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Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

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Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
27 décembre 2023 3 27 /12 /décembre /2023 22:43
Karl Liebknecht dans sa prison d'Alix Guillain. Extraits de ses notes sur l'impérialisme, la guerre ...

Le 1er mai 1916, de la gare de Potsdam descend un soldat, l'uniforme râpé, la tenue négligée. Personne ne faitattention à lui. C'est un simple soldat comme on en voit passer tous les jours, et qui, sûrement, n'appartient pas à, un régiment d'élite, celui-là. Arrivé au milieu de la Potsdamer Platz, au centre même de Berlin, il s'arrête. Puis, tout à coup, sa voix s'élève. « A bas la guerre ! A bs le gouvernement ! Vive la révolution ! » Des curieux s'amassent. Il distribue des pamphlets et des feuilles volantes contre la guerre et le gouvernement. Des policiers se jettent sur lui. Karl Liebknecht est arrêté.

Vouloir l'impossible pour atteindre ce qui est possible. C'est la maxime d'après laquelle il a toujours agi. Certes, il ne croyait pas en ce moment pouvoir arrêter la guerre, mais il s'agissait de vouloir la fin de la guerre, quel que fût le résultat auquel cette volonté pût aboutir.

Le 11 mai 1916, discussion, au Reichstag, pour savoir si on lèverait l'immunité de Karl Liebknecht, député. Le  docteur Landsberg, qui plus tard, sous la révolution, devait être ministre, prend la parole au nom de son parti.

Voici ce qu'il dit :

Messieurs, vous avez affaire à un homme qui en a appelé aux masses pour forcer le gouvernement à faire la paix. Or, il s'agit ici d'un gouvernement qui déjà, à maintes reprises, a déclaré, à la face du monde entier, qu'il était prêt à faire la paix... Notre attitude, en ce qui concerne la guerre, messieurs, vous la connaissez. Pour nous, la guerre c'est la lutte pour la patrie... Voila, messieurs, quel est l'esprit du peuple allemand. Et cet esprit ne peut pas être ébranlé par un chiffon de papier (en prononcent ces paroles, M. Landsberg brandit la feuille volante que Llebknecht avait distribué le soir du 1er mai). L'entreprise de Liebknecht est tout simplement grotesque... Comment peut-on s'imaginer que faire une manifestation sur la Potsdamer Platz et y distribuer des feuilles volantes, c'est faire de la haute politique et influencer les destinées du monde ? Opposons à la nervosité maladive dont toute cette entreprise témoigne, et dont chaque ligne de la feuille volante fait preuve, un calme pondéré et réfléchi, c'est ainsi que nous servirons le mieux la cause de l'Empire.

Décidément, ce n'est pas aux majorités socialistes qu'on pourra reprocher d'avoir voulu l'impossible. Témoignant d'un mépris profond pour les chiffons de papier de Liebknecht, ils sont à ce moment encore loin loin de se douter qu'un jour ce même Liebkneçht mènera les masse à une révolution, dont ils seront, hélas ! les profiteurs. L'intervention de Landsberg, le 11 mai 1916, est une des pages les moins glorieuses de l'histoire, déjà si peu glorieuse, des majoritaires socialistes.

Liebknecht, abandonné par ceux qui s'étaient dits ses camarades, fut condamné, comme on le sait, à deux ans et demi, puis à quatre ans de travaux forcés. C'était la réclusion totale, et le gouvernement pouvait croire que, pour des années, il avait condamné le grand agitateur à l'impuissance. Le régime du pénitentiaire où il expia sa peine était sévère.

Quatre fois par an seulement il lui était permis d'écrire des lettres à sa famille. Tous les trois mois il pouvait, sous surveillance, bien entendu, recevoir des visites. La lecture des journaux lui était interdite, sauf les dimanches, où on lui passait un journal patriotique.

Pourtant, l'énergie révolutionnaire de Liebknecht ne se laissait pas entamer. Rien ne peut mieux en témoigner que l'édition récente, faite par Frantz Pfemfert, des notes que Liebknecht crayonnait au jour le jour dans sa prison pour exprimer ses idées sur les événements politiques (Karl Liebknecht, Politische Aufzeichnungen, Verlag : Aktion-Berlin-Wilmersdorf).

Pour écrire, il se servait de n'importe quel bout de papier, il griffonnait en marge de feuilles de journaux, sur des pages vides de livres, sur du papier d'emballage, forcé par le manque de place et l'œil vigilant de ses geôliers, d'écourter sa pensée. Tantôt ce sont les cris passionnés d'un cœur qui souffre d'être condamné à l'inaction, tantôt ce sont des dispositions, des remarques jetées et la hâte pour un discours. De sa cellule, il s'imagine être devant la foule qu'il invite à la révolution. Documents angoissants, témoignages d'un esprit inquiet toujours à l'affût de l'action.

Condamné au silence par le régime pénitentiaire, son cerveau travaillait infatigablement, hanté par la vision de la révolution qu'il sentait proche.

Alix GUILLAIN.

(Nous reproduisons ici quelques-unes de ces notes qui, souvent mieux que par de longs discours, témoignent de l'ardeur et de la passion de celui qui les écrivit) :

Karl Liebknecht dans sa prison d'Alix Guillain. Extraits de ses notes sur l'impérialisme, la guerre ...

L'Internationale et la Guerre (pages 7 et suiv.)

Notre attitude, en face de la guerre, est déterminée par l'esprit international, qu'il s'agisse indifféremment de nos jugements politiques, sociaux ou économiques, de l'action et de ses moyens ou du but.

Le problème de la défense nationale doit être envisagé par nous sous l'angle de la lutte de classes révolutionnaire dans chaque pays et de la collaboration de la classe ouvrière de tous les pays, obéissant aux mots d'ordre : lutte de classes prolétarienne contre la guerre impérialiste, lutte de classes internationale contre la guerre des Etats.

Le but de notre guerre contre la guerre a un caractère international ; la mesure d'après laquelle nous apprécions les résultats possibles de la guerre est internationale : ce qui nous intéresse, c'est l'effet total envisagé du point de vue international pour le prolétariat mondial, et notre effort doit tendre à rendre cet effet aussi favorable que possible...

Selon les chances et possibilités révolutionnaires de chaque pays, dans les différents moments, il s'agira de donner plus ou moins de l'avant, de travailler, de ralentir ou de hâter le travail ; ce qu'il faut, c'est qu'à chaque moment, on puisse atteindre le maximum de collaboration internationale, dons le sens socialiste et révolutionnaire, et qu'on pèse et calcule l'effet d'une politique non seulement par rapport à son propre pays, mais encore par rapport à tous les autres pays.

 

La fin de la guerre et le socialisme (1917) (pages 20 et suiv.)

De la guerre franco-allemande, et de toutes les guerres qui ont eu lieu depuis, le socialisme est sorti pur et mieux trempé. La guerre mondiale, par contre, a fait de lui un monceau de ruines. Un monceau de ruines, son idéologie ; un monceau de ruines, son organisation. Et cela, avant tout, là où les partis socialistes, en se soumettant aux pouvoirs dirigeants, se sont en apparence le mieux conservés, c'est-à-dire là où, dans l'ensemble, ils ont fait le jeu des ennemis mortels du prolétariat.

Le mouvement ouvrier rejeté au point où il en était avant 1870 : voilà le fait. Dans chaque pays, et dans l'Internationale, il faut reprendre le travail à ses débuts : dans la propagande, dans l'organisation, dans l'éducation pour la lutte des classes et pour la solidarité internationale.

 

La guerre et le capital (page 42)

Il est un effet des emprunts de guerre qui, jusqu'ici, n'a pas été suffisamment pris en considération : c'est la dépendance de plus en plus étroite dans laquelle se trouve l'Etat vis-à-vis des grands capitalistes, dépendance formée par la proportion immense des emprunts se trouvant dans les mains des grandes entreprises (industries lourdes, banques, etc.). Ce fait se remarque surtout dans l'industrie des munitions, qui a dû signer pour une large part les emprunts, et qui, d'ailleurs, ne s'est guère fait tirer l'oreille non seulement en vue des grands profits que lui procuraient les commandes, et desquels témoignent les bilans de fin d'année, mais aussi parce que signer les emprunts était le meilleur moyen d'augmenter et de consolider son influence politique. Il saute aux yeux que de ce fait la politique de guerre de l'Etat, et avant tout la politique à l'égard des buts de guerre, est devenue de plus en plus dépendante des capitalistes de tous genres, et que, de plus en plus, le gouvernement en a été réduit à ne plus être que le commis et le délégué des grands capitalistes.

