25 €. Daria Dyakonova
 
 

« Spartacus ! Quelles résonances ce nom a-t-il pour le lecteur français d’aujourd’hui ? Quelles figures évoque-t-il ? » C’est avec ces mots que Gilbert Badia ouvre son livre sur le mouvement révolutionnaire et socialiste allemand durant la Première Guerre mondiale, et spécifiquement sur ses protagonistes et martyrs Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. L’ouvrage de Gilbert Badia, germaniste, traducteur (y compris de Marx), historien et militant communiste, écrit dans les années 1960 et publié pour la première fois en 1966, fait en 2021 l’objet d’une réédition.

 

Cet ouvrage, loin d’être un simple « reprint » selon les éditeurs, présente en effet une édition augmentée, enrichie en notes infrapaginales, en notices biographiques aussi bien qu’en iconographie. La réédition contient en outre une préface analytique riche de l’historien français Nicolas Offenstadt. Ce dernier y précise d’ailleurs que le livre de Badia reste une contribution unique en langue française sur l’histoire des spartakistes, et plus largement sur la Grande Guerre en Allemagne et les mouvements de gauche. Cela explique, selon Offenstadt, la pertinence de sa réédition. J’ajouterai ici que l’intérêt des lecteurs envers le mouvement révolutionnaire allemand pendant et après la Grande Guerre reste très fort, comme en témoigne le succès des éditions en allemand, en anglais et en français de l’œuvre de Rosa Luxemburg, entrepris depuis quelques décennies déjà par le collectif Smolny (éditions Agone) et les éditions Spartacus, aussi bien que d’autres ouvrages sur la période répertoriés dans la section « Pourquoi rééditer » du livre1.

 

Le travail de Gilbert Badia reste, en outre, incontournable pour tout·e historien·ne de la gauche, même s’il est rarement cité, grâce aux sources primaires inclues en annexe par l’auteur, où le lecteur trouvera les lettres de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, aussi bien que les comptes-rendus des réunions des spartakistes ou les notices biographiques rédigées par l’auteur. Le livre comprend quatre parties thématiques et chronologiques divisées en chapitres. Les trois premières parties suivent le mouvement spartakiste et antimilitariste à partir du début de la guerre, jusqu’à l’assassinat de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht et la répression du mouvement spartakiste en janvier 1919. La quatrième partie propose une analyse des activités du mouvement, de ses forces et faiblesses aussi bien que des causes de l’échec de la révolution allemande.

 

L’ouvrage de Gilbert Badia, « curieusement oublié2 » dans l’historiographie française, permet de revisiter le concept du « luxemburgisme » et le débat sur l’anti-léninisme de Rosa Luxemburg, souvent mis en avant – à tort selon Gilbert Badia  par certains courants et historiens de gauche de son époque. Ajoutons ici que ces débats restent d’actualité et sont souvent interpellés, tant par la gauche que par la droite, en France et ailleurs. Enfin, cette lecture, très bien documentée mais aussi inspirante, encourage également à revenir sur l’action et la personnalité de Gilbert Badia lui-même, dont « la vie mériterait d’être longuement racontée et étudiée3 » et qui, pendant la guerre froide, œuvrait à l’établissement et au renforcement des liens politiques, culturels et intellectuels entre l’Allemagne de l’Est socialiste et la France.

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Pour citer cet article. Référence électronique :Daria Dyakonova, « Gilbert Badia et Nicolas Offenstadt, Le Spartakisme. Les dernières années de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, 1914-1919 », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 156 | 2023, mis en ligne le 06 juin 2023, consulté le 03 septembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/chrhc/21651 ; DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.2

Lire aussi la critique du Monde Diplomatique, septembre 2021

 

On connaît, ou on croit connaître, Rosa Luxemburg. Mais, derrière l’icône « Rosa », il y a toute une fraction du mouvement ouvrier allemand, dont la belle réédition du livre classique de Gilbert Badia vient rappeler les contours. Badia, pionnier des études germaniques dans ce domaine, relate les combats des minoritaires du Parti social-démocrate (SPD) contre la première guerre mondiale, leur rupture avec la majorité, leur travail d’organisation et de propagande dans un Reich que l’annonce de la révolution russe de 1917, l’approche de la défaite et l’agitation populaire mettent sous haute tension. Il retrace avec clarté les étapes de l’affrontement entre les spartakistes, fondateurs en décembre 1918 du Parti communiste d’Allemagne (KPD), et les sociaux-démocrates, qui, alliés aux forces les plus conservatrices, veulent assurer par tous les moyens le retour à l’ordre. Intellectuel engagé sans complaisance, il s’efforce de caractériser au plus juste ces spartakistes que l’on assimile trop souvent aux bolcheviks, offrant ainsi un tableau historique qui, cinquante ans après sa première publication, mérite encore d’être lu.

Antony Burlaud

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24 août 2024 6 24 /08 /août /2024 19:48
Karl Liebknecht 1910

Bien que peu enthousiaste concernant la colorisation, j'apprécie cet artiste qui porte son travail à la hauteur d'un art, sans facilité. https://www.facebook.com/photo.php?fbid=998579368491158&id=100050173133372&set=a.346318410383927

 

J'utilise cette occasion pour rappeler le travail en cours ici sur Karl Liebknecht:

Sur le blog, de nombreuses traductions de textes sont disponibles et donnent accès ainsi à des écrits et discours qui resteraient sinon à ce jour inconnus des non germanophones, et des transcriptions de textes traduits mais peu disponibles sous forme papier.

 

Quelques mots sur l'année 1910, qui pour Karl Liebknecht comme pour Rosa Luxemburg, et tout ce courant de pensée et d'action, constitue une année charnière, dans l'affrontement avec l'ancrage du révisonnisme dans le parti et les syndicats.

Ci-dessous la reproduction d'un article du blog qui témoigne de son activité intense :

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2021/11/1910.de-son-action-comme-elu-au-conseil-municipal-de-berlin-a-ses-interventions-aux-congres-de-copenhague-et-de-magdebourg.html

 

Puis puisqu'il s'agit du Congrès de Magdebourg, son intervention pour Rosa Luxemburg à propos de la grève de masse, point hautement litigieux et inflammable à ce Congrès décisif et tumultueux.(en allemand)

 

1910. De son action comme élu à la Chambre des représentants de Prusse à ses interventions aux Congrès de Copenhague et de Magdebourg.

L'année 1910 est marquée pour Karl Liebknecht par ses interventions nombreuses au Parlement de Prusse où il a été élu alors qu'il effectuait encore une peine de 18 mois de prison suite à la publication de son écrit "Militarisme et antimilitarisme". Et le Congrès du parti social-démocrate de Magdebourg.

