Le blog est apparemment migré de force. Nous n'avons accès à aucune de nos rubriques!
Blog d'information et de réflexion
Pour retrouver les articles de Rosa Luxemburg, cliquer ici : TEXTES DE ROSA LUXEMBURG
Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison
après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires
était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient
pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les
capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les
arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.
Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la
révolution fut assassinée en Allemagne.
Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi
facilement?
Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela
est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires,
conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.
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A lire sur comprendre-avec-rosa-luxemburg 2
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Un 8 mars à Istamboul
Nous reprenons cet article concernant la migration des blogs autour du 31 janvier 2015:
A tous nos abonnés, si vous ne voyiez pas de nouveaux articles sur le blog dans les jours qui viennent, C'EST QU'OVER-BLOG DEVRAIT FAIRE MIGRER TOUS LES BLOGS SUR UNE NOUVELLE PLATE-FORME AUTOUR DU 31 JANVIER 2015. Nous ne savons pas ce que cela aura comme conséquences. Mais en lisant le forum des migrés, il apparaîtrait que pour certains, il y ait eu un CERTAINS LAPS DE TEMPS DE SILENCE FORCE. Comme le silence n'est pas dans nos habitudes, CE SILENCE NE SERAIT PAS DE NOTRE FAIT.
Aussi nous vous demandons de bien vouloir vous manifester par un message à L'ADRESSE DE CE BLOG, sur nos adresses personnelles ou à l'ADRESSE DU NOUVEAU BLOG pour que nous puissions vous renseigner sur la suite des événements.
adresse mail: comprendreavecrosaluxemburg@no-log.org /
adresse: comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com
Adresse mail du nouveau site : comprendreavecrosaluxemburg2@riseup.net
adresse : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr .
Il semblerait aussi qu'il n'y ait plus de NEWSLETTER, aussi merci à ceux qui avaient choisi l'abonnement newsletter seulement de vous abonner aux articles. Il faut savoir de même qu'il y a apparemment des désabonnements non demandés. Nous vous indiquons enfin que sur over-blog, l'adresse des abonnés n'apparaissait pas, nous ne pouvons donc vous joindre. Mais vous pouvez le faire vous, en nous adressant un mail, nous vous répondrons.
Voilà, ne vous étonnez pas DE NE PAS RECONNAITRE LE BLOG quand vous l'ouvrirez, apparemment la migration s'accompagne souvent de la perte du design.
Et de toutes les façons, comme le pire n'arrive pas toujours, tout se passera peut-être comme dans le meilleur des mondes en tout respect des bloggeurs et de leurs abonnés.
c.a.r.l.
Le 30 janvier 2015
Clara Zetkin et Rosa Luxemburg
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Auteur: comprendreavecrosaluxemburg | Catégorie: B. Inédits de Rosa Luxemburg, D. Correspondance de Rosa Luxemburg, O. Suivre Rosa Luxemburg en 1915 | Mots clés: 1915, correspondance
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http://www.dominiquehoff.com/DominiqueHoff/Hugo_WOLF.html
Auteur: comprendreavecrosaluxemburg | Catégorie: B. Inédits de Rosa Luxemburg, D. Correspondance de Rosa Luxemburg, O. Suivre Rosa Luxemburg en 1915 | Mots clés: 1915, correspondance, impérialisme, inédits de Rosa Luxemburg
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Lu sur Facebook
Jean Jaurès / Chambre des députés Paris 1908 / Tout est dit:
"Une fois de plus, c'est le préjugé d'ignorance qui vous mène. C'est à vous, à la France, à toute la France pensante, qu'il faudrait enseigner ce qu'est cette civilisation arabe que vous ignorez et méprisez, ce qu'est cette admirable et ancienne civilisation. À laquelle les pays européens, je dis bien les pays européens, viennent montrer le visage hideux de l'invasion et de la répression....
Ce monde musulman que vous méconnaissez tant, messieurs, depuis quelques décennies prend conscience de son unité et de sa dignité. Deux mouvements, deux tendances inverses s'y trouvent : il y a les fanatiques, oui, il y a des fanatiques, qui veulent en finir par la crainte, le fer et le feu avec la civilisation européenne et chrétienne,
VOIX : Vous voyez bien que ce sont des sauvages !
JAURÈS : Alors, monsieur, précisez-le : des sauvages qui veulent porter le fer et le feu contre une civilisation sauvage qui est venue à eux, qui est venue contre eux en portant le fer et le feu...
(Brouhaha très fort)
JAURÈS : ... il y a des fanatiques, mais il y a les hommes modernes, les hommes nouveaux... Il y a toute une élite qui dit : l'Islam ne se sauvera qu'en se renouvelant, qu'en interprétant son vieux livre religieux selon un esprit nouveau de liberté, de fraternité, de paix."
Bonsoir, Par rapport au passage que vous citez de Jaurès, sur la page : http://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/article-aux-morts-de-cha rlie-ces-mots-de-jaures-en-1908-c-est-a-vous-a-la-france-a-toute-la-france-p ens-125352345.html il serait judicieux d'en citer la source, à savoir : http://blogs.mediapart.fr/blog/jerome-pellissier/070115/quand-jaures-parlait Laquelle source précise en effet de quelles années date ce texte (pas seulement de 1908), qu'il est une compilation de plusieurs textes de Jaurès et pas un "texte unique authentique", etc. Sans ces précisions, des lecteurs risquent d'être induits en erreur. Merci. Bien cordialement, Jérôme Pellissier. |
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L'année sur comprendre-avec-rosa-luxemburg a été marquée par trois événements majeurs: les "célébrations" de 1914, la quinzaine Rosa Luxemburg à Saint-Etienne et la parution du tome IV des oeuvres complètes. Et nous avons poursuivi notre travail de mise à disposition sur le net d'articles, de documents inédits en français ou sur le net. Nous reprenons ici des parutions qui nous semblent importantes.
Notre analyse: Rosa Luxemburg et la guerre
11 novembre 2014. Les mots de Rosa Luxemburg devant le monument aux morts pacifiste de Saint-Martin d'Estreaux.
1914 dans la correspondance de Rosa Luxemburg
1914 dans la correspondance de Rosa Luxemburg. Lettres à Brandel Geck
1914 dans la correspondance de Rosa Luxemburg. Lettre à Rosi Wolfstein
1914 dans la correspondance de Rosa Luxemburg. Walter Stoecker
Le 4 août
Lettre de Rosa Luxemburg, le 31 juillet 1914 - veille de la déclaration de guerre!
4 août 1914. Rosa Luxemburg réunit chez elle les opposants à la guerre ...
L'Internationale et l'Union sacrée en août 1914.Extrait de Guerre ou révolution, Georges Haupt
Inédits. Chronique "ego", Mayence, Guerre hispano-américaine, Chine ...