 

La Paix et la Révolution (page 50)

Toute négociation de paix engagée, toute paix conclue en ce moment, n'est qu'une étape sur la voie qui mène à la révolution. La vraie signification de la paix dépend de l'évolution révolutionnaire ultérieure, qui mènerai à une révision et super-révision et aboutira à une refonte générale et à une formation nouvelle de la société.

 

Les chances d'une révolution après la paix (avril 1918) (pages 79 et suiv.)

Le résultat de la guerre sera une défaite économique de tous les pays, même de ceux qui auront remporté la victoire militaire. Le poids de la misère économique mènera forcément à un déchaînement de toutes les forces du peuple sur le terrain économique. Il engendrera et augmentera les tendances révolutionnaires dans les domaines politique et scientifique.

 

La Politique extérieure du Socialisme (avril 1918) (pages 85 et suiv.)

Le socialisme international, par suite de son caractère socialiste et international (c'est-à-dire en tant que socialisme et internationalisme), ne peut connaître ni supporter d'opposition entre sa politique intérieure et extérieure. Homogénéité et continuité de ses politiques intérieure et extérieure, voilà les points de vue dont, sous aucun prétexte, il ne peut se départir. Sa politique extérieure, de même que sa politique intérieure, doit être remplie du même esprit socialiste international et révolutionnaire.

 

Tel est le devoir de la politique socialiste, appuyée par le prolétariat conscient de ses droits de classe : accélérer l'évolution sociale dans la voie qui mènera à la création d'un ordre socialiste, au moyen de la lutte de classes, destinée à prendre au moment de la péripétie, le caractère de révolution sociale dans le sens le plus étroit...

La politique extérieure du socialisme n'est pas seulement une sorte de prolongement de sa politique intérieure au delà de frontières qui, du point de vue socialiste, ne peuvent être que fortuites. Plus que toute politique s'inspirant d'un principe social différent, elle s'identifie en théorie et en pratique à sa politique intérieure. La politique extérieure, de même que la politique intérieure du socialisme, découlent de la même source, c'est-à-dire des oppositions sociales d'ordre international, des intérêts de classe du prolétariat mondial, dont le prolétariat national ne saurait être qu'une branche détachée. Ces deux politiques font également partie de la lutte de classes internationale, la lutte des classes à l'intérieur de toute nation ne pouvant se concevoir qu'en fonction de la lutte totale. Aussi ne représentent-elles l'une et l'autre que des applications particulières des principes internationaux, par définition du socialisme, aux formes concrètes dans lesquelles apparaissent les oppositions de classes, tantôt dans des cas particuliers tantôt dans des cas généraux, soit sur une échelle nationale, soit sur une échelle mondiale. En d'autres termes, elles sont des applications particulières de la lutte de classes aux conditions concrètes, qui se présentent à l'intérieur de chaque Etat, ou apparaissent d'une façon générale, en dehors de toutes frontières.

Établissant ainsi la primauté du point de vue international sur le point de vue national, nous posons en principe que la politique extérieure doit primer sur la politique intérieure.

Ainsi, la politique intérieure du socialisme ne représente qu'un cas particulier de sa politique extérieure, et ce que l'impérialisme dit de lui-même dans un esprit opposé, est vrai pour le socialisme : victoire à l'intérieur, et victoire à l'extérieur, dépendent mutuellement l'une de l'autre... Ni dans la politique intérieure du socialisme, ni dans sa politique extérieure, il n'y a de moyen vraiment socialiste, en dehors de la lutte des classes.

 

Impérialisme et guerre ou socialisme et paix (avril 1918) (page 90)

Qu'il y a-t-il au fond des antagonismes qui, jusqu'ici, ont engendré les guerres et en engendreront toujours de nouvelles, tant qu'ils dureront ? La concurrence capitaliste mondiale entre les différents groupements organisés dans les Etats, entre les différents impérialismes qui luttent pour s'emparer des richesses du monde : matières premières, forces ouvrières, débouchés, terrains de construction.

Que faut-il donc faire ? Abolissons la concurrence capitaliste. Faisons des richesses de la terre une affaire commune de l'humanité entière, mettons à la place de la société capitaliste qui divise l'humanité en classes et en hordes de brigands qui s'entre-déchirent, la société socialiste qui réconcilie l'humanité et en fera l'union.

Créer l'Internationale de l'avenir, l'Internationale triomphante, voilà le devoir de l'Internationale du présent, de l'Internationale militante.

Le moyen pour y parvenir, c'est la révolution sociale. C'est elle qui, seule, peut en ce moment non seulement préparer la paix, mais encore détruire les causes des guerres futures.

Qui veut le but doit vouloir les moyens.

Impérialisme et guerre, ou socialisme et paix, l'un ou l'autre : il n'y a pas d'autre alternative.

 

Le commencement de la grande révolution (septembre 1918) (pages 134 et suiv.)

C'est maintenant, où la domination militaire de l'Allemagne s'est écroulée, que la guerre devient, dans un sens éminent, une guerre révolutionnaire.

Pourtant, nous n'en sommes qu'aux débuts. L'essentiel est encore à venir. L'heure décisive a sonné pour la révolution sociale. Jusqu'ici, ce n'a été qu'un petit chambardement. Le grand suivra.

(Traduction d'Alix GUILLAIN.)

 

Source : Bulletin communiste n° 5 (troisième année), 2 février 1922. Alix Guillain- Karl Liebknecht : Karl Liebknecht dans sa prison (1922)

https://www.marxists.org/francais/guillain/works/1922/02/liebknecht.htm

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7 novembre 2023 2 07 /11 /novembre /2023 20:34
Rosa Luxemburg, "Salut sisternel"
Rosa Luxemburg, "Salut sisternel"

Lire sur le blog à propos de la lettre dont il fait mention dans l'article et sur cette triste vente aux enchères : https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2022/06/une-lettre-aux-encheres-rosa-luxemburg.html

Et pour la photo : https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2022/06/une-lettre-aux-encheres-rosa-luxemburg.html

Rosa Luxemburg, "Salut sisternel"Rosa Luxemburg, "Salut sisternel"

Rosa Luxemburg et le « salut sisternel » : une lettre inédite

 

by Article paru dans La RP n°822 (septembre 2023)

 

A lire sur : https://revolutionproletarienne.wordpress.com/2023/11/07/rosa-luxemburg-et-le-salut-sisternel-une-lettre-inedite/

 

Nous publions ici pour la première fois une lettre inédite de Rosa Luxemburg, envoyée en 1905 au militant socialiste André Morizet. Écrivant en français, Rosa Luxemburg y féminise le mot « fraternel » : elle achève sa lettre par un « salut sisternel », qui ne saurait surprendre chez cette avant-gardiste.

 

Participant au congrès socialiste international d’Amsterdam en août 1904 parmi les délégués du Parti socialiste de France, Morizet en avait profité pour prendre des photographies de certains délégués en marge du congrès. C’est à ce sujet que Luxemburg, elle aussi déléguée à ce congrès, lui envoie cette courte lettre. Le tampon de la poste est du 30 mars 1905, mais il semble que ce soit le tampon apposé lors de l’arrivée du courrier à Paris, non lors de l’envoi à Berlin. La carte est adressée à : « Monsieur André Morizet – Paris – 5, place St-Michel, 5 ». Lettre à André Morizet – Berlin (Friedenau), mars 1905

 

Cher camarade Morizet ! Trois charmantes dames : Mme Luise Kautsky, Mme Henriette Roland-Holst et – moi, viennent vous déposer une prière : veuillez bien nous envoyer à nous deux dernières les deux photographies de la « danse du ventre » de Van Kol1 , que vous avez envoyées à Kautsky. Nous sommes très envieuses de les posséder aussi. Mille remerciements d’avance et salut sisternel,

Rosa Luxemburg

 

[suivent quelques phrases de Henriette Roland Holst, puis de Luise Kautsky2 , sur le même sujet]

1 Sur deux des photos prises par André Morizet en marge du congrès socialiste international d’Amsterdam de 1904, on voit le socialiste néerlandais Henri Van Kol (1852-1925) en train de danser. Ces photos se trouvent, en très mauvaise résolution, sur le site de l’Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam : iisg.amsterdam/en.

2 Henriette Roland Holst (1869-1952), militante socialiste et marxiste néerlandaise ; Luise Kautsky (1864-1944), socialiste allemande et traductrice, ainsi qu’épouse du militant et théoricien socialiste Karl Kautsky (1854-1938). Cette carte postale, hélas passée en vente aux en-chères plutôt que confiée à des archives publiques, a été achetée par un acquéreur inconnu, de même qu’une autre lettre à Morizet. Datée du 28 novembre 1904, cette dernière est constituée de trois pages manuscrites, mais je n’ai pas encore pu obtenir la deuxième page (si la situation reste en l’état, nous serons forcés de publier dans la Correspondance complète de Rosa Luxemburg cette lettre tronquée – alors qu’elle existe bel et bien en entier dans une collection privée3 !).

