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Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

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Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
3 février 2023 5 03 /02 /février /2023 09:53
Gustav Noske est revenu - lu sur le net. Difficile de ne pas se souvenir du 15 janvier 1919, lorsque Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés par les Freikorps sur ordre d’un « social démocrate » : Noske lui-même.

Depuis un certain temps, je pensais à ce titre et à cette comparaison.

Je travaille sur mars 1919 et sur l'assassinat des efforts révolutionnaires en 18/19 par la social démocratie majoritaire. Assassinat dans lequel Gustav Noske joua un rôle central au sens propre. Qui s'appuya pour cela sur  l'armée et les corps francs. Ces corps francs dont la violence était extrême et qui donnèrent naissance aux forces nazies.

Ce titre est celui d'un article lu sur le net avec l'illustration d'une œuvre de Grosz. On y lit ces phrases :

"Difficile de ne pas se souvenir du 15 janvier 1919, lorsque Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés par les Freikorps sur ordre d’un « social démocrate » : Noske lui-même. Noske endossant sans culpabilité le rôle de l’Autorité, c’est-à-dire du principe de « réalité » la plus autoritaire."

Aujourd’hui, maintenant en 2023, la BRAV-M reconstitue la violence des Corps francs de mémoire sinistre. On se souviendra des voltigeurs en 1986 (la plupart recrutés chez des excités du corps-à-corps à l’instar du SAC autrefois, tous des « mâles Alphas » comme il est coutume de le désirer dans les milieux virilistes) mais les voltigeurs nous renvoient ultimement à la violence des Freikorps

 

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2022/07/354-meurtres-politiques-repertories-par-emil-gumbel-les-assassinats-de-r.luxemburg-k.liebknecht-leo-jogiches-etaient-partie-d-un-ensemble-et-d-une-volonte-non-desactes-isoles.html

 

https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/search/Noske/

 

 
Noske et Lüttwitz.Après l'armistice de 1918 et la révolution allemande, il est nommé commandant en chef de la Reichswehr à Berlin, par le gouvernement provisoire. Il est alors chargé de réprimer, à l'aide des corps francs, le soulèvement spartakiste en janvier 1919.  Pendant les combats de mars 1919 à Berlin (de), il est chargé de réprimer la grève générale et fait tirer sur les manifestants sur Alexanderplatz. Il fait désarmer par la force les marins républicains de la division de la marine populaire qui s'étaient solidarisés avec les grévistes.

Noske et Lüttwitz.Après l'armistice de 1918 et la révolution allemande, il est nommé commandant en chef de la Reichswehr à Berlin, par le gouvernement provisoire. Il est alors chargé de réprimer, à l'aide des corps francs, le soulèvement spartakiste en janvier 1919. Pendant les combats de mars 1919 à Berlin (de), il est chargé de réprimer la grève générale et fait tirer sur les manifestants sur Alexanderplatz. Il fait désarmer par la force les marins républicains de la division de la marine populaire qui s'étaient solidarisés avec les grévistes.

Gustav Noske est revenu

 

Retour vers le futur
on prend les mêmes autoritaires et on recommence

La tournure ultra-autoritaire que (re)prend l’État dans l’apathie journalistique officielle, est sidérante. Tout semble indiquer que la pensée opératoire favorise l’installation d’une verticalité de plus en plus coercitive, de plus en plus liberticide. Il y eut des antécédents.
Et cela, sans remonter aux années de collaboration (pas d’erreur possible, nous sommes bien en France).

Plus près de nous et de nos légendes dorées siègent bien des histoires.
Celle du coup d’État « démocratique » des gaullistes en 1958, utilisant la crise algérienne pour reprendre le pouvoir.

Celle aussi d’un comédien sans vergogne, dont beaucoup ont oublié qu’il défendit en Algérie l’usage de la guillotine : je parle bien sûr de « Rastignac » (Mitterand) et de son irrésistible ascension. Mitterrand faisant, par la suite, feu de tout bois pour court-circuiter (au sein de la multitude) toute forme d’auto-réflexivité politique et se maintenir au pouvoir. Avec Pasqua dans son SAC. Avec aussi le tournant néo-libéral de 1983-1984, mais encore avec le sang du Rwanda couleur turquoise sur les mains, en 1994. Ces violences d’État n’ont pas laissé le souvenir critique que l’on aurait pu espérer puisqu’enfin la chronique amnésie est une donnée largement partagée.

Chirac et Sarkozy intensifièrent la fable méritocratique déjà en place. Nous arrivons à Hollande et la Loi travail, à Valls et son utilisation effrayante de la raison d’État pour réprimer la foule. Venons-en maintenant au Monarque de 2023, Narcissique absolu utilisant un fin limier à l’Intérieur. Perdreau tout droit sorti d’un film de Pabst ou de Fritz Lang : le nouveau Gustav Noske.
Il est donc revenu.

Difficile de ne pas se souvenir du 15 janvier 1919, lorsque Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés par les Freikorps sur ordre d’un « social démocrate » : Noske lui-même. Noske endossant sans culpabilité le rôle de l’Autorité, c’est-à-dire du principe de « réalité » la plus autoritaire.

Aujourd’hui, maintenant en 2023, la BRAV-M reconstitue la violence des Corps francs de mémoire sinistre. On se souviendra des voltigeurs en 1986 (la plupart recrutés chez des excités du corps-à-corps à l’instar du SAC autrefois, tous des « mâles Alphas » comme il est coutume de le désirer dans les milieux virilistes) mais les voltigeurs nous renvoient ultimement à la violence des Freikorps

Bien peu sont ceux qui arrivent à l’admettre. Et ceux qui le clament haut et fort s’exposent à la vindicte de l’État (les « factieux »)
l’Idée d’une redéfinition (vivante) de la politique comme dissensus et non comme consensus, n’a jamais été si loin.

Le consensus est autoritaire dans son essence. Sa fonction est d’abraser toute conflictualité. C’est cette élision autoritaire de la conflictualité politique qui est profondément inquiétante.
L’élision de la division comme principe activateur de la politique est aujourd’hui le danger le plus grand : impossible de s’affirmer contre la violence d’État sans en prendre plein la gueule par les flics.
Et donc, oui, l’Action directe, l’anarchie continuent d’irriguer notre mélancolie sociale, à moins que ce ne soit l’inverse.
Mais nous, au moins, marchons depuis l’enfance sous un soleil noir.

Que ceux qui s’identifient à l’Ordre et aux seigneurs de guerre tremblent et se préparent à leur tour, à rencontrer les ténèbres en eux-mêmes.

Croquemitaine

Note

Soyons comme l’eau
en toute occasion

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6 janvier 2023 5 06 /01 /janvier /2023 17:55
Karl Liebknecht, jeune

Karl Liebknecht, jeune

En 1900, Karl Liebknecht a terminé son droit et peut enfin intervenir politiquement publiquement. Ceci est le premier texte référencé dans les Gesammelte Reden und Schriften.

 

 

Compte-rendu du discours prononcé à Dresde, paru le 3 octobre 1900 dans la Sächsische Arbeiter-Zeitung

Gesammelte Reden und Schriften., Tome 1, Pages 3-7. Sur le net sur marxist.org.

 

 

Le samedi 29 septembre, l'association social-démocrate de Dresden-Altstadt a organisé une soirée scientifique, suivie par environ 800 personnes sur le thème "Le nouveau droit bourgeois, un recul ou un progrès pour la classe ouvrière ? » Pour celle conférence, le Comité directeur avait fait appel, et nous l’en remercions, au camarade et avocat, le Dr Karl Liebknecht, de Berlin.

Accueilli avec enthousiasme par l'assemblée, celui-ci a repoussé cet accueil solennel et empreint d’émotion adressé à sa personne, le dédiant à son père qui n'est malheureusement plus des nôtres.

Au cours d'un discours magistral de deux heures et demie, le conférencier s'est penché sur les paragraphes les plus importants pour les ouvriers, en indiquant à peu près ceci : C'est étrange de poser la question de savoir si le nouveau droit civil représente un progrès ou un recul pour les ouvriers par rapport au précédent, et l’on ne peut que répondre : ce n’est ni l'un ni l'autre. Lorsqu'on s'est attelé à la création d'un nouveau code, il s'agissait de remédier à un état de fragmentation tel que l'on ne peut en imaginer de pire. Non seulement chacun des 25 États fédéraux possédait son propre droit, mais à l'intérieur de chaque État régnait souvent la confusion la plus variée, situation devenant de plus en plus insupportable au fur et à mesure que le droit en vigueur disparaissait de la conscience populaire.

On a travaillé à l’élaboration de ce nouveau droit pendant plus de deux décennies,. L'homogénéisation recherchée n'a toutefois pas été atteinte comme on aurait pu l'espérer. Après l'opposition énergique des Agrariens, on n'a pas osé s'attaquer au rapport de "servitude", qui aurait certainement eu besoin d'être amélioré ; seul a été supprimé « le droit de punition », et le fait même qu'il ait encore fallu le supprimer résonne comme une moquerie à l'égard de la culture allemande. Mais ce n'est pas seulement le rapport de servitude qui est resté "intact", non, c'est aussi le droit des concessions minières, et ce terme d’ "intact" revient presque une centaine de fois et témoigne de l'échec des efforts d'unification. D'autre part, les droits de la haute noblesse - des seigneurs de droit divin encore au pouvoir et de ceux déjà déchus - nont pas non plus été touchés.

Le défaut le plus grave du nouveau droit est qu'il ne tient pas compte des évolutions. Ce ne sont pas des esprits visionnaires qui ont créé le nouveau droit, et c'est pourquoi ils ont juste fixé ce qui existait déjà. Le droit français est toujours adapté à la vie moderne, bien qu'il soit déjà centenaire, et cela s'explique par le fait que les juges y font les lois et les interprètent en fonction de l'évolution. Je n'ose affirmer que quelque chose de semblable serait à recommander chez nous en Allemagne. Vous êtes les mieux à même juger de ce qui pourrait en résulter. Le jugement de Löbtau a montré de la manière la plus limpide où nous en serions dans des conditions semblables. C'était un jugement de la pire espèce, et le pire, c'est que les juges eux-mêmes ne le savent pas. Si les juges avaient le pouvoir législatif chez nous, comme en France, la situation serait encore plus sinistre qu'elle ne l'est déjà.

Nous disposons maintenant dans la nouvelle législation de toute une série de dispositions de protection des ouvriers; qui n’existent malheureusement que sur le papier, comme par exemple le paragraphe 616, qui traite du fait que l'ouvrier ne peut être privé de son salaire pour un "temps relativement peu important qu'il a manqué au travail en raison d'un motif d'empêchement inhérent à sa personne". Cette disposition a manifestement été conçue par le législateur pour tous les cas où l'ouvrier doit s'absenter de son travail pendant une période relativement courte sans qu'il y ait faute de sa part : par exemple en cas d'affaires de tutelle, de réunions de contrôle, de visites médicales, mais aussi en cas de maladie et de service militaire d'une durée maximale de 14 jours. C'est à mon avis le sens de cette disposition. Plusieurs tribunaux du travail, ainsi que l'assemblée des juges du travail de Mayence, ont récemment établi le même principe. Mais ici, comme pour beaucoup d'autres dispositions, la loi autorise des accords différents, et les entrepreneurs s'empressent bien sûr d'en profiter. Le roi Stumm, qui ne tarit pas d'éloges sur les institutions sociales de son entreprise, a été l'un des premiers à se faufiler par cette porte dérobée et à rendre ainsi les dispositions légales inefficaces pour ses ouvriers. De telles dispositions abrogatoires ne modifient en rien la situation existante, et les paragraphes n’existent donc que sur le papier et ne peuvent absolument pas être utiles aux travailleurs. Un tel esprit contraire à la volonté du législateur est tout simplement immoral.

Si le contrat de travail est résilié, la nouvelle législation accorde à l'ouvrier le bénéfice d'une heure et demie à deux heures de recherche d'un nouveau travail chaque jour, et l'employeur ne peut pas le lui refuser.

En ce qui concerne la saisie, une petite amélioration est intervenue. Jusqu'à présent, la saisie de biens essentiels n'était pas autorisée, tout ce qui était nécessaire à la vie ne pouvait pas être saisi. Désormais, le cercle des objets non saisissables a été élargi. Seuls les objets qui ne font pas partie d'un niveau de vie "raisonnable" peuvent être saisis. Quand on entend cela, on se dit : c'est bien, qu'on ne peut plus tout me prendre. Mais en tant qu'avocat, j'ai souvent constaté que cette disposition est inefficace pour les travailleurs. Si un officier est saisi, il dit qu’il a besoin de ceci et de cela pour maintenir un niveau de vie "raisonnable", mais pour l'ouvrier, on saisit déjà le troisième costume, il doit aller le dimanche comme il va les jours ouvrés. (Applaudissements.)