Rosa Luxemburg. "Une idée germe dans ma tête ...". Génèse des interventions au Congrès de l'Internationale en 1900 à Paris.
Rosa Luxemburg : Constructions de canaux en Amérique du Nord, 4 décembre 1898. Chronique EGO. Inédit
Textes
Un document. "Dans la tempête" un article de Rosa Luxemburg dans le socialiste en mai 1904
Analyses
Parution du tome IV des Oeuvres Complètes
Quinzaine Rosa Luxemburg à Saint-Etienne
Saint-Etienne rend hommage à Rosa Luxemburg
Dans nos remerciements encore pour l'accueil sur la quinzaine Rosa Luxemburg. Sabrina Lorre
Mots, sons, images
Le Prix MAIF pour la Sculpture 2014 a été remis à Nicolas Milhé, pour son projet « Rosa Luxemburg ».
El Lissitzky. Monument à Rosa Luxemburg. 1919 – 21
Simple, précise, politique ... utile. Une lecture de 13 textes de Rosa Luxemburg
Jardins Rosa Luxemburg
Jardins Rosa Luxemburg à Paris
2014 a été aussi malheureusement l'année d'une offensive publicitaire d'over-blog qui nous contraint à chercher des solutions pour continuer notre travail. Nous continuons à faire vivre ce blog aussi longtemps que cela sera possible car il est très visité, et nous avons créé parallèlement et en complémentarité Comprendre avec Rosa Luxemburg 2 (http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/). Nous ne savons pas ce que 2015 sur over-blog nous réserve.
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Après cette année de célébrations éhontées de la guerre de 1914
Un rappel de ce que voulaient les ouvriers et paysans spartakistes
Grosz," le règlement des comptes suit"
Aux 6 morts de la rue de ces derniers jours que les médias ont complaisamment nommés
et à tous qu'ils n'ont pas cités car eux sont morts un jour banal
A tous ces réfugiés de Calais
qui pour survivre réinventent les pires des bidonvilles
Et contre lesquels on érige des grilles et des parois de verre.
A ces milliers de morts
avalés par la mer pour avoir voulu
venir ici et ailleurs
A tous les exploités
Ces quelques mots de L'asile de nuit de Rosa Luxemburg
31 décembre 2014
c.a.r.l.
Ces pensionnaires de l’asile, victimes des harengs infects ou du tord-boyaux frelaté, qui sont-ils ? Un employé de commerce, un ouvrier du bâtiment, un tourneur, un mécanicien : des ouvriers, des ouvriers, rien que des ouvriers. Et qui sont ces êtres sans nom que la police n’a pu identifier ? Des ouvriers, rien que des ouvriers ou des hommes qui l’étaient, hier encore.
Et pas un ouvrier qui soit assuré contre l’asile, le hareng et l’alcool frelatés. Aujourd’hui il est solide encore, considéré, travailleur ; qu’adviendra-t-il de lui, si demain il est renvoyé parce qu’il aura atteint le seuil fatal des quarante ans, au-delà duquel le patron le déclare » inutilisable » ? Ou s’il est victime demain d’un accident qui fasse de lui un infirme, un mendiant pensionné ?
A l’asile de nuit Rosa Luxembourg
Le texte complet (traduction reprise sur le blog en 2007 à partir du site du collectif rto, qui existait à l'époque mais qui ne semble plus accessible aujourd'hui http://www.collectif-rto.org/Dans-l-asile-de-nuit-Rosa)
L’atmosphère de fête dans laquelle baignait la capitale du Reich vient d’être cruellement troublée. A peine des âmes pieuses avaient-elles entonné le vieux et beau cantique " O gai Noël, jours pleins de grâce et de félicité " qu’une nouvelle se répandait : les pensionnaires de l’asile de nuit municipal avaient été victimes d’une intoxication massive. Les vieux tout autant que les jeunes : l’employé de commerce Joseph Geihe, vingt et un ans ; l’ouvrier Karl Melchior, quarante-sept ans ; Lucian Szczyptierowski, soixante-cinq ans. Chaque jour s’allongeait la liste des sans-abri victimes de cet empoisonnement. La mort les a frappés partout : à l’asile de nuit, dans la prison, dans le chauffoir public, tout simplement dans la rue ou recroquevillés dans quelque grange. Juste avant que le carillon des cloches n’annonçât le commencement de l’an nouveau, cent cinquante sans-abri se tordaient dans les affres de la mort, soixante-dix avaient quitté ce monde.
Pendant plusieurs jours l’austère bâtiment de la Fröbel-strasse, qu’on préfère d’ordinaire éviter, se trouva au centre de l’intérêt général. Ces intoxications massives, quelle en était donc l’origine ? S’agissait-il d’une épidémie, d’un empoisonnement provoqué par l’ingestion de mets avariés ? La police se hâta de rassurer les bons citoyens : ce n’était pas une maladie contagieuse ; c’est-à-dire que les gens comme il faut, les gens " bien ", ne couraient aucun danger. Cette hécatombe ne déborda pas le cercle des " habitués de l’asile de nuit ", ne frappant que les gens qui, pour la Noël, s’étaient payé quelques harengs-saurs infects " très bon marché " ou quelque tord-boyaux frelaté. Mais ces harengs infects, où ces gens les avaient-ils pris ? Les avaient-ils achetés à quelque marchand " à la sauvette " ou ramassés aux halles, parmi les détritus ? Cette hypothèse fut écartée pour une raison péremptoire : les déchets, aux Halles municipales, ne constituent nullement, comme se l’imaginent des esprits superficiels et dénués de culture économique, un bien tombé en déshérence, que le premier sans-abri venu puisse s’approprier. Ces déchets sont ramassés et vendus à de grosses entreprises d’engraissage de porcs : désinfectés avec soin et broyés, ils servent à nourrir les cochons. Les vigilants services de la police des Halles s’emploient à éviter que quelque vagabond ne vienne illégalement subtiliser aux cochons leur nourriture, pour l’avaler, telle quelle, non désinfectée et non broyée. Impossible par conséquent que les sans-abri, contrairement à ce que d’aucuns s’imaginaient un peu légèrement, soient allés pêcher leur réveillon dans les poubelles des Halles. Du coup, la police recherche le " vendeur de poisson à la sauvette " ou le mastroquet qui aurait vendu aux sans-abri le tord-boyaux empoisonné.
