Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

Rechercher

Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
23 janvier 2025 4 23 /01 /janvier /2025 10:53
Karl Liebknecht, "Je lui explique que je ne tirerai pas, même si on on me le commande. On peut me fusiller si on veut."

On connaît les lettres de Rosa Luxemburg, beaucoup moins, celles, extraordinaires de Karl Liebknecht, publiées dès la fin de la guerre en France sous le titre "Lettres du front et de la geôle". On a coutume de parler du pacifisme de Karl Liebknecht. Ce n'est pas  exact. Ce qu'il combattit toute sa vie, c'est la guerre impérialiste, celle voulut par le capitalisme, soutenue par la social-démocratie réformiste.

Exclu du parti pour son refus de voter pour les crédits de guerre, il fut envoyé sur le front par l'Allemagne impériale. Les lettres du front témoignent de son refus clair de porter une arme, de tuer d'autres prolétaires, et de son immense courage.
 

8 octobre 1918 à Sonia (son épouse)


"Soudain, la tranchée, nous sautons dedans. Le sous-officier est hors de lui. Je me dispute avec lui - pas méchamment car c'est un brave garçon, tout borné et tout désemparé qu'il est. Je lui explique que je ne tirerai pas, même si on on me le commande. On peut me fusiller si on veut. D'autres me soutiennent. Nous parlons haut. Aussitôt, ca commence à siffler autour de nos oreilles. Les Russes nous ont entendus. Ils entendent chaque tintement de pelle. Je m'étais, une fois de plus, déchargé préalablement de mon fusil. C'est ainsi que je vais au travail, sans arme. Je me sens presque libre ainsi ... "

      
La première édition en français.

La première édition en français.

Les lettres ont été rééditées aux editions du sandre.

Les lettres ont été rééditées aux editions du sandre.

Partager cet article
Repost0
13 décembre 2024 5 13 /12 /décembre /2024 10:22
Il y a 110 ans ... Pour mieux connaître Karl Liebknecht

Il y a 110 ans, Karl Liebknecht votait contre le renouvellement des crédits de guerre. Le blog comprendre-avec-rosa-luxemburg, s'est donné pour tâche de mieux faire connaître sa pensée et son action. Près de 80 articles sont déjà disponibles, textes inédits en français, documents  sur le net. ... Une contribution pour la réflexion pour aujourd'hui. Ici les dix derniers articles.

Les 10 derniers articles

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/

 

1. Karl Liebknecht en 1910

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2024/08/karl-liebknecht-1910.html samedi 24 août 2024 à 19:48 par Dominique Villaeys-Poirré depuis Overblog. Bien que peu enthousiaste concernant la colorisation, j'apprécie cet artiste qui porte son travail à la hauteur d'un art, sans facilité. J'utilise cette occasion pour rappeler le travail en cours ici sur Karl Liebknecht: Sur le blog, de nombreuses tr

 

2. Karl Liebknecht dans sa prison d’Alix Guillain

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/12/karl-liebknecht-dans-sa-prison1-alix-guillain.html mercredi 27 décembre 2023 à 22:43 par Dominique Villaeys-Poirré depuis Overblog . Le 1er mai 1916, de la gare de Potsdam descend un soldat, l'uniforme râpé, la tenue négligée. Personne ne fait attention à lui. C'est un simple soldat comme on en voit passer tous les jours, et qui, sûrement, n'appartient pas à, un régiment d'élite, celui-là. Arrivé au milieu de la Potsdamer Platz, au centre même de Berlin, il s'arrête.

 

 3. Illustration de Frenckell pour la Vague du 23 janvier 1919

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/10/karl-liebknecht-et-rosa-luxemburg-fraenkel.html samedi 21 octobre 2023 à 14:12 par Dominique Villaeys-Poirré depuis Overblog. Illustration de FRENCKELL pour La Vague du 23 janvier 1919 La Vague : pacifiste, socialiste, féministe Directeur Pierre Brizon Publication : Paris (20, rue du Croissant) : [éditeur inconnu], 1918-19?? [133639] Description :44 cm puis 53 cm

 

4. Karl Liebknecht. Qu’est-ce qu’une grève politique de masse ?

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/09/karl-liebknecht.qu-est-ce-qu-une-greve-politique-de-masse.html vendredi 15 septembre 2023 à 11: Dominique Villaeys-Poirré Overblog. Grève des mineurs 1912 Extraits d'un article de Karl Liebknecht, "Et maintenant en Prusse? …" " Il va de soi qu’aucun des moyens de lutte actuels ne doit être abandonné. Mais ils ne suffisent plus, nous avons besoin de nouveaux moyens pour mener un nouveau combat. La grève est, avec le boycott, la forme d’utilisation du pouvoir du prolétariat

 

5. Le vote de Karl Liebknecht dans la revue suisse « La Guerre mondiale », le 7 août 1914

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/09/le-vote-de-karl-liebknecht-dans-la-revue-suisse-la-guerre-mondiale-le-7-aout-1914.html mercredi 06 septembre 2023 à 15:36 par Dominique Villaeys-Poirré depuis Overblog. Un document inestimable. "Pendant un moment, il attira tous les yeux du Reichstag. Liebknecht était pâle comme un mort, mais ne bougea pas.

 

6. Karl Liebknecht. Mansfeld, Police et armée, armes ultimes de la politique intérieure en Prusse

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/08/karl-liebknecht.police-et-armee-armes-ultimes-de-la-politique-interieure-en-prusse-extrait.html jeudi 17 août 2023 à 15:26 Dominique Villaeys-Poirré depuis Overblog. Discours au landtag de Prusse, 25 février 1910

 

7. Armée contre grévistes, Mansfeld 1909. Karl Liebknecht rappelle cette grève emblématique et l’utilisation de l’armée

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/08/armee-contre-grevistes-mansfeld-1909.karl-liebknecht-rappelle-cette-greve-emblematique-et-l-utilisation-de-l-armee.html jeudi 17 août 2023 à 12:30 par Dominique Villaeys-Poirré Overblog. … Dans son intervention au Reichstag, le 20 juin 1913, Karl Liebknecht mentionne la grève de 1909 dans les mines de cuivre, témoignant de son caractère emblématique : "Mais ce que l'on doit reprocher le plus aux autorités administratives dans la situation actuelle, c'est le fait que l'armée a été réquisitionnée dans différentes régions po 

 

8.Karl Liebknecht. Messieurs, la rubrique « Protection contre ceux qui nous protègent est devenue quasiment permanente dans notre presse. »

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/08/karl-liebknecht.messieurs-la-rubrique-protection-contre-ceux-qui-nous-protegent-est-devenue-quasiment-permanente-dans-notre-presse.html lundi 07 août 2023 à 15:53 par Dominique Villaeys-Poirré depuis Overblog Police et armée – dernières armes de la politique intérieure en Prusse. 1910 C'est une très longue intervention de Karl Liebknecht devant les députés du Landtag de Prusse en 1910 - c'est alors l'un des points culminants des combats sociaux-démocrates en Prusse et dans tout l'empire.. Liebknecht y passe en revue tout ce qui touche à l'acti

 

9.Karl Liebknecht et la grève de masse, juillet 1913

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/07/karl-liebknecht-et-la-greve-de-masse-juillet-1913.html par Dominique Villaeys-Poirré depuis Overblog. 1910 Le système électoral à trois classes, particulièrement inique a été combattu par la social-démocratie à de multiples reprises, en particulier en 1910. En 1913, le combat s'enflamme à nouveau et Karl Liebknecht écrit ce texte en juillet 1913, pour lui la grève de masse est devenue la seule réponse au refus obstiné du pouvoir impér

 

10. Karl Liebknecht VS Jean Jaurès. “la nouvelle méthode”, 1902

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2023/07/kar-liebknecht-jean-jaures-1902.html mardi 04 juillet 2023 à 17:39 par Dominique Villaeys-Poirré depuis Overblog. En 1902 paraît aux Editions des "Sozialistische Monatshefte", un ouvrage "Aus Theorie und Praxis. Sozialistische Studien". Ces textes de Jean Jaurès sont traduits par l'un des principaux tenants du réformisme, Südekum, dans la maison d'édition de ce courant - incarné par Eduard Bernstein. Karl Liebknecht écrit alors son premier long article

Partager cet article
Repost0
9 mars 2025 7 09 /03 /mars /2025 14:44
La voix de Clara Zetkin - Son courage. 1932, Discours d'ouverture de la session du Reichstag

Il est bien sûr émouvant d'entendre la voix de Clara Zetkin, encore plus de l'entendre dans ce discours tenu en 1932 devant un Reichstag où siégeaient 230 nazis, en uniforme. Silencieux, car la direction du parti nazi le leur avait intimé pour se faire passer pour respectables. Silencieux, mais expression de la terrible menace qui pesait sur l'Allemagne.

 

https://www.dra.de/de/entdecken/der-klang-der-weimarer-zeit/rede-der-alterspraesidentin-clara-zetkin

Illustration 1

Ici reprise de l'article publié sur comprendre-avec-rosa-luxemburg en ... 2015 : https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2015/12/https-histoireetsociete-files-wordpress-com-2014-04-clara-j-clara-zetkin-discours-au-reichstag-en-1932-courage-extreme-de-clara-zetk

Courage extrême de Clara Zetkin, malade, presque aveugle, qui prononce ce discours dans une Allemagne déjà en but aux idées fascistes et aux meurtres politiques et racistes, parce que désespérée  par le manque d'espoir politique, la répression extrême de la révolution et l’exploitation maximale qu'elle subit. Une partie des exploités en Allemagne, comme aujourd'hui se laissait séduire par le fascisme, 30 % lui a suffi pour instaurer son régime de mort. 5 mois après, Hitler devenait chancelier. En un an, le nazisme imposait son pouvoir et Clara Zetkin devait quitter l'Allemagne. 10 ans après, des millions et millions de morts, le génocide étaient l'héritage d'un pouvoir fondé sur le racisme et l''exploitation. c.a.r.l.

Clara Zetkin est à l'origine du 8 mars pour les droits des femmes, elle a lutté avec Rosa Luxemburg au sein de son courant toute sa vie.