La situation juridique est exactement la même pour le droit de bail. Comme il aurait été nécessaire, dans ce cas justement, de réduire les pouvoirs bien trop étendus des pachas domestiques. "Le nouveau droit de bail", "le contrat de travail", voilà des mots qui avaient un grand pouvoir d'attraction sur la population, on en espérait un allègement de la pression économique qui pèse lourdement sur tous les moins fortunés. Mais ceux qui espéraient trouver des morceaux d'or dans le nouveau droit se sont lourdement trompés, ne trouvant que de l'or en paillettes. En matière de droit de bail, le droit presque illimité de conclure des accords joue un rôle très discutable. Cette disposition ne signifie rien d'autre, ici comme ailleurs, que d'obliger le plus faible économiquement à "autoriser" la suppression des dispositions prises dans son intérêt par la loi, et c'est pourquoi la normalisation de telles dispositions n'est rien d'autre qu'une hypocrisie. Les riches ne souffrent évidemment pas de cette situation intenable, ils déménagent quand quelque chose ne leur convient pas et obtiennent des logements en abondance. Le pauvre, en revanche, s'il se rebelle et déménage, tombe dans le ruisseau, car les petits logements, dont il a besoin, en fonction de ses revenus, ne sont généralement pas disponibles en nombre suffisant et le propriétaire peut donc le traiter comme il le souhaite. Si quelqu'un pense que l'introduction de la nouvelle loi a changé quelque chose dans le droit de bail, qu'il prenne un ancien et un nouveau contrat de location et qu'il compare : Il ne trouvera absolument rien de changé. D'un trait de plume, les droits des pachas ont été balayés par des dispositions quelque peu restrictives. Jusqu'à présent, l'achat rompait le bail ; c'est désormais différent : L'achat n'annule pas la location. Dans le contexte actuel de spéculation immobilière, c'est tout à fait approprié, car il arrive qu'une maison passe de main en main plus vite qu'un sou. Je recommande d'ailleurs à chaque locataire d'utiliser son contrat de location comme une bible pendant huit jours : S'il a lu cette bible pendant sept jours, il sera certainement social-démocrate le huitième.

L'orateur aborde encore plus en détail le paragraphe sur l'usure, le droit des enfants illégitimes, le droit du mariage et des associations et conclut que le nouveau droit ne représente ni un recul ni un progrès pour les ouvriers. C'est un kaléidoscope : du bon et du mauvais en alternance. Pour s'assurer une influence sur la législation, les travailleurs n'ont qu'une chose à faire : s'unir et s'organiser, car s'ils constituent un pouvoir fort, le législateur doit aussi compter avec eux. C'est pourquoi, encore et toujours : organisez-vous, unissez-vous, recrutez, travaillez, luttez ! (Applaudissements nourris.)

Le père de Karl Liebknecht, fondateur du parti social-démocrate est décédé en 1900.En février 1899, à Löbtau, près de Dresde, 9 ouvriers du bâtiment ont été condamnés à un total de 61 ans de réclusion et de prison pour avoir protesté contre le fait que des travaux étaient effectués sur un bâtiment voisin au-delà des heures de travail fixées. Des voies de fait avaient eu lieu lorsque le chef de chantier avait tiré avec un revolver chargé à l'aveugle.

Karl Freiherr von Stumm-Halberg (1836-1901), grand industriel et maître presque illimité du territoire de la Sarre, défenseur de la politique de protection douanière de Bismarck, cofondateur et membre dirigeant du Parti impérial allemand, membre de la Chambre des députés prussienne de 1867 à 1870, de la Chambre des représentants de 1882 à 1901, du Reichstag de 1867 à 1881 et de 1889 à 1901.

Traduit le 6 janvier 2023 par Dominique Villaeys-Poirré. Merci pour toute amélioration de la traduction, en particulier du vocabulaire juridique.

 

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14 décembre 2022 3 14 /12 /décembre /2022 12:27
Le Lantag de Prusse

Le Lantag de Prusse

Citations :

"Très amusant de constater comment on élève les jeunes dans un esprit militariste, et cela avec la bénédiction du clergé. Le pasteur donne sa bénédiction, il va au temple et prie. Ensuite il va et vient, par monts et par vaux, et là-dessus de nouveau on joue à la guerre – frisch, fromm, fröhlich, frei*  – chrétiennement, selon le commandement de l’amour du prochain."

"Mais prier et tirer, cela va très bien ensemble"

Priez et tirez.

Discours devant le Landtag de Prusse le 26 mars 1912 (extrait)

Ce discours a été prononcé le 26 mars 1912 devant le Landtag de Prusse. Les autorités avaient organisé une Conférence sur les questions de santé publique, à Ebelfeld en 1911 et prévu des subventions pour l'éducation de la jeunesse. Karl Liebknecht y fait référence dans ce discours.

Source : l’ouvrage regroupant des textes de Karl Liebknecht, édité en 1970 chez françois maspero. Sous le titre « Priez et Tirez ». P.38 - 54

 

Texte :

… Il est du reste très amusant de voir comment, grâce à la subvention gouvernementale, encouragés par la pluie d’or qui tombe d’en haut, le clergé, les militaires, etc., se sont retrouvés ensemble. Très amusant de constater comment on élève les jeunes dans un esprit militariste, et cela avec la bénédiction du clergé. ("Très bien !" sur les bancs des sociaux démocrates). Le pasteur donne sa bénédiction, il va au temple et prie. Ensuite il va et vient, par monts et par vaux, et là-dessus de nouveau on joue à la guerre – frisch, fromm, fröhlich, frei*  – chrétiennement, selon le commandement de l’amour du prochain. Ah Dieu ! Tout cela est si ridicule qu’on ne peut vraiment pas en parler sérieusement. (*Frais, pieux, joyeux, libres, C’est ainsi que se désignaient les membres des organisations de jeunesse chrétienne en Allemagne)

On apprend aussi aux enfants à tirer : le tir après la prière. Oui, messieurs, n’est-ce pas quelque peu dangereux ? N’avez-vous pas un peu peur d’apprendre à tirer aux enfants du prolétariat ? Je vous demande de considérer s’il ne serait pas préférable de leur trouver d’autres occupations. Mais prier et tirer, cela va très bien ensemble. ("Tout à fait chrétien !" sur les bancs des sociaux-démocrates.) De la façon dont la religion est pratiquée ici, c’est exactement la même chose, car la façon dont vous la pratiquez n’est rien d’autre au fond qu’une violence, exactement comme la guerre et autres violences humaines. (« Très juste » sur les bancs des sociaux-démocrates.)

Je reprends ce fameux numéro de la Deutsche Tageszeitung du 2 mars. Il y est question d’un club social-démocrate de tir, qui se trouve, paraît-il, à Dresde. Le journal se plaint que les sociaux-démocrates aient aussi des clubs de tir et il montre qu’il y a là, en fait, un grand danger. Il serait intéressant de savoir combien il en existe. On se propose manifestement de mobiliser le gouvernement contre le grand danger que représentent les clubs de tirs sociaux-démocrates. Messieurs, il inutile de parler longuement du jeu guerrier « grandiose » d’Essen, qui a provoqué l’enthousiasme de M. Hackenberg lui-même, bien qu’il soit très caractéristique de la façon dont vous éduquez la jeunesse. On emmène 5000 enfants, on se livre à d’abondants exercices de tir et autres exercices de patriotisme cocardier, et quand la jeunesse s’est suffisamment exaltée à l’idée d’avoir anéanti des vies humaines ou du moins d’avoir appris comment le faire (« Très juste !»), c’est alors que le sentiment religieux est développé au plus haut point. Ah Dieu, ce genre de christianisme, vraiment, messieurs !

 

Transcrit pour le net le 14.12.2022 par Dominique Villaeys-Poirré

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13 décembre 2022 2 13 /12 /décembre /2022 17:03
Karl Liebknecht, "Le mouvement ouvrier et l’organisation de la jeunesse", 1er août 1908. Comment le parti social-démocrate et les syndicats ont tenté d'empêcher l'émergence des organisations de jeunesse

Le mouvement ouvrier et l’organisation de la jeunesse, 1er août 1908

Comment le parti social-démocrate et les syndicats ont tenté d'empêcher l'émergence des organisations de jeunesse

Le mouvement prolétarien de la jeunesse est un chaînon nécessaire du mouvement ouvrier moderne. La jeunesse prolétarienne est la tête et les jambes de la classe ouvrière. Les organisations libres de la jeunesse n’ont jamais eu d’autre but que de servir le mouvement ouvrier moderne, d’être une école préparatoire pour les organisations de combat des ouvriers. Comme tout nouveau mouvement, les organisations de jeunesse ont dû lutter durement pour se faire accepter par la classe ouvrière ; il leur a fallu de longues années de dur travail. Cependant, elles y sont parvenues. Le 29 septembre 1906, les ouvriers, au congrès de Mannheim, adoptèrent à l’unanimité cette résolution de sympathie :

« Nous saluons l’éveil, qui se manifeste de tous côtés, de la jeunesse prolétarienne à une activité indépendante, et demandons instamment aux membres du parti d’encourager, partout où les lois sur les associations le permettent, la création et le développement d’organisations de jeunesse. » (Cf Procès-verbal des débats du congrès du parti social-démocrate allemand, réuni à Mannheim du 23 au 29 septembre 1906, Berlin, 1906, P. 145.)

Motivant cette résolution, un orateur (le Dr Karl Liebknecht) déclara : « Mais là aussi, où les organisations de jeunes ne sont pas politiques, le parti doit affirmer sa sympathie à leur égard. C’est le devoir du congrès de dire aussi aux jeunes de l’Allemagne du Nord : Nous sommes d’accord avec votre activité ! »

Ces déclarations ont été vivement applaudies par le congrès. La jeunesse et la classe ouvrière ont entrepris de travailler énergiquement au développement des organisations de jeunes. Ce développement paraissait assuré. Mais dis aliter risum ! (les dieux en avaient décidé autrement).

Neuf semaines à peine après le congrès de Mannheim, les représentants des comités directeurs des centrales syndicales, lors d’une conférence tenue à Berlin les 26 et 27 novembre 1906, prenaient position contre la formation d’organisations spéciales de la jeunesse.

« La commission générale considère qu’une organisation centrale spéciale des jeunes n’est utile ni pour la défense des intérêts économiques ni dans le domaine de l’éducation de la jeunesse, mais plutôt nuisible. Ce n’est pas à la création d’une organisation de jeunesse que doivent travailler le parti et les syndicats, mais à une organisation propre à éduquer les jeunes. C’est aux syndicats qu’il faut qu’il faut laisser le soin d’organiser les jeunes ouvriers, et c’est aux directions syndicales, aux congrès syndicaux, qu’incombe la tâche d’amener les jeunes dans les syndicats, de les aider à s’y maintenir. Le prochain congrès syndical devrait s’occuper particulièrement de la question des jeunes ouvriers, de celle de l’apprentissage, et la prochaine conférence du Comité directeur devrait présenter des propositions relatives à ces problème. La conférence s’est ralliée à ses déclarations. »

Malgré cette prise de position des leaders syndicaux, le congrès social-démocrate qui se tint à Essen au mois de septembre de l’année suivante, au moment où se préparait la loi sur les associations qui devait interdire les organisations de jeunes, décida de « travailler d’une façon plus énergique que jamais, à la création d’organisations de jeunes et de demander aux membres du parti de faire comprendre le sens de cette action. » (Cf Procès-verbal des débats du congrès du parti social-démocrate allemand, réuni à Mannheim du 23 au 29 septembre 1906, Berlin, 1906, P. 145.)

Le vote de la loi sur les associations donna aux leaders syndicaux l’occasion de faire connaître au public leur opinion et leurs projets. On s’efforça de lire dans cette loi plus qu’il ne s’y trouvait. Que nos organisations ne sont pas concernées par cette loi, c’est ce que nous avons déjà montré ((Éditions de « Jeunesse ouvrière », n° 5 de l’année en cours). Le seul changement apporté par cette loi dans la question de l’organisation des jeunes, fut l’extension à l’Allemagne du Sud de ces organisations jusqu’ici cantonnées à l’Allemagne du Nord. Mais les leaders syndicaux réussirent à amener les jeunes du Sud à dissoudre eux-mêmes leur bureau de Mannheim, phénomène rare dans le mouvement ouvrier, que les jeunes de l’Allemagne du Sud regrettent déjà amèrement.

Il était réservé au congrès syndical qui se tint du 22 au 27 juin à Hambourg de prononcer la condamnation à mort des autres organisations de jeunes.

Comment a-t-il été possible que le congrès, malgré les décisions de Mannheim et d’Essn, prenne position contre les organisations de jeunes. Voici de quelle façon les choses se sont passées. Robert Schmidt fut chargé de présenter un rapport sur « l’organisation du travail d’éducation de la jeunesse ». Les ouvriers ne se doutaient pas que ce rapport serait un pamphlet contre les organisations de jeunes en vue de les supprimer. Et l’on pouvait d’autant moins s’y attendre que, pour les ouvriers, la question de l’organisation des jeunes était déjà tranchée (Mannheim, Essen).