Ses interventions concernent essentiellement, les budgets,  la justice de classe, la police et le militarisme, l'endoctrinement de la jeunesse, la culture, les droits économiques des plus faibles, le système électoral, tous thèmes qui parcourent toute son action.

 

07.02.1910. Contre la justice de classe prussienne (Discours à la Chambre des représentants de Prusse à propos du budget de la justice).

12.02.1910. En avant ! Éditorial du Märkische Volksstimme.             

21.02.1910. Contre l’utilisation par les employeurs de l'attestation de travail (Discours à la Chambre des représentants de Prusse)                         

23.02.1910. Police et armée – Dernières armes de la politique intérieure prussienne (Discours à la Chambre des représentants de Prusse à propos du budget du ministère de l’Intérieur)

23.02.1910. La réaction prussienne et la volonté du peuple (Compte rendu d’un discours à Nowawes)                         

Nowawes

Nowawes

26 et 28.02.1910. L’action de la police en Prusse (Discours à la Chambre des représentants de Prusse à propos du budget du ministère de l’Intérieur)                                                                                 

14 et 16.03.1910. Le combat contre le système électoral à trois classes (Discours à la Chambre des représentants de Prusse à propos de la deuxième et troisième lecture du projet de loi sur le système électoral)    

Les 21, 22, 23 avril 1910. Contre l’éducation militaire et monarchiste de la jeunesse (Discours à la Chambre des représentants de Prusse à propos du budget de la culture)                                                      

25.04.1910. Pour la liberté de la science (Discours à la Chambre des représentants de Prusse à propos du budget de la culture)                

28.04.1910. Art et science pour le peuple (Discours à la Chambre des représentants de Prusse à propos du budget de la culture)              

05.05.1910. Contre l'arbitraire policier en Prusse (Discours à la Chambre des représentants de Prusse sur le budget du Ministère de l’Intérieur)     

20.05.1910 – 10.08.1910 - 24.08.1910. Le dimanche sanglant de Halle (Comptes rendus des procès contre des manifestants pour le droit électoral à Halle)                                                                

24.05.1910. La loi sur la presse – une loi contre-révolutionnaire (Discours à la Chambre des représentants de Prusse justifiant la requête social-démocrate )                                                                   

24.05 et 02.06.1910. Pour la suppression du paragraphe sur le vagabondage (Concernant  la motion du parti social-démocrate)                                                                                                            

02 .06.1910. Mêmes frères – mêmes habits (Requête personnelle contre la tolérance de la présence d’agents  et policiers tsaristes en Allemagne)        

04.06.1910. Pour une prison sur des bases sociales – contre la concurrence du  travail pénitentiaire (Discours à la Chambre des représentants de Prusse à propos d’une requête du Parti conservateur)  

06.06.1910. Pour une liberté d'action politique des fonctionnaires prussiens (Discours à la Chambre des représentants de Prusse à propos d’une requête du Fortschriftliche Volkspartei concernant la nouvelle réglementation légale du droit des fonctionnaires)  

06.06.1910.  Contre l'arbitraire de l’administration prussienne (Discours en relation avec la requête social-démocrate)   

13.06.1910. Pour la liberté politique des étudiants  (A propos d'une requête du Fortschriftliche Volkspartei)

14.06.1910. L'ordonnance qui réglemente le travail des domestiques et ouvriers agricoles doit être abrogée (Discours à la Chambre des représentants de Prusse à propos de plusieurs pétitions concernant les lois sur le travail domestique)                                                            

https://st.museum-digital.de/index.php?t=objekt&oges=38139

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15.06.1910. Contre l'application de la loi sur les associations du Reich en Prusse (Discours à la Chambre des représentants de Prusse, sur une motion social-démocrate pour l'abrogation du paragraphe sur les langues et la facilitation du droit de réunion)                                                                                               

 

29.06.1910. La jurisprudence prussienne et les restaurateurs (Compte rendu du discours prononcé lors de la 5eme journée de l’Association des restaurateurs et débitants de boissons indépendants à Berlin)                          

 

14.08.1910. Avant le Congrès de Magdebourg (Discours électoral de la circonscription Postdam-Spandau-Osthavelland)                                               

4/5.09.1910. Deuxième conférence internationale des organisations de jeunesse, Copenhague           

            . Le militarisme

                        . Extrait d’un article sur le déroulement

                        . Thèses

Du 18 au 24 septembre 1910. Congrès de Magdebourg

           .  Pour l’unité et la cohésion du parti

            . Contre la réaction tsariste et borussienne

23.09.1910 Combat pour le système électoral et la grève de masse                                                   

14.10.1910 et 02.12.1910. Karl Liebknecht aux USA                                                               

1910. De son action comme élu à la Chambre des représentants de Prusse à ses interventions aux Congrès de Copenhague et de Magdebourg.

15.12.1910. Quelques remarques sur le voyage aux Etats-Unis   

 

Karl Liebknecht: Wahlrechtskampf und Massenstreik

Diskussionsrede zu einem Antrag Rosa Luxemburgs

[Protokoll über die Verhandlungen des Parteitages der Sozialdemokratischen Partei Deutschlands. Abgehalten in. Magdeburg vom 18. bis 24. September 1910, Berlin 1910, S. 447-449. Nach Karl Liebknecht, Gesammelte Reden und Schriften, Band 3, S. 498-501]

 

Genosse Leinert hat es für zweckmäßig gehalten, mich persönlich anzugreifen und zu ironisieren. Er meint, dass ich als Mitglied der preußischen Fraktion mit Rücksicht auf den Beschluss der preußischen Landeskommission1 den Antrag Luxemburg nicht hätte unterzeichnen dürfen. Habe ich wirklich nötig, darüber ein Wort zu verlieren, wie gänzlich deplatziert und unverständlich dieser vom Zaun gebrochene Angriff ist! Ernst hat doch klar genug auseinandergesetzt, dass der Beschluss der Landeskommission dahin ging, in der damaligen Aktion von Landeskommissions wegen nach Möglichkeit Erörterungen zu vermeiden, die Verwirrung hätten anrichten können. Stecken wir denn heute noch in der Aktion drin oder sind wir nicht vielmehr in der „Pause", von der Ernst sprach? Ich schüttele also diesen Angriff mit einer Handbewegung von mir ab. Ebenso die nicht gerade geschmackvolle Bemerkung über meinen Vater. Hat er jemals gesagt, er sei bereit, innerhalb von 24 Stunden 24mal gegen grundlegende Parteitagsbeschlüsse zu verstoßen? (Zuruf: „Die Taktik zu ändern!") Bitte sehr, Leinert hat das bekannte Wort meines Vaters erstaunlicherweise erwähnt, um mich wegen meiner Haltung zur Disziplinfrage mit meinem Vater zu kontrastieren. Ich habe natürlich auch nicht gesagt – wie Leinert spotten zu dürfen glaubt –, dass ich die Disziplin mit der Muttermilch eingesogen habe, das wäre ja lächerlich, sondern dass ich mit der Muttermilch eingesogen habe die Worte meines Vaters, dass die Disziplin ein Heiligtum, der Stolz und eine Lebensnotwendigkeit der Partei sei. Ich will aber die lange Diskussion darüber nicht um Leinerts Bemerkungen willen wieder eröffnen.