La voix de Clara Zetkin - Son courage. 1932, Discours d'ouverture de la session du Reichstag

Mesdames et Messieurs,

Le Reichstag se réunit dans une situation où la crise du capitalisme ? Son déclin accable les très larges masses laborieuses d’Allemagne et leur inflige les souffrances les plus épouvantables. Les millions de chômeurs que les maigres allocations dont on leur fait (ou dont on ne leur fait pas) l’aumône n’empêchent pas de mourir de faim seront rejoints cet automne et cet hiver par des millions d’autres. La famine, qui est aussi le sort de tous ceux qui ont besoin d’aide sociale, s’aggrave. Quant aux travailleurs qui ont encore un emploi, les bas salaires les empêchent de renouveler leur force nerveuse et musculaire usée au maximum par la rationalisation et, a fortiori, de satisfaire le moindre besoin culturel. En se poursuivant, le démantèlement des conventions collectives et des organes de conciliation va faire baisser encore les salaires de misère. Un nombre croissant d’artisans et de petits industriels, de petits et moyens paysans sombrent dans le désespoir et la ruine. Le déclin économique, les coupes sombres dans les dépenses culturelles réduisent ? néant les bases économiques de la création intellectuelle et ôtent de plus en plus aux créateurs la possibilité de mettre en œuvre leurs forces et leurs connaissances.

L’incendie allumé en Orient que l’Occident attise de toutes ses forces dans l’espoir qu’un océan de flammes engloutisse l’Union soviétique et la construction du socialisme, pourrait bien attirer sur l’Allemagne aussi une abominable terreur, susceptible d’éclipser l’œuvre de mort et de destruction de la dernière guerre mondiale. Le pouvoir politique en Allemagne est aujourd’hui aux mains d’un cabinet présidentiel formé sans l’assentiment du Reichstag, composé des hommes de main du grand capital monopoliste et des grands agrariens et dont les généraux de la Reichswehr constituent l’élément moteur. Malgré ses pouvoirs discrétionnaires, le cabinet présidentiel a échoué devant tous les problèmes actuels de politique intérieure et de politique étrangère. Sa politique intérieure est marquée, comme celle des précédents gouvernements, par la pratique des décrets-lois, lois scélérates qui décrètent la misère et augmentent celle qui règne déjà En même temps, ce cabinet foule aux pieds le droit des masses à lutter contre la misère. Ceux qui ont besoin de l’aide sociale et ceux qui y ont droit, ce sont, pour le gouvernement, les gros agrariens endettés, les industriels faillis, les requins de la finance, les armateurs, les spéculateurs et trafiquants sans scrupules. Toute sa politique fiscale, douanière, commerciale, consiste à prendre aux larges couches du peuple travailleur pour donner ? de petits groupes de profiteurs et à aggraver la crise en restreignant davantage la consommation, les importations et les exportations. Sa politique étrangère aussi est placée sous le signe du mépris pour les intérêts des travailleurs. Déterminée par les appétits impérialistes, elle conduit l’Allemagne à dépendre de plus en plus des grandes puissances du Traité de Versailles, malgré les hésitations qui la font louvoyer entre les coups de gueule des traîneurs de sabres et les bassesses les plus plates, et elle compromet ses relations avec l’Union soviétique, le seul Etat qui, par sa politique de paix sincère et son essor économique, puisse offrir aux travailleurs allemands un véritable soutien.

Le solde du cabinet présidentiel est déjà lourdement débiteur depuis les meurtres des dernières semaines, dont il porte l’entière responsabilité en ayant levé l’interdiction de porter l’uniforme prononcée contre les S.A. nationaux-socialistes et en favorisant ouvertement ces troupes fascistes de guerre civile. C’est en vain qu’il cherche à faire oublier sa culpabilité politique et morale en se chamaillant avec ses alliés sur la répartition du pouvoir dans l’Etat ; le sang versé en fait pour toujours un complice des assassins fascistes. L’impuissance du Reichstag et la toute puissance du cabinet présidentiel sont l’expression de la décadence du libéralisme bourgeois, qui accompagne nécessairement l’effondrement du mode de production capitaliste. Cette décadence se retrouve entièrement dans la social-démocratie réformiste qui se place en théorie et en pratique sur le terrain pourri de l’ordre social bourgeois.

La politique du gouvernement Papen-Schleicher n’est rien autre que la continuation ouverte de la politique du gouvernement Brüning toléré par les sociaux-démocrates, précédée elle-même par la politique de coalition de la social-démocratie qui lui avait ouvert la voie. La politique du « moindre mal » confirmait les forces réactionnaires dans la conscience qu’elles avaient de leur puissance et ne pouvait, et ne peut encore, manquer d’engendrer le pire de tous les maux : habituer les masses à la passivité. On leur demande de renoncer à mettre en jeu la puissance dont elles disposent à l’extérieur du parlement. De cette façon, c’est le rôle du parlement dans la lutte de classes du prolétariat que l’on réduit aussi. Il est possible aujourd’hui dans certaines limites d’utiliser le parlement pour la lutte des travailleurs, mais uniquement s’il s’appuie sur de puissantes actions des masses à l’extérieur de ses murs. Avant que le Reichstag ne puisse prendre position sur des problèmes particuliers de l’heure, il faut qu’il ait compris quelle est sa tâche essentielle, et qu’il l’ait accomplie : il faut qu’il renverse le gouvernement qui tente, au mépris de la Constitution, de mettre le parlement complètement à l’écart.

Le Reichstag pourrait aussi saisir la Haute Cour de Leipzig d’une plainte contre le Président du Reich et les Ministres pour viol de la Constitution et pour les nouveaux viols de la Constitution qu’ils projettent. Mais il est vrai qu’une plainte devant cette haute instance reviendrait à demander à Lucifer de condamner Belzébuth. Bien entendu, ce n’est pas un vote du parlement qui peut briser le pouvoir d’un gouvernement qui s’appuie sur l’armée et sur tous les autres moyens dont dispose le pouvoir d’Etat bourgeois, sur la terreur exercée par les fascistes, la lâcheté du libéralisme bourgeois et la passivité d’une grande partie du prolétariat, des travailleurs. Le renversement du gouvernement au parlement peut seulement donner le signal de la levée en masse des travailleurs à l’extérieur du parlement. Et ceci afin de jeter dans la bataille tout le poids économique et social des masses, et aussi toute la force de leur nombre.

Dans cette bataille, il s’agit d’abord et avant tout d’abattre le fascisme qui veut réduire à néant, par le fer et par le sang, les manifestations de classe des travailleurs, en sachant bien, comme nos ennemis, que la force du prolétariat ne dépend pas du nombre de sièges au parlement, mais qu’elle est ancrée dans ses organisations politiques, syndicales et culturelles. La Belgique montre aux travailleurs que la grève de masse conserve sa force, même à une époque de crise économique aiguë, à condition qu’en employant cette arme les masses soient résolues et prêtes à ne reculer devant aucun sacrifice, ni devant l’extension de la lutte, prêtes à répondre par la violence à la violence de leurs ennemis.

Mais la démonstration de force du peuple travailleur à l’extérieur du parlement ne doit pas se limiter au renversement d’un gouvernement anticonstitutionnel ; elle doit aller au delà de cet objectif limité et se préparer à renverser l’Etat bourgeois et son fondement, l’économie bourgeoise. Toutes les tentatives d’atténuer, et a fortiori de résoudre la crise en restant sur le terrain de l’économie capitaliste ne peuvent qu’aggraver le mal. Les interventions de l’Etat ont échoué, car ce n’est pas l’Etat bourgeois qui tient l’économie, c’est au contraire l’économie qui tient l’Etat bourgeois. Entre les mains des possédants, l’appareil d’Etat ne saurait être utilisé qu’ à leur avantage et au détriment des larges masses populaires qui travaillent, qui produisent et qui consomment. Une économie planifiée sur la base du capitalisme est une contradiction en soi. Les tentatives en ce sens ont toujours achoppé sur la propriété privée des moyens de production. La planification de l’économie n’est possible que si l’on abolit cette propriété privée. La seule et unique voie pour surmonter les crises économiques et écarter tous les dangers de guerre impérialiste, c’est la révolution prolétarienne qui supprime la propriété privée des moyens de production et garantit ainsi la possibilité de planifier l’économie. La meilleure preuve historique en est la Révolution russe. Elle a montré que les travailleurs ont la force de jeter à terre tous leurs ennemis, d’abattre les rapaces impérialistes en même temps que le capitalisme dans leur propre pays et de déchirer des traités d’asservissement comme celui de Versailles. L’État soviétique confirme aussi que les travailleurs ont la maturité nécessaire pour construire un nouvel ordre économique où le développement économique de la société peut aller sans ces crises désastreuses, précisément parce qu’a été supprimée la cause du mode de production anarchique, la propriété privée des moyens de production.

La lutte des masses laborieuses contre la misère qui les opprime maintenant est en même temps une lutte pour leur libération totale. C’est lutter contre le capitalisme qui exploite et avilit, pour le socialisme qui délivre et libère. C’est vers ce but lumineux que les masses doivent tourner constamment leurs regards, sans se laisser troubler par des illusions sur la démocratie libératrice, et sans se laisser effrayer par la brutalité du capitalisme, qui cherche son salut dans un nouveau génocide universel, dans les assassinats fascistes et la guerre civile. La nécessité de l’heure, c’est le front uni de tous les travailleurs pour repousser le fascisme, et pour conserver ainsi aux esclaves de l’exploitation la force et la puissance de leurs organisations, et même tout simplement pour les conserver en vie.

Devant cette impérieuse nécessité historique, toutes les opinions politiques, syndicales, religieuses, idéologiques, qui nous entravent et nous séparent, doivent passer au second plan. Tous ceux qui sont menacés, tous ceux qui souffrent, tous ceux qui aspirent à se libérer doivent faire partie du front uni contre le fascisme et ses fondés de pouvoir au gouvernement ! Tous les travailleurs doivent se retrouver et s’affirmer contre le fascisme, telle est la condition indispensable pour que se constitue le front uni contre la crise, les guerres impérialistes et leur cause, le mode de production capitaliste. Le soulèvement de millions de travailleurs, hommes et femmes, en Allemagne, contre la faim, la privation de leurs droits, les assassinats fascistes et les guerres impérialistes est une expression de l’indestructible communauté de destin de tous les travailleurs du monde.

Cette communauté de destin internationale doit devenir une communauté de combat solidement forgée par les travailleurs partout où le capitalisme étend sa domination, une communauté de combat avec nos frères et nos sœurs soviétiques qui nous ont précédés dans l’assaut. Les grèves et les soulèvements dans les pays les plus divers sont des signes enflammés dont la lumière montre à ceux qui combattent en Allemagne qu’ils ne sont pas seuls. Partout les déshérités et les humiliés s’apprêtent à la conquête du pouvoir. Dans le front uni des travailleurs qui se forme aussi en Allemagne ne doivent pas être absentes les millions de femmes qui portent encore les chaînes de l’esclavage de leur sexe, et qui sont de ce fait livrées à l’esclavage de classe le plus dur. Et aux tout premiers rangs, c’est la jeunesse qui doit lutter, la jeunesse qui aspire à s’épanouir librement, mais qui n’a aujourd’hui d’autres perspectives que l’obéissance aveugle et l’exploitation dans les colonnes des esclaves du travail. Dans ce front uni ont aussi leur place tous les créateurs intellectuels dont le savoir et la volonté d’accroître le bien être et la culture de la société ne peuvent plus s’exercer aujourd’hui dans l’ordre bourgeois. Puissent-ils tous rejoindre le front uni de combat, les esclaves salariés, les corvéables du capital, tous ceux qui sont ? la fois les supports et les victimes du capitalisme !

