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Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

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Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
9 mars 2015 1 09 /03 /mars /2015 20:34

Le blog est apparemment migré de force. Nous n'avons accès à aucune de nos rubriques!

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13 février 2015 5 13 /02 /février /2015 18:00

Aquarelle-Cristina.JPG

comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com

 

A lire sur comprendre-avec-rosa-luxemburg 2

Le meilleur hommage que nous pouvons lui rendre sur notre blog est celui-ci. Notre rêve d’une nouvelle quinzaine Rosa Luxemburg, j’aurais voulu qu’elle en soit l’une des chevilles ouvrières. Je la sentais si proche, si sensiblement proche, si intimement interpellée par tout ce que Rosa Luxemburg peut représenter, de sensibilité, d’engagement et de conscience. Et cela, elle ne l’aura jamais su, comme elle n’aura jamais réalisé ce désir si profond d’une série d’émissions sur Rosa Luxemburg qu’elle me pressait régulièrement de faire. Le temps non mesuré, l’incapacité de percevoir l’urgence et l’essentiel, le manque d’imagination sur les disparitions possibles aura laissé filer le temps, la possibilité d’entendre sa voix sur ce thème, d’enrichir pour elle, pour nous, pour tous notre compréhension de l’apport de Rosa Luxemburg à la pensée et à l’humanité des engagements.
Rien d’autre à dire, mais beaucoup à pleurer …
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30 janvier 2015 5 30 /01 /janvier /2015 21:35

comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com

 

Le 8mars 2006 à Istamboul.

 

Un 8 mars à Istamboul

 

Nous reprenons cet article concernant la migration des blogs autour du 31 janvier 2015:

 

A tous nos abonnés, si vous ne voyiez pas de nouveaux articles sur le blog dans les jours qui viennent, C'EST QU'OVER-BLOG DEVRAIT FAIRE MIGRER TOUS LES BLOGS SUR UNE NOUVELLE PLATE-FORME AUTOUR DU 31 JANVIER 2015. Nous ne savons pas ce que cela aura comme conséquences. Mais en lisant le forum des migrés, il apparaîtrait que pour certains, il y ait eu un CERTAINS LAPS DE TEMPS DE  SILENCE FORCE. Comme le silence n'est  pas dans nos habitudes, CE SILENCE NE SERAIT PAS DE NOTRE FAIT.

 

Aussi nous vous  demandons de bien vouloir vous manifester par un message à L'ADRESSE DE CE BLOG, sur nos adresses personnelles ou à l'ADRESSE DU NOUVEAU BLOG pour que nous puissions vous renseigner sur la suite des événements.

 

adresse mail: comprendreavecrosaluxemburg@no-log.org /

adresse: comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com

 

Adresse mail du nouveau site : comprendreavecrosaluxemburg2@riseup.net

adresse  : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr .

 

Il semblerait aussi qu'il n'y ait plus de NEWSLETTER, aussi merci à ceux qui avaient choisi l'abonnement newsletter seulement de vous abonner aux articles. Il faut savoir de même qu'il y a apparemment des désabonnements non demandés. Nous vous indiquons enfin que sur over-blog, l'adresse des abonnés n'apparaissait pas, nous ne pouvons donc vous joindre. Mais vous pouvez le faire vous, en nous adressant un mail, nous vous répondrons.

 

Voilà, ne vous étonnez pas DE NE PAS RECONNAITRE LE BLOG quand vous l'ouvrirez, apparemment la migration s'accompagne souvent de la perte du design.

 

Et de toutes les façons, comme le pire n'arrive pas toujours, tout se passera peut-être comme dans le meilleur des mondes en tout respect des bloggeurs et de leurs abonnés.

 

c.a.r.l.

Le 30 janvier 2015

 

Zetkin et Luxemburg

 

Clara Zetkin et Rosa Luxemburg

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29 janvier 2015 4 29 /01 /janvier /2015 22:07

  comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com

Un dossier à suivre sur le nouveau blog : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr


william-turner-coucher-soleil-ecarlate

« Je prends tout cela avec calme, comme tout ce que l’on ne peut pas changer, contrairement au « Vieux » qui est inconsolable, comme un enfant. J’espère que toi aussi tu ne prendras pas cela trop au tragique, je travaillerai sérieusement, comme cela le temps passera facilement et vite. »
Lettre à Kostia Zetkin.                                                                                                                      [Berlin- Südende], le 27 décembre 1914
Niunius, tu m’as offert un si magnifique cadeau avec ce Turner. Ce n’est même plus un cadeau, c’est un véritable don. Je me sens riche comme une princesse et je peux passer des heures à le regarder. Comme mon petit cadeau pour toi semble bien misérable en comparaison. Je ne pouvais malheureusement pas faire plus et je sais que tu recevras bien cette babiole. Niunius, après avoir reçu ta lettre et celle de ta mère, je voulais venir vous rendre visite le deuxième jour férié, car j’avais le sentiment que cela vous ferait vraiment plaisir et que je ne serais pas de trop. J’avais déjà fait mes bagages et j’étais prête à partir, mais je n’ai pas pu  tant je me sentais mal. J’ai certainement une jaunisse ou quelque chose de semblable, car je suis si épuisée que je ne peux pratiquement pas bouger, et je ne  souhaite pas me montrer auprès de vous dans l’état où je suis. Ne pense pas que cela soit quelque chose de grave, je ne prends pas cela au sérieux, je voulais simplement expliquer pourquoi je ne viens pas. Au contraire je voulais d’autant plus venir que j’ai reçu de Francfort, le premier jour des vacances, l’ordre d’incarcération. Le jour n’est pas encore précisé, mais seulement l’indication que je dois purger ma peine ici et que la responsabilité de faire exécuter cet ordre a été transmise au Parquet de Berlin. Cela devient donc sérieux. C’est pourquoi je voulais parler avec ta mère et toi de l’ensemble de la situation et de nos plans; il faudrait le faire, peut-être que ta mère pourra venir si sa santé le permet.
Merci aussi pour le Seeley, je vais le lire tout de suite. Le Turner sera une constante consolation pour moi en prison. Je prends tout cela avec calme, comme tout ce que l’on ne peut pas changer, contrairement au « Vieux » [ndlt: Franz Mehring] qui est inconsolable, comme un enfant. J’espère que toi aussi tu ne prendras pas cela trop au tragique, je travaillerai sérieusement, comme cela le temps passera facilement et vite. Le fait que tu restes ainsi le bec dans l’eau me fait mal aussi. Mais je te conseille de ne pas rester à attendre et de travailler comme si tu ne devais pas partir, c’est le seul moyen pour ne pas perdre de temps et son équilibre intérieur. Il peut encore ainsi s’écouler des mois.
Mimi a eu en cadeau de Gertrud [Zlotto] une jolie petite balle, des figues et des harengs. Moi une jolie photographie de camarades de Duisbourg et un beau calendrier avec un portrait de Jaurès de camarades d’ici. Le temps est merveilleux, de la neige et un léger givre.
Niunius, sois calme et serein et écris moi vite.
Bisou de Mimi et N.

Cette lettre est inédite en français. Elle se trouve à la page 30 du tome V de la Correspondance publiée chez Dietz Verlag (édition 1984). Merci pour toute amélioration de la traduction. Elle fait partie du dossier  « Suivre Rosa Luxemburg en 1915″ que nous entamons sur le site.
Pour information: on peut lire un article de la Revue des Deux Mondes : Le théoricien de l’impérialisme anglais – Sir J. R. Seeley
Auguste Filon . Revue des Deux Mondes tome 147, 1898

http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Th%C3%A9oricien_de_l%E2%80%99Imp%C3%A9rialisme_anglais_-_Sir_J._R._Seeley




2. « Nous avons perdu en cette année beaucoup d’amis : Jaurès, notre Faisst … » . Suivre Rosa Luxemburg en 1915 (inédit)

merle
« … Nous avons perdu en cette année beaucoup d’amis : Jaurès, notre Faisst et le petit chat. Une année terrible »
Ce sont les mots qui concluent la dernière lettre pour l’année 1914 dans la Correspondance publiée chez Dietz Verlag.
Dans cette lettre adressée à Kostia Zetkin, Rosa Luxemburg décrit tout d’abord, avec humour et tendresse – comme souvent – la venue d’un merle au milieu des moineaux qu’elle est en train de nourrir sous les yeux attentifs de sa chatte, un merle » grand et maladroit sur ses longues pattes », parmi les  moineaux « tout ronds et agiles ».
Comme souvent cette lettre entremêle des remarques ou infos politiques rapides, qui sont source d’information précieuse pour l’historien. Ici: « Je pars maintenant pour le débat sur la Russie à la maison des syndicats », « La brochure de March[lewski] est un vrai scandale. »
Et elle finit par cette phrase qui montre tant de détresse derrière la dérision: « … Nous avons perdu en cette année beaucoup d’amis : Jaurès, notre Faisst et le petit chat. Une année terrible »

HUGO FAISST
Hugo Faisst était un musicien et avocat, un proche de Rosa Luxemburg. Il a disparu , terrible ironie, LE 30 JUILLET 1914, l’un des PREMIERS MORTS sur le front, l’un des premiers amis et camarades de Rosa Luxemburg à mourir dans cette guerre dont ils avaient tant combattu l’avènement.
Hugo  Faisst était un ami du grand musicien Hugo Wolf dont il interprétait les Leader. Rosa Luxemburg évoque dans l’une de ses lettres de prison un de ces chants qu’Hugo Faisst interprétait pour elle à son anniversaire.
En 1904, un recueil des lettres de Hugo Wolf à Hugo Faisst a été publié. Il a été réédité et reste disponible.