 

Es ist ganz unzweifelhaft, dass wir hier über den preußischen Wahlrechtskampf sprechen können ebenso wie über die Wahlrechtskämpfe anderer deutscher Staaten; das tut ja der Parteitag seit Beginn der Erörterung dieses Punktes, das tut auch die Resolution des Parteivorstandes. Auch die Anzweiflung der Kompetenz des Parteitages in Bezug auf die Resolution Luxemburg ist also gänzlich deplatziert

 

Ich würde es für ungemein zweckmäßig halten, wenn künftig bei Wahlrechtskämpfen die Genossen all jener Staaten, in denen ungefähr gleiche wahlrechtliche Verhältnisse existieren wie in Preußen, sich in engere Verbindung, in innigere Fühlung setzen würden, um den Kampf gemeinsam, zunächst nach einem Plane, zu führen. Auf diesem Gebiete ist noch manches zu tun, wenngleich ich anerkenne, damit keinen neuen Gedanken auszusprechen, sondern etwas, was als ganz selbstverständlich von jedem einzelnen preußischen Wahlrechtskämpfer empfunden wird.

 

Wir sind uns über die Einzelheiten der nächsten Zukunft des preußischen Wahlrechtskampfes keineswegs klar. Es wäre falsch zu sagen, die nächste Wahlrechtsaktion werde unbedingt der nächste Wahlkampf sein. Es ist durchaus nicht ausgemacht, dass uns nicht vorher eine neue Vorlage zugeht oder dass wir nicht durch die politische Situation schon vor den nächsten Reichstagswahlen, wenn die Regierung zögern sollte, einen neuen Entwurf vorzulegen, genötigt werden, einen Druck von außen auf sie zu üben.

 

Unzutreffend ist die Ansicht, dass ein einheitlicher Beschluss die Hauptsache sei. Die Hauptsache ist, dass aus den Erörterungen und Beschlüssen des Parteitags mit einer nichts zu wünschen übriglassenden Deutlichkeit das größtmöglichste Maß von Entschlossenheit hervorgeht, den Wahlrechtskampf zum guten Ende zu führen, mag auch der Weg dahin noch so bitter sein. Darum ist auch die Resolution Luxemburg wohl am Platze. Sie ist nicht anders gemeint, als Genossin Zetkin in wahrhaft klassischer Weise dargelegt hat. Natürlich wünscht der zweite Absatz eine Einwirkung auf den preußischen Wahlrechtskampf, aber nicht in dem Sinne, dass eine Massenstreikaktion inszeniert werden soll, sondern in dem Sinne, dass wir den Boden lockern wollen, damit der Entschluss zum Massenstreik im entscheidenden Moment rascher und besser Wurzel schlägt; in dem Sinne, dass wir die Entwicklung derjenigen Disposition fördern wollen, die die Massen befähigt, im rechten Augenblick von ihrer schärfsten Waffe rasch, kühn und energisch den rechten Gebrauch zu machen. Dagegen sollte doch wahrlich nichts eingewendet werden.

 

Und es scheint mir auch, dass alle Bedenken gegen die Zuständigkeit des Parteitags für die gewünschte Stellungnahme zum Massenstreik unbegründet sind. Ich bin fest überzeugt, dass es der Genossin Luxemburg wie allen Unterzeichnern des Antrages fern liegt, in die Befugnis der Gewerkschaften, bei Massenstreikaktionen mitzuwirken, irgend eingreifen, diese Befugnis in irgendeiner Weise beschneiden zu wollen; das will der Antrag nicht, schon weil er von einer Massenstreikaktion gar nicht handelt. Aber auch wenn man schon die Empfehlung der Erörterung des Massenstreiks als eine solche Aktion ansehen würde, läge kein Bedenken vor. Wenn es heißt: „Der Parteitag erklärt für notwendig" usw., so ist damit noch nicht gesagt, dass diese Meinungsäußerung sofort und ohne weiteres in die Tat umgesetzt werden soll; es bleibt die Möglichkeit gewahrt, vorher noch das Einvernehmen mit den Gewerkschaften herzustellen. Man könnte schließlich, um jeden Stein aus dem Weg zu räumen, einfügen: „nach Vereinbarung mit den Gewerkschaften". Das würde geeignet sein, die letzten formalen Bedenken, die meiner Ansicht nach aber überhaupt nicht zutreffen, zu zerstören.

 

Ganz selbstverständlich ist es, dass jeder Einzelne von uns durch die Beschlüsse von Jena und Mannheim legitimiert ist, den Massenstreik zu erörtern und Propaganda für ihn zu treiben. (Zustimmung.) Dies ist auch für die Zukunft der Fall. Die Frage ist nur, ob wir von Parteitags wegen geradezu empfehlen wollen, in eine solche Erörterung einzutreten. Man mag den Antrag für überflüssig halten, weil jeder das Recht der Erörterung und Propagierung hat. Man mag auch meinen, es sei besser, wenn hier alles von unten kommt, als wenn es von oben suggeriert oder oktroyiert wird. Diese Bedenken könnten mich am ehesten bewegen, für die Streichung des zweiten Absatzes zu stimmen, aber eben unter der Voraussetzung und ausdrücklichen Feststellung, dass jeder heute das Recht hat, in der ihm angemessen erscheinenden Weise im Interesse der Partei und des Wahlrechtskampfes diese Erörterung und Propaganda zu betreiben. (Zustimmung. Pfannkuch: „Wer hat das je bestritten?") Ich behaupte ja gar nicht, dass es bestritten worden ist, aber es haben Missverständnisse bestanden.

Leinert hat dann noch versichert: Wann der Generalstreik kommt, das weiß nicht die Genossin Luxemburg, das weiß der Parteivorstand und die Generalkommission; diese mechanische und bürokratische Auffassung vom Wesen des Massenstreiks braucht nur erwähnt zu werden, um sofort erledigt zu sein. Das wäre ja eine schöne Sorte Massenstreik, die in dieser Weise von oben herab kommandiert werden könnte!