 

Un autre document inédit permet de mieux comprendre le contexte : André Morizet parle dans une lettre à Paul Lafargue de 1904 d’une autre photo prise à Amsterdam, reproduite ci-dessous, « où figurent Bebel, Rosa Luxemburg et Mme Kautsky », en précisant : « Cette photo a été prise sur le bateau, pendant la promenade offerte par les Hollandais4 . Au moment où j’allais la prendre, Pernerstorfer5 s’est écrié : c’est l’alliance du ouch-ouch réformiste et du schum-schum révolutionnaire ; et Bebel a dit à Rosa L. quelque chose qui m’a échappé. Il lui demandait sans doute si c’était elle qui représentait la droite6 ... » Cela permet donc d’attribuer à Morizet cette photo souvent reproduite.

 

Julien CHUZEVILLE

 

3 La Correspondance complète de Rosa Luxemburg sera publiée en trois tomes aux éditions Smolny, voir : smolny.fr/rosa-luxemburg.

4 Cette excursion sur deux bateaux dans le golfe du Zuiderzee eut lieu juste après la clôture du congrès, l’après-midi du samedi 20 août 1904.

5 Engelbert Pernerstorfer (1850-1918), militant socialiste autrichien.

6 Archives départementales 93, fonds Lafargue cote 300 J4, dossier 23 .

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4 novembre 2023 6 04 /11 /novembre /2023 10:16
Langston Hughes, Les gosses qui meurent : "... comme Liebknecht"

Sur le net, cette découverte. Dans une série récente Fellow Travelers, selon l'article consulté, le nom de Karl Liebknecht apparaît! C'est au détour d'un poème d'un grand auteur noir américain Langston Hughes"Les gosses (enfants)  qui meurent":

 

Écoutez, les enfants qui meurent -
Peut-être qu'à présent, il n'y aura plus de monument pour vous
Sauf dans nos cœurs
Peut-être que vos corps seront perdus dans un marécage
Ou une tombe de prison, ou le champ du potier,
Ou les rivières où vous vous noyez comme Liebknecht
Mais le jour viendra —
Vous êtes vous-mêmes sûrs qu'il vient —
Où les pas des masses en marche
élèveront pour vous un monument vivant d'amour,
Et de joie et de rire,
Et de mains noires et blanches jointes comme une seule,
Et une chanson qui atteint le ciel -
La chanson de la vie triomphante
À travers les enfants qui meurent.

Langston Hughes, Les gosses qui meurent : "... comme Liebknecht"

Vu sur : https://www.themarysue.com/fellow-travelers-shows-mccarthyism-targeting-langston-hughes/


Dans Fellow Travelers , comme dans la vraie vie, Hughes dit qu'il n'est pas affilié au parti communiste même s'il a assisté à des événements favorables aux communistes. McCarthy et son équipe s'en prennent à Hughes pour ses critiques concernant l'incarcération de personnes ayant des opinions de gauche. Au cours de l'épisode, Marcus récite des parties du poème de Hughes « Kids Who Die ».

LE POEME

Sur https://retors.net/spip.php?article622 , vous trouverez une traduction de ce poème par  Sika Fakambi - Dans la revue  de l'association "L'atelier de traduction n° 15 :  Langston Hughes, Le Nègre parle des fleuves, Harlem,  Joueur de trompette, Chanson pour Billie Holiday, Démocratie, Les mômes qui meurent

 
Langston Hughes, Les gosses qui meurent : "... comme Liebknecht"

 

Les mômes qui meurent

Ça c’est pour les mômes qui meurent,

Noirs et blancs,

Car les mômes mourront à coup sûr.

Les vieux et riches continueront de vivre un temps,

Comme toujours,

En mangeant du sang et de l’or,

En laissant les mômes mourir.

 

Les mômes mourront dans les marais du Mississipi

En organisant le métayage

Les mômes mourront dans les rues de Chicago

En organisant les travailleurs

Les mômes mourront dans les orangeraies de Californie

En expliquant aux autres qu’il faut se rassembler

Blancs et Philippins,

Nègres et Mexicains,

Toutes sortes de mômes mourront

Qui ne croient pas aux mensonges, aux pots-de-vin, au contentement

À une paix dégueulasse.

 

Bien sûr, les sages et les savants

Qui écrivent leurs articles dans les journaux,

Et les messieurs avec Dr. avant leur nom

Blancs et noirs,

Qui font des enquêtes et qui écrivent des livres

Continueront de vivre en tissant des mots pour étouffer le bruit des mômes qui meurent,

Et les tribunaux sordides,

Et la police avide de pots-de-vin,

Et les généraux assoiffés de sang,

Et les prêtres assoiffés d’argent

Lèveront tous la main contre les mômes qui meurent,

Les frappant à coup de lois et de matraques et de baïonnettes et de balles

Pour effrayer les gens —

Car les mômes qui meurent sont comme du fer dans le sang des gens —

Et les vieux et riches ne veulent pas que les gens

Goûtent au fer que sont les mômes qui meurent,

Ne veulent pas que les gens pigent qu’ils ont du pouvoir,

Qu’ils croient en un Angelo Herndon, ou même se rassemblent

 

Écoutez, les mômes qui meurent —

Peut-être que, là, il n’y a pas de monument pour vous

Sauf dans nos cœurs

Peut-être que vos corps se perdront dans un marais

Ou dans une tombe de prison, ou au cimetière des pauvres,

Ou dans les rivières où vous êtes noyés comme Leibknecht

 

Mais le jour viendra —

Vous pouvez être sûrs qu’il viendra —

Où les pieds des masses en marche

Érigeront pour vous un monument d’amour,

Et de joie, et de rires,

Et les mains noires et les mains blanches se joindront comme une seule,

Et un chant s’élèvera jusqu’au ciel —

Le chant de la vie qui triomphe

À travers les mômes qui meurent.

This is for the kids who die,

Black and white,

For kids will die certainly.

The old and rich will live on awhile,

As always,

Eating blood and gold,

Letting kids die.

 

Kids will die in the swamps of Mississippi

Organizing sharecroppers

Kids will die in the streets of Chicago

Organizing workers

Kids will die in the orange groves of California

Telling others to get together

Whites and Filipinos,

Negroes and Mexicans,

All kinds of kids will die

Who don’t believe in lies, and bribes, and contentment

And a lousy peace.

 

Of course, the wise and the learned

Who pen editorials in the papers,

And the gentlemen with Dr. in front of their names

White and black,

Who make surveys and write books

Will live on weaving words to smother the kids who die,

And the sleazy courts,

And the bribe-reaching police,

And the blood-loving generals,

And the money-loving preachers

Will all raise their hands against the kids who die,

Beating them with laws and clubs and bayonets and bullets

To frighten the people —

For the kids who die are like iron in the blood of the people —

And the old and rich don’t want the people

To taste the iron of the kids who die,

Don’t want the people to get wise to their own power,

To believe an Angelo Herndon, or even get together

 

Listen, kids who die —

Maybe, now, there will be no monument for you

Except in our hearts

Maybe your bodies’ll be lost in a swamp

Or a prison grave, or the potter’s field,

Or the rivers where you’re drowned like Leibknecht

 

But the day will come —

You are sure yourselves that it is coming —

When the marching feet of the masses

Will raise for you a living monument of love,

And joy, and laughter,

And black hands and white hands clasped as one,

And a song that reaches the sky —

The song of the life triumphant

Through the kids who die.

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21 octobre 2023 6 21 /10 /octobre /2023 14:12
Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, illustration Frenckell, 1923
Illustration de FRENCKELL pour La Vague du 23 janvier 1919
La Vague : pacifiste, socialiste, féministe
 
Directeur Pierre Brizon
Description :44 cm puis 53 cm

 

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26 septembre 2023 2 26 /09 /septembre /2023 12:22

Ecouter-voir : Cette vidéo de "cathédrale osseuse", magnifiques images et la lecture permet, facilite la compréhension de ce texte majeur de Clara Zetkin. https://www.youtube.com/watch?v=VL8QI-uFnBQ

 

Vous pouvez aussi consulter l'article que j'ai consacré à ce texte le 8 mars 2021 sur mon blog mediapart : https://blogs.mediapart.fr/villaeys-poirre/blog/080321/clara-zetkin-l-emancipation-de-la-femme-comme-celle-de-tout-le-genre-humain

 

Clara Zetkin a mené un seul et même combat sous deux formes : le combat révolutionnaire et prolétaire avec le courant de Rosa Luxemburg, le combat pour les droits des femmes. Née en 1857, à l'époque de ce discours, elle est à Paris en exil, les lois antisocialistes en Allemagne la conduiraient en prison.