Au Congrès lui-même, il n’y avait personne qui pût répondre aux attaques injustifiées dirigées contre les organisations de jeunes. Les reproches de Schmidt  s’adressaient aux organisations politiques des jeunes ; celles-ci ayant cessé d’exister, ses déclarations devaient avoir pour effet de rabaisser dans l’opinion publique les organisations de jeunes existantes, dont Robert Schmidt savait très bien qu’elles n’avaient déployé aucune espèce d’activité politique. Le 2 mai, il s’était exprimé devant un membre dirigeant de notre organisation d’une façon peu glorieuse sur l’activité de l’association berlinoise. A Hambourg, si l’on en croit les rapports de presse, il ne dit pas un mot de notre organisation. Comme il ne fut contredit par personne, les délégués le crurent. Et lorsqu’il ajouta que sa résolution reposait sur un accord, elle fut approuvée à l’unanimité. Après la dissolution du groupe de Mannheim, les délégués crurent manifestement que les représentants des organisations de jeunes avaient participé également à cet « accord ». Ainsi, pour les délégués, tout paraissait en ordre, soigneusement préparé d’avance, et ils levèrent la main pour la condamnation à mort.

La faute commise par le rapporteur est d’autant plus grave qu’il savait parfaitement que les organisations de jeunes s’étaient opposées à la dissolution, n’avaient pas donné leur accord. Il devait savoir que les organisations de jeunes y avaient prêté moins d’attention que lui. C’est pourquoi il devait se dire : Audiatur altera pars ! (L’autre partie doit être entendue !) Au lieu de cela, le « procureur Schmidt recommande de couper la tête de l’accusé sans lui permettre de se défendre. Sic volo, sic jubeo, sit pro ratione volontas ! (Ainsi je le veux, ainsi je l’ordonne ; que ma volonté tienne lieu de raison !)

Comme le montre la façon dont la décision a été prise et la question traitée au congrès, ce n’est pas là l’expression de la volonté  des ouvriers organisés dans les syndicats. C’est uniquement l’œuvre de quelques leaders, qui voient dans les organisations de jeunes une concurrence dangereuse pour les syndicats, et cela prouve la méconnaissance totale des organisations de jeunes. Non seulement cette décision est en contradiction avec celles qui ont été prises à Mannheim et Essen concernant ces organisations, mais les motifs sur lesquels elle se fonde sont en opposition flagrante avec les principes que les ouvriers ont adoptés jusqu’à présent au sujet de l’éducation de la jeunesse. (Voir le compte-rendu du congrès du parti social-démocrate allemand, tenu à Mannheim sur le thème « Social-démocratie et éducation du peuple ». Rapporteur : Heinrich Schultz et Clara Zetkin.)

L’orientation préconisée par Robert Schmidt conduirait à la création de comités portant en eux le germe de la mort. Grouper les jeunes pour les éduquer n’est pas nouveau, mais toutes les tentatives sont restées à l’état d’ébauche. Assurément, ça et là quelques ouvriers éduqués sont sortis de ces groupes de formation, mais ceux-ci n’ont jamais eu une grande importance et cela s’explique facilement.

Et comment lui voyait en leur indépendance le fondement nécessaire de leur action.

L’organisation des jeunes requiert, pour réussir, deux conditions : indépendance de la jeunesse et défense de ses intérêts. Les organisations libres de la jeunesse, créées par la jeunesse elles-mêmes ont, les premières tenu compte de cette nécessité qui découle de la position même des jeunes dans la société économique. Le capitalisme moderne a donné au jeune ouvrier son indépendance : à l’usine il est à égalité avec les adultes ; les rapports patriarcaux d’autrefois entre maître et apprenti ont pour ainsi dire disparu. Cette position économique nouvelle donne aux jeunes le droit de constituer des organisations indépendantes. Leur psychologie en effet s’est modifiée, ils grandissent dans d’autres conditions qu’autrefois ; ces conditions nouvelles et les courants intellectuels qui se développent dans les villes, ont pour effet de hâter leur maturité ; ils sont conduits à prendre une part active dans les grandes luttes. Ainsi, sous la pression des circonstances, la jeunesse aujourd’hui éprouve plus que jamais le besoin d’indépendance c’est là une aspiration qu’on ne peut réprimer par la force, et celui qui tenterait de le faire commettrait un péché à l’égard de la jeunesse prolétarienne. C’est précisément l’indépendance qui caractérise l’homme : ce doit être le but d’une éducation raisonnable de permettre d’acquérir une personnalité.

Rien ne pèse plus lourd sur le jeune ouvrier, à plus forte raison sur l’apprenti, que sa situation actuelle. Cette pression est encore renforcée par l’ignorance où se trouvent les jeunes du régime social actuel, en général. En tous les cas, ils aspirent encore plus ardemment que les ouvriers adultes à leur libération économique, et tout ce qui est entrepris concernant leurs intérêts les plus fondamentaux, comme le sont les intérêts économiques, attire la grande masse des jeunes. Aussi le but auquel doit tendre l’éducation de la jeunesse est d’élever le niveau intellectuel de la masse, non de favoriser l’avancement de quelques jeunes particulièrement doués.

C’est uniquement au fait que les organisations libres de la jeunesse ont tenu suffisamment compte de ces besoins immédiats des jeunes, qu’il faut attribuer leur succès. Si l’on tient compte que ces succès ont été arrachés par leurs propres moyens au prix d’une lutte dangereuse avec les frères ignorantins, les employeurs, la police et la justice, on peut dire qu’ils sont excellents ; l’Arbeitende Jugend a déjà atteint un tirage minimum de 10 000 exemplaires ; la Junge Garde a assurément le même tirage, soit au total 20 000 lecteurs des journaux de jeunes en Allemagne. Quelles tentatives de formation de la jeunesse ont-elles atteint ces chiffres ? Que Legien crée une institution dont le financement et le travail soient supportés par les jeunes eux-mêmes et qui réussisse à en rassembler 20 000, alors il pourra appeler les organisations de jeunes une entreprise manquée !

Qu’on se rappelle l’enthousiasme suscité dans la jeunesse, à l’époque (octobre 1904) par la fondation de l’organisation libre de la jeunesse à Berlin. Ce n’est pas le fait en lui-même – combien d’associations ont été fondées à Berlin ! -, mais la défense pratique des intérêts des jeunes et l’indépendance de l’association qui, tel l’éclair, ont frappé l’opinion et particulièrement la jeunesse. C’est ainsi que, peu de temps après leur création, le Reich, organe du parti social-chrétien, écrivait : « Il a déjà été reconnu par M. Liz-Mumm (l’un des dirigeants des associations de jeunesse chrétienne), au cours de l’une de nos précédentes assemblées, qu’en ce qui concerne l’indépendance de nos adhérents, des erreurs sont commises dans un grand nombre d’associations. Nous pouvons prendre exemple sur le nouveau mouvement. »

La défense des intérêts des jeunes constitue le fondement d’une éducation intellectuelle systématique de la jeunesse. En partant de la situation matérielle des jeunes, on leur fait comprendre l’organisation de la société actuelle et on leur montre la voie qui permet à la classe ouvrière de se libérer du capitalisme. La jeunesse apprend en même temps à reconnaître la nécessité pour les ouvriers de se développer intellectuellement pour pouvoir mener jusqu’à la victoire leur lutte libératrice.

Mais l’indépendance de l’organisation et la défense des intérêts matériels des jeunes sont également des moyens d’éducation. La première forme, pour les organisations ouvrières, des fonctionnaires réalistes, fermes de caractère ; la seconde développe la conscience du droit parmi les jeunes. Éclairé sur ses droits, le jeune apprend à les défendre. Il faut faire pénétrer dans l’esprit du jeune prolétaire ce principe : il ne faut jamais abandonner un droit sans y être contraint par la plus stricte nécessité.

La défense des intérêts des jeunes par l’organisation des jeunes elle-même doit naturellement être assurée en liaison avec les syndicats, mais la jeunesse doit prendre à ce travail une part prépondérante. Que l’organisation des jeunes se substitue aux syndicats est hors de question ; de même, l’indépendance des organisations de jeunesse ne doit pas être comprise de telle sorte que, laissées complètement à elles-mêmes, elles végètent. Plus leurs effectifs s’accroissent, plus elles ont besoins de conseillers. Mais il faut que la démocratie y règne ; leurs dirigeants et leurs conseillers, c’est la jeunesse elle-même qui doit les choisir et ils doivent jouir de sa confiance. Ceux qui ne comprennent pas la psychologie des jeunes ne sont naturellement pas aptes à devenir leurs conseillers.

Il serait regrettable que la résolution de Hambourg soit appliquée. Ce serait dommage pour le coût personnel et financier de l’opération, car elle se révélerait rapidement vaine. En tout cas, la classe ouvrière ne devrait pas supprimer les organisations existantes de jeunes avant d’avoir créé, pour les remplacer, d’autres institutions dont on ait pu comprendre qu’elles étaient meilleures. Qu’on se garde donc de détruire inconsidérément l’œuvre créée par la jeunesse au prix de lourds sacrifices et de lui imposer en échange d’autres institutions dont elle ne peut comprendre la valeur. Il ne faut décourager à aucun prix la jeunesse prolétarienne si l’on ne veut pas que les ennemis de la classe ouvrière triomphent !

Puisse celle-ci satisfaire au désir justifié de la jeunesse de posséder une organisation indépendante ! Le jeune d’aujourd’hui est l’adulte de demain.

Karl Liebknecht, "Le mouvement ouvrier et l’organisation de la jeunesse", 1er août 1908. Comment le parti social-démocrate et les syndicats ont tenté d'empêcher l'émergence des organisations de jeunesse

Remarques :

Les deux sous-titres sont du blog.

Le texte a été transcrit à partir de l'ouvrage publié chez maspero en 1970 "militarisme, guerre, révolution" Choix de textes et présentation Claudie Weill, traduction Marcel Ollivier. Ce texte ouvre le chapitre : L'armée révolutionnaire en puissance et se trouve aux pages 31 à 36.

Transcrit pour Internet par Dominique Villaeys-Poirré le 9 décembre 2022 pour les blogs comprendre-avec-rosa Luxemburg.

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10 décembre 2022 6 10 /12 /décembre /2022 21:49

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16 novembre 2022 3 16 /11 /novembre /2022 13:54
Rosa Luxemburg, la politique des alliances et la guerre

Extrait du discours "A propos de la situation politique mondiale", l'un des plus importants de Rosa Luxemburg. C'était le 27 mai 1913 à Leipzig-Plagwitz sur les thèmes des alliances, de la courses aux armements et de la guerre.


Citations :

Attendre de la Triplice, donc d’une politique d’alliance capitaliste conçue pour préparer la guerre, qu’elle agisse en faveur de la paix, c’est comme vouloir cueillir des figues sur un buisson de chardons.

Constater que quand deux ou trois États capitalistes agissent de conserve, il s’agit toujours pour eux d’avoir la peau d’un quatrième État capitaliste, est une lapalissade bien connue.

Il n’y a qu’une seule alliance internationale qui se soit révélée être la garantie pour la paix. La seule alliance sur laquelle nous puissions compter, c’est l’alliance de tous les prolétaires révolutionnaires du monde

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" La tactique de la social-démocratie allemande, en désespoir de cause, est de se situer sur le terrain de la Triplice, c’est-à-dire de soutenir l’alliance des diplomaties allemande, autrichienne et italienne.

Il est profondément regrettable qu'il y a quelques semaines à peine, alors que le nouveau projet de loi militaire était débattu au Reichstag, le camarade David ait indiqué publiquement au gouvernement au nom du groupe parlementaire, que nous, sociaux-démocrates,  nous nous rangions aux côtés de la Triplice, en émettant une seule réserve : que la Triplice se comporte en « brave petit garçon» et agisse en faveur de la paix. Malheureusement, nous ne sommes pas restés les seuls sur cette position. Car presque le même jour, le camarade Renner a fait une déclaration similaire au Parlement de Vienne au nom de la social-démocratie autrichienne.

Attendre de la Triplice, donc d’une politique d’alliance capitaliste conçue pour préparer la guerre, qu’elle agisse en faveur de la paix, c’est comme vouloir cueillir des figues sur un buisson de chardons. Il suffit de voir les résultats de la Triplice. La première fut littéralement de pousser la France à conclure cette alliance honteuse avec la Russie et d’entraîner l’Angleterre à une relation à trois avec la France et la Russie. Une autre conséquence est le développement colossal de la course aux armements de l’Allemagne contre la France et la Russie, ainsi que de l’Autriche. Et où était donc la Triplice quand il s’agissait de préserver la paix, lorsqu’une puissance de la Triplice envahissait Tripoli ou quand l’Autriche annexait la Bosnie et l’Herzégovine ?

Constater que quand deux ou trois États capitalistes agissent de conserve, il s’agit toujours pour eux d’avoir la peau d’un quatrième État capitaliste, est une lapalissade bien connue. Quelle naïveté que d’attendre de cette alliance qu’elle soit une garantie pour la paix !

Il n’y a qu’une seule alliance internationale qui s’est révélée être la garantie pour la paix. La seule alliance sur laquelle nous puissions compter, c’est l’alliance de tous les prolétaires révolutionnaires du monde."