De leur vie, ni Joseph Geihe, Karl Melchior ou Lucian Szczyptierowski, ni leurs modestes existences n’avaient été l’objet d’une telle attention. Quel honneur tout d’un coup ! Des sommités médicales – des Conseillers secrets en titre – fouillaient leurs entrailles de leur propre main. Le contenu de leur estomac – dont le monde s’était jusqu’alors éperdument moqué -, voilà qu’on l’examine minutieusement et qu’on en discute dans la presse. Dix messieurs – les journaux l’ont dit – sont occupés à isoler des cultures du bacille responsable de la mort des pensionnaires de l’asile. Et le monde veut savoir avec précision où chacun des sans-abri a contracté son mal dans la grange où la police l’a trouvé mort ou bien à l’asile où il avait passé la nuit d’avant ? Lucian Szczyptierowski est brusquement devenu une importante personnalité : sûr qu’il enflerait de vanité s’il ne gisait, cadavre nauséabond, sur la table de dissection.
Jusqu’à l’Empereur – qui, grâce aux trois millions de marks ajoutés, pour cause de vie chère, à la liste civile qu’il perçoit en sa qualité de roi de Prusse, est Dieu merci à l’abri du pire – jusqu’à l’Empereur qui au passage s’est informé de l’état des intoxiqués de l’asile municipal. Et par un mouvement bien féminin, sa noble épouse a fait exprimer ses condoléances au premier bourgmestre, M. Kirschner, par le truchement de M. le Chambellan von Winterfeldt. Le premier bourgmestre, M. Kirschner n’a pas, il est vrai, mangé de hareng pourri, malgré son prix très avantageux, et lui-même, ainsi que toute sa famille, se trouve en excellente santé. Il n’est pas parent non plus, que nous sachions, fût-ce par alliance, de Joseph Geihe ni de Lucian Szczyptierowski. Mais enfin à qui vouliez-vous donc que le Chambellan von Winterfeldt exprimât les condoléances de l’Impératrice ? Il ne pouvait guère présenter les salutations de Sa Majesté aux fragments de corps épars sur la table de dissection. Et " la famille éplorée " ?... Qui la connaît ? Comment la retrouver dans les gargotes, les hospices pour enfants trouvés, les quartiers de prostituées ou dans les usines et au fond des mines ? Or donc le premier bourgmestre accepta, au nom de la famille, les condoléances de l’Impératrice et cela lui donna la force de supporter stoïquement la douleur des Szczyptierowski. A l’Hôtel de ville également, devant la catastrophe qui frappait l’asile, on fit preuve d’un sang-froid tout à fait viril. On identifia, vérifia, établit des procès-verbaux ; on noircit feuille sur feuille tout en gardant la tête haute. En assistant à l’agonie de ces étrangers, on fit preuve d’un courage et d’une force d’âme qu’on ne voit qu’aux héros antiques quand ils risquent leur propre vie.
Et pourtant toute l’affaire a produit dans la vie publique une dissonance criarde. D’habitude, notre société, en gros, à l’air de respecter les convenances : elle prône l’honorabilité, l’ordre et les bonnes moeurs. Certes il y a des lacunes dans l’édifice de l’Etat, et tout n’est pas parfait dans son fonctionnement. Mais quoi, le soleil lui aussi a ses taches ! Et la perfection n’est pas de ce monde. Les ouvriers eux-mêmes – ceux surtout qui perçoivent les plus hauts salaires, qui font partie d’une organisation – croient volontiers que, tout compte fait, l’existence et la lutte du prolétariat se déroulent dans le respect des règles d’honnêteté et de correction. La paupérisation n’est-elle pas une grise théorie [1] depuis longtemps réfutée ? Personne n’ignore qu’il existe des asiles de nuit, des mendiants, des prostituées, une police secrète, des criminels et des personnes préférant l’ombre à la lumière. Mais d’ordinaire on a le sentiment qu’il s’agit là d’un monde lointain et étranger, situé quelque part en dehors de la société proprement dite. Entre les ouvriers honnêtes et ces exclus, un mur se dresse et l’on ne pense que rarement à la misère qui se traîne dans la fange de l’autre côté de ce mur. Et brusquement survient un événement qui remet tout en cause : c’est comme si dans un cercle de gens bien élevés, cultivés et gentils, au milieu d’un mobilier précieux, quelqu’un découvrait, par hasard, les indices révélateurs de crimes effroyables, de débordements honteux. Brusquement le spectre horrible de la misère arrache à notre société son masque de correction et révèle que cette pseudo-honorabilité n’est que le fard d’une putain. Brusquement sous les apparences frivoles et enivrantes de notre civilisation on découvre l’abîme béant de la barbarie et de la bestialité. On en voit surgir des tableaux dignes de l’enfer : des créatures humaines fouillent les poubelles à la recherche de détritus, d’autres se tordent dans les affres de l’agonie ou exhalent en mourant un souffle pestilentiel.
Et le mur qui nous sépare de ce lugubre royaume d’ombres s’avère brusquement n’être qu’un décor de papier peint.
Ces pensionnaires de l’asile, victimes des harengs infects ou du tord-boyaux frelaté, qui sont-ils ? Un employé de commerce, un ouvrier du bâtiment, un tourneur, un mécanicien : des ouvriers, des ouvriers, rien que des ouvriers. Et qui sont ces êtres sans nom que la police n’a pu identifier ? Des ouvriers, rien que des ouvriers ou des hommes qui l’étaient, hier encore.
Et pas un ouvrier qui soit assuré contre l’asile, le hareng et l’alcool frelatés. Aujourd’hui il est solide encore, considéré, travailleur ; qu’adviendra-t-il de lui, si demain il est renvoyé parce qu’il aura atteint le seuil fatal des quarante ans, au-delà duquel le patron le déclare " inutilisable " ? Ou s’il est victime demain d’un accident qui fasse de lui un infirme, un mendiant pensionné ?
On dit : échouent à la Maison des pauvres ou en prison uniquement des éléments faibles ou dépravés : vieillards débiles, jeunes délinquants, anormaux à responsabilité diminuée. Cela se peut. Seulement les natures faibles ou dépravées issues des classes supérieures ne finissent pas à l’asile, mais sont envoyées dans des maisons de repos ou prennent du service aux colonies : là elles peuvent assouvir leurs instincts sur des nègres et des négresses. D’ex-reines ou d’ex-duchesses, devenues idiotes, passent le reste de leur vie dans des palais enclos de murs, entourées de luxe et d’une domesticité à leur dévotion. Au sultan Abd-ul-Hamid [2], ce vieux monstre devenu fou, qui a sur la conscience des milliers de vies humaines et dont les crimes et les débordements sexuels ont émoussé la sensibilité, la société a donné pour retraite, au milieu de jardins d’agrément, une villa luxueuse qui abrite des cuisiniers excellents et un harem de filles dans la fleur de l’âge dont la plus jeune a douze ans. Pour le jeune criminel Prosper Arenberg [3] : une prison avec huîtres et champagne et de gais compagnons. Pour des princes anormaux : l’indulgence des tribunaux, les soins prodigués par des épouses héroïques et la consolation muette d’une bonne cave remplie de vieilles bouteilles. Pour la femme de l’officier d’Allenstein, cette folle, coupable d’un crime et d’un suicide une existence confortable, des toilettes de soie et la sympathie discrète de la société. Tandis que les prolétaires vieux, faibles, irresponsables, crèvent dans la rue comme les chiens dans les venelles de Constantinople, le long d’une palissade, dans des asiles de nuit ou des caniveaux, et le seul bien qu’ils laissent, c’est la queue d’un hareng pourri que l’on trouve près d’eux. La cruelle et brutale barrière qui sépare les classes ne s’arrête pas devant la folie, le crime et même la mort. Pour la racaille fortunée : indulgence et plaisir de vivre jusqu’à leur dernier souffle, pour les Lazare du prolétariat : les tenaillements de la faim et les bacilles de mort qui grouillent dans les tas d’immondices.