En 1889, elle est appelée à prendre la parole au Congrès de fondation de la 2e Internationale. C'est son premier grand discours en public.

Clara Zetkin. L'émancipation des femmes sera socialiste ou ne sera pas.

Le texte

 

"Il n’est pas surprenant que les réactionnaires aient une conception réactionnaire du travail féminin. Mais il est extrêmement surprenant de rencontrer, dans le camp socialiste une conception erronée, qui consiste à exiger  la suppression du travail des femmes. Le problème de l’émancipation des femmes, c’est-à-dire en dernière instance celui du travail féminin, est un problème économique, et l’on est fondé à attendre des socialistes une meilleure compréhension des problèmes économiques.

Les socialistes doivent savoir qu’en l’état actuel du développement économique le travail féminin est une nécessité ; que le travail féminin doit aboutir normalement, soit à une réduction du temps de travail que chaque individu doit à la collectivité, soit à un accroissement des richesses de la société ; que ce n’est pas le travail féminin en soi qui, par le jeu de la concurrence, fait baisser les salaires, mais l’exploitation de ce travail par les capitalistes.

Les socialistes doivent avant tout savoir que l’esclavage social ou la liberté reposent sur la dépendance ou l’indépendance économiques.

Il n’est pas permis à ceux qui combattent pour la libération de tout le genre humain de condamner la moitié de l’humanité à l’esclavage politique et social par le biais de la dépendance économique. De même que le travailleur est sous le joug du capitaliste, la femme est sous le joug de l’homme et elle restera sous le joug aussi longtemps qu’elle ne sera pas indépendante économiquement. La condition sine qua non de cette indépendance économique, c’est le travail. Si l’on veut faire des femmes des êtres humains libres, des membres de la société à part entière au même titre que les hommes, il ne faut ni supprimer, ni limiter le travail féminin, sauf dans quelques cas exceptionnels.

Les travailleuses qui veulent accéder à l’égalité sociale n’attendent rien, pour leur émancipation, du mouvement féministe bourgeois qui prétend lutter pour les droits des femmes. C’est une construction bâtie sur le sable qui ne repose sur aucune base sérieuse. Les travailleuses sont absolument convaincues que le problème de l’émancipation des femmes n’est pas un problème isolé, mais qu’il fait partie de l’ensemble de la question sociale. Elles savent pertinemment que ce problème ne pourra trouver de solution tant que la société actuelle n’aura pas subi de transformations fondamentales. La question de l’émancipation des femmes est née avec les temps modernes et c’est la machine qui l’a engendrée.

L’émancipation de la femme, cela signifie la complète modification de sa position sociale, une révolution de son rôle dans la vie économique. Les anciens modes de production avec leurs moyens de travail imparfaits enchaînaient la femme à la famille et limitaient son champ d’action à son foyer. Au sein de la famille, la femme constituait une main d’œuvre extrêmement productive. Elle fabriquait presque tous les objets de nécessité courante. Compte tenu du développement de la production et du commerce de l’époque, il aurait été extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, de fabriquer ces articles hors de la famille. Tant que durèrent ces rapports de production, la femme fut productive sur le plan économique.

La machine a mis fin à l’activité économique de la femme dans la famille. La grande industrie fabrique tout les articles à meilleur prix, plus rapidement et en plus grande quantité que ne pouvait le faire l’industrie individuelle qui ne disposait que d’outils imparfaits pour une production à très petite échelle. Souvent la femme était obligée de payer la matière première achetée au détail plus cher que le produit fini de la grande industrie. A ce prix d’achat, elle devait ajouter son temps et sa peine, si bien que l’activité productive dans la famille était devenue un non-sens économique, un gaspillage de force et de temps. Bien que, dans des cas isolés, l’activité productrice de la femme au foyer puisse être encore utile, il n’en reste pas moins que ce genre d’activité constitue une perte pour la société.

C’est la raison pour laquelle la ménagère du bon vieux temps a presque totalement disparu. La grande  industrie a rendu sans objet la production à domicile de biens destinés aux membres de la famille. Mais, simultanément, elle a créé les bases de l’activité de la femme dans la société. La production mécanique qui peut se passer de force musculaire et de qualification, a permis d’employer des femmes dans un vaste secteur de travail. La femme est entrée dans l’industrie dans le but d’augmenter les ressources familiales. L’évolution de l’industrie moderne a fait du travail féminin une nécessité. Et c’est ainsi que chacun des perfectionnements de la technique moderne a rendu superflue une partie de la de la main d’œuvre masculine. Des milliers de travailleurs furent jetés à la rue, une armée de réserve des pauvres s’est constituée et les salaires n’ont cessé de diminuer.

Jadis, le salaire de l’homme, ajouté à l’activité productrice de la femme au foyer suffisait à assurer l’existence de la famille ; maintenant il suffit à peine à faire vivre un travailleur célibataire. Le travailleur marié est dès lors contraint de compter sur la travail salarié de sa femme.

Cet état de chose a libéré la femme de la dépendance économique, vis-à-vis de l’homme. La femme travaillant dans l’industrie ne pouvait plus, dans la famille, constituer un simple appendice économique du mari ; force économique indépendante, elle apprit à se suffire. Or, si la femme n’est plus dépendante de l’homme sur le plan économique, il n’y a aucune raison pour qu’elle le soit sur le plan social. Toutefois, cette indépendance ne profite pas pour l’instant à la femme elle-même, mais au capitaliste. Parce qu’il détenait le monopole des moyens de production, le capitaliste s’est emparé de ce nouveau facteur économique et l’a utilisé à son avantage exclusif. Libérée de sa dépendance économique vis-à- vis de l’homme, la femme est passée sous domination économique du capitaliste. D’esclave de son mari, elle est devenue l’esclave de son employeur. Elle n’avait fait que changer de maître. Elle y a  toutefois gagné au change ; sur le plan économique, elle n’est plus un être inférieur subordonné à son mari, elle est son égale. Cependant, le capitaliste ne se contente pas d’exploiter la femme elle-même. Il se sert d’elle pour exploiter encore mieux les travailleurs.

La main d’œuvre féminine a été dès le départ meilleur marché que la main d’œuvre masculine. Le salaire de l’homme était calculé à l’origine pour subvenir aux besoins de toute une famille, le salaire de la femme, lui, n’a représenté dès le début que l’entretien d’une seule personne et même en partie seulement, parce qu’on escomptait que la femme, en dehors de son travail à l’usine, continuerait à travailler à la maison. Par ailleurs, les biens fabriqués par la femme au foyer avec des moyens de production primitifs ne représentaient, comparés aux produits industriels, qu’une petite quantité du travail social moyen. On en déduisit que la femme avait une capacité moindre et en conséquence sa force de travail fut payée moins. A ces raisons de la payer moins s’ajouta le fait que la femme a, en gros, moins de besoin que l’homme.

Mais ce qui fit de la femme une main d’œuvre particulièrement appréciée du capitaliste, ce n’est pas seulement son prix réduit mais aussi sa plus  grande soumission. Le capitaliste a spéculé sur ces deux facteurs pour rémunérer la travailleuse aussi mal que possible et pour abaisser au maximum, du fait de sa concurrence, le salaire des hommes. De la même façon, il s’est servi du travail des enfants pour diminuer le salaire des femmes, et de celui des machines pour dévaloriser le travail humain. Si le travail des femmes aboutit à des résultats contraires à la tendance naturelle, le système capitaliste en est le seul responsable ; il est responsable de l’allongement de la journée de travail alors que le travail des femmes devrait conduire à la réduire ; il est responsable que le travail féminin n'est pas synonyme d'augmentation des richesses, c'est-à-dire du mieux-être de chacun de ses membres, mais seulement d’augmentation du profit d’une poignée de capitalistes et simultanément d’une paupérisation massive et croissante. Les conséquences funestes du travail féminin si douloureusement ressenties aujourd’hui ne disparaitront qu’avec le système de production capitaliste.