HUGO WOLF
 « Même les petites choses peuvent nous enchanter » dit un lied de Hugo Wolf : perles, olives, rose… mais aussi les lieder de Hugo Wolf eux-mêmes, qui durent souvent une ou deux minutes seulement, mais se dégustent comme un nectar. « Caviar du lied », ont dit certains – où Dominique Hoff puise un florilège de chants variés, de légèreté en intensité, de danse en drame. Chez Wolf, on trouve aussi bien un oiseau qui parle et dit la vérité cruelle sur sa branche (événement “merveilleux” typique des contes traditionnels), qu’un hymne au mystère profond de la nuit qui descend, en passant par le rêve de choucroute d’un soldat affamé… le *Concert Conté* suit son cours, comme une seule grande histoire.

http://www.dominiquehoff.com/DominiqueHoff/Hugo_WOLF.html

A lire ces lignes, ne peut-on imaginer ce qui résonnait de ces lieder en Rosa Luxemburg et mieux imaginer ces moments d’anniversaire et l’univers musical et artistique qu’elle côtoyait.
A écouter, surtout le premier extrait.


3. Entre maladie, travail politique, lectures et arrestation, le début de l’année 1915 (1). Dossier Suivre Rosa Luxemburg en 1915. (Inédit)

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Les premières lettres de Rosa Luxemburg dont nous disposons pour 1915 sont adressées à Marta Rosenbaum, Kostia Zetkin, Mathilde Jacob, Friedrich Westmeyer, Alexander et Helene Winckler. Cette période s’arrête brusquement avec son arrestation le 18 février, arrestation qui normalement avait été repoussée au 31 mars 1915 du fait de son état de santé. La lecture au jour le jour nous permet de ressentir la violence de cette arrestation anticipée. Durant cette période Rosa Luxemburg en effet a été hospitalisée à partir du 7 janvier :
« Niuniu, sois tranquille pour ce qui me concerne. Simplement, je n’ai pas eu le temps d’écrire, en partie parce que je ne savais pas moi-même ce qu’il allait advenir de moi, en partie à cause du stress. Donc, demain matin, je dois me rendre à l’hôpital (adresse: Hôpital Auguste-Victoria Schönberg) pour être soignée. J’espère de ce fait un report de mon incarcération. Cette histoire malheureuse de maux d’estomac et du foie vient mal à propos, mais j’espère être en mesure de travailler dans quelques semaines. Je peux lire dès maintenant, mais j’ai absolument besoin de me reposer et je n’y arrive pas ici. Cela ira mieux à l’hôpital. Le professeur fera demain une attestation indiquant que je suis hospitalisée et je l’adresserai à Francfort .. ». Lettre à Kostia Zetkin le 7 janvier 1915.
« Pour ce qui est de ma santé, tout va bien aussi! D’après les radios aujourd’hui, il ne s’agit pas d’une tumeur mais plutôt d’un ulcère. Demain une analyse chimique est prévue, mais en tous les cas, tu n’as pas besoin de prendre cela au tragique. » Lettre à Kostia Zetkin le 8 janvier 1915.
 » Chère Mademoiselle Jacob. une avalanche de demandes de ma part, vous serez donc dans votre élément. Après une nuit misérable, il me faut annuler toutes les visites, car hier après votre visite et tout en restant polie, on m’a fait comprendre que l’on ne voyait pas cela d’un bon œil. Alors s’il vous plaît, ayez l’obligeance d’avertir par téléphone … ». Lettre à Mathilde Jacob, avant le 24 janvier 1915.
 » Chère Mademoiselle Jacob. Merci pour vos fleurs reçues ce matin et vos gentilles pensées. Je me porte de manière satisfaisante. J’ai de très bonnes nouvelles de Mimi. Ce soir est arrivée enfin la dépêche de Francfort : report jusqu’au 31 mars. Eh bien ! … Lettre à Mathilde Jacob, avant le 24 janvier 1915.
Ces lettres montrent la fragilité de la santé de Rosa Luxemburg qui sera cependant moins de trois semaines après sa sortie de l’hôpital incarcérée. Et la lecture de ces courriers laisse transparaître parallèlement le sentiment d’urgence du travail politique qu’elle ressent, du fait de l’épée de Damoclès brandie au-dessus de sa tête : l’arrestation. Et qu’elle accomplit dans le même temps malgré la maladie. On y voit aussi la difficulté de ce travail politique au quotidien contraint à la clandestinité dans ce pays en guerre.
Ainsi elle écrit à Marta Rosenbaum le 5 janvier: « Parmi toutes les demandes et missions que je me vois contrainte de vous infliger avant ma disparition derrière les murs, l’une ne souffre d’aucun retard. Nous avons décidé de nous abonner et de faire connaître dans nos cercles,  « La correspondance clandestine de la Commission générale syndicale », qui déverse son fiel contre les camarades étrangers, ceci afin de contrer ses menées. Il faudrait choisir un nom peu repérable pour l’abonnement. Un camarade de Mariendorf, un homme qui nous est tout acquis et très influent a accepté de prendre en charge cet abonnement à cette publication et de la faire circuler. Nous avons déjà reçu le premier envoi, il se trouve chez Karl Liebknecht, il passera ensuite à Mehring, puis à vous qui le transmettrez à Kurt [Rosenfeld]; Nous souhaitons continuer ainsi, mais comme je vais disparaître, pourriez-vous prendre en charge les finances? Eberlein ne peut pas assurer cette charge financière naturellement, nous pouvons prendre sur les fonds du journal [allusion à l’Internationale. ndlt]. Auriez-vous l’obligeance d’envoyer la somme jointe à ce courrier à Eberlein? … » Lettre à Marta Rosenbaum, le 5 juin 1915.
On y trouve aussi des indications précieuses sur les lectures et en particulier:
« Niuniu, tu devrais te procurer la série de Hirzel&Co, Leipzig « Entre guerre et paix », ce sont des brochures d’impérialistes allemands (Pri 60-80 Pf). Ils sont très caractéristiques car écrits très ouvertement. Il y a déjà je crois 13 numéros de paru ». Lettre à Kostia Zetkin, le 7 janvier 1915.

 

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Ces auteurs seront cités dans les écrits politiques de Rosa Luxemburg de cette même année. (Trouvé sur le net cette photographie et références: Prof.Dr. Max Apt Der Krieg und die Weltmachtstellung des deutschen Reiches, Zwischen Krieg und Frieden Band 12[nach diesem Titel suchen] Verlag S.Hirzel Leipzig, 1914,53 S., Broschure, Format 15,5 x 21,5 cm.)
Ou sur Anatole France
« Je lis en ce moment les impérialistes publiés par les Editions Hirzel. Je lis aussi France « Les dieux ont soif ». C’est très léger et spirituel, mais ce n’est que pure littérature, pas du grand art. Tu devrais le lire, c’est plus intéressant que « La révolte des anges », dont je n’ai pu lire que la moitié. » Même lettre
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10 janvier 2015 6 10 /01 /janvier /2015 00:04

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Lu sur Facebook

Jean Jaurès / Chambre des députés Paris 1908 / Tout est dit:


"Une fois de plus, c'est le préjugé d'ignorance qui vous mène. C'est à vous, à la France, à toute la France pensante, qu'il faudrait enseigner ce qu'est cette civilisation arabe que vous ignorez et méprisez, ce qu'est cette admirable et ancienne civilisation. À laquelle les pays européens, je dis bien les pays européens, viennent montrer le visage hideux de l'invasion et de la répression....


Ce monde musulman que vous méconnaissez tant, messieurs, depuis quelques décennies prend conscience de son unité et de sa dignité. Deux mouvements, deux tendances inverses s'y trouvent : il y a les fanatiques, oui, il y a des fanatiques, qui veulent en finir par la crainte, le fer et le feu avec la civilisation européenne et chrétienne,


VOIX : Vous voyez bien que ce sont des sauvages !