Ainsi est bouclée la boucle de l’existence du prolétaire dans la société capitaliste. Le prolétaire est d’abord l’ouvrier capable et consciencieux qui, dès son enfance, trime patiemment pour verser son tribut quotidien au capital. La moisson dorée des millions s’ajoutant aux millions s’entasse dans les granges des capitalistes ; un flot de richesses de plus en plus imposant roule dans les banques et les bourses tandis que les ouvriers – masse grise, silencieuse, obscure – sortent chaque soir des usines et des ateliers tels qu’ils y sont entrés le matin, éternels pauvres hères, éternels vendeurs apportant au marché le seul bien qu’ils possèdent : leur peau.
De loin en loin un accident, un coup de grisou les fauche par douzaines ou par centaines dans les profondeurs de la mine – un entrefilet dans les journaux, un chiffre signale la catastrophe ; au bout de quelques jours, on les a oubliés, leur dernier soupir est étouffé par le piétinement et le halètement des affairés avides de profit ; au bout de quelques jours, des douzaines ou des centaines d’ouvriers les remplacent sous le joug du capital.
De temps en temps survient une crise : semaines et mois de chômage, de lutte désespérée contre la faim. Et chaque fois l’ouvrier réussit à pénétrer de nouveau dans l’engrenage, heureux de pouvoir de nouveau bander ses muscles et ses nerfs pour le capital.
Mais peu à peu ses forces le trahissent. Une période de chômage plus longue, un accident, la vieillesse qui vient – et l’un d’eux, puis un second est contraint de se précipiter sur le premier emploi qui se présente : il abandonne sa profession et glisse irrésistiblement vers le bas. Les périodes de chômage s’allongent, les emplois se font plus irréguliers. L’existence du prolétaire est bientôt dominée par le hasard ; le malheur s’acharne sur lui, la vie chère le touche plus durement que d’autres. La tension perpétuelle des énergies, dans cette lutte pour un morceau de pain, finit par se relâcher, son respect de soi s’amenuise – et le voici debout devant la porte de l’asile de nuit à moins que ce ne soit celle de la prison.
Ainsi chaque année, chez les prolétaires, des milliers d’existences s’écartent des conditions de vie normales de la classe ouvrière pour tomber dans la nuit de la misère. Ils tombent silencieusement, comme un sédiment qui se dépose, sur le fond de la société : éléments usés, inutiles, dont le capital ne peut plus tirer une goutte de plus, détritus humains, qu’un balai de fer éjecte. Contre eux se relaient le bras de la loi, la faim et le froid. Et pour finir la société bourgeoise tend à ses proscrits la coupe du poison.
" Le système public d’assistance aux pauvres ", dit Karl Marx, dans Le Capital, " est l’Hôtel des Invalides des ouvriers qui travaillent, à quoi s’ajoute le poids mort des chômeurs. La naissance du paupérisme public est liée indissolublement à la naissance d’un volant de travailleurs sans emploi ; travailleurs actifs et chômeurs sont également nécessaires, ces deux catégories conditionnent l’existence de la production capitaliste et le développement de la richesse. La masse des chômeurs est d’autant plus nombreuse que la richesse sociale, le capital en fonction, l’étendue et l’énergie de son accumulation, partant aussi le nombre absolu de la classe ouvrière et la puissance productive de son travail, sont plus considérables. Mais plus cette réserve de chômeurs grossit comparativement à l’armée active du travail, plus grossit la surpopulation des pauvres. Voilà la loi générale absolue de l’accumulation capitaliste. "
Lucian Szczyptierowski, qui finit sa vie dans la rue, empoisonné par un hareng pourri, fait partie du prolétariat au même titre que n’importe quel ouvrier qualifié et bien rémunéré qui se paie des cartes de nouvel an imprimées et une chaîne de montre plaqué or. L’asile de nuit pour sans-abri et les contrôles de police sont les piliers de la société actuelle au même titre que le Palais du Chancelier du Reich et la Deutsche Bank.[4] Et le banquet aux harengs et au tord-boyaux empoisonné de l’asile de nuit municipal constitue le soubassement invisible du caviar et du champagne qu’on voit sur la table des millionnaires. Messieurs les Conseillers médicaux peuvent toujours rechercher au microscope le germe mortel dans les intestins des intoxiqués et isoler leurs " cultures pures " : le véritable bacille, celui qui a causé la mort des pensionnaires de l’asile berlinois, c’est l’ordre social capitaliste à l’état pur.
Chaque jour des sans-abri s’écroulent, terrassés par la faim et le froid. Personne ne s’en émeut, seul les mentionne le rapport de police. Ce qui a fait sensation cette fois à Berlin, c’est le caractère massif du phénomène. Le prolétaire ne peut attirer sur lui l’attention de la société qu’en tant que masse qui porte à bout de bras le poids de sa misère. Même le dernier d’entre eux, le vagabond, devient une force publique quand il forme masse, et ne formerait-il qu’un monceau de cadavres.
D’ordinaire un cadavre est quelque chose de muet et de peu remarquable. Mais il en est qui crient plus fort que des trompettes et éclairent plus que des flambeaux. Au lendemain des barricades du 18 mars 1848, les ouvriers berlinois relevèrent les corps des insurgés tués et les portèrent devant le Château royal, forçant le despotisme à découvrir son front devant ces victimes. A présent il s’agit de hisser les corps empoisonnés des sans-abri de Berlin, qui sont la chair de notre chair et le sang de notre sang, sur des milliers de mains de prolétaires et de les porter dans cette nouvelle année de lutte en criant : A bas l’infâme régime social qui engendre de pareilles horreurs !
(site RTO)
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Ce texte de Jean Chesneaux de 1967 est significatif. Il porte déjà en prémisses sa pensée propre, ce qui sera son inscription dans 68 et après-68,et donc ce pourquoi Rosa Luxemburg a pu s'inscrire dans la pensée de ce temps. Mais en même temps il reste aussi très informatif sur le spartakisme et un hommage rendu au travail de Gilbert Badia.