En ma qualité de doyenne d’âge et dans l’espoir que, malgré mon invalidité actuelle, j’aurai encore le bonheur d’ouvrir, en qualité de doyenne d’âge, la première session du Congrès des Conseils de l’Allemagne soviétique, je déclare ouverte la session du Reichstag.

http://www.alger-republicain.com/Clara-Zetkin-Discours-au-Reishtag.html

Source :
http://socio13.wordpress.com/2009/0...

 
Partager cet article
Repost0
20 février 2025 4 20 /02 /février /2025 10:51
10 octobre 1910, Karl Liebknecht est à New York

Article sur les meetings tenus à New York

 ‘Liebknecht Makes Two Speeches in Night’ from The New York Call. Vol. 3 No. 284. October 12, 1910.

https://revolutionsnewsstand.com/2025/02/19/liebknecht-makes-two-speeches-in-night-from-the-new-york-call-vol-3-no-284-october-12-1910/

 

Brilliant German Socialist Greeted by Great Throngs in Brooklyn and at Lipzin Theatre.

 

Liebknecht begin his  U.S. speaking tour with a ringing defense of internationalism.

The thousands of people who packed the Brooklyn Labor Lyceum to overflow last night, to hear Dr. Karl Liebknecht, carried with them a vision which will linger in their minds to the end of their days, and a lesson which will bear fruit to the Socialist movement in America in the near, one might almost say immediate, future.

Liebknecht’s address last night was a sort of a cursory report of what the working class of Germany and of Europe was doing for the liberation and regeneration of the world.”

Together with this report went the advice of the expert general and leader, who has been born and raised in the atmosphere of revolution and international Socialism, as to what the workers of America should do to make the international onslaught on capitalism most effective.

Workers of World Uniting.

Liebknecht informed his audience that the day of nationalism is gone so far as the working class is concerned. Today, he said, workers are no longer divided, according to nation or language. Workers of all lands are soldiers of a great international army which is marching under the banner of Socialism.

In the first part of his speech, Liebknecht went into a detailed description of the reaction in Prussia. He pointed to the almost daily conflicts between peaceful citizens and police officers who are armed to the teeth and seek to prevent the workers from giving the least expression to their feelings and views.

From the political reaction the speaker next went over the social and economic reaction, or rather progress of capitalist oppression. He showed how capitalism while prating of nationalism and patriotism knows of no nationalities, of no patriotic ties when the question of dollars and cents comes.

Krupp’s Patriotism.

“Krupp,” Liebknecht cried, “is a German patriot. The managers or owners of the Krupp gun works are all considered among the best and most patriotic types of Germans. Yet the same company will sell guns, cannons, and any and all ammunition to England, to America. Yes, oven to France, the supposedly bitterest enemy of the German fatherland and German people. To France they sell the most modern of machine guns with which to kill the German people in case of war. This is capitalist patriotism for you.

“In this morning’s paper I see that a certain Mr. Taft, a brother of your president, who came on the same ship with me expressed himself as very much pleased with Prussia. He viewed there, the newspapers said, a parade of 60,000 troops while standing by the side of him who was sent to us by the Grace of God. Yes, Mr. Taft is charmed with Prussia, charmed with its progress.

Germany’s Reaction.

“Now who do you think is more competent to speak about conditions in Germany, Mr. Taft or myself? And I tell you that Germany is today foremost in the ranks of the great reaction. But this reaction is not taking place alone in Germany. It is world wide. The reaction is sweeping America the same as it is sweeping Germany. When the German government was dispersing street meeting I too used to think that it was only in Germany that such things could take place until one day I picked up my paper and saw what was happening to your cradle of liberty in Philadelphia, where America, the “freest country of the world,” was denying its citizens the right of free speech and free assemblage. “The march of capitalism knows no bounds, knows no limits, national or racial. The people of the world, the entire world are today divided not in nations, but in classes, the oppressors and the oppressed. The oppressors are already well organized for their selfish fiendish purposes.

The working people must next organize on international lines. And it is here that you Socialists of America have a special mission. You must be the advance guard of the international proletariat because your position is most advantageous. You have that which we are still struggling for–the ballot.

 Germans Fight for Ballot.

“While we, in Germany, are now entering upon a fight which will bring in Its train innumerable hardships, perhaps dangerous consequences to many, which requires sacrifices on every side by the hundreds, by the thousands, you Socialists of America have had that struggle won for you by your ancestors, by past generations. You can enter this struggle against capitalism most advantageously, most effectively.

“Do not let a Taft or an ambitious politician fight the trusts. They will not fight the trusts. They cannot. Trusts are our enemies, your kings, and they must be fought by you.

“Enter upon this struggle for International Socialism with all the faith and zeal in the world, for you are not fighting for a vision, for a dream, but for a natural law. For Socialism must follow upon capitalism, as surely and as inevitably as day will follow this night.” The chairman of the evening, Lore, at the conclusion of Liebknecht’s speech warned the audience that on November 6 is election day when they will have the opportunity to put the advice of Liebknecht into practice by depositing their ballot for the candidates of the Socialist party and seeing that their neighbors do the same. The United Singing Societies gave several selections.

From Brooklyn Liebknecht was hurried is an automobile to the Lipain Theater, where a benefit for the Meyer London campaign was given.

Here Liebknecht made a few remarks which brought down the audience in thunderous applause. He briefly pointed out the valiant champions in the cause of Socialism which the Jews of Russia produced, and expressed his belief that the Jews of America will be no less faithful to the cause of International Socialism than the Jews of Russian, and that they will show this faith to the Socialist movement at the next election by adding Meyer London to Congress

 The New York Call was the first English-language Socialist daily paper in New York City and the second in the US after the Chicago Daily Socialist. The paper was the center of the Socialist Party and under the influence of Morris Hillquit, Charles Ervin, Julius Gerber, and William Butscher. The paper was opposed to World War One, and, unsurprising given the era’s fluidity, ambivalent on the Russian Revolution even after the expulsion of the SP’s Left Wing. The paper is an invaluable resource for information on the city’s workers movement and history and one of the most important papers in the history of US socialism. The paper ran from 1908 until 1923.

PDF of full issue: https://www.marxists.org/history/usa/pubs/the-new-york-call/1910/101012-newyorkcall-v03n284.pdf 

Traduction proposée par deepl. Merci pour toute amélioration de cette traduction.

Les milliers de personnes qui ont rempli le Brooklyn Labor Lyceum à craquer hier soir, pour écouter le Dr. Karl Liebknecht, ont emporté avec eux une vision qui restera dans leur esprit jusqu'à la fin de leurs jours, et une leçon qui portera ses fruits pour le mouvement socialiste en Amérique dans un avenir proche, on pourrait presque dire immédiat.

Le discours de Liebknecht hier soir était une sorte de rapport sommaire sur ce que la classe ouvrière d'Allemagne et d'Europe faisait pour la libération et la régénération du monde ».

Ce rapport était accompagné des conseils du leader, qui est né et a grandi dans l'atmosphère de la révolution et du socialisme international, sur ce que les travailleurs d'Amérique devraient faire pour que l'assaut international contre le capitalisme soit le plus efficace possible.

 

Les travailleurs du monde entier s'unissent.

Liebknecht a informé son auditoire que le temps du nationalisme est révolu en ce qui concerne la classe ouvrière. Aujourd'hui, a-t-il dit, les travailleurs ne sont plus divisés en fonction de la nation ou de la langue. Les travailleurs de tous les pays sont les soldats d'une grande armée internationale qui marche sous la bannière du socialisme.

Dans la première partie de son discours, Liebknecht décrit en détail la réaction en Prusse. Il signale les conflits presque quotidiens entre des citoyens pacifiques et des policiers armés jusqu'aux dents qui cherchent à empêcher les travailleurs d'exprimer le moins possible leurs sentiments et leurs opinions.

A partir de la réaction politique, l'orateur a ensuite passé en revue la réaction sociale et économique, ou plutôt le progrès de l'oppression capitaliste. Il a montré comment le capitalisme, tout en se targuant de nationalisme et de patriotisme, ne connaît ni les nationalités, ni les liens patriotiques lorsqu'il s'agit de dollars et de cents.

 

Le patriotisme de Krupp.

« Krupp, s'écrie Liebknecht, est un patriote allemand. Les directeurs ou propriétaires de l'usine d'armement Krupp sont tous considérés comme les meilleurs et les plus patriotes des Allemands. Pourtant, cette même entreprise vend des fusils, des canons et toutes sortes de munitions à l'Angleterre, à l'Amérique. Oui, à la France, l'ennemi supposé le plus acharné de la patrie allemande et du peuple allemand. Ils vendent à la France les mitrailleuses les plus modernes pour tuer le peuple allemand en cas de guerre. Voilà ce qu'est le patriotisme capitaliste.

« Dans le journal de ce matin, je vois qu'un certain M. Taft, un frère de votre président, qui est venu sur le même bateau que moi, s'est dit très satisfait de la Prusse. Il y a vu, disent les journaux, un défilé de 60 000 soldats aux côtés de celui qui nous a été envoyé par la grâce de Dieu. Oui, M. Taft est charmé par la Prusse, charmé par ses progrès.

 

Réaction de l'Allemagne.

« Qui, selon vous, est le plus compétent pour parler de la situation en Allemagne, M. Taft ou moi-même ? Et je vous dis que l'Allemagne est aujourd'hui au premier rang de la grande réaction. Mais cette réaction ne se produit pas seulement en Allemagne. Elle est mondiale. La réaction balaie l'Amérique comme elle balaie l'Allemagne. Lorsque le gouvernement allemand dispersait les réunions de rue, je pensais moi aussi qu'il n'y avait qu'en Allemagne que de telles choses pouvaient se produire, jusqu'au jour où j'ai pris mon journal et vu ce qui se passait dans votre berceau de la liberté, à Philadelphie, où l'Amérique, le « pays le plus libre du monde », refusait à ses citoyens le droit à la liberté d'expression et de réunion. « La marche du capitalisme ne connaît aucune limite, aucune limite nationale ou raciale. Les peuples du monde, le monde entier, sont aujourd'hui divisés non pas en nations, mais en classes, les oppresseurs et les opprimés. Les oppresseurs sont déjà bien organisés pour leurs objectifs égoïstes et diaboliques.