JAURÈS : Alors, monsieur, précisez-le : des sauvages qui veulent porter le fer et le feu contre une civilisation sauvage qui est venue à eux, qui est venue contre eux en portant le fer et le feu...


(Brouhaha très fort)


JAURÈS : ... il y a des fanatiques, mais il y a les hommes modernes, les hommes nouveaux... Il y a toute une élite qui dit : l'Islam ne se sauvera qu'en se renouvelant, qu'en interprétant son vieux livre religieux selon un esprit nouveau de liberté, de fraternité, de paix."

 

 


 Bonsoir, Par rapport au passage que vous citez de Jaurès, sur la page : http://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/article-aux-morts-de-cha rlie-ces-mots-de-jaures-en-1908-c-est-a-vous-a-la-france-a-toute-la-france-p ens-125352345.html il serait judicieux d'en citer la source, à savoir : http://blogs.mediapart.fr/blog/jerome-pellissier/070115/quand-jaures-parlait Laquelle source précise en effet de quelles années date ce texte (pas seulement de 1908), qu'il est une compilation de plusieurs textes de Jaurès et pas un "texte unique authentique", etc. Sans ces précisions, des lecteurs risquent d'être induits en erreur. Merci. Bien cordialement, Jérôme Pellissier. 
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2 janvier 2015 5 02 /01 /janvier /2015 23:11

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L'année sur comprendre-avec-rosa-luxemburg a été marquée par trois événements majeurs: les "célébrations" de 1914, la quinzaine Rosa Luxemburg à Saint-Etienne et la parution du tome IV des oeuvres complètes. Et nous avons poursuivi notre travail de mise à disposition sur le net d'articles, de documents inédits en français ou sur le net. Nous reprenons ici des parutions qui nous semblent importantes.


Notre analyse:  Rosa Luxemburg et la guerre

Analyse de classe, refus du nationalisme, approche révolutionnaire, trois principes qui fondent la pensée et l'action de Rosa Luxemburg contre la guerre

 

11 novembre 2014. Les mots de Rosa Luxemburg devant le monument aux morts pacifiste de Saint-Martin d'Estreaux.

 

TARDI10

1914 dans la correspondance de Rosa Luxemburg

 

1914 dans la correspondance de Rosa Luxemburg. Lettres à Brandel Geck

 

1914 dans la correspondance de Rosa Luxemburg. Lettre à Rosi Wolfstein

 

1914 dans la correspondance de Rosa Luxemburg. Walter Stoecker

 

1914 dans la correspondance de Rosa Luxemburg "Cher jeune ami, je vous assure que je ne fuirais pas ..."

 

Le 4 août

 

Membres du groupe Die Internationale. Dès le soir du 4 août, Rosa Luxemburg réunit chez elle les opposants à la guerre ...

 

Lettre de Rosa Luxemburg, le 31 juillet 1914 - veille de la déclaration de guerre!

 

4 août 1914. Rosa Luxemburg réunit chez elle les opposants à la guerre ...

 

L'Internationale et l'Union sacrée en août 1914.Extrait de Guerre ou révolution, Georges Haupt

 

Inédits. Chronique "ego", Mayence, Guerre hispano-américaine, Chine ...


Le prix d'une victoire! Texte inédit en français de Rosa Luxemburg sur la guerre hispano-américaine, analyse remarquable de l'entrée des Etats-Unis sur la scène impérialiste

 

Rosa Luxemburg. "Une idée germe dans ma tête ...". Génèse des interventions au Congrès de l'Internationale en 1900 à Paris.

 

Rosa Luxemburg : Constructions de canaux en Amérique du Nord, 4 décembre 1898. Chronique EGO. Inédit

 

Le Congrès socialiste international. - Le Socialisme bourgeois. Revue des deux mondes, 1900. Avec cette mention: "Les thèses excentriques de Mlle Rosa Luxemburg".

 

Rosa Luxemburg. Interventions au Congrès de Mayence sur les événements en Chine. Septembre 1900. Inédit en français.

 

Textes

 

Rosa Luxemburg, 1er mai 1904. "La fête de Mai de cette année tire un relief particulier de cette circonstance qu'elle est célébrée au milieu du bruit de la guerre"

 

Un document. "Dans la tempête" un article de Rosa Luxemburg dans le socialiste en mai 1904

 

Analyses

 

Jean Chesneaux, compte-rendu de l'ouvrage de G. Badia "Le spartakisme". Une analyse de juste avant 68.

 

Parution du tome IV des Oeuvres Complètes

 

Une semaine avec Junius (2). De « socialisme ou barbarie » à « socialisme ou impérialisme ». Courte remarque sur une expression si souvent reprise de Rosa Luxemburg.

 

« Le centre de gravité de l’organisation de classe réside dans l’Internationale. » La brochure de Junius, la guerre et l’Internationale, Tome IV des oeuvres de Rosa Luxemburg.

 

Quinzaine Rosa Luxemburg à Saint-Etienne

 

Saint-Etienne rend hommage à Rosa Luxemburg

 

Tous les printemps sont politiques ... Les souliers rouges, la résonance d'un spectacle de la quinzaine Rosa Luxemburg à Saint-Etienne. Des prisonnières arrivent en détention ...

 

A la Quinzaine Rosa Luxemburg, Saint-Etienne - le film de Valérie Gaudissart "Ich bin eine Terroristin", peut-être l'un des plus beaux cadeaux fait au combat de Rosa Luxemburg.

 

Force et intensité, une lecture de lettres de Rosa Luxemburg. Clémence Fitte, Grégory Perrève, Fred Fender

 

Nous avons été reçus au Chok Théâtre, pour la rencontre sur Rosa Luxemburg et la guerre. En remerciement cette interpétation poignante d'Artaud par Alain Besset.

 

Dans nos remerciements encore pour l'accueil sur la quinzaine Rosa Luxemburg. Sabrina Lorre

 

En hommage toujours à la quinzaine Rosa Luxemburg. Expo "Jardin botanique révolutionnaire". Magnifique ...

 

Clôture de la "quinzaine" Rosa Luxemburg et nous qui ne rêvons que de voir ce formidable hommage à l'esprit et à l'action de Rosa Luxemburg essaimer ailleurs et partout ...

 

D'étranges citations dans la ville - Quinzaine Rosa Luxemburg, Saint-Etienne. Une quinzaine qui laisse des traces dans nos esprits et dans nos vies

 

Mots, sons, images

 

Le Prix MAIF pour la Sculpture 2014 a été remis à Nicolas Milhé, pour son projet « Rosa Luxemburg ».

 

El Lissitzky. Monument à Rosa Luxemburg. 1919 – 21

 

Simple, précise, politique ... utile. Une lecture de 13 textes de Rosa Luxemburg

 

Jardins Rosa Luxemburg

 

Jardins Rosa Luxemburg à Paris

 


2014 a été aussi malheureusement l'année d'une offensive publicitaire d'over-blog qui nous contraint à chercher des solutions pour continuer notre travail. Nous continuons à faire vivre ce blog aussi longtemps que cela sera possible car il est très visité, et nous avons créé parallèlement et en complémentarité Comprendre avec Rosa Luxemburg 2 (http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/). Nous ne savons pas ce que 2015 sur over-blog nous réserve.

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31 décembre 2014 3 31 /12 /décembre /2014 21:03

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Après cette année de célébrations éhontées de la guerre de 1914

Un rappel de ce que voulaient les ouvriers et paysans spartakistes

Grosz," le règlement des comptes suit"

 


Aux 6 morts de la rue de ces derniers jours que les médias ont complaisamment nommés

et à tous qu'ils n'ont pas cités car eux sont morts un jour banal

 

A tous ces réfugiés de Calais

qui pour survivre réinventent les pires des bidonvilles

Et contre lesquels on érige des grilles et des parois de verre.

 


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A ces  milliers de morts

avalés par la mer pour avoir voulu

venir ici et ailleurs

 

A tous les exploités

 

Ces quelques mots de L'asile de nuit de Rosa Luxemburg

 

31 décembre 2014

c.a.r.l.

 

Ces pensionnaires de l’asile, victimes des harengs infects ou du tord-boyaux frelaté, qui sont-ils ? Un employé de commerce, un ouvrier du bâtiment, un tourneur, un mécanicien : des ouvriers, des ouvriers, rien que des ouvriers. Et qui sont ces êtres sans nom que la police n’a pu identifier ? Des ouvriers, rien que des ouvriers ou des hommes qui l’étaient, hier encore.