C'est une histoire du spartakisme qu'a choisi de nous donner Gilbert Badia. Ou plutôt - le sous-titre de l'ouvrage lui correspond mieux que le titre - une histoire de la gauche social-démocrate allemande à partir de la déclaration de guerre d'août 1914 et du vote unanime des crédits de guerre par le groupe social-démocrate au Reichstag. Le spartakisme proprement dit n'apparaît qu'au terme d'une longue évolution qui conduit Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht, Franz Mehring, Clara Zetkin et leurs amis, du désaveu des positions social-chauvines majoritaires dans le S.P.D. à la semaine sanglante de janvier 1919. Le spartakisme comme "moment" historique, dans le contexte de la crise générale de l'Allemagne impériale en 1918-1919, est peut-être un peu sacrifié, au spartakisme en tant qu'épisode de la social démocratie allemande, sinon même de l'appareil du parti social-démocrate. Il faut attendre la quatrième partie du volume ("esprit d'analyse") pour pouvoir saisir de façon brillante et pénétrante - les lignes de force du spartakisme.
Mais ce choix délibéré de l'auteur une fois accepté, l'ouvrage est neuf et fondamental. Badia retrace d'abord la "préhistoire" du spartakisme (première partie, "L'extrême-gauche se regroupe et tente de s'organiser") qui va jusqu'à la fin de 1915. Liebknecht, qui avait voté les crédits militaires avec les autres députés socialistes le 4 août ne tarde pas à regretter ce geste; le 2 décembre 1914, il votera contre, seul avec son ami Rühle, et déchaîne contre sa personne une campagne chauvine d'une violence inouïe. Autour de lui et de Rosa, l'opposition de gauche se regroupe, et publie en 1915 une revue qui n'a qu'un numéro Die Internationale. L'internationalisme, qui sera un des principes essentiels du Spartakusbund, est en effet déjà l'inspirateur de ce petit groupe; ils s'efforcent en particulier, pour pallier leur isolement dans le S.P.D., de s'adresser directement à la presse social-démocrate en Scandinavie ou en Suisse et de forcer le barrage du silence. Pourtant, et en cela également leur attitude dessine déjà le futur profil du spartakisme, ces oppositionnels allemands se méfient des négociations et des initiatives au sommet. Ils sont hostiles en 1915, aux célèbres conférences de Kienthal et de Zimmerwald, dont on sait l'importance qu'y attachait Lénine. Pour eux, c'est de la base, des masses elles-mêmes, que doit partir la reconstruction d'un mouvement socialiste international authentique, et non d'une conférence de militants et de personnalités.
Le spartakisme proprement dit prend figure, de janvier 1916 (date de la publication de la première "lettre politique" que le groupe signa du pseudonyme collectif Spartakus), à la conférence spartakiste du 7 octobre 1918. Ces "premières actions de Spartakus", auxquelles est consacrée la seconde partie du livre sont étroitement liées aux progrès du mouvement de masse contre la guerre en 1916 et 1917, à travers toute l'Allemagne. Les grèves d'avril en 1917, la révolte de la flotte en août 1917, préludent au puissant mouvement de grèves de janvier 1918 (400 000 grévistes à Berlin le lundi 28 janvier). Le cri que pousse Liebknecht "à bas la guerre", devant des milliers d'ouvriers qui manifestent à Berlin le 1er mai 1916, retentit à travers tout le Reich; Liebknecht est poursuivi et emprisonné, mais son nom et sa figure symbolisent la lassitude croissante, aux tranchées comme à l'arrière. Les indices de son immense popularité sont indiscutables, note Badia.
Mais le paradoxe - paradoxe sur lequel nous allons revenir - est que le spartakisme, qui se développe au rythme même du mouvement de masse, reste en même temps un mouvement d'appareil, une "fraction" au sens technique du terme. Liebknecht, Rosa, Mehring et leurs amis sont de vieux routiers de la social-démocratie, des cadres chevronnés pour qui les rapports avec la "vieille maison" continuent à être essentiels. Une bonne partie de leur activité est absorbée par leur propagande et leur polémique en direction des majoritaires. En direction aussi des "indépendants", courant socialiste centriste qui s'est différencié progressivement pendant la guerre, pour aboutir à une scission en avril 1916. Ce parti social-démocrate indépendant est dirigé par des modérés (Haase, Ledebour, Kautsky), mais il refuse la position chauvine des majoritaires. Après de longues discussions, les spartakistes décident d'y adhérer, pour influencer son aile gauche. Ils ne constituent donc qu'un courant politique, et non une force organisée au sens léniniste du terme, quand éclate la révolution allemande de novembre 1918.
De la chute de la monarchie Hohenzollern à l'assassinat de Liebknecht et de Rosa Luxemburg, l'histoire s'accélère brusquement. En moins de trois mois, les spartakistes jouent et perdent; ils n'arrivent pas à prendre la direction de la révolution allemande. Les cinq chapitres de la troisième partie ne sont pas de trop, pour nous aider à suivre le fil compliqué de cette période tumultueuse. Les spartakistes tiennent non seulement à Berlin mais à Brunswick, à Stuttgart et en d'autres centres provinciaux, un rôle actif dans la révolution républicaine de novembre. Mais ils se heurtent aux socialistes majoritaires, mieux implantés, plus expérimentés, et qui se sont secrètement mis d'accord avec la bourgeoisie et l'état-major. Les indépendants ne sont ni assez nombreux, ni assez résolus, ni assez unis pour constituer une "troisième force" donnant à l'extrême-gauche une certaine liberté de manœuvre. Très tardivement, en décembre, les spartakistes forment le Parti communiste allemand, en s'unissant avec d'autres petits groupes d'extrême-gauche. Mais leurs jours sont comptés, et ils sont écrasés à l'issue de la semaine sanglante (6 - 12 janvier), malgré l'ampleur initiale des mouvements de masse qui ouvrent celle-ci (un million de manifestants à Berlin le 5 janvier 1919, pour protester contre l'éviction d'un préfet de police favorable à 'extrême-gauche).
Une fois retracées ces étapes du mouvement spartakistes, G. Badia essaye d'apprécier la force réelle du mouvement (dont le rayonnement est bien supérieur à l'organisation) et d'analyser l'origine sociale de ses militants. Malgré la rareté des documents concrets, il semble qu'il ait eu de solides racines dans la classe ouvrière, et non seulement chez les intellectuels comme on le prétend souvent (même si presque tous ses dirigeants se recrutaient parmi ces derniers). Particulièrement suggestif est le chapitre XX (caractères essentiels du spartakisme): l'hostilité à la guerre, l'internationalisme, la confiance dans la capacité politique des masses, par-delà la médiation des appareils politiques, le sens de l'action, la foi dans la capacité de la révolution à se développer par elle-même, selon sa "loi d'airain", dit Rosa Luxemburg, tout cela donne au mouvement un profil original, aussi différent de la vieille social-démocratie que du bolchévisme.