 

Niemand denkt daran, die Taktik für die Zukunft festzulegen; wir wollen nur Erörterungsfreiheit nach allen Richtungen haben, um gerüstet und befähigt zu sein, in der rechten Situation sofort mit Entschiedenheit und Kühnheit diejenige Waffe zu ergreifen, die am geeignetsten ist, endlich in die Junkerfeste Bresche zu schießen, damit man endlich auch einmal den Namen Preuße tragen kann, ohne dabei wie jetzt Schamgefühl zu empfinden. („Bravo!")

 

1 Die preußische Landeskommission der SPD hatte im Frühjahr 1910, inmitten des Wahlrechtskampfes, die Anwendung des politischen Massenstreiks und seine Propagierung als im gegebenen Zeitpunkt „unzweckmäßig" erklärt. Sie fügte die nichtssagende Erklärung hinzu, dass sie das Mittel des Massenstreiks jedoch nicht grundsätzlich verwerfe.

 

Commentaire rapide dans un article du blog : https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/03/karl-liebknecht-et-la-greve-de-masse.le-proletariat-a-ses-bras-et-le-pouvoir-de-les-utiliser-ou-de-les-croiser.html

La discussion autour de la grève de masse s’enflamme de nouveau au Congrès de Magdebourg, en 1910. C’est l’époque où la lutte contre la « réforme »  du droit de vote en Prusse voulu par le pouvoir impérial atteint son paroxysme. C’est aussi l’ moment où s’exacerbent encore plus les antagonismes face au développement du réformisme. Rosa Luxemburg rentre en conflit ouvert jusque contre Karl Kautsky, elle se bat contre la volonté du parti sur la notion de république et pour la grève de masse. C’est ce à quoi fait allusion Liebknecht, auquel on reproche d’importer un combat touchant la Prusse dans ce congrès national. Et elle dépose une motion que défend Liebknecht. On voit dans son argumentation un point essentiel, la grève politique de masse n’est pas déclarée mécaniquement par les instances dirigeantes, une grève de cette ordre ne peut être décidée arbitrairement d’en haut. On trouve aussi une référence à Clara Zetkin qui comme lui-même et comme Rosa Luxemburg ou Franz Mehring mènent de conserve ce même combat pour la grève de masse. De même, il précise sa position par rapport à l’action syndicale. Il ne s’agit pas d’interférer dans la tactique syndicale mais de favoriser au sein du parti la connaissance, la conscience de l‘importance de ce moyen de lutte qu’il estime comme être "le plus tranchant" et d’être prêt à ainsi se mobiliser avec rapidité et audace.

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23 août 2024 5 23 /08 /août /2024 12:16
Rosa Luxemburg. Les 9 tomes en accès libre. Un outil incomparable d'étude et de recherche

Les éditions Dietz Verlag, éditeur historique des textes de Rosa Luxemburg propose en accès totalement libre les 9 tomes disponibles sous format papier avec la possibilité d'une recherche par terme.

 

https://rosaluxemburgwerke.de/buecher

 

 

 

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23 août 2024 5 23 /08 /août /2024 11:21
Rosa Luxemburg, épistolière, thèse de Gilbert Badia. L'article de Georges Castellan

A PROPOS DE ROSA LUXEMBURG

https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1976_num_23_4_2374

sem-linkGeorges Castellan Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine Année 1976 23-4 pp. 573-582

Voici donc, imprimée, la monumentale thèse que Gilbert Badia a à Rosa Luxemburg 1. Félicitons-le, tout d'abord, d'avoir trouvé un éditeur qui n'a pas reculé devant l'impression de 800 pages bien pleines, complétées de milliers de notes et de cent pages occupées par les instruments de travail. Beau livre parfaitement satisfaisant au plan de l’édition.

Ceci est d'autant plus important que le premier mérite de l'ouvrage, aux yeux des historiens, est la richesse de sa documentation. La bibliothèque de soixante-quinze pages, signalée par une table des matières spéciale, doit retenir l'attention : tous les écrits — même les télégrammes ! — de Rosa Luxemburg sont recensés en une liste chronologique de 840 numéros. A quoi s'ajoutent les études sur Rosa Luxemburg dans les principales langues européennes, encore que G. Badia signale aussi l'importance des éditions parues au Japon. Par contre on aurait souhaité une « bibliographie générale » plus aérée et mieux classée : l'énumération de 300 ouvrages par ordre alphabétique d'auteurs fait voisiner les ouvrages les plus récents et les écrits des contemporains (en réalité « sources imprimées »), par exemple Badia et Otto Bauer ! 2 Quoi qu'il en soit, nous disposons là d'un irremplaçable instrument de travail.

Par un sous-titre quelque peu étonnant — (la Révolutionnaire occupe tout l'ouvrage, la journaliste et la polémiste un chapitre seulement) — G. Badia a voulu situer exactement son étude. De façon plus explicite il le fait dans son introduction : ce n'est pas une biographie de Rosa Luxemburg, c'est une « biographie intellectuelle », limitée par ailleurs à sa période « allemande », de son arrivée à Berlin le 16 mai 1898 à sa mort tragique dans ce même Berlin 16 janvier 1919. A l'intérieur de ces dates des temps forts et des temps faibles, les premiers marqués en général par la publication d'un ouvrage. D'où les deux premières parties : « Batailles au sein de la social-démocratie », « La Guerre et les Révolutions », qui occupent exactement la moitié du texte. Suivent deux autres parties qui pourront surprendre. Par leurs titres d'abord : la 3e partie, intitulée « Théorie et vocabulaire », est un examen des théories politiques de Rosa Luxemburg, curieusement complété par un chapitre sur son « vocabulaire politique ». La 4e partie, sous l'intitulé « Écriture, discours et personnalité », traite successivement de « la journaliste », la « polémiste », « l'oratrice », « l'écrivain », « l'épistolière », et se termine par des « matériaux pour un portrait ». Cette seconde moitié du livre regroupe en réalité deux études différentes. L'une, dans le prolongement logique de la « biographie intellectuelle » est une synthèse doctrinale de l’auteur étudié. G. Badia la fait autour de trois thèmes : l'analyse marxiste de la société et de l'histoire (chapitre maladroitement intitulé : « Les idées politiques de Rosa Luxemburg » comme si le reste n'appartenait pas aux idées politiques) — la question nationale — l'accumulation du capital et la théorie de l'impérialisme (pourquoi pas tout simplement : l'analyse économique de Rosa Luxemburg ? Et pourquoi « l'accumulation du capital » n'a-t-il pas été replacé dans le déroulement chronologique de la biographie intellectuelle ?) La 4e partie est l'étude de Rosa Luxemburg écrivain, et s'y rattache bien évidemment l'étude du vocabulaire qui clôt la 3e Partie. On pourra en contester les rubriques : « l'écrivain » différent de « l'épistolière » ou de « la polémiste » — tout comme on jugera quelque peu embryonnaire la méthode d'étude du vocabulaire. Mais ces chapitres échappent à notre compétence.