Et pas un ouvrier qui soit assuré contre l’asile, le hareng et l’alcool frelatés. Aujourd’hui il est solide encore, considéré, travailleur ; qu’adviendra-t-il de lui, si demain il est renvoyé parce qu’il aura atteint le seuil fatal des quarante ans, au-delà duquel le patron le déclare  » inutilisable  » ? Ou s’il est victime demain d’un accident qui fasse de lui un infirme, un mendiant pensionné ?


A l’asile de nuit  Rosa Luxembourg

http://www.controappuntoblog.org/2014/12/31/la-primavera-scorsa-rincasavo-da-una-passeggiata-nei-campi/

 

Le texte complet (traduction reprise sur le blog en 2007 à partir du site du collectif rto, qui existait à l'époque mais qui ne semble plus accessible aujourd'hui http://www.collectif-rto.org/Dans-l-asile-de-nuit-Rosa)

L'asile de nuit

Publié dans le journal animé par Clara Zetkin Die Gleichheit 1912 

 

L’atmosphère de fête dans laquelle baignait la capitale du Reich vient d’être cruellement troublée. A peine des âmes pieuses avaient-elles entonné le vieux et beau cantique " O gai Noël, jours pleins de grâce et de félicité " qu’une nouvelle se répandait : les pensionnaires de l’asile de nuit municipal avaient été victimes d’une intoxication massive. Les vieux tout autant que les jeunes : l’employé de commerce Joseph Geihe, vingt et un ans ; l’ouvrier Karl Melchior, quarante-sept ans ; Lucian Szczyptierowski, soixante-cinq ans. Chaque jour s’allongeait la liste des sans-abri victimes de cet empoisonnement. La mort les a frappés partout : à l’asile de nuit, dans la prison, dans le chauffoir public, tout simplement dans la rue ou recroquevillés dans quelque grange. Juste avant que le carillon des cloches n’annonçât le commencement de l’an nouveau, cent cinquante sans-abri se tordaient dans les affres de la mort, soixante-dix avaient quitté ce monde.


Pendant plusieurs jours l’austère bâtiment de la Fröbel-strasse, qu’on préfère d’ordinaire éviter, se trouva au centre de l’intérêt général. Ces intoxications massives, quelle en était donc l’origine ? S’agissait-il d’une épidémie, d’un empoisonnement provoqué par l’ingestion de mets avariés ? La police se hâta de rassurer les bons citoyens : ce n’était pas une maladie contagieuse ; c’est-à-dire que les gens comme il faut, les gens " bien ", ne couraient aucun danger. Cette hécatombe ne déborda pas le cercle des " habitués de l’asile de nuit ", ne frappant que les gens qui, pour la Noël, s’étaient payé quelques harengs-saurs infects " très bon marché " ou quelque tord-boyaux frelaté. Mais ces harengs infects, où ces gens les avaient-ils pris ? Les avaient-ils achetés à quelque marchand " à la sauvette " ou ramassés aux halles, parmi les détritus ? Cette hypothèse fut écartée pour une raison péremptoire : les déchets, aux Halles municipales, ne constituent nullement, comme se l’imaginent des esprits superficiels et dénués de culture économique, un bien tombé en déshérence, que le premier sans-abri venu puisse s’approprier. Ces déchets sont ramassés et vendus à de grosses entreprises d’engraissage de porcs : désinfectés avec soin et broyés, ils servent à nourrir les cochons. Les vigilants services de la police des Halles s’emploient à éviter que quelque vagabond ne vienne illégalement subtiliser aux cochons leur nourriture, pour l’avaler, telle quelle, non désinfectée et non broyée. Impossible par conséquent que les sans-abri, contrairement à ce que d’aucuns s’imaginaient un peu légèrement, soient allés pêcher leur réveillon dans les poubelles des Halles. Du coup, la police recherche le " vendeur de poisson à la sauvette " ou le mastroquet qui aurait vendu aux sans-abri le tord-boyaux empoisonné.


De leur vie, ni Joseph Geihe, Karl Melchior ou Lucian Szczyptierowski, ni leurs modestes existences n’avaient été l’objet d’une telle attention. Quel honneur tout d’un coup ! Des sommités médicales – des Conseillers secrets en titre – fouillaient leurs entrailles de leur propre main. Le contenu de leur estomac – dont le monde s’était jusqu’alors éperdument moqué -, voilà qu’on l’examine minutieusement et qu’on en discute dans la presse. Dix messieurs – les journaux l’ont dit – sont occupés à isoler des cultures du bacille responsable de la mort des pensionnaires de l’asile. Et le monde veut savoir avec précision où chacun des sans-abri a contracté son mal dans la grange où la police l’a trouvé mort ou bien à l’asile où il avait passé la nuit d’avant ? Lucian Szczyptierowski est brusquement devenu une importante personnalité : sûr qu’il enflerait de vanité s’il ne gisait, cadavre nauséabond, sur la table de dissection.


Jusqu’à l’Empereur – qui, grâce aux trois millions de marks ajoutés, pour cause de vie chère, à la liste civile qu’il perçoit en sa qualité de roi de Prusse, est Dieu merci à l’abri du pire – jusqu’à l’Empereur qui au passage s’est informé de l’état des intoxiqués de l’asile municipal. Et par un mouvement bien féminin, sa noble épouse a fait exprimer ses condoléances au premier bourgmestre, M. Kirschner, par le truchement de M. le Chambellan von Winterfeldt. Le premier bourgmestre, M. Kirschner n’a pas, il est vrai, mangé de hareng pourri, malgré son prix très avantageux, et lui-même, ainsi que toute sa famille, se trouve en excellente santé. Il n’est pas parent non plus, que nous sachions, fût-ce par alliance, de Joseph Geihe ni de Lucian Szczyptierowski. Mais enfin à qui vouliez-vous donc que le Chambellan von Winterfeldt exprimât les condoléances de l’Impératrice ? Il ne pouvait guère présenter les salutations de Sa Majesté aux fragments de corps épars sur la table de dissection. Et " la famille éplorée " ?... Qui la connaît ? Comment la retrouver dans les gargotes, les hospices pour enfants trouvés, les quartiers de prostituées ou dans les usines et au fond des mines ? Or donc le premier bourgmestre accepta, au nom de la famille, les condoléances de l’Impératrice et cela lui donna la force de supporter stoïquement la douleur des Szczyptierowski. A l’Hôtel de ville également, devant la catastrophe qui frappait l’asile, on fit preuve d’un sang-froid tout à fait viril. On identifia, vérifia, établit des procès-verbaux ; on noircit feuille sur feuille tout en gardant la tête haute. En assistant à l’agonie de ces étrangers, on fit preuve d’un courage et d’une force d’âme qu’on ne voit qu’aux héros antiques quand ils risquent leur propre vie.


Et pourtant toute l’affaire a produit dans la vie publique une dissonance criarde. D’habitude, notre société, en gros, à l’air de respecter les convenances : elle prône l’honorabilité, l’ordre et les bonnes moeurs. Certes il y a des lacunes dans l’édifice de l’Etat, et tout n’est pas parfait dans son fonctionnement. Mais quoi, le soleil lui aussi a ses taches ! Et la perfection n’est pas de ce monde. Les ouvriers eux-mêmes – ceux surtout qui perçoivent les plus hauts salaires, qui font partie d’une organisation – croient volontiers que, tout compte fait, l’existence et la lutte du prolétariat se déroulent dans le respect des règles d’honnêteté et de correction. La paupérisation n’est-elle pas une grise théorie [1] depuis longtemps réfutée ? Personne n’ignore qu’il existe des asiles de nuit, des mendiants, des prostituées, une police secrète, des criminels et des personnes préférant l’ombre à la lumière. Mais d’ordinaire on a le sentiment qu’il s’agit là d’un monde lointain et étranger, situé quelque part en dehors de la société proprement dite. Entre les ouvriers honnêtes et ces exclus, un mur se dresse et l’on ne pense que rarement à la misère qui se traîne dans la fange de l’autre côté de ce mur. Et brusquement survient un événement qui remet tout en cause : c’est comme si dans un cercle de gens bien élevés, cultivés et gentils, au milieu d’un mobilier précieux, quelqu’un découvrait, par hasard, les indices révélateurs de crimes effroyables, de débordements honteux. Brusquement le spectre horrible de la misère arrache à notre société son masque de correction et révèle que cette pseudo-honorabilité n’est que le fard d’une putain. Brusquement sous les apparences frivoles et enivrantes de notre civilisation on découvre l’abîme béant de la barbarie et de la bestialité. On en voit surgir des tableaux dignes de l’enfer : des créatures humaines fouillent les poubelles à la recherche de détritus, d’autres se tordent dans les affres de l’agonie ou exhalent en mourant un souffle pestilentiel.


Et le mur qui nous sépare de ce lugubre royaume d’ombres s’avère brusquement n’être qu’un décor de papier peint.