La conclusion à laquelle conduit le livre de Badia (encore que l'auteur ne la développe pas systématiquement) c'est que les spartakistes n'ont pas pu résoudre leur contradiction essentielle - qui est peut-être la contradiction essentielle de tout mouvement révolutionnaire. A savoir la contradiction entre le mouvement de masse et l'appareil politique. Ils étaient profondément pénétrés de la foi dans la capacité révolutionnaire des masses. "Toute véritable grande lutte de classe doit reposer sur l'appui et la collaboration des masses les plus étendues ... l'estimation exagérée ou fausse du rôle de l'organisation dans la lutte de classe du prolétariat se complète d'ordinaire par la sous-estimation de la prolétarienne inorganisée et sa maturité politique". Dans cette citation de Rosa Luxemburg, et dans maints textes analogues qui exaltent les masses et dénoncent les appareils sclérosés, il y a comme une préfiguration des idées castristes, voire de certaines dénonciations kroutchéviennes de la malfaisance des appareils, du "bombardement des états-majors" dans le cadre de la révolution culturelle chinoise ... Mais les spartakistes sont en même temps, on l'a déjà noté, des hommes d'appareil. Ce sont des "oppositionnels" nourris dans le sérail social-démocrate. Leur objectif, très longtemps, est davantage de reconquérir la vieille maison, que de former une organisation nouvelle (elle ne naîtra formellement qu'en décembre 1918 avec le Parti communiste allemand), et surtout de concevoir et d'élaborer et d'élaborer des formes nouvelles de rapports entre les masses et l'avant-garde organisée. Il est significatif que l'équipe dirigeante du spartakisme, même à l'époque où le mouvement est en pleine force, en plein élan, soit en décembre 1918, ne comprenne que des hommes du vieux noyau oppositionnel social-démocrate, et pas un seul sorti du mouvement de masse qui s'est développé pendant la guerre. Il est significatif (c'est Badia qui attire notre attention sur ce point) que les comités de marins insurgés, dans l'été 1917, quand ils cherchent des appuis politiques, vont trouver les socialistes majoritaires et non les spartakistes : indicatif du relatif isolement de ceux-ci. Encore au début de la semaine sanglante, les chefs spartakistes pensent en termes de politique "classique" : ils songent à la "formation d'un gouvernement Liebknecht-Ledebour" (un des chefs des indépendants) pour remplacer le gouvernement des socialistes majoritaires Ebert-Scheidemann. Les spartakistes, nés de l'opposition au vieil appareil politique et nourris de leur foi (un peu idéalisée sans doute) dans les masses, n'ont pas réussi à dépouiller vraiment le vieil homme, à créer de nouvelles structures politiques, à se fondre vraiment dans le mouvement des masses pour en faire naître une force politique vraiment neuve, malgré les circonstances exceptionnellement favorables qu'offrait la débâcle allemand de 1918.
Les virtualités de l'Allemagne révolutionnaire de 1918 étaient pourtant considérables. Elles offraient une richesse, une diversité, une vitalité dont le livre de Badia ne donne qu'une idée incomplète - c'est la conséquence logique du fait qu'il a construit tout son livre autour de la seule gauche social-démocrate et du seul groupe fondateur spartakisme. Mais, en 1917 - 1918, il existait en Allemagne bien d'autres groupes nés eux aussi du refus de la guerre et du dégoût de la vieille social-démocratie. Telles les "gauches de Brême", mouvement régional qui refusent, contrairement aux spartakistes d'adhérer au parti socialiste centriste quand il fait sécession, et qui se proclamera communiste avant les spartakistes eux-mêmes. Tel le mouvement bavarois, qui a le pouvoir à Munich avec Kurt Eisner jusqu'à l'assassinat de celui-ci. Telle l'organisation berlinoise des "Délégués révolutionnaires", dont les rapports avec les spartakistes sont décisifs pour l'issue de la lutte dans la capitale. Telle l'intelligentsia gauchiste et anarchisante, qui n'est évoquée qu'une fois, à travers un poème du jeune Brecht (l'éminent traducteur de ce dernier ne pouvait quand même pas passer son nom sous silence), et qui aurait elle aussi mérité qu'on la définisse moins sommairement. Brecht en 1918 n'était pas un isolé. Des dizaines de jeunes intellectuels étaient comme lui en état de dissidence idéologique et morale à l'égard de tout l'ordre établi, qui semblait sur le point de s'effondrer sous leurs yeux avec la monarchie wilhelmienne.
L'attention, soit dit par parenthèse, est aujourd'hui ramenée sur cette dissidence intellectuelle, sur ce refus global des valeurs reçues, à travers le cas de Traven, le mystérieux romancier auquel Remparts, la revue américaine de gauche, a consacré une longue étude en septembre 1967. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si une revue comme Remparts s'intéresse à Traven et à l'insoumission idéologique des jeunes allemands de 1918, alors qu'un mouvement de même nature se développe aujourd'hui aux Etats-Unis dans le sillage d'une autre guerre sans cause et sans avenir, la guerre du Viêtnam. Traven publiait à Munich en 1917 - 1918 un petit périodique, Der Ziegelbrenner (Le brûleur de briques), de tendance pacifiste et antinationalistes. Il participe avec Eisner et Landauer à l'éphémère révolution anarcho-syndicaliste des Soviets bavarois, au début de 1919. Il se réfugia ensuite au Mexique pour poursuivre une carrière purement littéraire.
Les Gauches de Brême, les Soviets bavarois, les Délégués révolutionnaires berlinois, l'intelligentsia gauchisante à la Traven et à la Brecht, cette liste pourrait certainement être allongée par un spécialiste. Mais ces exemples qu'on rencontre au détour des paragraphes du livre de Badia, suffisent déjà à montrer quelle était la vivante disponibilité, la vivante diversité des forces révolutionnaires dans l'Allemagne de 1918. Le problème révolutionnaire fondamental de cette époque n'était-il pas l'unité de toutes ces forces vigoureuses et fraîches, mais disparates? N'est-ce pas un des aspects de l'échec des spartakistes cette incapacité où ils furent d'unir tous ces mouvements nés de la crise allemande?