Les travailleurs doivent maintenant s'organiser sur le plan international. Et c'est là que vous, socialistes d'Amérique, avez une mission spéciale. Vous devez être l'avant-garde du prolétariat international parce que votre position est des plus avantageuses. Vous avez ce pour quoi nous luttons encore : le bulletin de vote.

 

Les Allemands se battent pour le bulletin de vote.

«Alors que nous, en Allemagne, entamons maintenant une lutte qui entraînera d'innombrables difficultés, peut-être des conséquences dangereuses pour beaucoup, qui exigera des sacrifices de chaque côté, par centaines, par milliers, vous, socialistes d'Amérique, vous avez gagné cette lutte pour vous par vos ancêtres, par les générations passées. Vous pouvez entrer dans cette lutte contre le capitalisme de la manière la plus avantageuse, la plus efficace.

« Ne laissez pas un Taft ou un politicien ambitieux combattre les trusts. Ils ne combattront pas les trusts. Ils ne le peuvent pas. Les trusts sont nos ennemis, vos rois, et c'est vous qui devez les combattre.

« Engagez-vous dans cette lutte pour le socialisme international avec toute la foi et le zèle du monde, car vous ne luttez pas pour une vision, pour un rêve, mais pour une loi naturelle. Car le socialisme doit succéder au capitalisme, aussi sûrement et aussi inévitablement que le jour succédera à cette nuit. » Le président de la soirée, Lore, à la fin du discours de Liebknecht, a averti l'auditoire que le 6 novembre, jour des élections, ils auront l'occasion de mettre en pratique les conseils de Liebknecht en déposant leur bulletin de vote pour les candidats du parti socialiste et en veillant à ce que leurs voisins fassent de même. Les United Singing Societies ont donné plusieurs sélections.

De Brooklyn, Liebknecht a été précipité en voiture au Lipain Theater, où une soirée de bienfaisance pour la campagne de Meyer London a été organisée.

Liebknecht y a fait quelques remarques qui ont déclenché un tonnerre d'applaudissements dans le public. Il a brièvement rappelé les vaillants champions de la cause du socialisme que les Juifs de Russie ont produits et a exprimé sa conviction que les Juifs d'Amérique ne seront pas moins fidèles à la cause du socialisme international que les Juifs de Russie, et qu'ils montreront cette foi au mouvement socialiste lors des prochaines élections en ajoutant Meyer London au Congrès.

Le New York Call était le premier quotidien socialiste de langue anglaise de la ville de New York et le deuxième aux États-Unis après le Chicago Daily Socialist. Le journal était le centre du Parti socialiste et sous l'influence de Morris Hillquit, Charles Ervin, Julius Gerber et William Butscher. Le journal était opposé à la Première Guerre mondiale et, sans surprise compte tenu de la fluidité de l'époque, ambivalent sur la révolution russe, même après l'expulsion de l'aile gauche du PS. Le journal est une source inestimable d'informations sur le mouvement ouvrier et l'histoire de la ville et l'un des journaux les plus importants de l'histoire du socialisme américain. Le journal a été publié de 1908 à 1923.

PDF du numéro complet : https://www.marxists.org/history/usa/pubs/the-new-york-call/1910/101012-newyorkcall-v03n284.pdf

Partager cet article
Repost0
4 février 2025 2 04 /02 /février /2025 12:44

On ne t'oublie pas ...

Partager cet article
Repost0
21 décembre 2024 6 21 /12 /décembre /2024 11:54
Karl Liebknecht au stade Karl-Liebknecht à Babelsberg (Berlin)

En 2019, j'avais découvert un hommage à Karl Liebknecht inattendu, celui de l'équipe de football de Babelsberg. De nouveau aujourd'hui un coup de coeur, l'installation dans ce même stade d' un bas-relief en son honneur.

"Lorsque nous avons appris qu'il était possible de déplacer le monument au stade Karl Liebknecht, nous avons tout de suite été enthousiastes. Un stade qui porte le nom de Liebknecht, dans une rue portant son nom, au sein d'un club qui se sent redevable de son héritage politique : de notre point de vue, il n'y a pas d'emplacement plus approprié à Potsdam pour ce monument !

Vous trouverez sur ce site des articles très documentés sur Karl Liebknecht en particulier dans le quartier où se trouve le stade! https://karl-liebknecht.rotes-nowawes.de/hintergrund.html

 

Karl-Liebknecht-Denkmal im KarLi eingeweiht

Foto: Thoralf Höntze Donnerstag, 12.12.2024 15:03 Uhr | Thoralf Höntze

 

Am heutigen 12. Dezember 2024 wurde, nach einem Umzug und der Restaurierung, ein Karl-Liebknecht-Relief, in unserem Stadion eingeweiht. Der Umzug des Reliefs wurde durch Umbaumaßnahmen im Babelsberger Park notwendig, wo sich das Denkmal zuvor befand. Als wir von der Möglichkeit erfuhren, das Denkmal ins Karl-Liebknecht-Stadion verlegen zu können, waren wir sofort begeistert. Ein Stadion, das den Namen Liebknechts trägt, an einer Straße mit seinem Namen, bei einem Verein, der sich seinem politischen Erbe verpflichtet fühlt: Aus unserer Sicht gibt es in Potsdam keinen passenderen Standort für dieses Denkmal! Das Denkmal weihen wir auch mit dem Wissen ein, dass dies ein wichtiges Ereignis für unsere aktive Fanszene ist und zukünftig ein weiterer wichtiger und zentraler Ort im Stadion sein wird. Die geschichtliche Aufarbeitung erfolgte durch die „Geschichtswerkstatt Rotes Nowawes e.V.“ unter der Leitung von Christian Raschke. Unter dem nachfolgenden Link sind alle geschichtlichen Hintergründe nachzulesen:

 

Informationen zum Karl-Liebknecht-Relief

 

Unseren besonderen Dank möchten wir den Personen aussprechen, die dieses Projekt ermöglicht haben:

 

Harald Kümmel, der bis August 2023 als kommissarischer Leiter der Geschäftsstelle Stadtentwicklung, Bauen, Wirtschaft und Umwelt der Landeshauptstadt Potsdam den Weg für das Projekt ebnete.

Christian Raschke, der den gesamten Prozess geschichtlich betreute und uns beraten hat.

Florian Pohlmann vom Restaurierungsatelier Pohlmann, der uns bei der Sanierung des Reliefs unterstützt hat.

Olaf Lieberwirth, der den Aufbau der Trägerwand für das Relief realisierte.

Steve Müller und Carsten Scheidt, für die professionelle Umsetzung des Gesamtprojekt.

Karina Mertsching (Stadtwerke Potsdam) für die Unterstützung, Hilfe  und die unkomplizierte Zusammenarbeit.

 

Partager cet article
Repost0
18 décembre 2024 3 18 /12 /décembre /2024 11:05
Fritz Stucke, Gustav Seiter et Wilhelm Eildermann, Brême, été 1914.

Fritz Stucke, Gustav Seiter et Wilhelm Eildermann, Brême, été 1914.

Vous pouvez retrouver sur notre site cette présentation (https://adlc.hypotheses.org/14082) ainsi que le programme des prochaines séances (https://adlc.hypotheses.org/seminaire-ldm-2024-2025) . Enregistrement de la séance sur ce site.
 
Ce Lundi 25 novembre, Pierre Millet interviendra au Séminaire Lectures de Marx de l'ENS dans le cadre d'une séance intitulée: Rouges en vert de gris : correspondances, journaux et mémoires de jeunes socialistes allemands opposés à la guerre de 1914-1918 qui inaugurera un cycle consacré au rapport des marxistes à l'impérialisme et à la question nationale.
 
La séance aura lieu à 18h30 en salle des résistants au 45 rue d'Ulm (1er étage, couloir AB).
Comme toujours, le séminaire est ouvert à toutes et à tous, il ne nécessite aucune inscription préalable.
Voici la présentation de la séance:
 
"L’été 1914 est un moment de bascule dans l’histoire du mouvement ouvrier. Dans tous les pays belligérants, à l’exception notable de la Russie et de la Serbie, les partis membres de l’Internationale socialiste se rangent derrière leurs gouvernements. Ils avaient pourtant juré solennellement au Congrès de Bâle (1912), et maintes fois ensuite, de tout faire pour stopper cette guerre que tous avaient vu venir. En quelques jours ces promesses sont pourtant oubliées, tant est forte la pression à l’unité nationale. En Allemagne, la majorité des députés du SPD (Parti social-démocrate d’Allemagne), qui avec son million de membres est le plus grand parti de l’Internationale, se prononcent en faveur du vote des crédits de guerre. Par discipline de parti, les députés qui s’étaient opposés à tout soutien à l’effort de guerre, dont Karl Liebknecht, votent comme un seul homme les crédits de guerre au Reichstag le 4 août 1914. Ce reniement des engagements antimilitaristes de la sociale démocratie ouvre la voie à la normalisation du SPD, qui était longtemps resté un parti paria, même si le souvenir des lois antisocialistes (1878-1898) était déjà loin. Le 1er août, l’empereur Wilhelm II prononce une phrase que l’on imprime à des centaines de milliers d’exemplaires sur les cartes postales, qui sont alors un important véhicule de la propagande officielle : « Ich kenne keine Parteien mehr, Ich kenne nur noch Deutsche ! » : « Je ne connais plus de partis, je ne connais que des Allemands ! ». Ainsi débute la période de Burgfrieden, (paix au château), le pendant allemand de l’Union sacrée, à ceci près qu’en Allemagne contrairement à ce qui advient en France, le SPD n’entre pas au gouvernement au cours du conflit.
 
Les militants du SPD sont alors jetés dans une grande perplexité, d’autant plus qu’ils ignorent encore la division des députés qui s’est exprimée lors de la réunion de fraction du parti, qui n’était pas publique. L’association de jeunesse sociale-démocrate soutient également la Burgfrieden et Ludwig Frank, qui n’était alors déjà plus très jeune, mais était toujours le dirigeant historique de la Junge Garde (jeune garde), se fait l’un des plus fervents partisans de l’entrée en guerre. Engagé volontaire, il meurt au combat le 3 septembre 1914 près de la ville de Baccarat en Meurthe et Moselle.
 