Ces pensionnaires de l’asile, victimes des harengs infects ou du tord-boyaux frelaté, qui sont-ils ? Un employé de commerce, un ouvrier du bâtiment, un tourneur, un mécanicien : des ouvriers, des ouvriers, rien que des ouvriers. Et qui sont ces êtres sans nom que la police n’a pu identifier ? Des ouvriers, rien que des ouvriers ou des hommes qui l’étaient, hier encore.

Et pas un ouvrier qui soit assuré contre l’asile, le hareng et l’alcool frelatés. Aujourd’hui il est solide encore, considéré, travailleur ; qu’adviendra-t-il de lui, si demain il est renvoyé parce qu’il aura atteint le seuil fatal des quarante ans, au-delà duquel le patron le déclare " inutilisable " ? Ou s’il est victime demain d’un accident qui fasse de lui un infirme, un mendiant pensionné ?


On dit : échouent à la Maison des pauvres ou en prison uniquement des éléments faibles ou dépravés : vieillards débiles, jeunes délinquants, anormaux à responsabilité diminuée. Cela se peut. Seulement les natures faibles ou dépravées issues des classes supérieures ne finissent pas à l’asile, mais sont envoyées dans des maisons de repos ou prennent du service aux colonies : là elles peuvent assouvir leurs instincts sur des nègres et des négresses. D’ex-reines ou d’ex-duchesses, devenues idiotes, passent le reste de leur vie dans des palais enclos de murs, entourées de luxe et d’une domesticité à leur dévotion. Au sultan Abd-ul-Hamid [2], ce vieux monstre devenu fou, qui a sur la conscience des milliers de vies humaines et dont les crimes et les débordements sexuels ont émoussé la sensibilité, la société a donné pour retraite, au milieu de jardins d’agrément, une villa luxueuse qui abrite des cuisiniers excellents et un harem de filles dans la fleur de l’âge dont la plus jeune a douze ans. Pour le jeune criminel Prosper Arenberg [3] : une prison avec huîtres et champagne et de gais compagnons. Pour des princes anormaux : l’indulgence des tribunaux, les soins prodigués par des épouses héroïques et la consolation muette d’une bonne cave remplie de vieilles bouteilles. Pour la femme de l’officier d’Allenstein, cette folle, coupable d’un crime et d’un suicide une existence confortable, des toilettes de soie et la sympathie discrète de la société. Tandis que les prolétaires vieux, faibles, irresponsables, crèvent dans la rue comme les chiens dans les venelles de Constantinople, le long d’une palissade, dans des asiles de nuit ou des caniveaux, et le seul bien qu’ils laissent, c’est la queue d’un hareng pourri que l’on trouve près d’eux. La cruelle et brutale barrière qui sépare les classes ne s’arrête pas devant la folie, le crime et même la mort. Pour la racaille fortunée : indulgence et plaisir de vivre jusqu’à leur dernier souffle, pour les Lazare du prolétariat : les tenaillements de la faim et les bacilles de mort qui grouillent dans les tas d’immondices.


Ainsi est bouclée la boucle de l’existence du prolétaire dans la société capitaliste. Le prolétaire est d’abord l’ouvrier capable et consciencieux qui, dès son enfance, trime patiemment pour verser son tribut quotidien au capital. La moisson dorée des millions s’ajoutant aux millions s’entasse dans les granges des capitalistes ; un flot de richesses de plus en plus imposant roule dans les banques et les bourses tandis que les ouvriers – masse grise, silencieuse, obscure – sortent chaque soir des usines et des ateliers tels qu’ils y sont entrés le matin, éternels pauvres hères, éternels vendeurs apportant au marché le seul bien qu’ils possèdent : leur peau.


De loin en loin un accident, un coup de grisou les fauche par douzaines ou par centaines dans les profondeurs de la mine – un entrefilet dans les journaux, un chiffre signale la catastrophe ; au bout de quelques jours, on les a oubliés, leur dernier soupir est étouffé par le piétinement et le halètement des affairés avides de profit ; au bout de quelques jours, des douzaines ou des centaines d’ouvriers les remplacent sous le joug du capital.

De temps en temps survient une crise : semaines et mois de chômage, de lutte désespérée contre la faim. Et chaque fois l’ouvrier réussit à pénétrer de nouveau dans l’engrenage, heureux de pouvoir de nouveau bander ses muscles et ses nerfs pour le capital.


Mais peu à peu ses forces le trahissent. Une période de chômage plus longue, un accident, la vieillesse qui vient – et l’un d’eux, puis un second est contraint de se précipiter sur le premier emploi qui se présente : il abandonne sa profession et glisse irrésistiblement vers le bas. Les périodes de chômage s’allongent, les emplois se font plus irréguliers. L’existence du prolétaire est bientôt dominée par le hasard ; le malheur s’acharne sur lui, la vie chère le touche plus durement que d’autres. La tension perpétuelle des énergies, dans cette lutte pour un morceau de pain, finit par se relâcher, son respect de soi s’amenuise – et le voici debout devant la porte de l’asile de nuit à moins que ce ne soit celle de la prison.


Ainsi chaque année, chez les prolétaires, des milliers d’existences s’écartent des conditions de vie normales de la classe ouvrière pour tomber dans la nuit de la misère. Ils tombent silencieusement, comme un sédiment qui se dépose, sur le fond de la société : éléments usés, inutiles, dont le capital ne peut plus tirer une goutte de plus, détritus humains, qu’un balai de fer éjecte. Contre eux se relaient le bras de la loi, la faim et le froid. Et pour finir la société bourgeoise tend à ses proscrits la coupe du poison.


" Le système public d’assistance aux pauvres ", dit Karl Marx, dans Le Capital, " est l’Hôtel des Invalides des ouvriers qui travaillent, à quoi s’ajoute le poids mort des chômeurs. La naissance du paupérisme public est liée indissolublement à la naissance d’un volant de travailleurs sans emploi ; travailleurs actifs et chômeurs sont également nécessaires, ces deux catégories conditionnent l’existence de la production capitaliste et le développement de la richesse. La masse des chômeurs est d’autant plus nombreuse que la richesse sociale, le capital en fonction, l’étendue et l’énergie de son accumulation, partant aussi le nombre absolu de la classe ouvrière et la puissance productive de son travail, sont plus considérables. Mais plus cette réserve de chômeurs grossit comparativement à l’armée active du travail, plus grossit la surpopulation des pauvres. Voilà la loi générale absolue de l’accumulation capitaliste. "


Lucian Szczyptierowski, qui finit sa vie dans la rue, empoisonné par un hareng pourri, fait partie du prolétariat au même titre que n’importe quel ouvrier qualifié et bien rémunéré qui se paie des cartes de nouvel an imprimées et une chaîne de montre plaqué or. L’asile de nuit pour sans-abri et les contrôles de police sont les piliers de la société actuelle au même titre que le Palais du Chancelier du Reich et la Deutsche Bank.[4] Et le banquet aux harengs et au tord-boyaux empoisonné de l’asile de nuit municipal constitue le soubassement invisible du caviar et du champagne qu’on voit sur la table des millionnaires. Messieurs les Conseillers médicaux peuvent toujours rechercher au microscope le germe mortel dans les intestins des intoxiqués et isoler leurs " cultures pures " : le véritable bacille, celui qui a causé la mort des pensionnaires de l’asile berlinois, c’est l’ordre social capitaliste à l’état pur.


Chaque jour des sans-abri s’écroulent, terrassés par la faim et le froid. Personne ne s’en émeut, seul les mentionne le rapport de police. Ce qui a fait sensation cette fois à Berlin, c’est le caractère massif du phénomène. Le prolétaire ne peut attirer sur lui l’attention de la société qu’en tant que masse qui porte à bout de bras le poids de sa misère. Même le dernier d’entre eux, le vagabond, devient une force publique quand il forme masse, et ne formerait-il qu’un monceau de cadavres.


D’ordinaire un cadavre est quelque chose de muet et de peu remarquable. Mais il en est qui crient plus fort que des trompettes et éclairent plus que des flambeaux. Au lendemain des barricades du 18 mars 1848, les ouvriers berlinois relevèrent les corps des insurgés tués et les portèrent devant le Château royal, forçant le despotisme à découvrir son front devant ces victimes. A présent il s’agit de hisser les corps empoisonnés des sans-abri de Berlin, qui sont la chair de notre chair et le sang de notre sang, sur des milliers de mains de prolétaires et de les porter dans cette nouvelle année de lutte en criant : A bas l’infâme régime social qui engendre de pareilles horreurs ! 


(site RTO)

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26 décembre 2014 5 26 /12 /décembre /2014 17:59

comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com

 

Ce texte de Jean Chesneaux de 1967 est significatif. Il porte déjà en prémisses sa pensée propre, ce qui sera son inscription dans 68 et après-68,et donc ce pourquoi Rosa Luxemburg a pu s'inscrire dans la pensée de ce temps. Mais en même temps il reste aussi très informatif sur le spartakisme et un hommage rendu au travail de Gilbert Badia.

