"Et si la Commune de Paris, par l’empreinte flamboyante de sa brève existence et de sa chute héroïque est restée à jamais un exemple de ce que les masses populaires révolutionnaires ne doivent pas reculer devant la prise du pouvoir même si l’heure de l’histoire n’a pas sonné pour assurer à ce pouvoir durée et victoire, elle est aussi un éminent témoignage de l’hostilité mortelle et irréductible existant entre la société bourgeoise et le prolétariat, qui ne peut remplir sa mission historique qu’en gardant toujours à l’esprit le profond antagonisme qui l’oppose à l’ensemble de la bourgeoisie et en combattant de manière décidée contre celle-ci toute entière."si la Commune de Paris, par l’empreinte flamboyante de sa brève existence et de sa chute héroïque est restée à jamais un exemple de ce que les masses populaires révolutionnaires ne doivent pas reculer devant la prise du pouvoir même si l’heure de l’histoire n’a pas sonné pour assurer à ce pouvoir durée et victoire, elle est aussi un éminent témoignage de l’hostilité mortelle et irréductible existant entre la société bourgeoise et le prolétariat, qui ne peut remplir sa mission historique qu’en gardant toujours à l’esprit le profond antagonisme qui l’oppose à l’ensemble de la bourgeoisie et en combattant de manière décidée contre celle-ci toute entière."
"Tempêtes de mars" (Märzenstürme) est l'un des articles les complets consacrés par Rosa Luxemburg à la Commune. C'est aussi l'un des plus beaux et les plus importants politiquement. J'ai souhaité le publier chez Agone pour lui donner plus de visibilité. Google et consorts étant plus que discrets sur comprendre-avec-rosa-luxemburg. Je remercie les Editions Agone pour cette publication.
J'en ai assuré la traduction dans le cadre de la préparation d'un ouvrage : Rosa Luxemburg et la Commune à paraître. Alice Vincent, normalienne et jeune chargée de cours à l'Université de Besançon, qui avait co-animé le séminaire de traduction Rosa Luxemburg à L'ENS, a procédé à la relecture.
Rosa Luxemburg y aborde la notion de maturité des conditions économiques (développement du capitalisme) et politiques (la constitution du prolétariat en tant que classe), le fait qu'un mouvement ne doit pas reculer même si les conditions ne sont pas réunies et on y trouve cette affirmation essentielle qu'elle appuie sur les confiscations multiples des révolutions depuis 1789 : Le prolétariat doit combattre la bourgeoisie toute entière.
Extrait:
"Le mois de mars a donné aux prolétaires en lutte une autre leçon importante. Le 18 mars 1871, le prolétariat parisien prit le pouvoir dans la capitale française, abandonnée par la bourgeoisie, menacée par les Prussiens et érigea la glorieuse Commune. L’action pacifique et salutaire des travailleurs à la tête de l’État, précipitée par ses classes dirigeantes dans le tourbillon du chaos d’une guerre criminelle et des défaites dévastatrices ne dura que deux mois. La bourgeoisie française qui, dans sa lâcheté, s’était enfuie devant l’ennemi étranger, se reprit en mai déjà pour mener avec celui-ci un combat à la vie à la mort contre « l’ennemi intérieur », contre le prolétariat parisien. Lors de « la semaine sanglante » de mai, la Commune prolétaire périt dans un terrible massacre, sous des ruines fumantes, des montagnes de cadavres, sous les gémissements de vivants enterrés avec les morts, sous les orgies de la bourgeoisie ivre de vengeance.
Une pelouse dégarnie au pied du mur extérieur du cimetière parisien du Père Lachaise, où partout règne le marbre, voilà tout ce qui semblait rester de la Commune les premières années. Mais de cette tranquille pelouse, surgirent bientôt pour les prolétaires des deux mondes la grande tradition sacrée et le double enseignement payé par le prix du sang de dizaines de milliers d’entre eux : il n’y a pas de place pour le pouvoir politique du prolétariat dans les conditions de l’ordre social bourgeois : mais il n’y a pas non plus de possibilité d’abolir ces conditions tant qu’elles n’auront pas atteint leur maturité.
Ce n’est pas en rêvassant à une position politiquement déterminante au sein de l’État actuel, obtenue grâce à un brusque retournement de situation, que la classe ouvrière peut défendre sa cause, mais seulement par une opposition révolutionnaire constante à cet État. Et si la Commune de Paris, par l’empreinte flamboyante de sa brève existence et de sa chute héroïque est restée à jamais un exemple de ce que les masses populaires révolutionnaires ne doivent pas reculer devant la prise du pouvoir même si l’heure de l’histoire n’a pas sonné pour assurer à ce pouvoir durée et victoire, elle est aussi un éminent témoignage de l’hostilité mortelle et irréductible existant entre la société bourgeoise et le prolétariat, qui ne peut remplir sa mission historique qu’en gardant toujours à l’esprit le profond antagonisme qui l’oppose à l’ensemble de la bourgeoisie et en combattant de manière décidée contre celle-ci toute entière.
Depuis lors, le développement du capitalisme a conquis le monde au pas de charge. Sur la tombe de la Commune, la IIIe République s’est définitivement établie en France en tant que domination sans limites de la classe bourgeoise, qui avec la politique coloniale, le militarisme et l’alliance avec le tsarisme russe a enterré les anciennes illusions sur le caractère socialiste de la seule forme républicaine de gouvernement."
Traduction Dominique Villaeys-Poirré. Relecture Alice Vincent, mars 2021. Publié sur le site Agone, rubrique aujour le jour. https://agone.org/blog/tempetes-de-mars-la-commune-de-paris-jalon-dans-lhistoire-du-mouvement-revolutionnaire
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