Son cas est abondamment discuté par les jeunes socialistes qui entendent rester fidèles à leurs engagements passés et cherchent à s’organiser contre la guerre. Leurs noms – Wilhelm Eildermann, Emil Birkert, Gustav Seiter, Fritz Rück, Otto Unger, Karl Jannack – sont aujourd’hui largement oubliés, de même que leur engagement contre la guerre. Il existe pourtant des sources très riches et encore méconnues les concernant. Une partie des lettres qu’ils se sont envoyées entre le front et l’arrière sont conservées aux archives fédérales allemandes et elles ont été publiées en ordre dispersé. Elles constituent un témoignage de première main sur la subjectivité, les prises de position et le rôle de ces jeunes militants, qui furent tous mobilisés, dans le mouvement d’opposition à la guerre qui débouchera sur la révolution de novembre 1918. C’est à ces lettres, ainsi qu’aux mémoires et journaux de ces jeunes militants, que nous consacrerons cette séance qui entend inaugurer un cycle sur le rapport des marxistes à l’impérialisme et à la question nationale."
 
 
Partager cet article
Repost0
17 décembre 2024 2 17 /12 /décembre /2024 11:47
Un texte de Rosa Luxemburg. Démocratie industrielle et démocratie politique - Critique de Bernstein

A lire sur le site matière et révolution : http://www.matierevolution.fr/spip.php?article8043

mardi 17 décembre 2024, par Alex

Ce texte porte le numéro 129 dans le catalogue de Kaczanowska. Il fut publié en français dans lle numéro 11 de la revue Le mouvement socialiste. Il est très proche du chapitre 2. Les syndicats, les coopératives et la démocratie politique de Réforme Sociale ou Révolution.  Mais cette version a été écrite par Rosa Luxemburg spécialement pour un public français.E. Bernstein publia sa Réponse à Mlle Luxemburg dans le numéro 16 de la même revue.(1) Voir sur la même question les numéros 6, 7 et 8 du Mouvement socialiste.

(Traduit par J. Rivière)

 

 

Le socialisme de Bernstein se ramène à faire participer les ouvriers au développement de la richesse sociale et à transformer ainsi les pauvres en riches. Comment cela peut-il s’effectuer ? Dans ses articles de la Neue Zeit, intitulés Problèmes du Socialisme, Bernstein ne laissait entrevoir que quelques indications à peine compréhensibles. Mais dans son livre, il nous fournit un éclaircissement complet sur cette question : son socialisme doit être réalisé par deux moyens, par les syndicats, ou selon l’expression qu’il emploie par la démocratie industrielle, et par les coopératives. Par les premiers, il veut s’en prendre au profit industriel ; par les seconds, au profit commercial.

Pour ce qui est des coopératives, et avant tout des coopératives de production, elles représentent, dans leur essence, au milieu de l’économie capitaliste, une forme hybride : une production socialisée en petit, dans un système d’échange capitaliste. Or, dans la société capitaliste, c’est l’échange qui domine la production et, par suite de la concurrence, pose comme condition même de l’existence pour toute entreprise une exploitation brutale, c’est-à-dire une subordination complète du processus de production aux intérêts du capital. En pratique, cela s’exprime par la nécessité de rendre le travail le plus intense possible, de le raccourcir ou de le prolonger selon la situation du marché, d’attirer la force de travail ou de la repousser et la jeter sur le pavé selon les exigences du débouché, en un mot de pratiquer toutes les méthodes connues qui rendent une entreprise capitaliste apte à soutenir la concurrence. Il résulte de ce qui précède que,dans les coopératives de production, les ouvriers se trouvent dans l’obligation contradictoire de se régir eux-mêmes avec tout l’absolutisme inévitable, de jouer par rapport à eux-mêmes le rôle de l’entrepreneur capitaliste. Et c’est précisément par suite de cette contradiction que la coopérative de production doit sombrer. Car, ou bien elle redevient, par un développement régressif, une entreprise capitaliste ; ou bien, si les intérêts ouvriers sont plus forts, elle se dissout.

Ce sont là des faits que Bernstein lui-même constate, mais qu’il comprend mal ; car, avec Mme Potter-Web, il voit dans une « discipline » insuffisante la cause de la décadence des coopératives de production. Ce qu’on appelle ainsi « discipline » d’une façon superficielle et plate, ce n’est pas autre chose que le régime absolutiste propre au capital, qu’il est évidemment impossible aux ouvriers de s’appliquer à eux-mêmes.

Il suit de là que la coopérative de production ne peut assurer son existence, au milieu de l’économie capitaliste, que si elle réussit à résoudre par un détour la contradiction — qu’elle porte en elle — entre le mode de production et le mode d’échange, et si elle se soustrait d’une façon artificielle aux lois de la libre concurrence. Elle ne le peut que si elle s’assure à l’avance un débouché, un cercle fixe de consommateurs, — et c’est la coopérative de consommation qui lui en fournit le moyen.

Et c’est là — et non pas dans la distinction entre coopératives d’achat et de vente — que gît ce mystère que cherche à résoudre Bernstein, à savoir pourquoi les coopératives indépendantes de production sombrent et pourquoi c’est seulement une coopérative de consommation qui peut leur assurer la vie.

Mais si c’est ainsi, si les conditions d’existence des coopératives de production sont, dans la société actuelle, liées aux conditions d’existence des coopératives de consommation, il en résulte, comme conséquence ultérieure, que les coopératives de production sont limitées, dans les cas les plus favorables, à un petit marché local restreint, et en sont réduites à la fabrication des choses—peu nombreuses— de consommation immédiate, et surtout à la production des objets de première nécessité. Toutes les branches les plus importantes de la production capitaliste : les industries textile, houillère, métallurgique, du pétrole, de même que la construction des machines, des locomotives, des navires, sont exclues par avance de la coopérative de consommation et par conséquent aussi de la coopérative de production. Donc, même en faisant abstraction de leur caractère hybride, les coopératives de production ne peuvent pas être un instrument de réforme sociale générale, déjà pour cette raison que leur généralisation suppose avant tout la suppression du marché mondial, —la dissolution de l’économie mondiale présente en petits groupes locaux de production et d’échange, c’est-à-dire essentiellement une régression de l’économie capitaliste vers l’économie médiévale.

D’ailleurs, môme dans les limites de leur réalisation possible, dans les cadres de la société actuelle, les coopératives de production se réduisent naturellement à de simples appendices de coopératives de consommation, lesquelles, en leur qualité de porteurs principaux de la réforme socialiste poursuivie, montent ainsi au premier plan. Mais si c’est cela, alors toute la réforme socialiste poursuivie au moyen des coopératives cesse d’être une lutte contre le capital de production, c’est-à-dire contre le tronc principal de l’économie capitaliste, pour devenir une lutte contre le capital commercial, et notamment contre le moyen et le petit commerce, c’est-à-dire contre de simples ramifications du tronc capitaliste.

Pour ce qui est des syndicats, qui, eux aussi, représentent, d’après Bernstein, un moyen de lutte contre le capital de production, ils ne sont pas en état— comme nous l’avons démontré d’ailleurs — (1) d’assurer aux ouvriers une influence quelconque sur le processus de production, ni au point de vue de son étendue, ni au point de vue de ses procédés techniques.

Mais pour ce qui est du côté purement économique, « la lutte du taux du salaire contre le taux du profit », comme l’appelle Bernstein, cette lutte ne se produit pas dans l’espace éthéré, mais dans les limites déterminées de la loi des salaires, qu’elle ne peut pas transgresser, qu’elle ne peut que réaliser. Cela devient évident aussi lorsqu’on prend la question à un autre point de vue, et que l’on se demande quelles sont les fonctions propres des syndicats.

Les- syndicats auxquels Bernstein assigne le rôle de mener, dans la lutte pour l’émancipation de la classe ouvrière, l’attaque principale contre le taux du profit industriel et de le dissoudre progressivement dans le taux du salaire, ne sont nullement en état d’entreprendre une politique économique offensive contre le profit. Ils ne sont, en effet, que la défensive organisée delà force de travail contre les attaques du profil, qu’un moyen de résistance de la classe ouvrière contre la tendance dépressive de l’économie capitaliste.

D’abord les syndicats ont comme rôle d’influencer sur le marché, par leur organisation, la situation de marchandise qu’est la force de travail. Mais cette organisation est continuellement disloquée par le processus de prolétarisation des couches moyennes, qui l’ait affluer sur le marché du travail des marchandises toujours nouvelles. En second lieu, les syndicats ont pour but d’élever le niveau de la vie, la part de la classe ouvrière à la richesse sociale. Mais cette part est continuellement rabaissée, avec la fatalité d’un processus naturel, par la croissance de la productivité du travail. Pour comprendre cela, on n’a pas du tout besoin d’être marxiste ; il suffit d’avoir eu une fois entre ses mains le Zur Beleutung der sozialen Frage de Rodbertus.

De cette façon, la lutte syndicale se transforme, dans ses deux fonctions économiques principales, grâce à des processus objectifs de la société capitaliste, en une sorte de travail de Sisyphe. Ce travail de Sisyphe est, il est vrai, inévitable, si l’ouvrier veut arriver à obtenir le taux du salaire qui lui est échu d’après la situation donnée du marché, si la loi capitaliste des salaires doit être réalisée, et si la tendance dépressive du développement économique doit être paralysée, ou plutôt, plus exactement, affaiblie dans son action. Mais lorsqu’on songe à transformer les syndicats en un instrument de réduction progressive du profit au bénéfice du salaire, cela suppose avant tout, comme condition sociale : i° un arrêt dans la prolétarisation des classes moyennes et dans la croissance de la classe ouvrière ; 2° un arrêt dans l’augmentation de la productivité du travail. Donc dans les deux cas, de même que dans l’économie basée sur les coopératives de consommation, c’est une régression vers les formes sociales précapitalistes.

Les deux moyens de Bernstein pour accomplir la réforme socialiste : les coopératives et les syndicats, apparaissent donc comme complètement impuissants à transformer le mode de production capitaliste. A proprement parler, Bernstein en a une conscience obscure. Il ne les considère que comme moyen de rogner le profit capitaliste, et d’enrichir de cette façon les travailleurs. Mais par là même il renonce lui même à la lutte contre la production capitaliste, et oriente le mouvement démocrate socialiste vers la lutte contre la distribution capitaliste. En effet, Bernstein formule, à plusieurs reprises, son socialisme, comme la tendance à une distribution « juste », « plus juste » (page 51 de son livre), même « encore plus juste » (Vorwaerts, 26 mars 1899).

Certes le motif qui pousse le plus immédiatement vers le mouvement démocrate socialiste, au moins dans les masses populaires, est aussi sans contredit la distribution « injuste » de l’ordre capitaliste. Et en luttant pour la socialisation de toute l’économie, la démocratie socialiste tend par cela même aussi à établir une distribution « juste » de la richesse sociale. Seulement, grâce à cette conception marxiste que la distribution n’est à chaque moment que la conséquence naturelle du mode de production donné, elle dirige sa lutte, non pas contre la distribution dans le cadre de la société capitaliste, mais vers l’abolition de la production marchande elle-même. En un mot, la démocratie socialiste veut instaurer la distribution socialiste par la suppression du mode de production capitaliste, tandis que le procédé de Bernstein est juste le contraire. Il veut combattre la distribution capitaliste et espère amener, par cette voie, l’établissement du mode de production socialiste.