Pour ne pas être écrasé par la concurrence, le capitaliste est contraint d’augmenter au maximum la différence entre le prix d’achat (prix de revient) et le prix de vente de ses produits ; il cherche donc à produire le moins cher et à vendre le plus cher possible. Cette politique va exactement à l’inverse des intérêts tant  des travailleuses que des travailleurs. Il n’existe donc pas d’opposition réelle entre les intérêts des travailleurs et ceux des travailleuses, mais bien une opposition irréductible entre les intérêts du capital, et ceux du travail.

Des motifs économiques s’opposent à ce que l’on revendique l’interdiction du travail féminin. La situation économique actuelle est telle que ni le capitaliste, ni l’homme ne peuvent renoncer au travail des femmes. Le capitalisme doit le maintenir pour rester compétitif et l’homme en a besoin s’il veut fonder une famille. Et même dans le cas où le travail des femmes serait interdit par la loi, le salaire des hommes n’en serait pas amélioré pour autant. Le capitaliste ne tarderait pas à compenser la perte d’une main d’œuvre bon marché par l’emploi de machines plus perfectionnées et, en peu de temps, on n’en serait au même point qu’avant.

Après de longues grèves dont l’issue fut favorable aux travailleurs, on a vu comment les capitalistes ont réduit à néant les succès remportés en utilisant des machines plus perfectionnées.

Si l’on revendique l’interdiction ou la limitation du travail féminin en arguant de la concurrence qu’il représente, il est tout aussi logique de réclamer la suppression des machines et le retour au droit corporatif du Moyen âge qui établissait le nombre des travailleurs à employer dans chaque entreprise.

Mais, abstraction faite des motifs économiques, ce sont avant tout des raisons de principe qui s’opposent à une interdiction du travail féminin. A toute tentative dans ce sens, les femmes doivent opposer la résistance la plus vive et la plus justifiée car elles savent que leur égalité sociale et politique avec l’homme repose uniquement sur l’indépendance économique que leur permet le travail hors du foyer.

C’est pour des raisons de principe que nous autres femmes, nous nous élevons avec la plus grande énergie contre une limitation du travail féminin. Comme nous ne voulons absolument pas séparer notre cause de celle des travailleurs en général, nous ne demandons aucune protection particulière si ce n’est celle que le travail  exige du capital..

Nous n’admettons qu’une seule exception au profit des femmes enceintes, dont l’état exige des mesures particulières de la femme même et de sa progéniture. Non moins qu’il existe une question féminine spécifique, nous nions qu’il existe un problème spécifique des travailleuses. Nous n’attendons notre pleine émancipation ni de l’accession des femmes à ce qu’il est convenu d’appeler les professions libérales, ni d’une éducation identique à celle des hommes – bien qu’une telle revendication soit tout à fait ce qu’il y a de plus naturel et de juste – ni de l’obtention de droits politiques. Les pays dans lequel existe le suffrage dit universel, libre et direct, nous montre qu’en réalité, il ne vaut pas grand-chose. Le droit de vote sans liberté économique n’est ni plus ni moins qu’un chèque sans provision. Si l’émancipation de la femme comme celle sociale ne dépendait des droits politiques, la question sociale n’existerait pas. L’émancipation de la femme comme celle de tout le genre humain ne deviendra réalité que le jour où le travail s’émancipera du capital. C’est seulement dans la société socialiste que les femmes comme les travailleurs accèderont à la pleine possession de leurs droits.

Compte tenu de cet état de chose, la seule solution , pour les femmes, véritablement désireuses de se libérer, est d’adhérer au parti socialiste le seul parti qui ait pour but l’émancipation des travailleurs.

Sans l’aide des hommes et, il faut bien le dire, souvent même contre leur volonté, les femmes ont rejoint le camp socialiste. Dans certains cas, elles y ont même été irrésistiblement poussées, contre leur gré, uniquement par une claire compréhension de la situation économique.

Mais elles sont maintenant dans ce camp et elles y resteront. Elles lutteront sous le drapeau du socialisme pour se libérer, pour être reconnues comme des êtres humains à part entière.

En marchant main dans la main avec le parti ouvrier socialiste, elles sont prêtes à partager toutes les peines et tous les sacrifices du combat, mais elles sont aussi fermement décidées à exiger après la victoire tous les droits qu’ils leur reviennent. S’agissant des sacrifices et des devoirs aussi bien que des droits, elles ne veulent être rien d’autre que des camarades de combat, acceptées comme des égales dans le camp des combattants."

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19 septembre 2023 2 19 /09 /septembre /2023 10:08
Histoire et mémoire du spartakisme, avec Nicolas Offenstadt. Sur le site Paroles d'histoire

Gilbert Badia m'a accompagnée dans mes recherches durant plusieurs années. J'ai apprécié en lui sa rectitude, sa démarche, s'appuyant sur les faits, les documents et son extrême gentillesse. Aussi ai-je été émue de la réédition d'un de ses ouvrages les plus précis, et l'un des plus précis existant sur le spartakisme. La présentation de Gilbert Badia par Nicolas Offenstadt est un document à la fois historique et humain. Je n'oublie pas non plus qu'il dédie cet ouvrage à Catherine Grupper, infatigable militante contre toutes les oppressions, injustices, exploitations.

 

Voir les publications des Editions Otium : https://www.facebook.com/EditionsOtium/?locale=fr_FR

 

Histoire et mémoire du spartakisme, avec Nicolas Offenstadt. Sur le site Paroles d'histoire
188. Histoire et mémoire du spartakisme, avec Nicolas Offenstadt

Podcast: Play in new window | Download

L’invité: Nicolas Offenstadt (MCF HDR Université Paris-I)

Le livre: Gilbert Badia, Le spartakisme. Les dernières années de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, Ivry, éditions Otium, 2021 [1967]

 

La discussion :

  • Pourquoi lire cette réédition d’un livre de 1967 ? (1:00)
  • Le parcours de Gilbert Badia, germaniste, résistant, militant communiste, passeur de la RDA en France… (4:00)
  • Quelle position pouvait avoir un intellectuel communiste dans les années 1950-1980 dans le monde universitaire ? (8:30)
  • Les rapports de Gilbert Badia au régime de la RDA et à ses organes de sécurité (12:10)
  • Un livre marqué par les questionnements politiques des années 1960 sur la révolution et l’organisation révolutionnaire (17:30)
  • À l’arrière-plan de l’ouvrage, le questionnement sur la « trahison » de la social-démocratie (21:15)
  • Le spartakisme, né du rejet de la Grande Guerre (24:30)
  • La figure marquante de Karl Liebknecht (27:00)
  • La naissance du spartakisme et son développement à partir de 1916 (29:30)
  • Nuancer la place des spartakistes dans la révolution allemande (34’)
  • Le rôle des socialistes majoritaires en partie réévalué (38:30)
  • Les commémorations de la révolution allemande en 2018-2019 (42:00)
  • Quelles traces, quels monuments du spartakisme dans l’Allemagne contemporaine ? (51:00)

Principaux ouvrages de de Gilbert Badia:

  • La fin de la République allemande, 1929-1933, éditions sociales, Paris, 1958.
  • Histoire de l’Allemagne contemporaine, 2 volumes, éditions sociales, 1962, rééd. 1964, 1975.
  • Les spartakistes, 1918, l’Allemagne en révolution, Collections archives, Julliard, 1966.
  • Le Spartakisme, les dernières années de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht, L’Arche, 1967.
  • Rosa Luxemburg : Journaliste, polémiste, révolutionnaire, éditions sociales, 1975.
  • (dir.) Les barbelés de l’exil, Presses universitaires de Grenoble, 1979.
  • Feu au Reichstag : l’acte de naissance du régime nazi, éditions sociales, 1983.
  • (dir.) Les Bannis de Hitler, EDI-Presses universitaires de Vincennes, 1984.
  • Clara Zetkin, féministe sans frontières, Éditions de l’Atelier, 1993.
  • Rosa Luxemburg, épistolière, Éditions de l’Atelier, 1995.
  • Ces Allemands qui ont affronté Hitler, Éditions de l’Atelier, 2000.
  •  

Notice biographique de Gilbert Badia

 

La chanson de fin: Ernst Busch, Das Lied der Matrosen, tiré du film du même nom, par Kurt Maetzig et Günter Reisch (1958)

 

 

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15 septembre 2023 5 15 /09 /septembre /2023 11:52
Grève des mineurs 1912

Grève des mineurs 1912

Extraits d'un article de Karl Liebknecht, Et maintenant en Prusse?

 

… Il va de soi qu’aucun des moyens de lutte actuels ne doit être abandonné. Mais ils ne suffisent plus, nous avons besoin de nouveaux moyens pour mener un nouveau combat.