Elle décrit ce meeting dans une lettre à Léo Jogiches le 28 mai  1913 :

"Hier soir, j'ai tenu un meeting magnifique dans la plus grande salle de Leipzig. J'ai parlé de la politique mondiale et attaqué fermement le groupe parlementaire et l'ensemble de la tactique qui domine dans le parti. Mon discours a été accueilli par des tonnerres d'applaudissements et j'ai été remerciée officiellement.

L'illustration montre la phrase gravée sur le sol devant la Felsenkeller où Rosa Luxemburg tint ce discours. Elle décrit ce meeting dans une lettre à Léo Jogiches le 28 mai  1913 : "Hier soir, j'ai tenu un meeting magnifique dans la plus grande salle de Leipzig. J'ai parlé de la politique mondiale et attaqué fermement le groupe parlementaire et l'ensemble de la tactique qui domine dans le parti. Mon discours a été accueilli par des tonnerres d'applaudissements et j'ai été remerciée officiellement.

Traductions par mes soins.

Lire l'article complet hier : https://blogs.mediapart.fr/villaeys-poirre/blog/101122/r-luxemburg-vouloir-cueillir-des-figues-sur-un-buisson-de-chardons

 

 

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10 octobre 2022 1 10 /10 /octobre /2022 18:43
Rosa Luxemburg et la République (2). Après la révolution de 48. Des mots qui trouvent leur résonance dans l'histoire, et jusqu'à aujourd'hui.

En avril 1910, Rosa Luxemburg prononce un discours resté dans toutes les mémoires à l'immense Circus-Schumann-Theater de Francfort. Nous sommes en pleine campagne contre le nouveau projet de loi sur le système électoral, caricature absolue de réforme. Elle s'appuie dans son développement sur la révolution de 1848, et la trahison de la bourgeoisie qui a permis au régime personnel de perdurer. Cette analyse fera la base d'innombrables discours où elle appelle au combat contre le régime personnel et pour la République. Elle est le prémisse d'une violente polémique avec Karl Kautsky et le parti social-démocrate qui ne veut en aucun cas que cette revendication soit mise à l'ordre du jour.

 

Dans ce texte, elle imagine ce qu'aurait dû faire la bourgeoisie après la révolution de 1848 et ce que cela aurait changé pour l'Allemagne, pour la politique mondiale, pour la classe ouvrière.

"Que pouvait, que devait faire la bourgeoisie libérale à l'époque afin d’empêcher que règnent aujourd’hui en Allemagne les conditions, qui de fait prévalent? Ce qu'elle aurait dû faire est clair. Avant tout, elle aurait dû armer le peuple révolutionnaire, puis, s'appuyant sur le peuple armé révolutionnaire, réformer l'armée d'avant la Révolution de Mars, l'arracher des mains des Junkers, transformer la bureaucratie d'avant la Révolution de Mars, chasser les Junkers de toutes les fonctions publiques et mettre à leurs postes des hommes dévoués à la cause de la liberté. Et surtout, très chers camarades, le libéralisme en 1848, s'il avait vraiment pris au sérieux la phraséologie libérale, aurait dû chasser le roi, traître qui avait manqué à sa parole et proclamer en Allemagne la République.

 

Mots qui pourraient s'appliquer à toutes les trahisons de la bourgeoisie, à toutes ces mesures non prises, à ce soutien aux régimes monarchistes, impériaux, aux pseudo-démocraties qui gardent l'ancien personnel aux commandes, que ce soit en 1789, 1848, 1871, en 1919 en Allemagne ...  et aujourd'hui avec le vote pour la monarchie en Espagne, le maintien des personnels dans l'Allemagne "d'après" nazisme ou tout récemment encore l’innommable hommage de la "République" bourgeoise française à une reine d'Angleterre.

 

 

Circus Schumann 1905

Circus Schumann 1905

"Que pouvait, que devait faire la bourgeoisie libérale à l'époque afin d’empêcher que règnent aujourd’hui en Allemagne les conditions, qui de fait prévalent? Ce qu'elle aurait dû faire est clair. Avant tout, elle aurait dû armer le peuple révolutionnaire, puis, s'appuyant sur le peuple armé révolutionnaire, réformer l'armée d'avant la Révolution de Mars, l'arracher des mains des Junkers, transformer la bureaucratie d'avant la Révolution de Mars, chasser les Junkers de toutes les fonctions publiques et mettre à leurs postes des hommes dévoués à la cause de la liberté. Et surtout, très chers camarades, le libéralisme en 1848, s'il avait vraiment pris au sérieux la phraséologie libérale, aurait dû chasser le roi, traître qui avait manqué à sa parole et proclamer en Allemagne la République. (Tonnerre d’applaudissements.)

 

Oui, la République ! Parce que la bourgeoisie libérale avait alors dans les mains le pouvoir de donner une orientation complètement différente à l’évolution ultérieure de l'Allemagne, tant en politique intérieure qu’étrangère. Si les libéraux avaient proclamé en Allemagne la République lorsqu'ils ont pris le pouvoir en 1848, la question de l'unité allemande aurait alors été également résolue, et alors nous n'aurions pas reçu vingt-deux ans plus tard l’unité allemande des mains de Bismark, couvertes du sang des champs de bataille de France jonchés de cadavres. Alors la malheureuse querelle qui divise l’Allemagne et la France ne serait pas devenue la source d’une course incessante aux armements dans les deux pays, alors nous ne connaîtrions pas dans la même mesure ce moloch du militarisme et ce qui s'y rattache : le terrible fardeau des impôts indirects qui écrasent les travailleurs. Et chers camarades, nous ne connaîtrions pas cette domination énorme des Junkers de l'Elbe orientale sur Prusse allemande aujourd'hui. Quel est le bastion le plus puissant des Junkers en Prusse et de la prussianisation de la politique allemande, si ce n’est le pouvoir personnel ? Qui incite le plus à la course aux armements dans l’armée, de la flotte, aux aventures de la Weltpolitik, aux guerres de Chine, aux guerres contre les Hottentots, sinon le régime personnel ? Et je vous demande, qui est l'ennemi le plus féroce de la classe ouvrière en plein essor, du prolétariat, sinon le régime personnel qui nous a accordé comme cadeau personnel en 1899 la loi sur la détention?" (Tonnerre d’applaudissements)

 

Traduction DVP, octobre 2022. Merci pour toute amélioration de la traduction.

Circus Schumann 1905

Circus Schumann 1905

Was konnte, was mußte damals die liberale Bourgeoisie tun, damit heute nicht in Deutschland Zustände herrschen, wie wir sie tatsächlich haben? Es ist klar, was sie hätte tun sollen. Vor allem sollte sie das revolutionäre Volk bewaffnen, dann, auf das revolutionäre bewaffnete Volk gestützt, die vormärzliche Armee reformieren, sie den Händen des Junkertums entreißen, die vormärzliche Bürokratie umgestalten, das Junkertum von allen öffentlichen Ämtern verjagen und deren Stellen mit Männern besetzen, die der Sache der Freiheit ergeben waren. Und vor allem, werte Anwesende, hätte der Liberalismus im Jahre 1848, wenn er es mit den liberalen Phrasen ernst gemeint hätte, den wortbrüchigen verräterischen König vom Throne wegjagen und die Republik in Deutschland proklamieren müssen. (Stürmischer Beifall.) Ja, die Republik! Denn damit hatte es die liberale Bourgeoisie in der Hand, der weiteren Entwicklung Deutschlands sowohl in der inneren wie in der auswärtigen Politik eine ganz andere Richtung zu geben. Wäre von den Liberalen, als sie 1848 die Macht in den Händen hatten, in Deutschland die Republik proklamiert worden, so wäre damit auch die Frage der deutschen Einheit gelöst, dann hätten wir es nicht nötig gehabt, zweiundzwanzig Jahre später auf den leichenbedeckten Schlachtfeldern Frankreichs aus Bismarcks bluttriefenden Händen die deutsche Reichseinheit zu empfangen. Dann wäre der unselige Zwist zwischen Deutschland und Frankreich nicht zur Quelle unaufhörlicher Rüstungen in beiden Ländern geworden, dann hätten wir heute nicht in dem Maße den Moloch des Militarismus und was damit zusammenhängt: die furchtbare Last der indirekten Steuern, die das arbeitende Volk erdrücken. Und dann, werte Anwesende, hätten wir heute nicht die ausschlaggebende Herrschaft des ostelbischen Junkertums in Preußen-Deutschland. wer ist der mächtigste Hort des Junkertums in Preußen und der Verpreußung der deutschen Politik, wenn nicht das persönliche Regiment? Wer hetzt am meisten zu militärischen Rüstungen, zu Flottenrüstungen, zu weltpolitischen Abenteuern, zu Chinakriegen, zu Hottentottenkriegen, wenn nicht das persönliche Regiment? Und ich frage Sie, wer ist der grimmigste Feind der aufstrebenden Arbeiterklasse, des Proletariats, wenn nicht das persönliche Regiment, das uns im Jahre 1899 als persönliches Geschenk die Zuchthausvorlage beschert hat? (Stürmische Zustimmung.)

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9 octobre 2022 7 09 /10 /octobre /2022 19:22
Hommage

Hommage

Je ne sais pas pourquoi, mais j'aime bien cette critique, vivante et personnelle du film réalisé en 1972 sur Karl Liebknecht.  Comme l'auteur, j'ai vu authenticité historique de ce récit. Comme l'auteur, je l'ai vu sur le net. Comme l'auteur le dit, à la fin, il est bien difficile de retenir ses larmes.

J'ai utilisé un traducteur du net en attendant de pouvoir retravailler la traduction. Mes excuses pour cette entorse à mes principes de traduction. Et merci pour toute amélioration de la traduction.

https://www.exberliner.com/film/karl-liebknecht-in-spite-of-everything-film/

Conclusion de l'article :

"Ce film est un biopic merveilleux. Essayez de retenir vos larmes lorsque Liebknecht monte dans une voiture destinée à le conduire à sa perte. L'histoire était si bien connue de l'histoire que le réalisateur n'a pas ressenti le besoin de la montrer. Lorsque des milliers d'ouvriers présents au cortège funèbre se mettent à chanter "Auf auf zum Kampf", cela semble tout aussi pertinent qu'il y a 50 ou 103 ans.

Les films d'aujourd'hui ont tendance à poser la question : "Pourquoi personne ne fait rien ?" Nous avons donc tous besoin d'un film montrant des gens qui travaillent et qui essaient de changer le monde. Permettez-moi de donner le dernier mot à la mère ouvrière jouée par Erika Dunkelmann qui emmène Luxemburg et Liebknecht dans la clandestinité. Pourquoi risque-t-elle sa vie : "Ce n'est pas une vie de laisser les choses aller comme elles vont". Bravo, bravo !"

Karl Liebknecht, Trotz Alledem. Ce film est une biographie filmée "merveilleuse ... Essayez de retenir vos larmes lorsque Liebknecht monte dans une voiture destinée à le conduire à sa perte."

"Les derniers jour de Karl Liebknecht

Dimanche dernier, des milliers de personnes ont défilé sur les tombes de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. Les deux fondateurs du parti communiste allemand ont été assassinés il y a 103 ans, mais les gens sortent toujours avec des œillets et des drapeaux rouges pour se souvenir d'eux. Il est difficile de penser à un autre personnage historique dont la mort émeut encore autant de gens - à l'exception, bien sûr, de ce chef de culte palestinien.

Rosa Luxemburg est plus populaire que jamais, avec des films et des romans graphiques sur sa vie. Pour en savoir plus sur Karl Liebknecht et ses derniers jours, je vous recommande un excellent film réalisé pendant la République démocratique allemande. Trotz Alledem ! (Malgré tout) dont la première a eu lieu il y a exactement 50 ans, le 13 janvier 1972. Ce film de deux heures est disponible gratuitement sur Youtube avec des sous-titres anglais.

Cette version sous-titrée n'est plus accessible. En allemand existe la première partie qui date de 1965 : https://www.youtube.com/watch?v=2vIfWBbbm54Les deux flms sont maintenant disponibles en DVD

Le studio de cinéma est-allemand DEFA a une réputation mitigée. Le biopic en deux parties sur le président du parti communiste Ernst Thälmann (1954-55), par exemple, reste dans les mémoires comme une hagiographie stalinienne grotesque. Chaque scène montre Thälmann en train de sauver la situation (et d'être félicité pour cela). Le réalisateur lui-même a admis plus tard que certaines parties du film étaient "absolument impossibles à regarder".

Le biopic Liebknecht, en revanche, montre que la RDA s'est libéralisée dans les années 1970. On nous montre un héros révolutionnaire, mais qui lutte contre le doute et subit des défaites. La scène la plus impressionnante du film montre l'assemblée au Circus Busch. (La salle de cirque géante se trouvait sur les rives de la Spree, à côté de Hackescher Markt, dans un triangle appelé aujourd'hui James-Simon-Park). Le 10 novembre 1918, 4 000 ouvriers et soldats se sont réunis ici pour décider de la suite de la révolution. Nous voyons Liebknecht plaider avec passion pour faire avancer la révolution et exproprier les capitalistes. Mais il perd le grand combat. Les sociaux-démocrates le dépassent par des manœuvres cyniques, et il est hué hors de la scène. En quittant la salle, Liebknecht est presque en transe, et cherche plus tard des arguments pour gagner les masses ouvrières.