Cela étant, quelle base théorique peut-on maintenant donner à la réforme socialiste de Bernstein ? Peut-on la fonder sur des tendances déterminées de la production capitaliste ? — Nullement. Car, en premier lieu, il nie lui-même ces tendances ; et, en second lieu, d’après ce que nous venons de dire, la forme poursuivie de la production n’est, chez lui, que le résultat et non la cause de la distribution. Le fondement théorique de sonsocialisme ne peut donc pas être économique. Après avoir renversé de fond en comble les buts et les moyens du socialisme, et par .cela même les rapports économiques, il ne peut plus donner des bases matérialistes à son programme : il est forcé d’avoir recours à un fondement idéaliste.

« Pourquoi déduire le socialisme de la nécessité économique ? », s’écrie Bernstein. « Pourquoi dégrader l’intelligence, la conscience du droit, la volonté de l’homme ? ». (Vorwaerls, 26 mars 1899). La distribution plus juste de Bernstein sera donc réalisée, grâce à la volonté humaine souveraine n’agissant pas sous l’impulsion de la nécessité économique, ou, plus,exactement, — comme cette volonté n’est elle-même qu’un instrument,— grâce à la conscience de la justice, en un mot grâce à l’idée de la justice.

Nous voici donc arrivés— heureusement—au principe de la Justice, ce vieux cheval de retour, monté depuis des siècles par tous les rénovateurs du monde privés de plus sûrs moyens de locomotion historique, à cette Rossinante déhanchée sur laquelle ont chevauché tous les Don Quichotte de l’histoire, à la recherche de la grande réforme mondiale, — pour ne rapporter de ces voyages autre chose que quelque oeil poché.

Les rapports de pauvre à riche, comme base sociale du socialisme, le « principe » coopératif comme son contenu, la « distribution plus juste » comme son but et l’idée de la justice comme son unique légitimation historique, voilà ce que l’on nous propose.

Avec combien plus de force, avec combien plus d’esprit, avec, combien plus d’éclat cette sorte de socialisme fut défendue par Weitling, il y a cinquante ans ! Il est vrai que ce tailleur génial ne connaissait pas encore le socialisme scientifique. Et si aujourd’hui, un demi-siècle plus tard, toute sa conception déchirée en petits morceaux par Marx et Engels a été de nouveau heureusement apiécée et recousue pour être soumise au prolétariat allemand comme le dernier mot de la science, il a fallu pour ce travail un tailleur..., mais pas un tailleur génial !

De même que les syndicats et les coopératives en sont le point d’appui économique, de même la principale condition politique de la théorie de Bernstein est le développement continuellement progressif de la démocratie. Les explosions présentes de la réaction ne sont pour lui que des « spasmes » qu’il tient pour fortuits et passagers, et avec lesquels on n’a pas à compter, lorsque l’on pose la directive générale de la lutte ouvrière.

Mais ce qui est important, ce n’est pas ce que Bernstein pense en se fondant sur les assurances orales et écrites de ses amis sur la durée de la réaction, mais c’est le rapport objectif interne entre la démocratie et le développement social réel.

D’après Bernstein, la démocratie apparaît comme une phase inévitable dans le développement de la société moderne. La démocratie est même pour lui, tout comme pour un théoricien quelconque du libéralisme, la grande loi fondamentale du développement historique en général. C’est à sa réalisation que doivent servir toutes les forces agissantes de la vie politique. Ce principe, sous cette forme absolue, est foncièrement faux ; ce n’est qu’une schématisation petite-bourgeoise et superficielle des résultats d’une courte période de l’évolution bourgeoise pendant les vingt-cinq à trente dernières années.

En effet, lorsqu’on regarde de plus près le développement de la démocratie dans l’histoire et en même temps l’histoire politique du capitalisme, on arrive à un résultat essentiellement différent.

Pour ce qui est du premier point, nous trouvons la démocratie dans les formes sociales les plus diverses : dans les sociétés communistes primitives ; dans les Etats antiques basées sur l’esclavage, dans les communes urbaines du Moyen-Age. De même on rencontre la monarchie liée aux conditions économiques les plus différentes. D’autre part, le capitalisme provoque à ses débuts—comme production marchande —une constitution purement démocratique dans les communes urbaines.

Plus tard, dans sa forme plus développée—comme manufacture— il trouve sa forme politique adéquate dans la monarchie absolue.

Enfin, il produit en France — au stade de l’économie industrielle développée— successivement la république. démocratique(1793), la monarchie absolue de Napoléon Ier, la monarchie aristocratique de la Restauration(1815-1830), la monarchie bourgeoise constitutionnelle de Louis-Philippe, puis de nouveau une République démocratique, puis la monarchie de Napoléon III, enfin la troisième République.

En Allemagne, l’unique institution vraiment démocratique,le suffrage universel, n’est pas une conquête du libéralisme bourgeois, mais un instrument qui a servi à l’unification du pays par la soudure des petits Etats, et qui n’a pas d’autre signification dans le développement de la bourgeoisie allemande ; laquelle se contente fort bien pour le reste d’une monarchie constitutionnelle à moitié féodale.

En Russie, le capitalisme prospère merveilleusement, sous l’absolutisme oriental, sans que la bourgeoisie ait l’air, pour le moment du moins, de désirer ardemment la démocratie.

En Autriche, le suffrage universel se montre en grande partie comme une ceinture de sauvetage pour la monarchie en perdition, et le peu de rapport qu’il a avec la démocratie proprement dite est prouvé par la puissance du paragraphe 14.

En Belgique enfin, la conquête démocratique du mouvement ouvrier,le suffrage universel, est indubitablement liée à la faiblesse du militarisme (donc à la position géographique et politique spéciale du pays), et avant tout ce n’est pas « un bout de démocratie » conquis par la bourgeoisie, mais contre la bourgeoisie.

La montée ininterrompue de la démocratie qui parait être pour Bernstein et pour le libéralisme bourgeois la grande loi fondamentale de l’histoire humaine ou tout moins de l’histoire moderne, n’est donc, si on la regarde de plus près, qu’une construction en l’air. Il n’est pas possible d’établir une connexité absolue entre le développement du capitalisme et la démocratie.

La forme politique est chaque fois la résultante de tous les facteurs politiques intérieurs et extérieurs, et permet —dans ces limites — une extrême diversité, depuis la monarchie absolue jusqu’à la République démocratique.

Si donc après avoir ainsi dû rejeter de la société moderne la loi historique générale du développement de la démocratie, nous nous adressons à la phase actuelle de l’histoire de la bourgeoisie, nous voyons ici encore, dans la situation politique, des facteurs qui tendent non pas à la réalisation du schéma de Bernstein, mais plutôt, au contraire, à l’abandon par la société bourgeoise de toutes les conquêtes faites jusqu’à présent.

D’une part, les institutions démocratiques, et cela est d’une importance capitale, ont en grande partie épuisé leur rôle dans le développement de la bourgeoisie : autrefois nécessaires pour la réunion des petits Etats et pour la constitution des grandes nationalités modernes (Allemagne, Italie), elles sont devenues superflues.

Le développement économique a, depuis amené une « coalescence organique » entre les différentes parties, et les « bandages » de la démocratie politique peuvent être enlevés sans danger pour l’organisme des sociétés bourgeoises.

Les mêmes considérations valent pour la transformation en un mécanisme capitaliste du mécanisme féodal de toute la machine politico-administrative de l’Etat.

Cette transformation qui, au point de. vue historique, a été indissolublement liée à la démocratie, s’est accomplie aujourd’hui dans une mesure telle que les « ingrédients » purement démocratiques de l’Etat ; le suffrage universel, la forme républicaine, peuvent être éliminés sans danger, sans que l’administration, les finances, la défense nationale retombent dans les formes d’avant 48-

Si donc, à ce point de vue, le libéralisme est, pour la société bourgeoise, essentiellement superflu, à un autre point de vue non moins important il est devenu pour elle un obstacle immédiat. Ici il faut prendre surtout en considération deux facteurs, qui dominent toute la vie politique de l’Etat moderne : la politique mondiale et le mouvement ouvrier — qui ne sont que deux côtés différents de la phase actuelle du développement capitaliste.

Le développement de l’économie mondiale, l’accentuation et la généralisation de la concurrence sur le marché mondial ont fait du militarisme et du ce « marinisme » le moment déterminant de la vie intérieure et de la vie extérieure de tous les grands Etats. Mais si la politique mondiale et le militarisme présentent indubitablement—parce que liés aux besoins économiques du capitalisme, — une tendance ascendante de la phase actuelle, il en résulte logiquement que la démocratie bourgeoise doit suivre une marche descendante. — et nous en trouvons l’exemple le plus frappant dans les Etats-Unis depuis la guerre espagnole.

En France, la République doit surtout son existence à la situation politique internationale, qui rend une guerre momentanément impossible.

En Allemagne, l’ère récente des « grands armements » et la politique mondiale inaugurée à Kiau-Tchéou a été immédiatement payée par deux sacrifices de la démocratie bourgeoise, la décomposition du libéralisme et la défaillance du centre catholique.

Si donc la politique extérieure de la bourgeoisie la pousse dans les bras de la réaction, il en est de même de sa politique intérieure — déterminée par l’ascension de la classe ouvrière. Bernstein lui même le reconnaît en rendant responsable de la désertion de la bourgeoisie ; libérable la légende de l’Ogre démocrate socialiste, c’est-à-dire les tendances socialistes de la classe ouvrière, et c’est pour celte raison qu’il conseille au prolétariat d’abandonner son but final, afin de tirer du terrier réactionnaire le libéralisme effrayé jusqu’à la mort.

Mais avec cela, il prouve de la façon la plus frappante—en faisant aujourd’hui du rejet du mouvement ouvrier socialiste la condition vitale et la « présupposition » sociale de la démocratie bourgeoise —, que cette démocratie est contradictoire au développement de la tendance intérieure de l’évolution de la société bourgeoise et dans la même mesure que le mouvement ouvrier est le produit direct de cette tendance.

Mais il prouve encore autre chose. En faisant de l’abandon par la classe ouvrière du but final socialiste, la condition et la présupposition de la résurrection de la démocratie bourgeoise, il montre combien peu au contraire la démocratie bourgeoise peut être une condition et une présupposition nécessaire du mouvement socialiste et de sa victoire.