La grève est, avec le boycott, la forme d’utilisation du pouvoir du prolétariat qui correspond le mieux à la nature sociale du prolétariat, et à sa fonction dans la société capitaliste qui en découle directement. Les grèves syndicales, par leur ampleur, s’apparentent de plus en plus à des grèves de masse. Elles se rapprochent aussi bien souvent, par leur objectif, des grèves politiques et deviennent de plus en plus clairement des luttes pour asseoir le pouvoir de la classe ouvrière dans la société. Elles se trouvent de plus en plus confrontée impitoyablement à la totalité de l’appareil d’État, l’armée y compris. Les grèves syndicales elles-mêmes deviennent de plus en plus des luttes contre le pouvoir d’État, voire pour conquérir le pouvoir d’État. ...

La grève politique a passé depuis longtemps l’épreuve du feu, il n’est donc pas étonnant qu’en Allemagne aussi, non seulement sa possibilité, mais aussi sa nécessité, soient reconnues presque partout. Cela vaut justement pour la question du droit de vote en Prusse. Ici, aucun autre chemin ne mène au but, la situation est sinon sans issue.

… Pour la lutte en Prusse, la question n’est plus depuis longtemps de savoir si une grève de masse est nécessaire, mais seulement de savoir quand et dans quelles conditions.

 Parmi les partisans de la grève de masse, nul ne devrait se laisser aller à l’illusion insensée de pouvoir transformer une situation détestable par moyen tactique. Il ne s’agit pour eux que de rechercher le moyen le plus efficace pour exploiter une situation donnée, le moyen qui est non seulement autorisé, mais aussi requis. Il y a aussi des occasions manquées au cours de l’évolution de la situation politique malgré le caractère immanent et inexorable de celle-ci.

Mais l’information sur les moyens tactiques requis pour la lutte des classes est déjà en soi un élément de l’information révolutionnaire, et la propagande en faveur de ceux-ci a aussi pour effet de renforcer la force de lutte du prolétariat.

Vouloir forcer une situation ou prétendre la résoudre par des moyens uniquement diplomatiques serait pure folie. Mais une tactique qui n’oserait pas se lancer dans bataille sans gilet pare-balles, et qui fuirait au moment décisif l’air vivifiant d’un "mars" révolutionnaire, plein d'audace, par crainte de mettre en danger les organisations et institutions, pourtant crées à cette fin, ne serait pas moins condamnable. Il s'agit de réfléchir, de peser soigneusement le pour et le contre, mais ensuite aussi, il faut oser.

Je le répète : L'objectif élevé mérite un engagement élevé. Dans cette lutte en Prusse, nous nous inscrivons dans une évolution historique sûre et certaine. Les défaites ne sont que des défaites temporaires, des défaites qui ne sont d’ailleurs pas pour autant infructueuses. Aucune contre-révolution dans l’histoire mondiale, n’a jamais pu annuler l’effet d’un mouvement révolutionnaire. Même pas après la révolution en Prusse en 1848, même pas après la révolution en Russie en 1905.

De même qu’il est vrai, que la social-démocratie allemande et les syndicats allemands ont grandi dans l’atmosphère incandescente d’un combat d’une grande rudesse, et ont prouvé leur invincibilité, en se relevant toujours et encore, de leurs défaites. De même, il est vrai que les organisations de lutte qui, le moment venu, ne craignent pas le danger d’une défaite, sont meilleures que celles qui cherchent à éviter les défaites, en évitant le danger.

Il y a des situations qui exigent que l’on soit prêt même à la défaite.

Qu’est-ce qu’une grève politique de masse ? D’un point de vue théorique, elle peut prendre de nombreuses formes : de la simple grève de protestation, qui n’implique pas encore la recherche de l’instauration d’un rapport de force, à la grève visant à anéantir l’adversaire ; de la grève limitée localement ou professionnellement à la grève générale. Comme cela a été acté au Congrès de Iéna, toutes ces formes pourraient être décidées dans le cadre d’une tactique variable, jusqu’au plus haut niveau d’intensité, tout en conservant les anciens moyens de lutte.

Certes, une grève de protestation fera déjà des victimes. Mais celles-ci aussi se verront justifiées par la valeur que revêt la manifestation d’une énergie révolutionnaire, dépassant largement celle qui apparaît lors des manifestations de rue. … Mais, dans tous les cas, aucune grève de masse ne doit être entreprise sans avoir en elle la volonté de passer immédiatement, si l’occasion se présentait au cours du combat, à une grève impitoyable, visant à réduire l’adversaire. La volonté d’engager une très grande grève générale doit sous-tendre toute forme de grève de masse. ...

Le prolétariat peut-il compter sur des alliés lors d’une grève de masse ? La dernière grève belge a été soutenue par la sympathie de la bourgeoisie libérale. Il ne faut pas y compter en Allemagne.

Notre bourgeoisie a bien plus peur de la classe ouvrière, qu’elle n’espère une réforme électorale selon son cœur, bien qu’il y ait certains petit politiciens à l’âme de boutiquier, qui spéculent sur une once de réforme électorale allant dans leur sens, comme s’il s’agissait de quelques malheureux clous de girofle. Elle aspire à une réforme électorale, qui traduit sa haine, molle, sans force, envers les couches supérieures de la société, et sa fourberie à l’encontre des classes inférieures.

Si la revendication d’un droit de vote réellement démocratique – dont elle parle du bout des lèvres -, vient à se présenter à elle sous la bannière d’une grève politique révolutionnaire, comme une revendication de la lutte de classe prolétarienne, elle se bouchera les oreilles et ne fera plus qu’à en appeler au ministère public, à la police et à l’armée. Le prolétariat doit donc se débrouiller seul, il ne peut trouver qu’une aide tiède ici et là dans les cercles de la classe moyenne, elle aussi privée de ses droits. ...

Plus le prolétariat dépend de lui-même, plus il doit se lancer avec toutes ses forces propres. ... Cependant, même le prolétariat organisé et encore plus celui qui en est éloigné, ne se lancera dans la grève de masse, avec détermination et en mesure de la mener jusqu'au bout, sur un ordre venu d’en haut.

Qui ? – Fût-ce la plus brillante des stars du belcanto politique -, peut songer à créer artificiellement le désir de s’engager dans un grève de masse. Ce serait une affaire de politique de salon. Mais un esprit de lutte peut aussi déboucher sur des luttes inopportunes et sans but précis.

Ce dont il s’agit, c’est déjà d’inscrire dans les esprits, dans les consciences, la voie à suivre. Si la grève de masse est clairement reconnue par les prolétaires comme la seule à suivre, pour une utilisation efficace de leur force, cette analyse doit être largement diffusée, de sorte que la volonté et la combativité des masses en colère finissent par s’emparer spontanément, de ce moyen de lutte …

Dominique Villaeys-Poirré.

Cet article est paru dans l'organe du parti, le Vorwärts. La traduction a été pensée pour une lecture orale. Le texte allemand est disponible sur le net sous le titre, Was nun in Preussen? Merci pour toute amélioration de la traduction ou signalement d'erreurs. D'autres textes de Karl Liebknecht sur la grève de masse sont disponibles ici sur mon mediapart ou sur mon blog :  https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/

Illustration 1

 

Table rase avait donné déjà la parole à Liebknecht lors du 150e anniversaire de sa naissance, l'une des seules initiatives et peut-être la seule en France. Pour les rencontres d'été, nous avons présenté une lecture avec Sabrina Lorre et Romuald Bailly. Nous avons choisi en conclusion des extraits d'un discours de 1913 sur la grève de masse politique que nous intitulons "il faut oser".

 

 

A Saint-Etienne, au Chok Théâtre

 

De la lecture des textes politiques

 

Quand deux comédiens, Sabrina Lorre et Romuald Bailly donnent tout leur sens aux mots de Liebknecht et Luxemburg

 

Les textes de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg sont souvent des articles, souvent des discours. Ils sont écrits pour nous, pour nous informer, nous convaincre, pour informer, convaincre des prolétaires.

Durant la soirée, j'ai vu monter l'intérêt au fur et à mesure des lectures. Comment les mots cheminaient dans les cerveaux, suscitaient émotion et réflexion. Comment était ressentie l'actualité des textes, intimement, politiquement.

Si vous relisez le texte précédent à voix haute, vous comprendrez aisément ce qui est dit là. Comment tel mot va être affirmé, tel autre dit avec retenue, tel autre avec tout l'humour qu'il contient.

Les textes de Liebknecht et Luxemburg ont pris en cette soirée par les voix de Sabrina Lorre et Romuald Baillyt sans aucun doute toute la force, la conscience que tous deux y mettaient.