Certains pourraient voir là un cliché : les courageux communistes contre les méchants réformistes.  Mais je suis un historien de la révolution allemande de novembre 1918-19, et je peux confirmer que ce film s'en tient aux faits, presque à la lettre. Les dirigeants du SPD comme Friedrich Ebert et Philip Scheidemann conspiraient réellement à huis clos avec des officiers militaires de droite. Comme le montre le dossier sans aucun doute, ils ont ordonné l'assassinat le plus infâme du 20e siècle.

Comme pour de nombreuses productions du bloc de l'Est, le manque de financement est compensé par un surplus de main-d'œuvre. L'assemblée, par exemple, a été recréée avec des milliers de figurants est-allemands qui crient, applaudissent et huent.

Liebknecht est célèbre pour avoir proclamé la République socialiste libre depuis un balcon du palais impérial de Berlin. En 1972, bien sûr, le bâtiment n'existait plus : après avoir été lourdement endommagé pendant la guerre, les ruines ont été emportées en 1950. Les producteurs ont pu montrer cette scène en utilisant un montage astucieux pour faire croire que le palais était toujours debout.

Aujourd'hui, cet affreux palais a été reconstruit, et vous pouvez voir une copie toute neuve du balcon où se tenait Liebknecht (portail IV). Les nostalgiques prussiens voudraient nous faire croire que le palais a été détruit par les communistes. Ce film rappelle la vérité historique : les premiers à bombarder le palais étaient des troupes monarchistes sous le commandement du SPD, qui tentaient de tuer les marins révolutionnaires cantonnés à l'intérieur. Cela donne la scène la plus drôle de Trotz Alledem ! Alors que les réactionnaires tirent à la mitrailleuse sur le palais, détruisant les peintures sur les murs, un marin rit : "Heureusement que notre Kaiser n'est plus là pour voir ça !"

Le film n'est pas exempt de censure. Les camarades de Liebknecht qui ont assumé des rôles de premier plan en RDA, comme Wilhelm Pieck et Hermann Duncker, sont mis en avant, tandis que des personnalités comme Richard Müller n'apparaissent pas. En 1918, tout le monde parlait des leaders de la révolution russe comme de "Lénine et Trotsky" - mais ce dernier nom est absent.

Ce film est un biopic merveilleux. Essayez de retenir vos larmes lorsque Liebknecht monte dans une voiture destiné à le conduire à sa perte. L'histoire était si bien connue de l'histoire que le réalisateur n'a pas ressenti le besoin de la montrer. Lorsque des milliers d'ouvriers présents au cortège funèbre se mettent à chanter "Auf auf zum Kampf", cela semble tout aussi pertinent qu'il y a 50 ou 103 ans.

Les films d'aujourd'hui ont tendance à poser la question : "Pourquoi personne ne fait rien ?" Nous avons donc tous besoin d'un film montrant des gens qui travaillent et qui essaient de changer le monde. Permettez-moi de donner le dernier mot à la mère ouvrière jouée par Erika Dunkelmann qui emmène Luxemburg et Liebknecht dans la clandestinité. Pourquoi risque-t-elle sa vie : "Ce n'est pas une vie de laisser les choses aller comme elles vont". Bravo, bravo !

 

 

Karl Liebknecht, Trotz Alledem. Ce film est une biographie filmée "merveilleuse ... Essayez de retenir vos larmes lorsque Liebknecht monte dans une voiture destinée à le conduire à sa perte."
The Last Days of Karl Liebknecht

In Spite of Everything, released 50 years ago in East Germany, brings an essential chapter of Berlin history to life.

Last Sunday, thousands of people marched to the graves of Rosa Luxemburg and Karl Liebknecht. The two founders of the Communist Party of Germany were assassinated 103 years ago, but people still come out with red carnations and red flags to remember them. It is hard to think of another historical figure whose death still moves so many people — except for that one Palestinian cult leader of course.

 

Rosa Luxemburg is more popular than ever, with films and graphic novels about her life. To learn more about Karl Liebknecht and his final days, I’d recommend a great film made during the German Democratic Republic. Trotz Alledem! (In Spite of Everything) had its premiere exactly 50 years ago, on January 13, 1972. The two-hour film is available for free on Youtube with English subtitles. 

The East German film studio DEFA has a mixed reputation. The two-part biopic about Communist Party chairman Ernst Thälmann (1954-55), for example, is remembered as groan-inducing Stalinist hagiography. Every single scene shows Thälmann saving the day (and getting praised for doing so). The director himself later admitted that parts of the film were “absolutely unwatchable.”

The Liebknecht biopic, however, shows that the GDR had liberalised by the 1970s. We are shown a revolutionary hero, but one who struggles with doubt and suffers defeats. The film’s most impressive set-piece shows the assembly at Circus Busch. (The giant circus hall stood on the banks of the
Spree next to Hackescher Markt, in a triangle now called James-Simon-Park.) On November 10, 1918, 4,000 workers and soldiers gathered here to decide on the further course of the revolution. We see Liebknecht arguing passionately to push the revolution forward and expropriate the capitalists. But he loses the big fight. The social democrats outflank him with cynical manoeuvres, and he gets booed off the stage. Leaving the hall, Liebknecht is almost in a trance, and later searches for arguments to win over the masses of workers.

Some might see this as a cliché: brave communists vs. evil reformists.  But I am a historian of the German November Revolution of 1918-19, and I can confirm that this film sticks to the facts, almost to a fault. SPD leaders like Friedrich Ebert and Philip Scheidemann really were conspiring behind closed doors with right-wing military officers. As the record shows beyond any doubt, they ordered the most infamous assassination of the 20th century.

Like many Eastern Bloc productions, a lack of funding is compensated with a surplus of labor. The assembly, for example, was recreated with thousands of East German extras yelling, cheering, and booing. 

Liebknecht famously proclaimed the Free Socialist Republic from a balcony at Berlin’s City Palace. In 1972, of course, the building was no longer there: after heavy damage in the war, the ruins were carted away in 1950. The producers were able to show this scene using clever editing to make it look like the palace was still standing.

Today, that ugly palace has been rebuilt, and you can see a brand-new copy of the balcony where Liebknecht stood (Portal IV). Prussian nostalgists would have us believe that the palace was destroyed by communists. This film recalls the historical truth: the first people to bomb the palace were monarchist troops under the command of the SPD, who were attempting to to kill the revolutionary sailors quartered inside. This makes the funniest scene in Trotz Alledem!: As the reactionaries fire machine guns into the palace, destroying the paintings on the walls, one sailor laughs: “Good thing our Kaiser is no longer around to see this!”

The film is not free of censorship. Comrades of Liebknecht who took on leading roles in the GDR, such as Wilhelm Pieck and Hermann Duncker, are elevated, while figures like Richard Müller make no appearance. In 1918, everyone talked about the leaders of the Russian Revolution as “Lenin and Trotsky” — but the latter name is absent.

This is a marvelous biopic. See if you can hold back the tears when Liebknecht climbs into a carriage destined to take him to his doom. The story was so well known to history that the director felt no need to show it. When thousands of workers at the funeral procession begin singing “Auf auf zum Kampf”, it feels just as relevant as 50 or 103 years ago.

Movies today tend to ask the question: “Why isn’t anyone doing anything?” So we all need a film showing working people who try to change the world. Let me give the last words to the working-class mother played by Erika Dunkelmann who takes Luxemburg and Liebknecht into hiding. Why does she risk her life: “It’s no life to let things go on as they’re going.” Hear, hear!

 

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28 septembre 2022 3 28 /09 /septembre /2022 17:05
R. Luxemburg et la République (1). Le temps des semailles : "C'est précisément parce que l’on s’est si bien prémunis en Allemagne des dangers des illusions républicaines petites-bourgeoises ... que nous pouvons aujourd'hui accorder sereinement et plus largement ..., au principe suprême de notre programme politique, la place qui lui revient.

Citations :

"Suivant le bon vieux principe de toute véritable tactique de combat, selon lequel un fort coup de boutoir constitue la meilleure des défenses, nous devons répondre aux provocations de plus en plus insolentes de la réaction dominante en renversant les rôles dans notre campagne et en passant à une attaque déterminée sur toute la ligne. Mais cela peut se faire de la manière la plus visible, la plus claire, pour tout dire la plus lapidaire, si nous exprimons clairement dans la campagne cette revendication politique qui constitue le premier point de notre programme politique: la revendication de la République. Jusqu’à présent, le mot d’ordre d’instauration de la république n’a joué qu’un rôle mineur dans notre agitation. Ceci pour de bonnes raison, à savoir que notre parti voulait préserver la classe ouvrière allemande des illusions bourgeoises ou plus exactement petites-bourgeoises républicaines qui ont été si désastreuses pour l’histoire du socialisme français par exemple et qui subsistent encore aujourd’hui. En Allemagne, la lutte prolétaire fut, dès le début, dirigée de façon conséquente et résolue, non pas contre telle ou telle forme ou telle dérive de l’État de classe en particulier, mais contre l’Etat de classe en tant que tel; elle ne s’est pas fragmentée en antimilitarisme, antimonarchisme et autres « ismes » petits-bourgeois mais a toujours pris la forme de l’anticapitalisme, ennemi mortel de l’ordre existant sous toutes ses formes que ce soit sous le couvert monarchiste ou républicain. Quarante ans de ce travail d’information approfondi ont également permis d’ancrer la conviction auprès des prolétaires éclairés d’Allemagne que la meilleure république bourgeoise n’est pas moins un État de classe et un bastion de l’exploitation capitaliste que la monarchie actuelle, et que seule l’abolition du système salarial et de la domination de classe sous toutes ses formes, et non pas la forme extérieure de la « domination du peuple » dans la République bourgeoise peut modifier substantiellement la situation du prolétariat.

C'est précisément parce que l’on s’est si bien prémunis en Allemagne des dangers des illusions républicaines petites-bourgeoises en Allemagne par le travail de quarante ans de la social-démocratie, que nous pouvons aujourd'hui accorder sereinement et plus largement dans notre agitation, au principe suprême de notre programme politique, la place qui lui revient de droit. En soulignant le caractère républicain de la social-démocratie, nous gagnons avant tout une occasion supplémentaire d'illustrer de manière tangible et populaire notre opposition de principe, en tant que parti de classe du prolétariat, au camp unifié de tous les partis bourgeois. L’effroyable déclin du libéralisme bourgeois en Allemagne s'exprime entre autres de manière particulièrement drastique dans le byzantinisme qu’il témoigne face à la monarchie et pour lequel la bourgeoisie libérale bat encore la classe conservatrice des Junkers de quelques longueurs."

 

Zeit der Aussaat

Le temps des semailles

[Paru dans la Breslauer „Volkswacht" le 25. mars 1910, Gesammelte Werke Tome 4, 1928, P. 519-522]

 

Cet article a une histoire : Kautsky en avait refusé la publication dans la Neue Zeit, il ne jugeait pas conforme la revendication d'instauration de la République. La discussion va se développer au long de l'année 1910 et donnera lieu à plusieurs articles essentiels dans l'action de Rosa Luxemburg. La revendication de la république sociale (socialiste) trouvera sa réalisation le 9 novembre 1918 lors de sa proclamation par la voix de Karl Liebknecht.

 

Depuis des décennies peut-être, nous n’avons pas connu en Allemagne, tout particulièrement en Prusse, de situation aussi favorable à la diffusion des enseignements sociaux-démocrates que celle que nous connaissons actuellement. Dans les couches les plus larges de la population laborieuse, le ressentiment après les élections hottentotes était encore perceptible, quand intervint le pillage organisé par les classes dirigeantes contre le prolétariat, la paysannerie et la petite bourgeoisie, quand la soi-disant «réforme financière»,  a semé la plus profonde des révoltes au sein de la masse de ceux qui se trouvaient ainsi volés et saignés à blanc. Et les effets de cette farce odieuse contre le bien-être matériel des travailleurs ne s’étaient pas encore manifestés dans toute leur ampleur que suivait la comédie cynique de la «réforme électorale» prussienne, comme un brutal coup de poing porté au visage du peuple laborieux. Mais lorsque la social-démocratie a fait descendre dans la rue les masses indignées des exploités et des déshérités pour protester bruyamment contre l’outrage, des sabres de police ont étincelé dans les airs, des coups de sabre se sont abattus sur le dos des manifestants, des soldats ont été consignés (prêts à intervenir) dans des casernes et les canons chargés en embuscade.