 


 

 

Couverture

 

 

C'est une histoire du spartakisme qu'a choisi de nous donner Gilbert Badia. Ou plutôt - le sous-titre de l'ouvrage lui correspond mieux que le titre - une histoire de la gauche social-démocrate allemande à partir de la déclaration de guerre d'août 1914 et du vote unanime des crédits de guerre par le groupe social-démocrate au Reichstag. Le spartakisme proprement dit n'apparaît qu'au terme d'une longue évolution qui conduit Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht, Franz Mehring, Clara Zetkin et leurs amis, du désaveu des positions social-chauvines majoritaires dans le S.P.D. à la semaine sanglante de janvier 1919. Le  spartakisme comme "moment" historique, dans le contexte de la crise générale de l'Allemagne impériale en 1918-1919, est peut-être un peu sacrifié, au spartakisme en tant qu'épisode de la social démocratie allemande, sinon même de l'appareil du parti social-démocrate. Il faut attendre la quatrième partie du volume ("esprit d'analyse") pour pouvoir saisir de façon brillante et pénétrante - les lignes de force du spartakisme.

 

Mais ce choix délibéré de l'auteur une fois accepté, l'ouvrage est neuf et fondamental. Badia retrace d'abord la "préhistoire" du spartakisme (première partie, "L'extrême-gauche se regroupe et tente de s'organiser") qui va jusqu'à la fin de 1915. Liebknecht, qui avait voté les crédits militaires avec les autres députés socialistes le 4 août ne tarde pas à regretter ce geste; le 2 décembre 1914, il votera contre, seul avec son ami Rühle, et déchaîne contre sa personne une campagne chauvine d'une violence inouïe. Autour de lui et de Rosa, l'opposition de gauche se regroupe, et publie en 1915 une revue qui n'a qu'un numéro Die Internationale. L'internationalisme, qui sera un des principes essentiels du Spartakusbund, est en effet déjà l'inspirateur de ce petit groupe; ils s'efforcent en particulier, pour pallier leur isolement dans le S.P.D., de s'adresser directement à la presse social-démocrate en Scandinavie ou en Suisse et de forcer le barrage du silence. Pourtant, et en cela également leur attitude dessine déjà le futur profil du spartakisme, ces oppositionnels allemands se méfient des négociations et des initiatives au sommet. Ils sont hostiles en 1915, aux célèbres conférences de Kienthal et de Zimmerwald, dont on sait l'importance qu'y attachait Lénine. Pour eux, c'est de la base, des masses elles-mêmes, que doit partir la reconstruction d'un mouvement socialiste international authentique, et non d'une conférence de militants et de personnalités.

 

Le spartakisme proprement dit prend figure, de janvier 1916 (date de la publication de la première "lettre politique" que le groupe signa du pseudonyme collectif Spartakus), à la conférence spartakiste du 7 octobre 1918. Ces "premières actions de Spartakus", auxquelles est consacrée la seconde partie du livre sont étroitement liées aux progrès du mouvement de masse contre la guerre en 1916 et 1917, à travers toute l'Allemagne. Les grèves d'avril en 1917, la révolte de la flotte en août 1917, préludent au puissant mouvement de grèves de janvier 1918 (400 000 grévistes à Berlin le lundi 28 janvier). Le cri que pousse Liebknecht "à bas la guerre", devant des milliers d'ouvriers qui manifestent à Berlin le 1er mai 1916, retentit à travers tout le Reich; Liebknecht est poursuivi et emprisonné, mais son nom et sa figure symbolisent la lassitude croissante, aux tranchées comme à l'arrière. Les indices de son immense popularité sont indiscutables, note Badia.


Mais le paradoxe - paradoxe sur lequel nous allons revenir - est que le spartakisme, qui se développe au rythme même du mouvement de masse, reste en même temps un mouvement d'appareil, une "fraction" au sens technique du terme. Liebknecht, Rosa, Mehring et leurs amis sont de vieux routiers de la social-démocratie, des cadres chevronnés pour qui les rapports avec la "vieille maison" continuent à être essentiels. Une bonne partie de leur activité est absorbée par leur propagande et leur polémique en direction des majoritaires. En direction aussi des "indépendants", courant socialiste centriste qui s'est différencié progressivement pendant la guerre, pour aboutir à une scission en avril 1916. Ce parti social-démocrate indépendant est dirigé par des modérés (Haase, Ledebour, Kautsky), mais il refuse la position chauvine des majoritaires. Après de longues discussions, les spartakistes décident d'y adhérer, pour influencer son aile gauche. Ils ne constituent donc qu'un courant politique, et non une force organisée au sens léniniste du terme, quand éclate la révolution allemande de novembre 1918.

 

De la chute de la monarchie Hohenzollern à l'assassinat de Liebknecht et de Rosa Luxemburg, l'histoire s'accélère brusquement. En moins de trois mois, les spartakistes jouent et  perdent; ils n'arrivent pas à prendre la direction de la révolution allemande. Les cinq chapitres de la troisième partie ne sont pas de trop, pour nous aider à suivre le fil compliqué de cette période tumultueuse. Les spartakistes tiennent non seulement à Berlin mais à Brunswick, à Stuttgart et en d'autres centres provinciaux, un rôle actif dans la révolution républicaine de novembre. Mais ils se heurtent aux socialistes majoritaires, mieux implantés, plus expérimentés, et qui se sont secrètement mis d'accord avec la bourgeoisie et l'état-major. Les indépendants ne sont ni assez nombreux, ni assez résolus, ni assez unis pour constituer une "troisième force" donnant à l'extrême-gauche une certaine liberté de manœuvre. Très tardivement, en décembre, les spartakistes forment le Parti communiste allemand, en s'unissant avec d'autres petits groupes d'extrême-gauche. Mais leurs jours sont comptés, et ils sont écrasés à l'issue de la semaine sanglante (6 - 12 janvier), malgré l'ampleur initiale des mouvements de masse qui ouvrent celle-ci (un million de manifestants à Berlin le 5 janvier 1919, pour protester contre l'éviction d'un préfet de police favorable à 'extrême-gauche).


Une fois retracées ces étapes du mouvement spartakistes, G. Badia essaye d'apprécier la force réelle du mouvement (dont le rayonnement est bien supérieur à l'organisation) et d'analyser l'origine sociale de ses militants. Malgré la rareté des documents concrets, il semble qu'il ait eu de solides racines dans la classe ouvrière, et non seulement chez les intellectuels comme on le prétend souvent (même si presque tous ses dirigeants se recrutaient parmi ces derniers). Particulièrement suggestif est le chapitre XX (caractères essentiels du spartakisme): l'hostilité à la guerre, l'internationalisme, la confiance dans la capacité politique des masses, par-delà la médiation des appareils politiques, le sens de l'action, la foi dans la capacité de la révolution à se développer par elle-même, selon sa "loi d'airain", dit Rosa Luxemburg, tout cela donne au mouvement un profil original, aussi différent de la vieille social-démocratie que du bolchévisme.

 

La conclusion à laquelle conduit le livre de Badia (encore que l'auteur ne la développe pas systématiquement) c'est que les spartakistes n'ont pas pu résoudre leur contradiction essentielle - qui est peut-être la contradiction essentielle de tout mouvement révolutionnaire. A savoir la contradiction entre le mouvement de masse et l'appareil politique. Ils étaient profondément pénétrés de la foi dans la capacité révolutionnaire des masses. "Toute véritable grande lutte de classe doit reposer sur l'appui et la collaboration des masses les plus étendues ... l'estimation exagérée ou fausse du rôle de l'organisation dans la lutte de classe du prolétariat se complète d'ordinaire par la sous-estimation de la prolétarienne inorganisée et sa maturité politique". Dans cette citation de Rosa Luxemburg, et dans maints textes analogues qui exaltent les masses et dénoncent les appareils sclérosés, il y a comme une préfiguration des idées castristes, voire de certaines dénonciations kroutchéviennes de la malfaisance des appareils, du "bombardement des états-majors" dans le cadre de la révolution culturelle chinoise ... Mais les spartakistes sont en même temps, on l'a déjà noté, des hommes d'appareil. Ce sont des "oppositionnels" nourris dans le sérail social-démocrate. Leur objectif, très longtemps, est davantage de reconquérir la vieille maison, que de former une organisation nouvelle (elle ne naîtra formellement qu'en décembre 1918 avec le Parti communiste allemand), et surtout de concevoir et d'élaborer et d'élaborer des formes nouvelles de rapports entre les masses et l'avant-garde organisée.  Il est significatif que l'équipe dirigeante du spartakisme, même à l'époque où le mouvement est en pleine force, en plein élan, soit en décembre 1918, ne comprenne que des hommes du vieux noyau oppositionnel social-démocrate, et pas un seul sorti du mouvement de masse qui s'est développé pendant la guerre. Il est significatif (c'est Badia qui attire notre attention sur ce point) que les comités de marins insurgés, dans l'été 1917, quand ils cherchent des appuis politiques, vont trouver les socialistes majoritaires et non les spartakistes : indicatif du relatif isolement de ceux-ci. Encore au début de la semaine sanglante, les chefs spartakistes pensent en termes de politique "classique" : ils songent à la "formation d'un gouvernement Liebknecht-Ledebour" (un des chefs des indépendants) pour remplacer le gouvernement des socialistes majoritaires Ebert-Scheidemann. Les spartakistes, nés de l'opposition au vieil appareil politique et nourris de leur foi (un peu idéalisée sans doute) dans les masses, n'ont pas réussi à dépouiller vraiment le vieil homme, à créer de nouvelles structures politiques, à se fondre vraiment dans le mouvement des masses pour en faire naître une force politique vraiment neuve, malgré les circonstances exceptionnellement favorables qu'offrait la débâcle allemand de 1918.