Sabrina Lorre et Romuald Bailly sont de Saint-Etienne. C'est dans cette ville que nous avons montré au Chok Théâtre la première version de cette lecture théatralisée,. Sabrina Lorre en outre est metteuse en scène et anime la Compagnie Ensemble nomade.

Grève, 1903. De Friedrich Zündel, peintre, compagnon de Clara Zetkin

Grève, 1903. De Friedrich Zündel, peintre, compagnon de Clara Zetkin

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6 septembre 2023 3 06 /09 /septembre /2023 15:36
Le vote de Karl Liebknecht dans la revue suisse "La guerre mondiale", le 7 décembre 1914

Un document inestimable.

"Pendant un moment, il attira tous les yeux du Reichstag.

Liebknecht était pâle comme un mort, mais ne bougea pas."

 

L'article

 

L'attitude du député socialiste Liebknecht

A la fin de la mémorable séance du Reichstag de jeudi, le nouveau crédit de cinq milliards de marks pour la guerre fut voté à l'unanimité. Ce fut au moins l'impression du moment. Puis on découvrit qu'un député du deuxième secteur de l'extrême-gauche était resté assis. Il s'en suivit
un vif mouvement de curiosité. C'était Charles Liebknecht.

Pendant un moment, il attira tous les yeux du Reichstag.

Liebknecht était pâle comme un mort, mais ne bougea pas.

Le vote intervenu, le dernier anti-militariste ne s'en alla pas. Tous les autres socialistes étaient debout lorsque le président leva la séance par un « hoch » à l'empereur et à l'Allemagne, mais Liebknecht ne s'associa pas non plus à ce cri.

Le parti socialiste désapprouve Liebknecht. Le groupe parlementaire socialiste a publié une déclaration dans laquelle il constate que Liebknecht a voté contre la décision prise et déplore profondément cette infraction à la discipline, dont le parti devra s'occuper.

Le Vorwärts explique que, suivant l'antique usage du groupe socialiste parlementaire, on ne peut pas voter contre les délibérations du parti. Chaque membre peut abandonner la salle, mais sans donner à son abstention un caractère de démonstration.

Le vote de Karl Liebknecht dans la revue suisse "La guerre mondiale", le 7 décembre 1914
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6 septembre 2023 3 06 /09 /septembre /2023 10:55
Le Populaire publie le 11 janvier 1919 un article qu’il titre « Un manifeste du Groupe Spartacus"

C'est en consultant les occurrences sur le net que l'on trouve un article de "The Nation" qui fait référence à celui du Populaire en date du 11 janvier 1919, avec les lignes de présentation suivantes :

"Peu de temps après les meurtres de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, The Nation a publié le manifeste des Spartacistes allemands, un groupe qu'ils ont co-fondé pour inciter à une révolution marxiste.

Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, fondateurs de la Ligue Spartacus, furent brutalement assassinés par des proto-fascistes le 15 janvier 1919. Deux mois après leur mort, la  nouvelle section des relations internationales de The Nation publia le texte intégral de ce qu'elle appela leur « spartacan ». Manifeste":

Le manifeste du groupe Spartacus en Allemagne à l'intention de la classe ouvrière du monde entier, publié dans les premiers jours de la révolution, a été publié en Suisse et plus tard dans le Populaire (Paris) du 11 janvier, dont est tiré ce qui suit. Selon un article du  Populaire  du 10 janvier, paru dans le dernier numéro de la Section des Relations Internationales, le manifeste avait été précédemment supprimé par la censure française. Parmi les quatre signataires du manifeste, deux, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, ont été assassinés et Franz Mehring est décédé."

https://www.thenation.com/article/archive/a-spartacan-manifesto/

 

La traduction en anglais de l'époque ne reprend pas le texte exact du Populaire, en particulier l'adresse Aux ouvriers et ouvrières est remplacée par Aux hommes et femmes ... Mais la publication dans ces deux journaux montre bien la résonance internationale de ce texte.

 

Cet article du Populaire est disponible sur Gallica avec les liens :

Le Populaire publie le 11 janvier 1919 un article qu’il titre « Un manifeste du Groupe Spartacus"
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17 août 2023 4 17 /08 /août /2023 15:26
Mansfeld, Saxe,1909. L'armée contre les grévistes

Mansfeld, Saxe,1909. L'armée contre les grévistes

1910 Police et armée – Armes ultimes de la politique intérieure en Prusse.

Discours au landtag de Prusse, 25 février 1910

 

 

"Le moyen sera utilisé. La grève de masse ne sera pas organisée, mais la grève de masse viendra d'elle-même. Continuez à faire monter la tension comme cela a été le cas maintenant, et vous verrez, sans aucun doute, que ce moyen le plus important et le plus puissant du prolétariat sera utilisé de manière tout à fait explosive, à un degré extrêmement préjudiciable pour vous et menaçant pour votre domination."

Karl Liebknecht. Police et armée – Armes ultimes de la politique intérieure en Prusse (extrait)

Extrait:

 

Mais ce qu’il faut reprocher le plus aux autorités administratives dans la situation actuelle, c'est le fait que l'armée a été réquisitionnée dans différentes régions pour contenir les manifestations avec l'aide de l'armée, de la même manière que les autorités administratives avaient déjà réquisitionné l'armée lors de la grève de Mansfeld. Et vous le savez ou vous ne le savez pas, mais c'est vrai : ce recours à l'armée a créé dans la population un climat qui rend superflue toute agitation antimilitariste comme je la conçois. Selon une information dans la presse, non démentie à ce jour, tous les commandants de régiment à Berlin, ont reçu l’ordre, avant le 13 février, qu'aucun militaire, officier ou soldat, ne soit autorisé à quitter la caserne le dimanche, c'est-à-dire un ordre de consignation que l’on connaît bien. Le 2e régiment de dragons de la garde a effectué des galops d’essai poussés à Tempelhof le samedi 12 au matin, de sept à neuf heures, afin que les chevaux s'habituent au pavé berlinois ; "ceci pour le cas où il y aurait des débordements lors des manifestations pour le droit de vote". Si quelque chose contribue à menacer l'esprit militaire, si quelque chose contribue à anéantir les derniers vestiges de popularité dont notre armée peut encore jouir ici et là dans d'autres cercles milieux, alors c'est bien ainsi qu’il faut procéder. A cet égard, je peux me référer ici à Monsieur le ministre von Moltke - au témoignage d'un homme que vous reconnaîtrez certainement comme impartial, au maréchal von Moltke -, qui, il y a plus de vingt ans, a exprimé au Reichstag son opinion selon laquelle, utiliser l'armée contre l'ennemi intérieur constitue précisément une chose très dangereuse pour la discipline militaire. Mais la prudence qui habitait encore le maréchal général von Moltke, qui considérait sans aucun doute, d'après toute sa formation, que l'armée était avant tout destinée à combattre l'ennemi extérieur, n'est, semble-t-il, pas partagée par le ministre von Moltke : Elle a disparu depuis longtemps, parce que le gouvernement et les classes dirigeantes considèrent actuellement, bien plus que jamais auparavant et alors que l’on ne tient plus compte de l'ennemi extérieur, que l’armé constitue le principal moyen pour pouvoir pour maintenir la domination face aux larges masses, face à l'ennemi intérieur.

Si la police nous laisse maintenir l'ordre, les manifestations se dérouleront dans l'ordre ; nous l'avons prouvé lors d’occasion les plus diverses, et c'est précisément à Halle que la preuve de cette affirmation a été apportée de la manière la plus claire. C'est là-bas que s'est déroulé l’affrontement le 13 février. À Halle, l'armée avait également été réquisitionnée. L'humeur de la population était montée jusqu'à l'ébullition. Et des rassemblements de protestation très suivis ont eu lieu contre cette action de la police. Ces foules immenses sont rentrées chez elles dans le plus grand calme, ont mené les manifestations jusqu'à leur terme dans le plus grand calme et respect de la loi. Aucun débordement n'aurait eu lieu non plus à Francfort-sur-le-Main et à Neumünster si la police avait su garder le sens de la mesure et faire preuve de calme et de sérénité.

Ces exactions et abus de la police ont déjà été discutés devant les élus de Halle, Francfort, Neumünster, probablement aussi à Königsberg. Bien que nous les regrettions, ils constituent certainement l'un des meilleurs moyens d'agitation pour la social-démocratie et ont surtout contribué à accroître de manière extrême l'intérêt pour la lutte pour le droit de vote. Bien entendu, la social-démocratie dispose dans cette lutte d'autres moyens plus puissants, qu'elle n'hésitera pas à utiliser,

(«Vous entendez!»)

dès qu'elle le jugera opportun

 («Vous entendez!»)