 

Ainsi, nos adversaires nous ont mille fois préparé le terrain, ébranlé les esprits, forcé les indifférents à la rancœur, les indolents à la réflexion. C'est à nous qu'il revient maintenant de semer dans le sol à pleines mains les graines des Lumières. Les brutalités policières, les fantaisies parlementaires des partis réactionnaires sont la prochaine occasion qui nous assurera de l'attention et l'approbation des masses les plus larges. Mais pour nous, elles ne peuvent être qu'une occasion de mettre à nu les racines profondes de ces phénomènes, de prêcher la lutte des classes dans toute son ampleur et toute sa portée historique. Et aujourd'hui, la doctrine de la lutte des classes n'a pas besoin d'être ressortie des livres comme une terne théorie, elle marche aujourd'hui dans la rue en Allemagne, elle crie haut et fort sa vérité aux oreilles de chacun. Si le libéralisme bourgeois a perdu il y a peu tout crédit par la politique des blocs, le parti du centre lui s'est empressé, dans le grand sabbat des sorcières de la réaction, de ruiner les derniers vestiges de sa réputation de parti populaire par sa position dans la question du droit de vote en Prusse. Sous la direction de la classe conservatrice des Junkers, avec le concours actif et passif et la complicité de tous les partis bourgeois, et les fantaisies d'un gouvernement dégradé au rôle de cireur de bottes des Junkers, l'État bourgeois de classe apparaît aujourd'hui dans toute son horreur, mis à nu, nu, livré à la répulsion et à la haine des masses laborieuses. Il nous suffit de montrer le contexte, les causes et les effets, pour faire surgir dans des millions de cerveaux la claire conscience de la lutte des classes.

Le droit de vote universel, égal et direct pour tous les adultes, sans distinction de sexe, est le prochain objectif qui nous assure le soutien enthousiaste des couches les plus larges à l’heure actuelle. Mais cet objectif n’est pas le seul que nous ayons à prêcher maintenant. En proclamant le mot d’ordre de l'instauration d’un système électoral véritablement démocratique en réponse à l’infâme bavardage du gouvernement et des partis bourgeois en matière de réforme électorale, nous restons – si nous considérons l’ensemble de la situation politique – sur la défensive. Suivant le bon vieux principe de toute véritable tactique de combat, selon lequel un fort coup de boutoir constitue la meilleure des défenses, nous devons répondre aux provocations de plus en plus insolentes de la réaction dominante en renversant les rôles dans notre campagne et en passant à une attaque déterminée sur toute la ligne. Mais cela peut se faire de la manière la plus visible, la plus claire, pour tout dire la plus lapidaire, si nous exprimons clairement dans la campagne cette revendication politique qui constitue le premier point de notre programme politique: la revendication de la République. Jusqu’à présent, le mot d’ordre d’instauration de la république n’a joué qu’un rôle mineur dans notre agitation. Ceci pour de bonnes raison, à savoir que notre parti voulait préserver la classe ouvrière allemande des illusions bourgeoises ou plus exactement petites-bourgeoises républicaines qui ont été si désastreuses pour l’histoire du socialisme français par exemple et qui subsistent encore aujourd’hui. En Allemagne, la lutte prolétaire fut, dès le début, dirigée de façon conséquente et résolue, non pas contre telle ou telle forme ou telle dérive de l’État de classe en particulier, mais contre l’Etat de classe en tant que tel; elle ne s’est pas fragmentée en antimilitarisme, antimonarchisme et autres « ismes » petits-bourgeois mais a toujours pris la forme de l’anticapitalisme, ennemi mortel de l’ordre existant sous toutes ses formes que ce soit sous le couvert monarchiste ou républicain. Quarante ans de ce travail d’information approfondi ont également permis d’ancrer la conviction auprès des prolétaires éclairés d’Allemagne que la meilleure république bourgeoise n’est pas moins un État de classe et un bastion de l’exploitation capitaliste que la monarchie actuelle, et que seule l’abolition du système salarial et de la domination de classe sous toutes ses formes, et non pas la forme extérieure de la « domination du peuple » dans la République bourgeoise peut modifier substantiellement la situation du prolétariat.

C'est précisément parce que l’on s’est si bien prémunis des dangers des illusions républicaines  petites-bourgeoises en Allemagne par le travail de quarante ans de la social-démocratie, que nous pouvons aujourd'hui accorder sereinement et plus largement, dans notre agitation, au principe suprême de notre programme politique, la place qui lui revient de droit. En soulignant le caractère républicain de la social-démocratie, nous gagnons avant tout une occasion supplémentaire d'illustrer de manière tangible et populaire notre opposition de principe, en tant que parti de classe du prolétariat, au camp unifié de tous les partis bourgeois. L’effroyable déclin du libéralisme bourgeois en Allemagne s'exprime entre autres de manière particulièrement drastique dans le byzantinisme qu’il témoigne face à la monarchie et pour lequel la bourgeoisie libérale bat encore la classe conservatrice des Junkers de quelques longueurs.

Mais cela ne suffit pas. L’ensemble de la situation de la politique intérieure et extérieure de l'Allemagne au cours des dernières années désigne la monarchie comme le foyer ou du moins la pointe émergée la plus visible de la réaction dominante. La monarchie semi-absolutiste, et son régime personnel, constitue sans aucun doute depuis un quart de siècle, et chaque année davantage, le fondement du militarisme, l’élément moteur de la politique navale, l'esprit qui dirige les aventures politiques mondiales, tout comme elle constitue un sanctuaire pour la domination des Junkers en Prusse et le bastion de la suprématie de la réaction prussienne au sein de l'Empire, elle est enfin pour ainsi dire l'ennemi personnel juré de la classe ouvrière et de la social-démocratie. Le mot d'ordre de la République représente donc aujourd'hui en Allemagne infiniment plus que l'expression d'un beau rêve d’un « Etat populaire" démocratique, ou d'un dogmatisme politique flottant dans les nuages, c'est un cri de guerre pratique contre le militarisme, le marinisme, la politique coloniale, la politique mondiale, la domination des junkers, la prussisation de l'Allemagne, il est seulement une conséquence et le concentré drastique de notre lutte quotidienne contre tous ces phénomènes partiels de la réaction dominante. Mais surtout, les événements récents vont dans le même sens : ce sont les menaces de coup d'Etat absolutiste des Junker au Reichstag et les attaques impudentes du chancelier contre le droit de vote au Reichstag au Landtag de Prusse, ainsi que l’utilisation de la "parole royale", dans les questions du droit de vote prussien, par le projet de réforme de Bethmann.

Les exigences de la démocratie politique, de l’égalité des droits, sont aujourd’hui par nature au centre de notre lutte et reçoivent un écho retentissant dans le cœur de millions de personnes. Mais les meilleures réformes démocratiques ne sont que de petites étapes de la grande marche prolétarienne du prolétariat vers la conquête du pouvoir politique, vers la réalisation du socialisme. Il faut donc redoubler d’effort pour promouvoir les enseignements du socialisme. Les foules énormes de mécontents, d’exploités et d’esclaves qui se précipitent dans nos réunions, dans nos manifestations, doivent entendre sortir de notre bouche de notre bouche non seulement des paroles de critique dénonçant la réaction qui prévaut en Allemagne prussienne, mais aussi des paroles de l’Évangile socialiste, principes d’un nouveau monde social. Des combattants contre Bethmann Hollweg et le Bloc bleu et noir doivent devenir des combattants de l’ordre social socialiste.

La suite, la victoire ou la défaite, le succès immédiat de la campagne actuelle ne peuvent être calculés et déterminés à l’avance par personne. Mais quelle que soit la tournure que prendront les choses, la cause du prolétariat sortira victorieuse de la campagne, si nous avons réussi à utiliser cette période ardente de lutte , non seulement pour ébranler et encourager à l'action, mais aussi pour éclairer les masses, non seulement pour élargir considérablement l’armée de nos partisans, mais aussi pour approfondir et consolider leur conscience socialiste. Jetons à pleines mains les graines du socialisme dans le sol labouré, et la moisson sera la nôtre, malgré tout!

 

Zeit der Aussaat

"In Deutschland wurde der proletarische Kampf von Anfang an konsequent und entschlossen nicht gegen diese oder jene Formen und Auswüchse des Klassenstaates im Einzelnen, sondern gegen den Klassenstaat als solchen gerichtet, er zersplitterte nicht im Antimilitarismus, Antimonarchismus und anderen kleinbürgerlichen „Ismen", sondern gestaltete sich stets zum Antikapitalismus, zum Todfeind der bestehenden Ordnung in allen ihren Auswüchsen und Formen, ob unter monarchistischem oder republikanischem Deckmantel ..."

"Doch nicht genug. Die ganze Lage der inneren wie der äußeren Politik Deutschlands in den letzten Jahren weist auf die Monarchie, als den Brennpunkt oder zum mindesten die äußere sichtbare Spitze der herrschenden Reaktion, hin. Die halbabsolutistische Monarchie mit dem persönlichen Regiment bildet zweifellos seit einem Vierteljahrhundert, und mit jedem Jahre mehr, den Stützpunkt des Militarismus, die treibende Kraft der Flottenpolitik, den leitenden Geist der weltpolitischen Abenteuer, wie sie den Hort des Junkertums in Preußen und das Bollwerk der Vorherrschaft der politischen Rückständigkeit Preußens im ganzen Reiche bildet, sie ist endlich sozusagen der persönliche geschworene Feind der Arbeiterklasse und der Sozialdemokratie. Die Losung der Republik ist also in Deutschland heute unendlich mehr als der Ausdruck eines schönen Traums vom demokratischen „Volksstaat", oder eines in den Wolken schwebenden politischen Doktrinarismus, sie ist ein praktischer Kriegsruf gegen Militarismus, Marinismus, Kolonialpolitik, Weltpolitik, Junkervorherrschaft, Verpreußung Deutschlands, sie ist nur eine Konsequenz und drastische Zusammenfassung unseres täglichen Kampfes gegen alle diese Teilerscheinungen der herrschenden Reaktion. Insbesondere aber weisen nach derselben Richtung gerade die Vorgänge der jüngsten Zeit: es sind dies die absolutistischen Staatsstreichdrohungen des Junkertums im Reichstag und die frechen Attacken des Reichskanzlers gegen das Reichstagswahlrecht im preußischen Landtag, sowie die Einlösung des „königlichen Wortes" in Fragen des preußischen Wahlrechtes durch die Bethmannsche Reformvorlage.

L'articleZeit der Aussaat[Erschienen in der Breslauer „Volkswacht" am 25. März 1910. Nach Gesammelte Werke Band 4, 1928, S. 519-522]

Seit Jahrzehnten vielleicht haben wir keine Situation in Deutschland, speziell in Preußen, gehabt, die für die Verbreitung der sozialdemokratischen Lehren so günstig gewesen wäre, wie die gegenwärtige. Noch wirkte in den breitesten Schichten der arbeitenden Bevölkerung der Groll nach den Hottentottenwahlen nach, als der Raubzug der herrschenden Klassen gegen das Proletariat, das Bauerntum und Kleinbürgertum, als die sogenannte „Finanzreform" die Masse der Geplünderten und Weißgebluteten aufs tiefste empört hat. Und noch waren die Wirkungen dieses frechen Streiches gegen das materielle Wohl der Arbeitenden nicht entfernt in ihrer ganzen Tragweite zum Ausdruck gekommen, als darauf die zynische Komödie der preußischen „Wahlrechtsreform" wie ein derber Faustschlag ins Gesicht des arbeitenden Volkes folgte. Als aber die Sozialdemokratie die empörten Massen der Ausgebeuteten und Entrechteten auf die Straße geführt hatte, um gegen den Frevel laut zu protestieren, da blitzten Polizeisäbel in der Luft auf, da sausten Säbelhiebe auf die Rücken der Demonstrierenden nieder, da wurden Soldaten in Kasernen konsigniert (bereitgehalten) und Kanonen im Hinterhalt geladen.

So haben die Gegner für uns den Boden tausendfach vorbereitet, die Geister aufgerüttelt, die Gleichgültigen zum Groll, die Trägen zum Nachdenken gezwungen. An uns liegt es, jetzt die Saat der Aufklärung in den Boden mit vollen Händen zu streuen. Die Brutalitäten der Polizei, die parlamentarischen Frivolitäten der Reaktionsparteien sind der nächste Anlass, der uns die Aufmerksamkeit und die Zustimmung der breitesten Massen sichert. Für uns können sie aber nur ein Anlass sein, um die tieferliegenden Wurzeln dieser Erscheinungen bloßzulegen, um den Klassenkampf in seinem ganzen Umfang und seiner ganzen historischen Tragweite zu predigen. Und heute braucht die Lehre vom Klassenkampf nicht als graue Theorie aus Büchern hervorgeholt zu werden, sie geht heute in Deutschland auf der Straße einher, sie ruft laut und gellend ihre Wahrheit jedermann in die Ohren. Hat sich der bürgerliche Liberalismus erst vor kurzem in der Blockpolitik ruiniert, so beeilte sich, wie im tollen Hexensabbat der Reaktion, die Partei des Zentrums, in der preußischen Wahlrechtsfrage den letzten Rest ihres Rufs als Volkspartei zu ruinieren. Unter der Führung des konservativen Junkertums, unter aktiver und passiver Mitwirkung und Mitschuld aller bürgerlichen Parteien, unter den Fittichen einer Regierung, die zum Stiefelputzer des Junkertums degradiert ist, erscheint heute der bürgerliche Klassenstaat in seiner ganzen abschreckenden Gestalt, bloßgestellt, nackt, dem Abscheu und dem Hass der arbeitenden Massen preisgegeben. Wir brauchen nur die Zusammenhänge, die Ursachen und Wirkungen aufzuzeigen, um die klare Erkenntnis des Klassenkampfes in Millionen von Hirnen auflodern zu lassen.