Situer le spartakisme dans la diversité de l'extrême-gauche allemande en 1918 eût été d'autant plus instructif, que la diversité régionale, le "polycentralisme", est un des traits caractéristiques de la scène politique allemande en 1918. Ce polycentrisme n'est pas chose nouvelle outre-Rhin. Sans remonter au traité de Westphalie, l'histoire de l'Allemagne au XIXème siècle est riche en situations où la vie politique se développe à partir de plusieurs centres géographiques, où chaque région, parfois chaque ville, évolue à un rythme différent et présente un profil différnt des forces politico-sociales. La révolution de 1848 en Allemagne, présentait au plus haut point ce caractère polycentrique, par contraste par exemple avec le caractère relativement unitaire de révolution de 1848 en France. Il en est de même en 1918. Brême ou la Bavière ne sont pas Berlin, et évoluent selon leur dynamique propre. A l'intérieur même du mouvement spartakiste, les différences régionales sont grandes. Les spartakistes de Francfort ou de Dresde, note Badia, avaient refusé d'entrer dans le parti socialiste centriste selon les directives du noyau central (Liebknecht, Rosa Luxemburg, etc.). Remarque qui conduit à l'idée qu'au polycentrisme né de la réalité objective allemande s'ajoutent les conceptions mêmes des spartakistes, hostiles à toute centralisation, à tout appareil autoritaire.
Un chapitre sur la variété des situations régionales au cours de la révolution de 1918 aurait permis au lecteur de mieux se représenter et la force des spartakistes par rapport aux autres courants d'extrême-gauche, à travers tout le pays, et la force en valeur absolue de l'extrême-gauche, par rapport aux socialistes majoritaires et aux partis bourgeois. Il aurait aussi permis d'aborder de front l'importante question: jusqu'à quel point les spartakistes représentaient-ils un courant "national" (c'est-à-dire comptant au niveau de l'Allemagne entière), dans quelle mesure au contraire n'étaient-ils pas au fond, au moins en ce qui concerne leur implantation de base et leur "prise" sur la réalité politique, qu'un mouvement local berlinois?
Un mot enfin du moment spartakiste en son double sens de point dans le temps et de force politique née de ce contexte. Cette notion n'est peut-être pas tout à fait utilisée à sa mesure. On pense aux pages d'Althusser, dans "Contradiction et surdétermination", sur le moment bolchevique d'octobre 1917. L'offensive bolchévique était comme "surdéterminée" par la totalité des facteurs qui définissaient la situation de l'empire tsariste à l'automne 1917. La contradiction "abstraite" entre capitalisme et socialisme n'a pu être résolue alors au profit du second terme, à travers une révolution victorieuse, que parce que cette contradiction était nourrie, surdéterminée par tout son contenu original, historique. La révolution russe, a montré Althusser, n'est pas une exception mais la mise en jeu des conditions, permettant - permettant seules - à une contradiction générale de devenir opératoire. Qu'en est-il de l'Allemagne de 1918? La question est d'autant plus importante que, on le sait, les chefs de la révolution russe regardaient semaine par semaine, presque heure par heure, du côté de Berlin. Ils vivaient dans l'attente désespérée d'une victoire révolutionnaire allemande, sans laquelle ils avaient le pressentiment que la révolution russe resterait précaire, exposée à toutes les déviations, condamnée à se développer dans des conditions trop particulières.
A la page 307, mais en quelques lignes, d'ailleurs excellentes, Badia nous rappelle que l'Allemagne craque de toute part. Les anciennes structures sont ébranlées. La vie économique est perturbée. La misère est grande. Avec ou sans spartakisme, il est fatal dès lors qu'ici ou là des explosions aient lieu, impulsions désordonnées, expression de la colère d'un groupe de manifestants. On eût aimé pouvoir disposer d'un tableau même très succinct, mais systématique, de la crise allemande à la fin de l'année 1918. Car seule cette crise explique ce que Badia appelle la "radicalisation" du mouvement populaire en Allemagne à l'automne 1918, c'est-à-dire le fait qu'en octobre, novembre, décembre 1918, la situation révolutionnaire mûrit rapidement en Allemagne, et élargit brusquement, trop brusquement peut-être, la zone d'influence des spartakistes. La qualité de la stratégie des révolutionnaires, la valeur de leur organisation, l'état de leurs liens avec les masses, tout cela est certes fondamental, pour assurer le succès d'une révolution. Mais le degré de désorganisation du camp adverse compte au moins autant: la décomposition du régime de Nicolas II, de Tchiang Kai-Chek, de Batista, a été un facteur décisif de succès en 1917, 1949, 1958. On aurait aimé savoir où en étaient les choses du côté de "l'ordre" allemand, à l'automne 1918.
L'ouvrage de Gilbert Badia nous laisse quelquefois sur notre faim. Cependant, c'est une étude richement documentée, vigoureuse, où le récit est mené sans lasser une minute l'attention. Elle est complétée par de très utiles appendices: bibliographie, chronologie, textes choisis, notes biographiques, et l'indispensable index dont tant d'éditeurs français croient bon aujourd'hui de se dispenser. Elle est surtout marquée par une qualité majeure: son aptitude à concilier le respect de l'objectivité et la sympathie humaine. Badia ne cherche pas à idéaliser les spartakistes; il sait critiquer la naïveté de certains historiens d'Allemagne de l'Est. Mais il se refuse tout autant à accepter les critiques de l'historiographie ouest-allemande à leur égard (sa controverse avec Kolb est un modèle de précision et de vigueur, en négligeant l'invective et le slogan). Il sait que les spartakistes combattaient pour l'avenir de leur pays et il sait faire partager cette sympathie à son lecteur.
Jean CHESNEAUX
Gilbert Badia, Le spartakisme : les dernières années de Rosa Luxembourg et de Karl Liebknecht : 1914-1919, Paris, l'Arche, 1967
Jean Chesneaux L Homme et la société Année 1967 Volume 5 Numéro 5 pp. 210-213.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/homso_0018-4306_1967_num_5_1_3091
comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com
Adressé par un camarade.
La fraternisation dans les tranchées : le mot d'ordre de Guerre civile illustré
Article de Lénine, 29 mars 1915, dans Sotsial-Demokra, no 40
Traduction MA pour http://www.solidarite-internationale-pcf.fr/
Ce 8 janvier, les journaux suisses recevaient de Berlin le message suivant: « Dernièrement, la presse a rapporté maintes fois des tentatives pacifiques entre les tranchées allemandes et françaises de nouer des relations amicales. Selon la Tägliche Runschau, un ordre de l'armée datant du 29 décembre interdit toute fraternisation et tout rapprochement avec l'ennemi dans les tranchées ; toute infraction à cet ordre sera considérée comme de la haute trahison ».
Donc, la fraternisation et les tentatives de nouer des relations amicales avec l'ennemi sont un fait. Les autorités militaires allemandes s'en montrent inquiètes, ce qui signifie qu'ils y attachent une importance considérable.
Le britannique Labour leader du 7 janvier 1915, a publié une série de citations tirées de la presse bourgeoise britannique sur des cas de fraternisation entre soldats britanniques et allemands, qui ont convenu d'une « trêve de 48 h » pour Noël, se sont rencontrés de façon amicale dans le no-man's land, etc. Les autorités militaires britanniques ont publié un ordre spécial interdisant la fraternisation.