Ici, le raisonnement de Bernstein aboutit à un cercle vicieux, sa dernière conclusion détruisant sa première supposition.

Le moyen de sortir de ce cercle est très facile ; du fait que le libéralisme bourgeois a rendu l’âme, par peur du mouvement ouvrier ascendant et de son but final, il ne résulte que ceci : c’est que le mouvement ouvrier peut être et est aujourd’hui l’unique soutien de la démocratie ; que le sort du mouvement socialiste n’est pas lié à la démocratie bourgeoise, mais au contraire que le sort de la démocratie est liée au mouvement socialiste ; que la démocratie n’acquiert pas d’autant plus de vitalité que la classe ouvrière abandonne plus la lutte pour son émancipation, mais au contraire qu’elle en acquiert dans la mesure où le mouvement socialiste devient assez fort pour combattre les conséquences réactionnaires delà politique mondiale et de la désertion de la bourgeoisie ; que quiconque désire le renforcement de la démocratie doit aussi désirer le renforcement—et non pas l’affaiblissement—du mouvement socialiste ; enfin qu’en abandonnant les tendances socialistes, on abandonne en même temps la démocratie.

Bernstein déclare à la fin de sa « réponse » à Kautsky dans le Vorwaerts qu’il est complètement d’accord avec la partie pratique du programme de la démocratie socialiste et que s’il a quelque objection à faire, c’est uniquement contre la partie théorique. Malgré tout cela il croit encore pouvoir marcher à bon droit dans les rangs du Parti, « car, pour lui, quelle importance y a-t- il, à ce que dans la partie théorique il y ait une phrase qui ne soit pas à l’unisson de sa conception ? » Cette déclaration prouve tout au plus combien Bernstein a perdu le sens de la connexité entre l’action pratique de la démocratie socialiste et ses principes généraux, combien les mêmes mots ont cessé d’exprimer les mêmes choses pour le « Parti » et pour « Bernstein ». En réalité, les théories propres à Bernstein conduisent à cette conception socialiste très élémentaire que, sans les principes fondamentaux, toute la lutte pratique devient inutile et sans valeur, qu’avec l’abandon du but final le mouvement lui-même doit sombrer.

(1) Nous reproduisons le passage auquel Rosa Luxemburg fait allusion :

« La fonction principale des syndicats (et personne ne l’a mieux prouvé que Bernstein lui-même, il y a sept ans, dans la NeueZeit) consiste en ce qu’ils fournissent aux ouvriers le moyen de réaliser la loi capitaliste des salaires, c’est-à-dire la vente de la force de travail d’après la situation du marché. Ce en quoi les syndicats servent au prolétariat, c’est qu’ils lui permettent de tirer profit des conjonctures du marché à chaque moment donné. Mais ces conjonctures elles-mêmes, c’est-à-dire d’une part la demande de la force de travail déterminée par l’état de la production, et d’autre part l’offre de cette force de travail conditionnée par la prolétarisation et par la reproduction naturelle, et enfin le degré donné de la productivité du travail, — tout cela se trouve en dehors de la sphère d’action des syndicats. Et c’est pour cela qu’ils ne peuvent pas renverser la loi des salaires. Ils peuvent tout au plus replacer l’exploitation capitaliste dans ses limites « normales », mais en aucun cas supprimer progressivement cette exploitation capitaliste elle-même.

« Conrad Schmidt, il est vrai, traite le mouvement syndicat présent de « stade initial faible », et il annonce qu’à l’avenir « le « syndicalisme exercera une influence croissante sur la production elle-même ». Mais on ne peut comprendre que deux choses sous ce mot « réglementation de la production » : i° l’intervention dans la technique du processus de production ; 2° la détermination de l’étendue de la production. Quelle peut être, sur ces deux questions, la nature de l’action des syndicats ? Il est évident que, pour ce qui est de la technique de la production, l’intérêt d’un capitaliste pris individuellement se confond complètement avec le progrès et le développement de l’économie capitaliste. Ce sont ses propres besoins qui le poussent aux améliorations techniques. Mais la situation d’un ouvrier pris individuellement est précisément tout à fait le contraire ; toute amélioration technique est en opposition avec les intérêts des ouvriers, qui en sont atteints directement, et empire leur situation immédiate, en dépréciant la valeur de la force de travail. En tant que le syndical peut intervenir dans la technique de la production, il ne peut le faire que dans le sens que nous venons d’indiquer, c’est-à-dire agir dans l’intérêt du groupe d’ouvriers directement intéressé, en s’opposant à toutes les innovations. Or, dans ce cas, il n’agit pas dans l’intérêt de la classe ouvrière prise dans son ensemble et dans le sens de son émancipation, — lesquels concordent plutôt avec le progrès technique, c’est-à-dire avec- l’intérêt d’un capitaliste pris individuellement ;—mais précisément dans le sens contraire, dans le sens de la réaction. Et, en effet, nous trouvons celle tendance d’agir sur la technique de la production, non pas dans l’avenir, où la cherche Conrad Schmidt, mais dans le passé du mouvement syndical : elle est ta marque caractéristique de l’ancienne phase du trade-unionisnie anglais (jusqu’en 1860 environ), pendant laquelle il se rattachait encore aux traditions des corporations du Moyen-Age, et s’appuyait d’une façon caractéristique sur le principe suranné « du droit acquis à un travail,convenable ».

« Par contre, la tendance des syndicats à déterminer l’étendue de la production et les prix des marchandises est un phénomène de date tout à fait récente. Ce n’est que tout dernièrement que nous avons vu (de nouveau en Angleterre seulement) surgir des tentatives dirigées dans ce sens.

« Mais aussi bien, pour ce qui est de leur caractère et de leurs tendances, ces tentatives valent celles qui précèdent. Car en somme à quoi se réduit nécessairement la participation active des syndicats dans la détermination de l’étendue et des prix de la production marchande ? — A un cartel des ouvriers et des patrons contre le consommateur, — et notamment en employant à l’égard des patrons en concurrence des mesures de compression qui ne cèdent en rien aux méthodes employées par les syndicats patronaux réglementaires. Ce n’est plus en fait une lutte entre le travail et le capital, mais une lutte solidaire du capital et du travail contre les consommateurs. Au point de vue de sa valeur sociale, c’est une entreprise réactionnaire qui ne peut devenir une étape clans la lutte que le prolétariat mène pour son émancipation, pour la raison qu’elle représente plutôt le contraire de la lutte des classes. Au point de vue de sa valeur pratique ;, c’est une utopie qui, comme quelques instants de réflexion doivent le faire voir, ne pourra jamais s’étendre, à des branches de production d’une certaine importance ; et produisant pour le marché mondial.

« L’activité des syndicats si ; borne donc essentiellement à la lutte pour le salaire et pour la réduction de la journée de travail, c’est-à-dire à la simple, réglementation de l’exploitation capitaliste d’après la situation du marché ; l’action sur le processus de production leur est fermée par la nature même des choses. Plus encore. Toute la marche du développement syndical tend précisément, à l’encontre de ce que dit Conrad Schniidt, à supprimer complètement tout rapport immédiat entre le marché du travail et le reste du marché. Le l’ait le plus significatif, à ce sujet, c’est
même la tendance de mettre le contrat de travail au moins en rapport passif avec la situation générale de la production, à l’aide du système de l’échelle mobile, qui est actuellement complètement dépassé par l’évolution, et dont les trades-unions anglaises se détournent de plus en plus. »

Partager cet article
Repost0
4 décembre 2024 3 04 /12 /décembre /2024 20:00
Monatte. Sa lettre de démission au Comité Confédéral de la C.G.T.
1914. Ils furent peu nombreux au sein du mouvement ouvrier à refuser la guerre. Luxemburg, Liebknecht et leur courant au sein de la social-démocratie allemande. Et en France, un symbole ... Pierre Monatte

Décembre 1914


Camarades,

Après le vote émis dans sa séance du 6 décembre par le Comité Confédéral, je considère comme un devoir de renoncer au mandat que vous m'aviez confié.

Voici les raisons qui ont dicté ma détermination : au cours de ces cinq derniers mois, c'est avec stupeur, avec douleur, que j'avais vu le Comité Confédéral enregistrer purement et simplement l'acceptation par son secrétaire général d'une mission officielle de commissaire de la nation.

Quelques semaines plus tard, la Commission Confédérale envoyée à Bordeaux consentir à faire une tournée de conférences pour le compte du gouvernement.

Des militants syndicalistes, des fonctionnaires d'organisations, tenir un langage digne de purs nationalistes. Aujourd'hui, le Comité Confédéral vient de refuser sa sympathie aux efforts tentés eu vue de la paix par les socialistes des pays neutres. Pour le Comité Confédéral, parler en ce moment de paix constituerait une faute, presque une trahison, une sorte de complicité dans une manœuvre allemande, tout comme pour Le Temps et pour le gouvernement. Dans ces conditions, il m'est impossible de rester plus longtemps dans son sein, car je crois, au contraire, que parler de paix est le devoir qui incombe, en ces heures tragiques, aux organisations ouvrières conscientes de leur rôle.

Le 22 novembre, le secrétaire confédéral donnait connaissance au Comité d'une invitation à la Conférence des socialistes des pays neutres organisée à Copenhague, pour les 6 et 7 décembre par les partis socialistes scandinaves. M'opposant au passage à l'ordre du jour, je faisais la proposition suivante : que la C.G.T. répondit en assurant les socialistes scandinaves que, s'il nous était impossible d'envoyer un délégué, nous suivrions cependant leur efforts en faveur de la paix avec la plus grande sympathie et que nous faisions des vœux pour le succès de Copenhague. A la séance du 29 novembre, la fédération des Métaux déposait une résolution motivée, inspirée du même esprit, à laquelle je me ralliai avec empressement.

Comment et par qui elle fut combattue ? Par quels arguments ?

Il serait trop long de le dire ici ; mais les procès-verbaux du Comité Confédéral 22 novembre, 29 novembre et 6 décembre vous fixeront sans doute un jour prochain.

Le 6 décembre, le Comité Confédéral se trouvait devant trois propositions : une première, de la Fédération du Bâtiment, tendant à ne faire aucune réponse ; une seconde, de Luquet, comportant des restrictions importantes et l'accord de la C.G.T. et du Parti sur un texte commun de réponse ; enfin celle des Métaux. Le Comité se prononça d'abord sur la proposition à caractère préjudiciel du Bâtiment, l'adoptant par 22 voix contre 20 et 2 abstentions. Il est hors de doute que la proposition des Métaux aurait été écrasée, le 6 décembre, par une forte majorité.