 

Les virtualités de l'Allemagne révolutionnaire de 1918 étaient pourtant considérables. Elles offraient une richesse, une diversité, une vitalité dont le livre de Badia ne donne qu'une idée incomplète - c'est la conséquence logique du fait qu'il a construit tout son livre autour de la seule gauche social-démocrate et du seul groupe fondateur spartakisme. Mais, en 1917 - 1918, il existait en Allemagne bien d'autres groupes nés eux aussi du refus de la guerre et du dégoût de la vieille social-démocratie. Telles les "gauches de Brême", mouvement régional qui refusent, contrairement aux spartakistes d'adhérer au parti socialiste centriste quand il fait sécession, et qui se proclamera communiste avant les spartakistes eux-mêmes. Tel le mouvement bavarois, qui a le pouvoir à Munich avec Kurt Eisner jusqu'à l'assassinat de celui-ci. Telle l'organisation berlinoise des "Délégués révolutionnaires", dont les rapports avec les spartakistes sont décisifs pour l'issue de la lutte dans la capitale. Telle l'intelligentsia gauchiste et anarchisante, qui n'est évoquée qu'une fois, à travers un poème du jeune Brecht (l'éminent traducteur de ce dernier ne pouvait quand même pas passer son nom sous silence), et qui aurait elle aussi mérité qu'on la définisse moins sommairement. Brecht en 1918 n'était pas un isolé. Des dizaines de jeunes intellectuels étaient comme lui en état de dissidence idéologique et morale à l'égard de tout l'ordre établi, qui semblait sur le point de s'effondrer sous leurs yeux avec la monarchie wilhelmienne.

 

L'attention, soit dit par parenthèse, est aujourd'hui ramenée sur cette dissidence intellectuelle, sur ce refus global des valeurs reçues, à travers le cas de Traven, le mystérieux romancier auquel Remparts, la revue américaine de gauche, a consacré une longue étude en septembre 1967. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si une revue comme Remparts s'intéresse à Traven et à l'insoumission idéologique des jeunes allemands de 1918, alors qu'un mouvement de même nature se développe aujourd'hui aux Etats-Unis dans le sillage d'une autre guerre sans cause et sans avenir, la guerre du Viêtnam. Traven publiait à Munich en 1917 - 1918 un petit périodique, Der Ziegelbrenner (Le brûleur de briques), de tendance pacifiste et antinationalistes. Il participe avec Eisner et Landauer à l'éphémère révolution anarcho-syndicaliste des Soviets bavarois, au début de 1919. Il se réfugia ensuite au Mexique pour poursuivre une carrière purement littéraire.


Les Gauches de Brême, les Soviets bavarois, les Délégués révolutionnaires berlinois, l'intelligentsia gauchisante à la Traven et à la Brecht, cette liste pourrait certainement être allongée par un spécialiste. Mais ces exemples qu'on rencontre au détour des paragraphes du livre de Badia, suffisent déjà à montrer quelle était la vivante disponibilité, la vivante diversité des forces révolutionnaires dans l'Allemagne de 1918. Le problème révolutionnaire fondamental de cette époque n'était-il pas l'unité de toutes ces forces vigoureuses et fraîches, mais disparates? N'est-ce pas un des aspects de l'échec des spartakistes cette incapacité où ils furent d'unir tous ces mouvements nés de la crise allemande?

 

Situer le spartakisme dans la diversité de l'extrême-gauche allemande en 1918 eût été d'autant plus instructif, que la diversité régionale, le "polycentralisme", est un des traits caractéristiques de la scène politique allemande en 1918. Ce polycentrisme n'est pas chose nouvelle outre-Rhin. Sans remonter au traité de Westphalie, l'histoire de l'Allemagne au XIXème siècle est riche en situations où la vie politique se développe à partir de plusieurs centres géographiques, où chaque région, parfois chaque ville, évolue à un rythme différent et présente un profil différnt des forces politico-sociales. La révolution de 1848 en Allemagne, présentait au plus haut point ce caractère polycentrique, par contraste par exemple avec le caractère relativement unitaire de révolution de 1848 en France. Il en est de même en 1918. Brême ou la Bavière ne sont pas Berlin, et évoluent selon leur dynamique propre. A l'intérieur même du mouvement spartakiste, les différences régionales sont grandes. Les spartakistes de Francfort ou de Dresde, note Badia, avaient refusé d'entrer dans le parti socialiste centriste selon les directives du noyau central (Liebknecht, Rosa Luxemburg, etc.). Remarque qui conduit à l'idée qu'au polycentrisme né de la réalité objective allemande s'ajoutent les conceptions mêmes des spartakistes, hostiles à toute centralisation, à tout appareil autoritaire.

 

Un chapitre sur la variété des situations régionales au cours de la révolution de 1918 aurait permis au lecteur de mieux se représenter et la force des spartakistes par rapport aux autres courants d'extrême-gauche, à travers tout le pays, et la force en valeur absolue de l'extrême-gauche, par rapport aux socialistes majoritaires et aux partis bourgeois. Il aurait aussi permis d'aborder de front l'importante question: jusqu'à quel point les spartakistes représentaient-ils un courant "national" (c'est-à-dire comptant au niveau de l'Allemagne entière), dans quelle mesure au contraire n'étaient-ils pas au fond, au moins en ce qui concerne leur implantation de base et leur "prise" sur la réalité politique, qu'un mouvement local berlinois?


Un mot enfin du moment spartakiste en son double sens de point dans le temps et de force politique née de ce contexte. Cette notion n'est peut-être pas tout à fait utilisée à sa mesure. On pense aux pages d'Althusser, dans "Contradiction et surdétermination", sur le moment bolchevique d'octobre 1917. L'offensive bolchévique était comme "surdéterminée" par la totalité des facteurs qui définissaient la situation de l'empire tsariste à l'automne 1917. La  contradiction "abstraite" entre capitalisme et socialisme n'a pu être résolue alors au profit du second terme, à travers une révolution victorieuse, que parce que cette contradiction était nourrie, surdéterminée par tout son contenu original, historique. La révolution russe, a montré Althusser, n'est pas une exception mais la mise en jeu des conditions, permettant - permettant seules - à une contradiction générale de devenir opératoire. Qu'en est-il de l'Allemagne de 1918? La question est d'autant plus importante que, on le sait, les chefs de la révolution russe regardaient semaine par semaine, presque heure par heure, du côté de Berlin. Ils vivaient dans l'attente désespérée d'une victoire révolutionnaire allemande, sans laquelle ils avaient le pressentiment que la révolution russe resterait précaire, exposée à toutes les déviations, condamnée à se développer dans des conditions trop particulières.

 

A la page 307, mais en quelques lignes, d'ailleurs excellentes, Badia nous rappelle que l'Allemagne craque de toute part. Les anciennes structures sont ébranlées. La vie économique est perturbée. La misère est grande. Avec ou sans spartakisme, il est fatal dès lors qu'ici ou là des explosions aient lieu, impulsions désordonnées, expression de la colère d'un groupe de manifestants. On eût aimé pouvoir disposer d'un tableau même très succinct, mais systématique, de la crise allemande à la fin de l'année 1918. Car seule cette crise explique ce que Badia appelle la "radicalisation" du mouvement populaire en Allemagne à l'automne 1918, c'est-à-dire le fait qu'en octobre, novembre, décembre 1918, la situation révolutionnaire mûrit rapidement en Allemagne, et élargit brusquement, trop brusquement peut-être, la zone d'influence des spartakistes. La qualité de la stratégie des révolutionnaires, la valeur de leur organisation, l'état de leurs liens avec les masses, tout cela est certes fondamental, pour assurer le succès d'une révolution. Mais le degré de désorganisation du camp adverse compte au moins autant: la décomposition du régime de Nicolas II, de Tchiang Kai-Chek, de Batista, a été un facteur décisif de succès en 1917, 1949, 1958. On aurait aimé savoir où en étaient les choses du côté de "l'ordre" allemand, à l'automne 1918.