Ils font en tout cas apparaître dans le livre une dualité quelque peu déroutante pour le lecteur. Schématiquement, il y a dans ce volume juxtaposition de deux études : l'une historique et l'autre littéraire. G. Badia n'en est nullement responsable, mais bien le poids excessif des traditions universitaires : catalogué germaniste, l'auteur a été obligé de jouer le jeu de l'étude littéraire — d'où sa quatrième partie annoncée par la première phrase du livre : « Rosa Luxemburg est un grand écrivain allemand ». Je ne pense pas qu'elle l'ait convaincue — pas plus qu'elle n'a convaincu son jury de thèse — et personnellement je regrette qu'un anachronique cloisonnement des disciplines ait, une fois de plus, nui à une grande entreprise. « Biographie intellectuelle » donc. Mais d'emblée une objection : est-il possible de commencer une pareille biographie quand l'auteur a 27 ans et que la bibliographie de ses écrits, qui débute six ans plus tôt, en est déjà au numéro 53 ? Délibérément G. Badia écarte toute la « période polonaise »... puisqu'il s'agit d'une thèse de germanistique ! Pas un mot sur la jeunesse de Rosa Luxemburg au point que ni dans le texte, ni en note de ces 930 pages le lecteur novice en « luxemburgologie » ne trouvera la date et le lieu de naissance de son héros. Mais alors comment comprendre la personnalité de Rosa Luxemburg — objet des remarques intéressantes mais éparses du dernier chapitre, et la genèse de ses idées, fondement même d'une biographie intellectuelle, alors que la critique moderne fait un large appel à la psychologie voire à la psychanalyse sans oublier le classique milieu familial, lui aussi absent 3 ? Le sous-titre de G. Badia aurait donc dû être quelque chose comme « Rosa Luxemburg et le mouvement socialiste en Allemagne, 1898-1919 » — du moins pour les trois parties.

Dans celles-ci, l'historien — et je l'espère le germaniste qui ne réduit pas à la seule littérature la culture qu'il enseigne — trouveront des trésors. Car, fort heureusement, G. Badia déborde le cadre qu'il s'est tracé et nous donne une véritable histoire de l'extrême gauche allemande à travers les grandes batailles à l'intérieur du S.P.D., puis postérieurement à la rupture jusqu'à la fondation du K.P.D. L'on connaît par ses nombreux travaux les positions de G. Badia, et il sait que je ne partage pas toutes ses analyses. Il ne saurait être question dans une simple recension de reprendre — ou de prolonger — des discussions telles celle de Reims ou d'ailleurs. Qu'il me soit permis cependant au fil d'une relecture de souligner les points d'accord et de marquer mes réserves.

Dans la lutte « contre le révisionnisme » (chap. 1) G. Badia note très objectivement certaines faiblesses de l'argumentation de Rosa Luxemburg et aborde le problème de son marxisme : « Héritière de Marx » (sans point d'interrogation). Il se sert d'un argument historique qui n'avait pas été assez utilisé avant lui : le jugement de contemporains qui se voulaient marxistes et agissaient comme tels (Mehring, Radek, Lukacs). Il évite ainsi la querelle théologique du « vrai » marxisme, et situe mieux son personnage dans l'ensemble du mouvement.

La révolution russe de 1905 a inspiré à Rosa Luxemburg sa plus célèbre brochure Grève de masse, parti et syndicats. G. Badia lui consacre des pages fort importantes, soulignant les faiblesses du de l'auteur, en particulier sa méconnaissance du monde paysan. C'était certes un problème essentiel pour la compréhension de la Russie de 1905, mais c'était aussi un facteur non négligeable dans l'Allemagne du début du siècle, surtout sous la forme des liaisons culturelles — et donc politiques — entre la campagne et la petite ville. Rosa Luxemburg en a eu conscience dans son dernier article (« L'ordre règne à Berlin » du 14 janvier 1919), et l'on sait aussi que l'incompréhension du monde paysan fut une des erreurs majeures de Bêla Kun et de la révolution hongroise. A propos de la rupture avec Kautsky (chap. 3), l'auteur fait un bref tableau du S.P.D. à l'époque et conclut qu'il était devenu en fait « une sorte de contre-société empruntant bien des traits à la société allemande elle-même » (p. 142). Excellente formule et qui mériterait de susciter des études précises, relatives au S.P.D., mais aussi au K.P.D. sous Weimar — et dans d'autres pays : je pense qu'on a là l'explication de traits fondamentaux de géographie et de sociologie électorales.

Gros problème, longuement débattu déjà : en 1914 trahison des chefs S.P.D. ou faillite des masses ? Sur ce point G. Badia a beaucoup nuancé sa position depuis sa première Histoire de l'Allemagne en 1962. Il écrit : « II ne nous apparaît pas historiquement fondé de prétendre que le 4 août la direction de la social-démocratie s'est ralliée à la seule politique possible en se bornant à suivre la volonté des masses. Que sa décision n'ait pas suscité d'opposition nombreuse et organisée dans l'immédiat et que la grande majorité des adhérents l'ait par la suite avalisée, cela ne prouve aucunement que toute autre voie était bouchée. Il ne faut pas sous-estimer surtout l'effet de la de presse « justificatrice » appelant à la défense de la patrie contre les Cosaques, qui fut systématiquement menée dans les premiers jours d'août et dont Rosa Luxemburg donne de très nombreux et exemples. Cette campagne de presse a été voulue, approuvée par le Comité directeur. L'aile gauche ne fut pas entendue parce qu'on lui avait fermé la bouche. Peut-être cet élément a-t-il jusqu'ici été mis en avant dans les jugements que les historiens se sont efforcés de porter sur le coup de théâtre [le vote des crédits militaires] du 4 août 1914 » (p. 216). En fait, le problème est de savoir s'il y a eu « coup de théâtre ». Or G. Badia note « l'isolement de Rosa Luxemburg (c'est le titre d'un sous-chapitre p. 205-208), qui contraste avec la « popularité » que lui vaut son premier procès à Francfort au début de 1914. Il ne peut donc s'agir que d'un isolement « politique » c'est-à- dire que ses analyses n'entraînent l'adhésion ni des gros bataillons du S.P.D. , ni des « masses » dont elle se réclame volontiers. L'auteur reconnaît d'ailleurs très franchement « L'un des soucis essentiels des dirigeants (S.P.D.) c'est de ne pas perdre le contact avec les masses. Scheidemann le dira clairement en août 1916 « II nous fait tenir compte du climat des masses pour ne pas les perdre. Ils n'ont pas agi autrement en 1914. Ils n'agiront pas autrement en novembre 1918 » (p. 215). Ceci étant admis, il n'y avait certes aucune « fatalité » — notion inconnue en histoire — pour le vote du 4 août, pas plus qu'il n'y a eu « coup de théâtre » : ce fut l'aboutissement normal d'une évolution du Parti, due à la pénétration du révisionnisme certes, mais surtout à ses pesanteurs sociologiques, à son comportement de « contre-société », moins force révolutionnaire que miroir déformant de la société allemande. G. Badia a raison d'écrire : « La classe ouvrière allemande n'avait pas été assez immunisée par la social-démocratie contre l'idéologie de l’Allemagne Wilhelmienne. On pense à la phrase de Marx, en 1846 « Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes ». Seule une minorité de la classe ouvrière allemande en fut assez consciente en août 1914 pour résister à l'idéologie dominante » (p. 201). Encore ne montre-t-il guère cette « minorité ». L’historien exigeant estimera que la réaction immédiate de Rosa Luxemburg au vote fameux n'est pas clairement établie. Badia, qui utilise si heureusement la correspondance de Rosa Luxemburg, ne cite aucune lettre datée du mois d'août, ni même de septembre, uniquement des billets non datés à Kostia Zetkin : et c'est seulement le 12 octobre que dans une missive au militant suisse K. Moor elle fait part de son indignation. La réunion tenue dans l'appartement de Rosa, le 4 août au soir, et réunissant sept fidèles, ne semble connue que par le rapport d'Eberlein rédigé en 1926-27 4. Or G. Badia y relève un certain nombre d'erreurs, dues tout naturellement à la distance des événements. La date du 4 août est-elle sûre ? Le silence de la correspondance renforce les doutes que j'ai déjà émis et je souhaite sur ce point une recherche approfondie. Car si l'on ne veut pas tomber dans l'image d'Épinal, il est important de connaître avec certitude le comportement de Rosa Luxemburg en ces jours décisifs pour le socialisme allemand et l'Internationale.