Das allgemeine, gleiche, direkte Wahlrecht für alle Erwachsenen, ohne Unterschied des Geschlechts, ist das nächste Ziel, das uns die begeisterte Zustimmung der breitesten Schichten im gegenwärtigen Moment sichert. Aber dieses Ziel ist nicht das einzige, das wir jetzt predigen müssen. Indem wir in Beantwortung der infamen Wahlreformstümperei der Regierung und der bürgerlichen Parteien die Losung eines wahrhaft demokratischen Wahlsystems proklamieren, befinden wir uns immer noch – die politische Situation im ganzen genommen – in der Defensive. Gemäß dem alten guten Grundsatz jeder wirklichen Kampftaktik, dass ein kräftiger Hieb die beste Verteidigung ist, müssen wir die immer frecheren Provokationen der herrschenden Reaktion damit beantworten, dass wir in unserer Agitation den Spieß umdrehen und auf der ganzen Linie zum scharfen Angriff übergehen. Dies kann aber am sichtbarsten, deutlichsten, sozusagen in lapidarster Form geschehen, wenn wir diejenige politische Forderung klar in der Agitation vertreten, die den ersten Punkt unseres politischen Programms ausmacht: die Forderung der Republik. In unserer Agitation hat bisher die republikanische Parole eine geringe Rolle gespielt. Dies hat seine guten Gründe darin gehabt, dass unsere Partei die deutsche Arbeiterklasse vor jenen bürgerlich- oder richtiger kleinbürgerlich-republikanischen Illusionen bewahren wollte, die zum Beispiel für die Geschichte des französischen Sozialismus so verhängnisvoll waren und bis heute noch geblieben sind. In Deutschland wurde der proletarische Kampf von Anfang an konsequent und entschlossen nicht gegen diese oder jene Formen und Auswüchse des Klassenstaates im Einzelnen, sondern gegen den Klassenstaat als solchen gerichtet, er zersplitterte nicht im Antimilitarismus, Antimonarchismus und anderen kleinbürgerlichen „Ismen", sondern gestaltete sich stets zum Antikapitalismus, zum Todfeind der bestehenden Ordnung in allen ihren Auswüchsen und Formen, ob unter monarchistischem oder republikanischem Deckmantel. Durch vierzig Jahre dieser gründlichen Aufklärungsarbeit ist es dann auch gelungen, die Überzeugung zum ehernen Besitz der aufgeklärten Proletarier in Deutschland zu machen, dass die beste bürgerliche Republik nicht weniger ein Klassenstaat und Bollwerk der kapitalistischen Ausbeutung ist, wie eine heutige Monarchie, und dass nur die Abschaffung des Lohnsystems und der Klassenherrschaft in jeglicher Gestalt, nicht aber der äußere Schein der „Volksherrschaft" in der bürgerlichen Republik die Lage des Proletariats wesentlich zu verändern vermag.

Allein, gerade weil in Deutschland den Gefahren republikanisch-kleinbürgerlicher Illusionen durch die vierzigjährige Arbeit der Sozialdemokratie so gründlich vorgebeugt worden ist, können wir heute ruhig dem obersten Grundsatz unseres politischen Programms in unserer Agitation mehr von dem Platz einräumen, der ihm von Rechts wegen gebührt. Durch die Hervorhebung des republikanischen Charakters der Sozialdemokratie gewinnen wir vor allem eine Gelegenheit mehr, unsere prinzipielle Gegnerschaft als einer Klassenpartei des Proletariats zu dem vereinigten Lager sämtlicher bürgerlichen Parteien in greifbarer, populärer Weise zu illustrieren. Der erschreckende Niedergang des bürgerlichen Liberalismus in Deutschland äußert sich ja unter anderem besonders drastisch in dem Byzantinismus vor der Monarchie, in dem das liberale Bürgertum noch das konservative Junkertum um einige Nasenlängen schlägt.

Doch nicht genug. Die ganze Lage der inneren wie der äußeren Politik Deutschlands in den letzten Jahren weist auf die Monarchie, als den Brennpunkt oder zum mindesten die äußere sichtbare Spitze der herrschenden Reaktion, hin. Die halbabsolutistische Monarchie mit dem persönlichen Regiment bildet zweifellos seit einem Vierteljahrhundert, und mit jedem Jahre mehr, den Stützpunkt des Militarismus, die treibende Kraft der Flottenpolitik, den leitenden Geist der weltpolitischen Abenteuer, wie sie den Hort des Junkertums in Preußen und das Bollwerk der Vorherrschaft der politischen Rückständigkeit Preußens im ganzen Reiche bildet, sie ist endlich sozusagen der persönliche geschworene Feind der Arbeiterklasse und der Sozialdemokratie. Die Losung der Republik ist also in Deutschland heute unendlich mehr als der Ausdruck eines schönen Traums vom demokratischen „Volksstaat", oder eines in den Wolken schwebenden politischen Doktrinarismus, sie ist ein praktischer Kriegsruf gegen Militarismus, Marinismus, Kolonialpolitik, Weltpolitik, Junkervorherrschaft, Verpreußung Deutschlands, sie ist nur eine Konsequenz und drastische Zusammenfassung unseres täglichen Kampfes gegen alle diese Teilerscheinungen der herrschenden Reaktion. Insbesondere aber weisen nach derselben Richtung gerade die Vorgänge der jüngsten Zeit: es sind dies die absolutistischen Staatsstreichdrohungen des Junkertums im Reichstag und die frechen Attacken des Reichskanzlers gegen das Reichstagswahlrecht im preußischen Landtag, sowie die Einlösung des „königlichen Wortes" in Fragen des preußischen Wahlrechtes durch die Bethmannsche Reformvorlage.

Die Forderungen der politischen Demokratie, der Gleichberechtigung, stehen heute naturgemäß im Vordergrunde unseres Kampfes und wecken ein lautes Echo in den Herzen von Millionen. Die besten demokratischen Reformen sind aber nur kleine Etappen auf dem großen proletarischen Marsch des Proletariats zur Eroberung der politischen Macht, zur Verwirklichung des Sozialismus. Für die sozialistischen Lehren muss denn auch jetzt mit verdoppelter Kraft geworben werden. Die gewaltigen Scharen der Unzufriedenen, der Ausgebeuteten und Geknechteten, die jetzt in unsere Versammlungen, zu unseren Demonstrationen eilen, sollen aus unserem Munde nicht bloß Worte der geißelnden Kritik gegen die in Preußen-Deutschland herrschende Reaktion, sondern auch Worte des sozialistischen Evangeliums, Grundsätze einer neuen, sozialen Welt erfahren. Aus Kämpfern gegen Bethmann Hollweg und den schwarzblauen Block sollen überzeugte Kämpfer für die sozialistische Gesellschaftsordnung geworben werden.

Der weitere Verlauf, der Sieg oder die Niederlage, der unmittelbare Erfolg der gegenwärtigen Kampagne können im voraus von niemandem berechnet und bestimmt werden. Doch mögen die Dinge eine Wendung nehmen, welche sie wollen, die Sache des Proletariats wird aus der Kampagne als Siegerin hervorgehen, wenn es uns gelungen ist, die jetzige Zeit des heißen Ringens nicht bloß zur Aufrüttelung und Aufpeitschung, sondern auch zur Aufklärung der Massen, nicht bloß zur mächtigen Erweiterung der Armee unserer Anhänger, sondern auch zur Vertiefung und Befestigung ihres sozialistischen Bewusstseins auszunutzen. Werfen wir jetzt in den aufgefurchten Boden mit vollen Händen die Saat des Sozialismus, dann wird die Ernte unser werden – trotz alledem!

 

Traduction DVP, septembre 2022, merci pour toute amélioration de la traduction.

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8 septembre 2022 4 08 /09 /septembre /2022 21:28
Rosa Luxemburg et la Commune. "... cette République, régime officiel de la bourgeoisie qui seule pouvait trouver le courage et le cynisme d’appliquer une politique d’une telle brutalité où l’on retrouve  la lâcheté et la furie meurtrière des vainqueurs de la Commune."Notations sur l'Algérie dans les textes économiques

Citations

"La bourgeoisie, touchée au point sensible de ses intérêts de classe, flairait un lien obscur entre les vieilles traditions communistes qui, dans les pays coloniaux, opposaient la résistance tenace à la recherche du profit et aux progrès d'une “européanisation” des indigènes, et le nouvel évangile apporté par l'impétuosité révolutionnaire des masses prolétariennes" R. Luxemburg

« La propriété commune primitive des Arabes devait à tout prix être détruite, comme forme qui entretient dans les esprits les tendances communistes. " R. Luxemburg

"... cette République, régime officiel de la bourgeoisie qui seule pouvait trouver le courage et le cynisme d’appliquer une politique d’une telle brutalité où l’on retrouve  la lâcheté et la furie meurtrière des vainqueurs de la Commune." R. Luxemburg

Rosa Luxemburg et la Commune. "... cette République, régime officiel de la bourgeoisie qui seule pouvait trouver le courage et le cynisme d’appliquer une politique d’une telle brutalité où l’on retrouve  la lâcheté et la furie meurtrière des vainqueurs de la Commune."Notations sur l'Algérie dans les textes économiques

Dans mon travail sur Rosa Luxemburg et la Commune à paraître prochainement, je consacre cette analyse aux notations de Rosa Luxemburg sur l'après-Commune, la "République" et la loi de 1873 en Algérie. Merci de citer cette source si vous souhaitez reprendre ce travail. Dominique Villaeys-Poirré. Rosa Luxemburg et la Commune. Une histoire de révolution.  https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2022/09/rosa-luxemburg-et-la-commune.extraits-sur-l-algerie-dans-les-textes-economiques.html

 

Rosa Luxemburg est anti-impérialiste, donc anticolonialiste. Dès ses tout premiers textes, elle dénonce les poussées coloniales, comme dans la chronique qu’elle signe « ego », en 1898/1899, où elle traite aussi bien de la prise de Cuba par les Etats-Unis en pleine expansion que de la guerre des Boers ... Au Congrès du parti social-démocrate, dès 1898, elle attaque le dépeçage de la Chine et l’indifférence du parti social-démocrate à cet égard. L’analyse du colonialisme fait aussi partie intégrante de ses textes économiques. Les extraits cités, de l’Introduction à l’économie politique, l’Accumulation du capital, de ses notes de prison concernant l’Algérie en témoignent.

 

C’est la référence à la Commune qui conduit spécifiquement à ces textes. Car, juste après l'assassinat de celle-ci - ce n’est pas un hasard – l’acte colonial le plus significatif est pris par ce nouveau pouvoir qui se prétend "République" : le vote de la loi Warnier le 26 juillet 1873.  Il s'inscrit dans la logique coloniale impérialiste d’appropriation des terres et de destruction des sociétés colonisées, poursuivant en cela « l’œuvre » de dépossession coloniale des populations, initiée depuis plusieurs décennies sous les régimes précédents. Les citations se rapportent à cette loi.

 

Dans l’Accumulation du capital, elle constitue un exemple majeur de ce que Rosa Luxemburg nomme dans le point 2, la destruction du communisme primitif. Elle développe deux points d’analyse :

D’ordre économique. Cette loi s’inscrit dans l’évolution du capitalisme à l’ère impérialiste et correspond à la nécessité pour celui-ci de combattre et faire disparaître le communisme primitif, et d’imposer de fait les deux éléments constitutifs du capitalisme : la propriété privée et la prolétarisation. Elle note « L’unique et réel but de la loi de 1873 en fait : prolétarisation des Arabes »

D’ordre politique : le fantôme de la Commune hante la troisième République. Rosa Luxemburg établit un lien tout à fait intéressant entre la Commune et les formes communistes de la propriété, comme ferments de la conscience et de la révolte : « la propriété commune primitive des Arabes devait à tout prix être détruite, comme forme qui entretient dans les esprits les tendances communistes ”. Elle montre dans une image prégnante la compréhension diffuse que la bourgeoisie pressent du danger représenté par ces formes de société, la proximité entre l’européanisation des populations originelles et l’essor de la classe ouvrière dans les pays occidentaux : « La bourgeoisie, touchée au point sensible de ses intérêts de classe, flairait un lien obscur entre les vieilles traditions communistes qui, dans les pays coloniaux, opposaient la résistance tenace à la recherche du profit et aux progrès d'une “ européanisation ” des indigènes, et le nouvel évangile apporté par l'impétuosité révolutionnaire des masses prolétariennes dans les vieux pays capitalistes".