Ainsi, une nouvelle fois, des appels socialistes en faveur de la paix n'auront trouvé aucun écho dans les organisations centrales françaises, ni dans la presse ouvrière de ce pays, celle-ci allant même jusqu'à refuser de les reproduire. Appels et initiatives conformes cependant à la résolution des congrès socialistes internationaux de Stuttgart, de Copenhague et de Bâle, qui déclare :

" Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, c'est le devoir (aux classes ouvrières) de s'entremettre pour faire cesser promptement et d'utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste ".

Ce devoir, Keir Hardie et l'Independent Labour Party, en Angleterre, se sont efforcés, dès le premier jour, de le remplir ; ainsi que les deux partis socialistes russe ; de même que les socialistes italiens et suisses dans leur Conférence de Lugano et le parti socialiste américain par son initiative d'un Congrès socialiste international extraordinaire. C'est le devoir que vient de remplir Karl Liebknecht et avec lui une minorité du parti socialiste allemand par sa protestation au Reichstag, le 2 décembre :

" Une paix rapide qui n'humilie personne, pour une paix sans conquêtes, voilà, déclare-t-il, ce qu'il faut exiger. Tous les efforts dirigés dans ce sens doivent être bien accueillis.
Seule, l'affirmation continue et simultanée de cette volonté, dans tous les pays belligérants, pourra arrêter le sanglant massacre avant l'épuisement complet de tous les peuples intéressés. " Seule, une paix basée sur la solidarité internationale de la classe ouvrière et sur la liberté de tous les peuples peut être une paix durable. C'est dans ce sens que les prolétariats de tous les pays doivent fournir, même au cours de cette guerre, un effort socialiste pour la paix ".

Il est incompréhensible, dans une certaine mesure, que les masses du peuple, trompées et excitées journellement par la presse, par toute la presse, aient accepté comme articles de foi toutes les déclarations gouvernementales. Mais que les militants du syndicalisme n'aient pas montré plus de plus de clairvoyance, qu'ils n'aient pas apporté plus de sens critique à l'examen des allégations gouvernementales, qu'ils se soient laissé gagner par la fièvre de la vanité nationale, qu'ils aient perdu le souvenir des principes qui guidaient jusqu'à maintenant leur action, voilà le plus attristant spectacle.

Quand Poincaré, il y aura deux ans le mois prochain, monta à la présidence de la République, certains d'entre nous se dirent : " Nous aurons la guerre avant la fin de son septennat ".

Nous l'avons eue moins de deux ans après. Cette guerre prévue, redoutée par nous, cette guerre voulue, préparée par nos politiciens de l'esprit national, c'est elle que la majorité du Comité Confédéral envisage maintenant comme une guerre de libération pour l'Europe, comme une guerre capable de porter la liberté et la République à l'Allemagne et de ruiner le militarisme universel.

Quelle illusion !

Cette guerre, dont l'attentat de Sarajevo ne fut que le prétexte, a ses sources réelles dans le duel économique anglo-allemand et dans la rivalité germano-slave.

L'alliance russe, déjà la honte de la République française, a précipité notre pays dans le gouffre. L'alliance russe et les ambitions marocaines de nos coloniaux. Le Kaiser n'a fait qu'avancer l'heure de la conflagration européenne. Sa responsabilité en est plus lourde que celle d'aucun gouvernement ; mais celle des gouvernements français, russe et anglais n'est pas légère.

Encore n'est-il pas établi que le gouvernement français ait tout fait pour sauvegarder la paix dans la dernière semaine de juillet. Nul ne doute que la diplomatie secrète - aux méfaits tant de fois dénoncés - ait joué un rôle considérable dans la déclaration de la guerre.

Les travailleurs conscients des nations belligérantes ne peuvent accepter dans cette guerre la moindre responsabilité ; elle pèse, entière, sur les épaules des dirigeants de leurs pays. Et loin d'y découvrir des raisons de se rapprocher d'eux, ils ne peuvent qu'y retremper leur haine du capitalisme et des Etats. Il faut aujourd'hui, il faudrait plus que jamais conserver jalousement notre indépendance, tenir résolument aux conceptions qui sont nos nôtres, qui sont notre raison d'être.

Si on les croit fausses, qu'on le dise !

Alors seulement on aura le droit de faire du nationalisme sous toutes ses formes, nationalisme politique et nationalisme économique. Mais je crains fort que nos organisations centrales, en France comme en Allemagne, C.G.T. comme Parti socialiste, Union Syndicale internationale comme Internationale socialiste, n'aient signé leur faillite. Elles venaient de se révéler trop faibles pour empêcher la guerre, après tant d'années de propagande organisatrice. Mais on pouvait encore se dire que la faute en incombait peut-être aux masses restées à l'écart et qui n'avaient pas compris les devoirs de l'internationalisme. Cette dernière lueur d'espoir vacille sous les paroles des militants d'un pays à l'autre. C'est au centre que le feu, c'est-à-dire la foi, a manqué.

Si l'humanité doit connaître un jour la paix et la liberté, au sein des Etats-Unis du monde, seul un socialisme plus réel et plus ardent, surgissant des désillusions présentes, trempé dans les fleuves de sang d'aujourd'hui, peut l'y mener. Ce n'est pas, en tout cas, les armées des alliés, non plus que les vieilles organisations déshonorées qui le peuvent. C'est parce que je crois, chers camarades du Gard et du Rhône que la C.G.T. s'est déshonorée par son vote du 6 décembre, que je renonce, non sans tristesse, au mandat que vous m'aviez confié.

A lire, comme toujours chez maspero, pierre monatte, la lutte syndicale

et sur le net le texte reproduit ici : https://www.marxists.org/francais/monatte/works/1914/12/monatte_19141200.htm

 

Partager cet article
Repost0
3 septembre 2024 2 03 /09 /septembre /2024 11:40
 
Cahiers d'Histoire 2023.G ilbert Badia et Nicolas Offenstadt, Le Spartakisme. Les dernières années de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, 1914-1919.Ivry-sur-Seine, Éditions Otium, 2021, 448 p., 25 €. Daria Dyakonova
 
 

« Spartacus ! Quelles résonances ce nom a-t-il pour le lecteur français d’aujourd’hui ? Quelles figures évoque-t-il ? » C’est avec ces mots que Gilbert Badia ouvre son livre sur le mouvement révolutionnaire et socialiste allemand durant la Première Guerre mondiale, et spécifiquement sur ses protagonistes et martyrs Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. L’ouvrage de Gilbert Badia, germaniste, traducteur (y compris de Marx), historien et militant communiste, écrit dans les années 1960 et publié pour la première fois en 1966, fait en 2021 l’objet d’une réédition.

 

Cet ouvrage, loin d’être un simple « reprint » selon les éditeurs, présente en effet une édition augmentée, enrichie en notes infrapaginales, en notices biographiques aussi bien qu’en iconographie. La réédition contient en outre une préface analytique riche de l’historien français Nicolas Offenstadt. Ce dernier y précise d’ailleurs que le livre de Badia reste une contribution unique en langue française sur l’histoire des spartakistes, et plus largement sur la Grande Guerre en Allemagne et les mouvements de gauche. Cela explique, selon Offenstadt, la pertinence de sa réédition. J’ajouterai ici que l’intérêt des lecteurs envers le mouvement révolutionnaire allemand pendant et après la Grande Guerre reste très fort, comme en témoigne le succès des éditions en allemand, en anglais et en français de l’œuvre de Rosa Luxemburg, entrepris depuis quelques décennies déjà par le collectif Smolny (éditions Agone) et les éditions Spartacus, aussi bien que d’autres ouvrages sur la période répertoriés dans la section « Pourquoi rééditer » du livre1.

 

Le travail de Gilbert Badia reste, en outre, incontournable pour tout·e historien·ne de la gauche, même s’il est rarement cité, grâce aux sources primaires inclues en annexe par l’auteur, où le lecteur trouvera les lettres de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, aussi bien que les comptes-rendus des réunions des spartakistes ou les notices biographiques rédigées par l’auteur. Le livre comprend quatre parties thématiques et chronologiques divisées en chapitres. Les trois premières parties suivent le mouvement spartakiste et antimilitariste à partir du début de la guerre, jusqu’à l’assassinat de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht et la répression du mouvement spartakiste en janvier 1919. La quatrième partie propose une analyse des activités du mouvement, de ses forces et faiblesses aussi bien que des causes de l’échec de la révolution allemande.

 

L’ouvrage de Gilbert Badia, « curieusement oublié2 » dans l’historiographie française, permet de revisiter le concept du « luxemburgisme » et le débat sur l’anti-léninisme de Rosa Luxemburg, souvent mis en avant – à tort selon Gilbert Badia  par certains courants et historiens de gauche de son époque. Ajoutons ici que ces débats restent d’actualité et sont souvent interpellés, tant par la gauche que par la droite, en France et ailleurs. Enfin, cette lecture, très bien documentée mais aussi inspirante, encourage également à revenir sur l’action et la personnalité de Gilbert Badia lui-même, dont « la vie mériterait d’être longuement racontée et étudiée3 » et qui, pendant la guerre froide, œuvrait à l’établissement et au renforcement des liens politiques, culturels et intellectuels entre l’Allemagne de l’Est socialiste et la France.

Haut de page

Pour citer cet article. Référence électronique :Daria Dyakonova, « Gilbert Badia et Nicolas Offenstadt, Le Spartakisme. Les dernières années de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, 1914-1919 », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 156 | 2023, mis en ligne le 06 juin 2023, consulté le 03 septembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/chrhc/21651 ; DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.2

Lire aussi la critique du Monde Diplomatique, septembre 2021

 

On connaît, ou on croit connaître, Rosa Luxemburg. Mais, derrière l’icône « Rosa », il y a toute une fraction du mouvement ouvrier allemand, dont la belle réédition du livre classique de Gilbert Badia vient rappeler les contours. Badia, pionnier des études germaniques dans ce domaine, relate les combats des minoritaires du Parti social-démocrate (SPD) contre la première guerre mondiale, leur rupture avec la majorité, leur travail d’organisation et de propagande dans un Reich que l’annonce de la révolution russe de 1917, l’approche de la défaite et l’agitation populaire mettent sous haute tension. Il retrace avec clarté les étapes de l’affrontement entre les spartakistes, fondateurs en décembre 1918 du Parti communiste d’Allemagne (KPD), et les sociaux-démocrates, qui, alliés aux forces les plus conservatrices, veulent assurer par tous les moyens le retour à l’ordre. Intellectuel engagé sans complaisance, il s’efforce de caractériser au plus juste ces spartakistes que l’on assimile trop souvent aux bolcheviks, offrant ainsi un tableau historique qui, cinquante ans après sa première publication, mérite encore d’être lu.

Antony Burlaud

Partager cet article
Repost0

Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009