Et pourtant, avec une infinie suffisance et le sentiment confortable que la censure militaire les prémunirait de tout déni ultérieur, les opportunistes socialistes et leurs partisans (ou laquais?) ont assuré les travailleurs, par voie de presse (comme Kautsky l'a fait), qu'aucune entente sur une action contre la guerre, menée par les socialistes des pays belligérants, n'était possible (expression littéralement utilisée par Kautsky dans Die Neue Zeit) !
Essayez d'imaginer Hyndman, Guesde, Vandervelde, Plekhanov, Kautky et les autres – au lieu d'aider la bourgeoisie (c'est ce qu'ils font maintenant) – formant un comité international d'agitation pour « la fraternisation et les tentatives d'établir des relations amicales » entre les socialistes des pays bélligérants, à la fois dans les « tranchées » et dans les troupes en général.
Quels seraient les résultats dans quelques mois, si maintenant, six mois après le début de la guerre et malgré tous les leaders et sommités politiques qui ont trahi le socialisme, l'opposition montait de tous côtés contre ceux qui voté les crédits de guerre, contre ceux qui ont accepté des strapontins ministériels, alors que les hautes autorités militaires brandissent la menace de la peine capitale à quiconque oserait « fraterniser » ?
« C'est la seule question pratique – victoire ou défaite pour son pays », c'est ce que Kautsky, laquais des opportunistes, a écrit, en accord avec Guesde, Plekhanov and co.
En fait, si on oublie ce qu'est le socialisme et la lutte de classe, ce serait la vérité. Cependant, si on ne perd pas de vue le socialisme, c'est faux.
Il y a une autre question pratique : devons-nous périr comme des esclaves aveugles et impuissants, dans une guerre entre esclavagistes, ou devons-nous tomber dans des « tentatives de fraternisation » entre esclaves, avec pour but d'abolir l'esclavage ?
Voilà, en réalité, la question « pratique
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Un camarade a repris cette lettre sur facebook
"Ma chère Tilde !
Je tiens à répondre sur le champ à ta lettre de Noël, avant que ne retombe la colère qu’elle a fait naître en moi. Oui, ta lettre m’a mise en rage, parce que si courte soit-elle, chaque ligne montre à quel point tu es retombée sous l’emprise de ton milieu. Ce ton geignard, et ces jérémiades à propos des «déceptions» que vous auriez subies, imputables aux autres soi-disant, alors qu’il vous suffirait de vous regarder dans une glace pour voir la réplique la plus parfaite de ce que l’humanité a de plus pitoyable !
Voilà maintenant que tu dis «nous» pour parler de ce tas de grenouilles nauséabondes, alors qu’autrefois, quand tu étais avec moi, «nous» désignait ceux de mon bord. Alors attends voir, je vais t’en donner moi, du «vous» !
Vous avez «trop peu d’élan» à mon goût, dis-tu mélancoliquement. «Trop peu» ne serait pas si mal ! Vous n’avez pas d’élan du tout, vous rampez. Ce n’est pas une différence de degré, mais de nature. Au fond, «vous» êtes d’une autre espèce zoologique que moi, et vos personnes chagrines, moroses, lâches et tièdes ne m’ont jamais été aussi étrangères, je ne les ai jamais autant détestées qu’aujourd’hui. Ça vous dirait bien d’«avoir un peu d’élan», écris-tu, seulement après, on se retrouve au trou, «et là, on ne sert plus à grand-chose». Ah ! quelle misère que vos âmes d’épiciers ! Vous seriez prêts à la rigueur à montrer un peu d’«héroïsme», mais seulement «contre monnaie sonnante», et tant pis si on ne vous donne que trois pauvres sous moisis, pourvu que vous voyiez toujours le «bénéfice» sur le comptoir.
Ils n’ont pas été dits pour vous, les mots tout simples de cet homme honnête et droit : «Je suis là, je ne puis faire autrement, que Dieu me vienne en aide.» C’est une aubaine qu’à ce jour, l’histoire du monde n’ait pas été faite par vos semblables, sinon, nous n’aurions pas eu la Réforme, et nous en serions sans doute encore à l’Ancien Régime.
Pour ce qui est de moi, qui n’ai jamais été tendre, je suis devenue ces derniers temps dure comme de l’acier poli, et plus jamais je ne ferai la moindre concession, ni en politique ni dans mes relations personnelles. Il suffit que je me rappelle la galerie de tes héros pour que ça me flanque un cafard noir : le gentil Haase, Dittman, avec sa jolie barbe et ses jolis discours au Reichstag, Kautsky, le pâtre vacillant, suivi fidèlement, comme de bien entendu, par ton Emmanuel, -pour le meilleur et pour le pire, Arthur le magnifique – ah, je n’en finirai !
Je te le jure : j’aimerais mieux rester enfermée des années – et je ne dis pas ici, où je suis à tous points de vue comme au paradis, mais même dans le sale trou de l’Alexanderplatz, où dans ma cellule de 11m3, sans lumière le matin ni le soir, coincée entre le WC (sans W!) et le lit de fer, je déclamais mon Mörike, plutôt que de «lutter» –si l’on peut dire– aux côtés de vos héros, ou simplement, d’avoir affaire à eux ! Je préfère encore le comte de Westarp, et pas parce qu’il a parlé au Reichstag de mes «doux yeux en amande», mais parce que c’est un homme, lui. Je te le dis, dès que je pourrai mettre le nez dehors, je prendrai en chasse et harcèlerai votre bande de grenouilles, à son de trompe, à coup de fouet, et je lâcherai sur elle mes chiens – j’allais dire comme Penthésilée, mais, pardieu, vous n’êtes pas des Achille.
Ça te suffit, comme vœu de nouvel an ?
Et puis… Fais donc en sorte de rester un être humain. C’est ça l’essentiel : être humain. Et ça, ça veut dire être solide, clair et calme, oui, calme, envers et contre tout, car gémir est l’affaire des faibles. Etre humain, c’est s’il le faut, mettre gaiement sa vie toute entière sur «la grande balance du destin», tout en se réjouissant de chaque belle journée et de chaque beau nuage. Je ne sais pas, hélas, donner de recettes, je ne sais pas dire comment on fait pour être humain, je sais seulement comment on l’est, et tu le savais toi aussi, chaque fois que nous nous promenions quelques heures dans la campagne de Südende, et que les rougeoiements du soir se posaient sur les blés. Le monde est si beau malgré toutes les horreurs, et ils serait plus beau encore s’il n’y avait pas des pleutres et des lâches. Allez, va ! Je te fais un baiser, car tu es, malgré tout, un brave petit gars. Bonne année !"
(Lettre de Rosa Luxemburg à Mathilde Wurm)
La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."
Publié le 20 février 2009