 

Et comme dans Martinique, elle dénonce cette République, régime officiel de la bourgeoisie qui seule pouvait trouver le courage et le cynisme d’appliquer une politique d’une telle brutalité où l’on retrouve  la lâcheté et la furie meurtrière des vainqueurs de la Commune.

Rosa Luxemburg et la Commune. "... cette République, régime officiel de la bourgeoisie qui seule pouvait trouver le courage et le cynisme d’appliquer une politique d’une telle brutalité où l’on retrouve  la lâcheté et la furie meurtrière des vainqueurs de la Commune."Notations sur l'Algérie dans les textes économiquesRosa Luxemburg et la Commune. "... cette République, régime officiel de la bourgeoisie qui seule pouvait trouver le courage et le cynisme d’appliquer une politique d’une telle brutalité où l’on retrouve  la lâcheté et la furie meurtrière des vainqueurs de la Commune."Notations sur l'Algérie dans les textes économiques
 

« Un lien obscur … » 

Notations sur l’Algérie dans les textes économiques de Rosa Luxemburg.


Introduction à l’économie politique – Chapitre II., La société communiste primitive, 1907

 

Le livre de Morgan sur la Société primitive a constitué pour ainsi dire une introduction après-coup au Manifeste Communiste de Marx et Engels. Les conditions étaient réunies pour forcer la science bourgeoise à réagir. En l'espace de deux à trois décennies après le milieu du siècle, la notion de communisme primitif s'était de toutes parts introduite dans la science. Tant qu'il ne s'agissait que d'honorables “ antiquités du droit germanique ”, de “ particularités des tribus slaves ”, de l'État Inca du Pérou, exhumé par les historiens, etc., ces découvertes gardaient le caractère de curiosités scientifiques inoffensives, sans portée actuelle, sans liaison directe avec les intérêts et les combats quotidiens de la société bourgeoise. A tel point que des conservateurs endurcis ou des politiciens libéraux modérés comme Ludwig von Maurer et Sir Henry Maine pouvaient s'acquérir les plus grands mérites en faisant de telles découvertes. Bientôt pourtant cette liaison avec l'actualité allait s'opérer, dans deux directions à la fois. Déjà, nous l'avons vu, la politique coloniale avait amené un heurt entre les intérêts matériels tangibles du monde bourgeois et les conditions de vie du communisme primitif. Plus le régime capitaliste imposait sa toute-puissance en Europe occidentale depuis le milieu du XIX° siècle, après les tempêtes de la révolution de 1848, et plus ce heurt devenait brutal. En même temps, et précisément depuis la révolution de 1848, un autre ennemi jouait un rôle de plus en plus grand à l'intérieur de la société bourgeoise : le mouvement ouvrier révolutionnaire. Depuis les journées de juin 1848 à Paris, le “ spectre rouge ” ne disparaît plus de la scène publique, et ressurgit en 1871 dans l'embrasement aveuglant des luttes de la Commune, au grand effroi de la bourgeoisie française et internationale. Or à la lumière de ces luttes de classes brutales, la plus récente découverte de la recherche scientifique - le communisme primitif - révélait son aspect dangereux. La bourgeoisie, touchée au point sensible de ses intérêts de classe, flairait un lien obscur entre les vieilles traditions communistes qui, dans les pays coloniaux, opposaient la résistance tenace à la recherche du profit et aux progrès d'une “ européanisation ” des indigènes, et le nouvel évangile apporté par l'impétuosité révolutionnaire des masses prolétariennes dans les vieux pays capitalistes.

 

Lorsqu'en 1873, à l'Assemblée nationale française, on régla le sort des malheureux Arabes d'Algérie par une loi instaurant de force la propriété privée, on ne cessa de répéter, dans cette assemblée où vibrait encore la lâcheté et la furie meurtrière des vainqueurs de la Commune, que la propriété commune primitive des Arabes devait à tout prix être détruite, “ comme forme qui entretient dans les esprits les tendances communistes ”.

 


Notes sur la politique coloniale et l’impérialisme, à propos de la loi de 1873 en Algérie

15

En 1873, les Français possédaient en A[lgérie] 120 000 ha, appartenant à la Compagnie Algérienne et la Compagnie de Sétif , que les autochtones travaillaient comme fermiers de manière traditionnelle, pour les autres propriétaires français, la moitie de même ne cultivait pas eux-mêmes. L’introduction de l’économie intensive était totalement impossible  du jour au lendemain dans de telles conditions.

L’unique et réel raison but de la l[oi] de 1873 en fait : prolétarisation des Arabes - « pour affaiblir leur résistance et enrichir les spéculateurs franç.. La loi entraine directement la distribution immédiate de la propriété privée dans l’ensemble des 700 ?, supprime le droit de préemption du ?, déclare comme appartenant au domaine tout territoire continu non cultivé

Arguments de la loi de 1873

le fantôme de la Commune 1871, la nécessité de faire disparaitre toute trace de propriété collective comme ferment de futures théories  révolutionnaires.

En résumé ; destruction du communisme ? , rempart … ?

 


L'accumulation du capital, 1913. III La lutte contre l'économie naturelle . 27 Les conditions historiques de l'accumulation

 

Après la conquête de l'Algérie, les Français firent grand bruit autour de leur œuvre de civilisation. On sait que l'Algérie, qui s'était délivrée au début du XVIII° siècle du joug turc, était devenue un repaire de pirates infestant la Méditerranée et se livrant au trafic d'esclaves chrétiens. L'Espagne et l'Union Nord-Américaine, qui elles-mêmes à l'époque pouvaient se glorifier de hauts faits dans le domaine du trafic d'esclaves, déclarèrent une guerre sans merci aux infamies des Musulmans. La Révolution française prêcha également une croisade contre l'anarchie algérienne. La France avait donc entrepris la conquête de l'Algérie en proclamant les mots d'ordre de la lutte contre l'esclavage et de l'instauration de la civilisation. La pratique allait bientôt montrer ce qui se cachait derrière ces phrases. On sait qu'au cours des qua­rante années écoulées depuis la conquête de l'Algérie, aucun État européen n'a changé aussi souvent de régime politique que la France. A la Restauration avait succédé la révolution de Juillet et la royauté bourgeoise, celle-ci fut chassée par la révolution de Février qui fut suivie de la seconde République, du second Empire, enfin de la débâcle de 1870 et de la troisième République. La noblesse, la haute finance, la petite bourgeoisie, les larges couches de la moyenne bourgeoisie se cédaient successivement le pouvoir politique. Mais la politique française en Algérie demeura immuable à travers ces vicissitudes, elle resta orientée du début à la fin vers le même but : au bord du désert africain elle découvrait le centre d'intérêt de tous les bouleversements politiques en France au XIX° siècle : la domination de la bourgeoisie capitaliste et de sa forme de propriété.

Le 30 juin 1873, le député Humbert, rapporteur de la Commission pour le règlement de la propriété agricole en Algérie, déclara à une séance de la Chambre: "Le projet de loi que nous proposons à votre étude n'est rien d'autre que le couronnement de l'édifice dont le fondement a été posé par une série de décrets, de lois et de sénatus-consultes, qui tous ensemble et chacun en particulier poursuivent le même but : l'établissement de la propriété privée chez les arabes".

La destruction et le partage systématiques et conscients de la propriété collective: tels étaient le but et le pôle d'orientation de la politique coloniale française pendant un demi-siècle, quels que fussent les orages qui secouèrent la vie politique intérieure. On servait en ceci un double intérêt clairement reconnu.

Il fallait détruire la propriété collective surtout pour abattre la puissance des familles arabes comme organisations sociales, et briser ainsi la résistance opiniâtre contre la domination française. Cette résistance se manifestait, malgré la supériorité de la puissance militaire française, par de constantes insurrections de tribus, ce qui entraînait un état de guerre permanent dans la colonie . …

 

Le partage des terres n'alla cependant pas plus loin. Malgré les généraux de brigade, les mœurs des Arabes offraient des résistances insurmontables au partage ultérieur des terres familiales. Le but de la politique française : l'établissement de la propriété privée et la transmission de cette propriété aux Français, avait donc encore une fois échoué dans l'ensemble.

 

Seule la Troisième République, régime officiel de la bourgeoisie, a trouvé le courage et le cynisme d’aller droit au but et d’attaquer le problème de front, sans s’embarrasser de démarches préliminaires. En 1873, l’Assemblée élabora une loi, dont le but avoué était le partage immédiat des terres des 700 tribus arabes en parcelles individuelles, l’introduction de la propriété privée par la force. Le prétexte de cette loi était la situation désespérée qui régnait dans la colonie. Il avait fallu autrefois la grande famine indienne de 1866 pour éclairer l’opinion publique en Angleterre sur les beaux résultats de la politique coloniale anglaise et provoquer l’institution d’une commission parlementaire chargée d’enquêter sur la situation désastreuse de l’Inde. De même, à la fin des années 1860, l’Europe fut alarmée par les cris de détresse de l’Algérie, où quarante ans de domination française se traduisaient par la famine collective et par un taux de mortalité extraordinairement élevé parmi les Arabes. On réunit une commission chargée d’étudier les causes et l’effet des lois nouvelles sur la population arabe ; l’enquête aboutit à la conclusion unanime que la seule mesure susceptible de sauver les Arabes était l’instauration de la propriété privée. En effet, la propriété privée seule permettrait à chaque Arabe de vendre et d’hypothéquer son terrain et le sauverait ainsi de la ruine. On déclara ainsi que le seul moyen de soulager la misère des Arabes qui s’étaient endettés parce que les Français leur avaient volé leurs terres et les avaient soumis à un lourd système d’impôts, était de les livrer aux mains des usuriers. Cette farce fut exposée à la Chambre avec le plus grand sérieux et les dignes membres de l’Assemblée l’accueillirent avec non moins de gravité. Les vainqueurs de la Commune de Paris triomphaient sans pudeur. …

 

Mais les faits parlaient un autre langage. Ils démontraient que les spéculateurs français se servaient de la propriété privée, instaurée par eux en Algérie, à de tout autres fins qu’à une culture plus intensive et à une meilleure exploitation du sol. En 1873, sur les 400 000 hectares de terres appartenant aux Français, 120 000 hectares étaient aux mains de compagnies capitalistes, la Compagnie Algérienne et la Compagnie de Sétif ; celles-ci, loin de cultiver elles-mêmes les terres, les affermaient aux indigènes, qui les cultivaient selon les méthodes traditionnelles. Un quart des propriétaires français restants se désintéressaient également de l’agriculture. Il était impossible de susciter artificiellement des investissements de capitaux et des méthodes intensives de culture, comme il est impossible de créer des conditions capitalistes à partir de rien. C’étaient là des rêves nés de l’imagination avide des spéculateurs français et de la confusion doctrinale de leurs idéologues, les économistes classiques. Abstraction faite des prétextes et des ornements par lesquels on voulait justifier la loi de 1873, il s’agissait simplement du désir non dissimulé de dépouiller les Arabes de leur terre, qui était la base de leur existence. Malgré toute la pauvreté de l’argumentation et l’hypocrisie manifeste de sa justification, la loi qui devait ruiner la population algérienne et anéantir sa prospérité matérielle fut votée à la quasi-unanimité le 26 juillet 1873. …

 


Cours d’économie politique - Livre  2 du Capital - notes de Rosi Wolfstein 1912/1913.

 

1871-1873, essor extraordinaire de l’industrie dans toute l’Europe. Cela vint de la fin de la guerre française. De la défaite de la Commune de Paris. Après sa répression s’installa un sentiment d’apaisement, de joie de vivre, de sentiment d’exister. Spécialement pour l’Allemagne, il faut tenir compte des réparations que la France avait à payer, 14 Mlds, le remboursement de la dette, de ce fait la libération d’une masse de capitaux cherchant à s’investir, de ce fait l’aspiration à de nouvelles créations d’entreprise, d’autre part liberté du commerce, homogénéisation des lois bourgeoises, de la politique douanière etc. Tout cela trouva son achèvement avec l'unification politique de 1870.

 


Deux traductions sont en cours de révision. Merci pour toute amélioration. Les notations sur la Commune dans les textes sont dans des polices et  formats différents.

 

Introduction à l’économie politique – Chapitre II.2. Gesammelte Werke, Dietz Verlag 1982, Tome 5, P 613. Œuvres complètes, smolny&agone, P 206-207

Notice sur la politique coloniale et l’impérialisme, à propos de la loi de 1873 en Algérie Gesammelte Werke, Dietz Verlag 1982, Tome 7/1, P193.  Traduction : DVP en cours                                             

L'accumulation du capital. III : Les conditions historiques de l'accumulation 1 - 27 : La lutte contre l'économie naturelle. 1913. Gesammelte Werke, Dietz Verlag 1982, Tome 5, P. 327- 333. Œuvres complètes, smolny&agone, P 393-399

Notes de Rosi Wolfstein Gesammelte Werke, Dietz Verlag 1982, Tome 7/1, P.530-531.Traduction : DVP en cours

 

Voir sur mes bllogs : https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/search/alg%C3%A9rie/ /  http://comprendreavecrosaluxemburgdocumentsetdossiers.over-blog.com/search/alg%C3%A9rie/

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Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009