Son attitude face à la Révolution russe de 1917, et sa célèbre portant ce titre, sont examinées en un gros chapitre (2e Partie, Chap. 3, pp. 280-336) qui mérite une particulière attention, car le problème a soulevé d'âpres, et toujours actuelles, controverses. L'auteur rappelle d'abord les conditions assurément discutables de la publication des notes de Rosa Luxemburg et marque nettement les points de la brochure qui critiquent la pratique des Bolcheviks ; puis il s'efforce de montrer qu'entre la rédaction de ces notes dans la prison de Breslau et sa mort, Rosa Luxemburg a modifié son jugement sur la Révolution russe, sans avoir eu le temps de revoir le texte qui ne fut publié que deux ans après. Cette thèse, étayée par le témoignage de L. Jogisches, G. Badia la fonde sur l'examen des prises de position et déclarations de Rosa Luxemburg durant la Révolution allemande. Il en conclut : « II serait abusif de prétendre que Rosa Luxemburg a totalement récusé son premier jugement. Nous avons essayé de démontrer qu'elle l'a modifié très nettement sur plusieurs points importants. Son expérience de la allemande l'a conduite, sinon sur les traces de Lénine, du moins sur une voie qui se rapprochait de celle suivie par les bolcheviks » (p. 321). Fondée sur l'histoire et non sur l'exégèse de textes mille fois disséqués, la démonstration nous paraît convaincante, et l'on a là parmi les meilleures pages de l'ouvrage. De même la question des rapports Rosa Luxemburg-Lénine ; G. Badia en donne un clair historique et a raison de dénoncer l'anachronisme qui consiste à faire de cette question l'axe d'explications de l'œuvre de Rosa Luxemburg voire de Lénine. Il est évident que c'est par rapport au léninisme, et surtout au stalinisme, que les exégètes postérieurs ont polémiqué à coups de citations de Rosa : attitude scholastique, mais non historique. En définitive entre ces deux personnalités hors série, des relations d'estime, même de sympathie, sur un fond tantôt d'accords tantôt de conflits. C'est le dogmatisme stalinien qui a cristallisé en un « luxemburgisme » la dialectique de leurs rapports.

Dernier moment essentiel : la Révolution en Allemagne. Là encore G. Badia nuance et précise sa pensée par rapport à ses publications antérieures. L'on notera qu'il ne fait pas mystère des illusions et des exagérations de Rosa Luxemburg au point d'écrire : « Tous les articles d'elle que nous connaissons traitent durant cette période 1918] uniquement de problèmes politiques généraux, de tactique en général, de révolution en général5, sans donner de mots d'ordre concrets, traduisibles en actes au lendemain du Congrès ... Cette absence d'intérêt pour les questions concrètes, propre à nourrir les illusions gauchistes, qui explique pour une part les erreurs de tactique des Spartakistes et leurs échecs, cette faiblesse dans le raisonnement politique de Rosa Luxemburg se manifestent plus nettement encore pendant la semaine sanglante. Jusqu'alors, outre la verve polémique, on ne pouvait dénier à ce qu'elle écrivait une logique rigoureuse. Or aux articles parus dans Die Rote Fahne à partir du 6 janvier fait défaut une stricte cohérence interne, sauf le dernier. » (p. 378/9). En clair Rosa Luxemburg a été dépassée par les événements — comme tous les chefs révolutionnaires, et j'ajouterai comme les chefs majoritaires contraints de faire appel aux généraux et à l'Armée de Guillaume IL

Lors du colloque de Reims, comme dans mon Allemagne de Weimar, j'ai soutenu que les masses allemandes de l'hiver 1918 n'étaient pas « révolutionnaires », c'est-à-dire décidées à faire la « seconde » révolution prônée par les Spartakistes. G. Badia m'avait fait alors de sérieuses objections, qui semblent s'être nuancées dans sa thèse. Il y affirme l'emprise durable des Majoritaires sur les masses ouvrières et, à mes yeux, pose exactement le problème quand il écrit : « A Berlin secoué par la fièvre, Rosa Luxemburg doit... avant tout orienter, éclairer l’action de ces foules — ouvriers, soldats démobilisés ou démobilisables — qui depuis qu'elles ont fait la révolution [du 9 Novembre] passent dans la rue une partie de leur temps, aspirent à la paix et, plus vaguement, au socialisme mais en ignorant le plus souvent ce que recouvre ce vocable ; qui applaudissent les tirades enflammées des Spartakistes non sans écouter aussi les harangues de Scheidemann prêchant le calme et l'ordre » (p. 347). Et sur la popularité des Spartakistes il cite une anecdote racontée par Kate Duncker6. Comment dès lors peut-il affirmer : « Quand [H. Lichtenberger] écrit que « le travailleur allemand a pressenti la catastrophe irréparable qu'eut entraîné pour l'Allemagne la réalisation soudaine du communisme » à la russe, sans doute exprime-t-il plus les sentiments d'hommes comme Ebert que ceux de tous les allemands (p. 353, note 108). Il n'est pas question de nier l'attrait du communisme russe sur une partie des travailleurs, pas plus que de nier l'anti-bolchevisme de Ebert, le problème n'en reste pas moins du refus largement majoritaire dans les masses ouvrières allemandes, en hiver 1918, d'une révolution de type bolchevik. Sur ce point G. Badia n'apporte pas d'argument nouveau et ma position demeure : elles n'en voulaient pas !