 «  …Je ne parle pas de pistolets Browning, de mitrailleuses et de sabres, et de toute cette violence brutale, mais de notre campagne d’agitation qui mettra la population - y compris les cercles sans lesquels vous ne pouvez exister - dans un état d’esprit tel que le gouvernement ne sera plus en mesure de maintenir son attitude antipopulaire à l’égard du droit de vote. Il ne fait aucun doute que si les conditions continuent à évoluer de cette manière, si l'on ne veille pas à mettre, en temps opportun, un peu de baume sur les blessures du peuple, si l'on ne donne pas aux besoins du peuple une satisfaction notable, suffisante et complète, alors le moyen de la grève de masse sera également utilisé.

(Vibrants «Écoutez! écoutez!»)

Le moyen sera utilisé. La grève de masse ne sera pas organisée, mais la grève de masse viendra d'elle-même. Continuez à faire monter la tension comme cela a été le cas maintenant, et vous verrez, sans aucun doute, que ce moyen le plus important et le plus puissant du prolétariat sera utilisé de manière tout à fait explosive, à un degré extrêmement préjudiciable pour vous et menaçant pour votre domination.

(Mouvement divers)

Messieurs, le prolétariat est loin de se laisser intimider, et même si vous et la police continuez à utiliser ce qui constitue votre ultima ratio, les armes, l'armée etc., vous n'aurez aucun succès face à cet assaut des larges masses populaires, dont vous savez bien, au fond de vous-même, qu'il a tout de même considérablement ébranlé la confiance que vous affichez vers l'extérieur.

Karl Liebknecht. Police et armée – Armes ultimes de la politique intérieure en Prusse (extrait)

Dasjenige, was den Verwaltungsbehörden in der gegenwärtigen Situation aber am meisten zum Vorwurf gemacht werden muss, das ist die Tatsache, dass in verschiedenen Gegenden Militär requiriert worden ist, um mit Hilfe des Militärs die Demonstrationen in Schach zu halten in ähnlicher Weise, wie schon beim Mansfelder Streik von den Verwaltungsbehörden Militär requiriert ist. Und Sie wissen oder wissen es nicht, aber es ist wahr: Durch diesen Einsatz des Militärs ist in der Bevölkerung eine Stimmung erzeugt, die jede antimilitaristische Agitation in meinem Sinne überflüssig macht. Nach einer unwidersprochenen Zeitungsmeldung ist in Berlin vor dem 13. Februar an sämtliche Regimentskommandeure der Befehl ergangen, dass am Sonntag keine Militärpersonen, Offiziere und Soldaten, die Kaserne verlassen dürfen, also die bekannte Konsignation. Das 2. Gardedragonerregiment hatte Sonnabend früh, den 12. dieses Monats, von sieben bis neun Uhr in Tempelhof scharfes Probereiten, damit sich die Pferde an das Berliner Pflaster gewöhnen; „dies für den Fall, dass es bei den Wahlrechtsdemonstrationen zu Ausschreitungen kommen sollte". Wenn etwas dazu beiträgt, eine Gefährdung des militärischen Geistes zu erzeugen, und wenn etwas dazu beiträgt, den letzten Rest von Popularität, den unser Militär hier und da noch in weiteren Volkskreisen genießen mag, mit Stumpf und Stiel auszumerzen, so ist das der richtige Weg. Ich darf mich hierbei – gegenüber dem Herrn Minister von Moltke – auf das Zeugnis eines Mannes berufen, den Sie sicher als unparteiisch anerkennen werden, des Generalfeldmarschalls von Moltke, der vor über 20 Jahren im Reichstage seine Ansicht dahin aussprach, dass es gerade vom Standpunkt der militärischen Disziplin eine sehr gefährliche Sache sei, das Militär gegen den inneren Feind zu verwenden. Aber die Besonnenheit, die dem Generalfeldmarschall von Moltke noch innewohnte, der zweifellos seiner ganzen Ausbildung nach das Militär in erster Linie als gegen den äußeren Feind bestimmt betrachtete, wird, wie es scheint, von dem Minister von Moltke nicht geteilt: Sie ist längst gewichen, weil die Regierung und die herrschenden Klassen gegenwärtig in viel höherem Maße als je vorher das Militär, indem man den äußeren Feind kaum mehr recht beachtet, als das wichtigste Machtmittel zur Aufrechterhaltung der Herrschaft gegenüber den breiten Massen, gegenüber dem inneren Feind betrachten.

Wenn die Polizei uns Ordnung halten lässt, so werden die Demonstrationen in Ordnung verlaufen; wir haben das bei den verschiedensten Gelegenheiten bewiesen, und gerade in Halle ist der Beweis dieser Behauptung aufs Klarste erbracht worden. Dort war am 13. Februar die Schlacht. In Halle war auch das Militär requiriert gewesen. Da war die Stimmung der Bevölkerung bis zur Siedehitze gestiegen. Und gegen dieses Vorgehen der Polizei fanden ungeheuer besuchte Protestversammlungen statt. Diese gewaltigen Menschenmassen haben sich in vollster Ruhe nach Hause begeben, haben die Demonstrationen in absoluter Ruhe und Gesetzlichkeit bis zu Ende geführt. Es wäre auch in Frankfurt am Main und Neumünster zu keinerlei Ausschreitungen gekommen, wenn die Polizei das richtige Augenmaß bewahrt und ruhige Besonnenheit gezeigt hätte.

Diese Ausschreitungen und Übergriffe der Polizei sind schon vor den städtischen Kollegien in Halle, Frankfurt, Neumünster und wohl auch in Königsberg erörtert worden. Sie sind – so sehr wir sie bedauern – sicherlich eins der besten Agitationsmittel für die Sozialdemokratie und haben vor allem dazu beigetragen, das Interesse an dem Wahlrechtskampf geradezu ins Ungemessene zu steigern. Natürlich hat die Sozialdemokratie in diesem Kampf noch weitere und schärfere Mittel, vor deren Anwendung sie nicht zurückschrecken wird,

(„Hört! Hört!")

sobald sie es selbst für zweckmäßig hält.

(„Hört! Hört!")

Ich spreche nicht von Browningpistolen, von Maschinengewehren und Säbeln und all dieser brutalen Gewalt, sondern von unserer Agitation, die die Bevölkerung in eine Stimmung hineinversetzen wird – auch solche Kreise, ohne die Sie nicht existieren können –, dass die Regierung nicht mehr imstande sein wird, ihre volksfeindliche Haltung in Bezug auf das Wahlrecht zu bewahren. Es ist nicht der geringste Zweifel, dass, wenn die Verhältnisse sich weiter so entwickeln, wenn nicht zur rechten Zeit dafür gesorgt wird, dass auf die Wunden des Volkes etwas Balsam gelegt wird, dass dem Bedürfnis des Volkes eine nennenswerte, eine ausreichende, eine volle Befriedigung zuteil wird, dann auch das Mittel des Massenstreiks zur Anwendung kommen wird.

(Lebhaftes „Hört! Hört!'")

Das Mittel wird zur Anwendung kommen. Der Massenstreik wird nicht gemacht werden, sondern der Massenstreik kommt von selbst. Steigern Sie nur die Aufregung weiter so, wie sie jetzt gesteigert worden ist, und Sie werden zweifellos erleben, dass in einer ganz explosiven, in einer im höchsten Maße für Sie nachteiligen und Ihre Herrschaft gefährdenden Weise dieses wichtigste und gewaltigste Machtmittel des Proletariats zur Anwendung kommen wird.

(Bewegung.)

Meine Herren, ins Bockshorn jagen lässt sich das Proletariat noch längst nicht, und wenn Sie und die Polizei auch mit Ihrer Ultima ratio, den Waffen, dem Militär und dergleichen, weiterhin vorgehen, so werden Sie keinen Erfolg haben gegenüber diesem Ansturm der breiten Massen des Volkes, von dem Sie sich im Innersten Ihres Herzens selbst sagen, dass er Ihre äußerlich zur Schau getragene Zuversicht doch recht erheblich erschüttert hat.

 

(Heiterkeit.)

Polizei und Militär – letzte Waffen der preußischen Innenpolitik Rede im preußischen Abgeordnetenhaus zum Etat des Ministeriums des Innern.[Nach Stenographische Berichte über die Verhandlungen des Preußischen Hauses der Abgeordneten, 21. Legislaturperiode, III. Session 1910,2. Bd., Berlin1910, Sp. 2079-2105 und nach Karl Liebknecht, Gesammelte Reden und Schriften, Band 3, S. 66-

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Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009