La 3e partie est consacrée à l'étude des idées politiques de Rosa Luxemburg. Les problèmes de la théorie marxiste (chap. 1) comme ceux de la théorie économique (chap. 3) sortent de notre compétence et nous n'en retiendrons qu'une constatation assez surprenante, à première vue : Rosa Luxemburg, titulaire d'un doctorat de l'Université de Zurich, en sciences politiques avec un sujet économique (combien y en avait-il alors dans le mouvement socialiste ?), se révèle en définitive assez piètre économiste. C'était déjà l'opinion de Kautsky qui, au lendemain de sa mort, écrivait : « Elle était très ignorante en matière d'économie. Elle avait une conception tout à fait formaliste de l'économie marxiste. Et même pas toujours juste, comme son livre sur l'impérialisme le prouve »7. De fait l'analyse de Accumulation du capital conduit G. Badia à constater que dans ce traité économique, Rosa Luxemburg accorde le primat au politique. D'où cette conclusion, dont on mesure l'ambiguïté sous une plume marxiste « Son apport au concret est d'abord affectif » (p. 539).

Les prises de position de Rosa Luxemburg sur l'indépendance de la Pologne, puis sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, ont été au centre de polémiques qui, commencées de son vivant, sont loin d'être closes. Aussi est-ce avec un intérêt particulier que l'on s'arrêtera au chapitre 2 consacré à la « Question Nationale » (pp. 443-483). Il est connu que dès ses premiers articles Rosa Luxemburg s'est prononcée contre l'indépendance de la Pologne, que ce fut également la position du Parti social-démocrate du Royaume qu'elle fonda en 1894 avec Marchlewski, que c'est la thèse développée dans sa dissertation de doctorat de 1897 et que jusqu'à la fin de sa vie elle s'opposa à Lénine sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, à commencer par les Polonais. A noter en sens contraire quelques explosions de sentimentalité romantique qui la font rêver d'habiter un village silésien : « Des champs de blé, des prés, des forêts, une immense plaine et la langue polonaise, les paysans tout autour : tu ne peux t'imaginer comme tout cela me rend heureuse »8. Plus politiques, ses prises de position contre les mesures de germanisation en Poznanie ; elles aboutirent à sa brochure, en polonais, Pour la défense de la nationalité (1900), qui lui valut de la part du tribunal de Posen une amende de cent marks pour « offense au Ministre des cultes prussien ». Devant ces contradictions G. Badia écrit « Ce ne serait pas un paradoxe d'affirmer qu'avant de se sentir Polonaise ou Allemande, Rosa Luxemburg se sentait social-démocrate et donc de la grande famille de l'Internationale, composée à ses yeux des prolétaires du monde entier. Mais qu'on ne s'imagine pas une adhésion seulement intellectuelle, politique, à ces groupements. Pour elle, viscéralement9 si l'on peut dire, sa patrie, non d'adoption mais sa patrie vraie était celle que formaient les ouvriers, les socialistes de Pologne et de tous les pays » (p. 458).

Le problème est ainsi bien posé : au plan de la conscience, puisque tout le monde s'accorde aujourd'hui pour voir dans le « sentiment » d'appartenir à un groupe national le fondement de la nationalité. Dans le cas de Rosa Luxemburg il faut en examiner les deux aspects : négatif et positif. Négativement, elle n'a pas le sentiment — « viscéral » pour parler comme G. Badia — d'appartenir à la nationalité polonaise. Pourquoi ? Sur ce point notre auteur ne donne aucune réponse, et ne pouvait le faire puisqu'il prend son héroïne à son arrivée en Allemagne, à l'âge de 27 ans et après neuf ans d'exil, c'est-à-dire de rupture avec sa communauté d'origine. C'est assurément dans son milieu familial, dans l'enseignement reçu au lycée — russifié — de Varsovie, dans son environnement amical des années de formation que se trouve la réponse. G. Badia le sait fort bien, qui cite Radek : « Rosa Luxemburg naquit à cette époque de l'histoire polonaise 10 où les classes dominantes se détournaient des idéaux nationaux, accrochaient au clou la lutte pour l'indépendance, déclarant fièrement que la meilleure façon pour elles de servir la patrie, c'était de transformer des pommes de terre en alcool ou d'exporter massivement de Lodz, le Manchester polonais, en Russie des vestes de coutil à bon marché. Le climat intellectuel dans lequel Rosa Luxemburg grandit était l'atmosphère froide, nue, vide, d'un libéralisme qui renonçait à accomplir ses tâches historiques les plus importantes, qui renonçait à lutter contre l'absolutisme féodal » u. On comprend dès lors que cette petite bourgeoise passionnée ait refusé cette et, faute de trouver dans son environnement quotidien la affective dont elle avait besoin, ait projeté dans une « communauté » encore mythique son désir de communion : le mouvement a été pour elle le substitut de la nation polonaise.

Cet aspect positif, d'adhésion à un groupe, G. Badia nous le dit « viscéral » et cite à l'appui des déclarations de Rosa Luxemburg éclairantes : « J'ai une grande patrie, une patrie que j'aime et telle qu'aucun procureur prussien n'en possède... Qu'est-ce donc que la patrie si ce n'est la grande masse des hommes et des femmes qui travaillent »? Et à Berlin, en mai 1914 « Si quelqu'un a le droit de prononcer le mot patrie, c'est nous ; nous le monde travailleur » (p. 458). Même en tenant compte dans la dernière phrase du pluriel oratoire d'une réunion publique (nous), il est évident que Rosa Luxemburg au prolétariat du monde entier : c'est la racine de son internationalisme. Mais cette identification volontaire et passionnelle, pose un problème : que savait-elle du monde ouvrier ? En avait-elle une expérience directe ? Il ne semble pas que G. Badia se soit posé la question qui avait sa place dans une « biographie intellectuelle » et qui permettait de mieux comprendre la vision des « masses » de Rosa Luxemburg. Or la correspondance, si largement et si bien utilisée ailleurs, permettait de répondre. Aucune allusion à ce qui de près ou de loin aurait pu ressembler à un travail manuel à une quelconque période de sa vie. Même en prison, la condamnée politique n'est pas astreinte au travail. Plus curieuse, l'absence de toute description d'usine, de sortie d'atelier, etc. : Rosa Luxemburg ne s'intéresse guère aux paysans, mais on trouve sous sa plume de nombreuses évocations de la campagne. Sans doute y a-t-il le célèbre texte du 1er janvier 1912 « Dans l'asile de nuit » 12 : mais en fait il n'y a là aucune description concrète de l'asile de la Fröbelstrasse au point qu'il n'est pas sûr qu'elle en ait jamais franchi la porte pour se rendre compte par elle-même. Et toute sa vie va dans le même sens : son enfance dans une famille commerçante où l'on parle le polonais, l'allemand, le russe ; ses études au lycée de Varsovie, sa vie d'étudiante à Zurich où l'exil ne l'oblige à aucune tâche manuelle ; sa vie de journaliste en Allemagne qui lui permet d'avoir toujours une installation à laquelle elle prête grande attention : elle aime le confort, recherche les appartements agréables que L. Jogisches trouve trop chers, est sensible à sa toilette13, a presque toujours une domestique à son service. En somme tous les éléments de la vie bourgeoise. Sans parler de ses lectures, de ses goûts et de ses possibilités de loisirs pour peindre, etc. Parfois, il est vrai, elle sort avec sa bonne pour aller au cinéma 14 et elle est pleine de sollicitude pour les gens qui dépendent d'elle. Cela n'empêche que son contact — en quelque sorte physique — avec le monde ouvrier semble s'être limité... aux prolétaires qui voulaient bien venir l'écouter aux meetings.

A cela elle était assurément très sensible. « Toute sa vie Rosa a participé à des meetings » (p. 683), note G. Badia, et, dans un chapitre consacré à « l'oratrice ». il étudie de façon très vivante son art, évalue la qualité de sa voix, son aptitude à déclencher le rire ou l'émotion. Incontestablement Rosa Luxemburg a été un orateur de talent à la popularité réelle. Mais n'a-t-elle pas été, bien involontairement, victime de ses succès ? N'y a-t-il pas eu, sans qu'elle en ait clairement conscience, glissement dans son esprit entre les publics de ses meetings qui l'applaudissaient et la fleurissaient, et les « masses » qui portaient ses espoirs révolutionnaires ? G. Badia écrit très pertinemment : « un homme politique, quand il parle à la radiodiffusion ou à la télévision touche des millions de personnes et, surtout dans le second cas, établit un contact physique avec ceux qui l'écoutent. Ce contact ne pouvait avant la première guerre mondiale être établi qu'au cours des meetings » (p. 693). La nature même de la propagande politique était donc différente : les grands tribuns déclenchaient alors ce que l'on appelle de nos jours des phénomènes de « dynamique de groupe ». La psychologie sociale dans les limbes en était à « l'âme des foules » du Dr. Le Bon de 1895. Bien des erreurs de diagnostics — G. Badia dit « illusions » — de Rosa Luxemburg, et des autres, trouveraient sans doute là leur explication.

A la diversité des interrogations qu'il pose on mesure la richesse de l'ouvrage. En une conclusion nuancée, l'auteur s'efforce de situer son personnage dans l'histoire de la social-démocratie allemande. Tout en notant la « modernité » de Rosa Luxemburg, il plaide en faveur d'une « lecture historique de ses œuvres ». Par toute sa thèse le germaniste exercé qu'est Gilbert Badia, fin traducteur de Brecht comme de Marx, montre à l'évidence qu'il est aussi un historien au plein sens du terme. Souhaitons donc, que débarrassé des impedimenta universitaires, il nous donne la grande — et définitive pour notre génération — biographie totale de Rosa Luxemburg.

Georges Castellan, Paris VIII (Vincennes).

1. Gilbert Badia, Rosa Luxemburg, journaliste, polémiste, révolutionnaire, Paris, Éditions Sociales, 1975, 930 p.

2. Manque l'indication du Colloque de Reims « L'Europe en novembre 1918 » — auquel G. Badia a participé — et qui avait donné lieu à des exposés et une discussion sur la Révolution de 1918 en Allemagne. Cf. Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, numéro spécial, janvier-mars 1969.

3. Le problème du judaïsme de Rosa Luxemburg est rapidement traité puisqu'elle a toujours refusé cette qualité (p. 457). Ce qui n'empêche pas G. Badia d'écrire que R. Luxemburg fait preuve dans une discussion « d'une obstination un peu talmudique » (p. 125). Simple lapsus ? Ou sentiment provenant de la grande familiarité de l'œuvre, que Rosa Luxemburg nie une caractéristique culturelle pour ne pas en reconnaître certains phénomènes de comportement profonds ? L'antisémitisme dont a été victime le personnage de Rosa Luxemburg ne doit pas a priori détourner le chercheur d'une explication ou simplement sociale.

4. Cf. G. Badia, Le Spartakisme, p. 326-27.

5. Souligné par Gilbert Badia.

6. « Le 11 janvier, Kate Duncker se rend en tramway auprès de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg hébergés par des amis, place Bliicher-Schlosstrasse, on croise des files de soldats en armes, baïonnette au canon. Dans le tramway, une femme s'écrie « Sur chacune de ces baïonnettes ils devraient bien embrocher un Spartakiste. » Käte Duncker : « Vous n'avez pas honte de dire ça, vous une femme ?» — « Presque tous les voyageurs, raconte-t- elle, prirent parti contre moi. On m'empoigna et on voulut me jeter hors du tramway. Je ne dus qu'à l'intervention d'un vieux monsieur de pouvoir aller jusqu'à l'arrêt suivant » (p. 359).

7. Cité par G. Badia, p. 523, note 234.

8. Lettre à Jogisches, citée par G. Badia, p. 453.

9. C'est nous qui soulignons.

10. Les historiens polonais l'appellent la « période du positivisme » (1864-1885).

11. Texte de 1921 cité par G. Badia, p. 446.

12. Traduction inédite de G. Badia in Rosa Luxemburg, Textes, op. cit., Paris, Éditions sociales, 1969, pp. 142-151.

13. Voir les pp. 791-800.

14. P. 783.

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3 août 2024 6 03 /08 /août /2024 12:41
25 janv. 2022

Chaque mardi, Olivier Besancenot vous raconte une lutte pour l'émancipation. Cette semaine, troisième épisode de notre série sur la révolution allemande (1918-1923) : révolution maudite, mais révolution authentique ? Une série en quatre épisodes à voir sur le site Là-bas si j'y suis : https://la-bas.org/la-bas-magazine/ch...

 

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Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009