 

L'ouvrage de Gilbert Badia nous laisse quelquefois sur notre faim. Cependant, c'est une étude richement documentée, vigoureuse, où le récit est mené sans lasser une minute l'attention. Elle est complétée par de très utiles appendices: bibliographie, chronologie, textes choisis, notes biographiques, et l'indispensable index dont tant d'éditeurs français croient bon aujourd'hui de se dispenser. Elle est surtout marquée par une qualité majeure: son aptitude à concilier le respect de l'objectivité et la sympathie humaine. Badia ne cherche pas à idéaliser les spartakistes; il sait critiquer la naïveté de certains historiens d'Allemagne de l'Est. Mais il se refuse tout autant à accepter les critiques de l'historiographie ouest-allemande à leur égard (sa controverse avec Kolb est un modèle de précision et de vigueur, en négligeant l'invective et le slogan). Il sait que les spartakistes combattaient pour l'avenir de leur pays et il sait faire partager cette sympathie à son lecteur.

 

Jean CHESNEAUX

 

 


Gilbert Badia, Le spartakisme : les dernières années de Rosa Luxembourg et de Karl Liebknecht : 1914-1919, Paris, l'Arche, 1967 

 

Jean Chesneaux   lienL Homme et la société  lien   Année   1967   lienVolume   5   lienNuméro   5   lienpp. 210-213.

 

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/homso_0018-4306_1967_num_5_1_3091


S'informer sur Jean Chesneaux

 

 

 



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25 décembre 2014 4 25 /12 /décembre /2014 18:01

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Adressé par un camarade.

Illustrated_London_News_-_Christmas_Truce_1914.jpgLa fraternisation dans les tranchées : le mot d'ordre de Guerre civile illustré



Article de Lénine, 29 mars 1915, dans Sotsial-Demokra, no 40



Traduction MA pour http://www.solidarite-internationale-pcf.fr/



Ce 8 janvier, les journaux suisses recevaient de Berlin le message suivant: « Dernièrement, la presse a rapporté maintes fois des tentatives pacifiques entre les tranchées allemandes et françaises de nouer des relations amicales. Selon la Tägliche Runschau, un ordre de l'armée datant du 29 décembre interdit toute fraternisation et tout rapprochement avec l'ennemi dans les tranchées ; toute infraction à cet ordre sera considérée comme de la haute trahison ».


Donc, la fraternisation et les tentatives de nouer des relations amicales avec l'ennemi sont un fait. Les autorités militaires allemandes s'en montrent inquiètes, ce qui signifie qu'ils y attachent une importance considérable.


Le britannique Labour leader du 7 janvier 1915, a publié une série de citations tirées de la presse bourgeoise britannique sur des cas de fraternisation entre soldats britanniques et allemands, qui ont convenu d'une « trêve de 48 h » pour Noël, se sont rencontrés de façon amicale dans le no-man's land, etc. Les autorités militaires britanniques ont publié un ordre spécial interdisant la fraternisation.


Et pourtant, avec une infinie suffisance et le sentiment confortable que la censure militaire les prémunirait de tout déni ultérieur, les opportunistes socialistes et leurs partisans (ou laquais?) ont assuré les travailleurs, par voie de presse (comme Kautsky l'a fait), qu'aucune entente sur une action contre la guerre, menée par les socialistes des pays belligérants, n'était possible (expression littéralement utilisée par Kautsky dans Die Neue Zeit) !


Essayez d'imaginer Hyndman, Guesde, Vandervelde, Plekhanov, Kautky et les autres – au lieu d'aider la bourgeoisie (c'est ce qu'ils font maintenant) – formant un comité international d'agitation pour « la fraternisation et les tentatives d'établir des relations amicales » entre les socialistes des pays bélligérants, à la fois dans les « tranchées » et dans les troupes en général.


Quels seraient les résultats dans quelques mois, si maintenant, six mois après le début de la guerre et malgré tous les leaders et sommités politiques qui ont trahi le socialisme, l'opposition montait de tous côtés contre ceux qui voté les crédits de guerre, contre ceux qui ont accepté des strapontins ministériels, alors que les hautes autorités militaires brandissent la menace de la peine capitale à quiconque oserait « fraterniser » ?


« C'est la seule question pratique – victoire ou défaite pour son pays », c'est ce que Kautsky, laquais des opportunistes, a écrit, en accord avec Guesde, Plekhanov and co.


En fait, si on oublie ce qu'est le socialisme et la lutte de classe, ce serait la vérité. Cependant, si on ne perd pas de vue le socialisme, c'est faux.


Il y a une autre question pratique : devons-nous périr comme des esclaves aveugles et impuissants, dans une guerre entre esclavagistes, ou devons-nous tomber dans des « tentatives de fraternisation » entre esclaves, avec pour but d'abolir l'esclavage ?


Voilà, en réalité, la question « pratique

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24 décembre 2014 3 24 /12 /décembre /2014 22:40

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Un camarade a repris cette lettre sur facebook

 

"Ma chère Tilde !


Je tiens à répondre sur le champ à ta lettre de Noël, avant que ne retombe la colère qu’elle a fait naître en moi. Oui, ta lettre m’a mise en rage, parce que si courte soit-elle, chaque ligne montre à quel point tu es retombée sous l’emprise de ton milieu. Ce ton geignard, et ces jérémiades à propos des «déceptions» que vous auriez subies, imputables aux autres soi-disant, alors qu’il vous suffirait de vous regarder dans une glace pour voir la réplique la plus parfaite de ce que l’humanité a de plus pitoyable !


Voilà maintenant que tu dis «nous» pour parler de ce tas de grenouilles nauséabondes, alors qu’autrefois, quand tu étais avec moi, «nous» désignait ceux de mon bord. Alors attends voir, je vais t’en donner moi, du «vous» !


Vous avez «trop peu d’élan» à mon goût, dis-tu mélancoliquement. «Trop peu» ne serait pas si mal ! Vous n’avez pas d’élan du tout, vous rampez. Ce n’est pas une différence de degré, mais de nature. Au fond, «vous» êtes d’une autre espèce zoologique que moi, et vos personnes chagrines, moroses, lâches et tièdes ne m’ont jamais été aussi étrangères, je ne les ai jamais autant détestées qu’aujourd’hui. Ça vous dirait bien d’«avoir un peu d’élan», écris-tu, seulement après, on se retrouve au trou, «et là, on ne sert plus à grand-chose». Ah ! quelle misère que vos âmes d’épiciers ! Vous seriez prêts à la rigueur à montrer un peu d’«héroïsme», mais seulement «contre monnaie sonnante», et tant pis si on ne vous donne que trois pauvres sous moisis, pourvu que vous voyiez toujours le «bénéfice» sur le comptoir.


Ils n’ont pas été dits pour vous, les mots tout simples de cet homme honnête et droit : «Je suis là, je ne puis faire autrement, que Dieu me vienne en aide.» C’est une aubaine qu’à ce jour, l’histoire du monde n’ait pas été faite par vos semblables, sinon, nous n’aurions pas eu la Réforme, et nous en serions sans doute encore à l’Ancien Régime.


Pour ce qui est de moi, qui n’ai jamais été tendre, je suis devenue ces derniers temps dure comme de l’acier poli, et plus jamais je ne ferai la moindre concession, ni en politique ni dans mes relations personnelles. Il suffit que je me rappelle la galerie de tes héros pour que ça me flanque un cafard noir : le gentil Haase, Dittman, avec sa jolie barbe et ses jolis discours au Reichstag, Kautsky, le pâtre vacillant, suivi fidèlement, comme de bien entendu, par ton Emmanuel, -pour le meilleur et pour le pire, Arthur le magnifique – ah, je n’en finirai !


Je te le jure : j’aimerais mieux rester enfermée des années – et je ne dis pas ici, où je suis à tous points de vue comme au paradis, mais même dans le sale trou de l’Alexanderplatz, où dans ma cellule de 11m3, sans lumière le matin ni le soir, coincée entre le WC (sans W!) et le lit de fer, je déclamais mon Mörike, plutôt que de «lutter» –si l’on peut dire– aux côtés de vos héros, ou simplement, d’avoir affaire à eux ! Je préfère encore le comte de Westarp, et pas parce qu’il a parlé au Reichstag de mes «doux yeux en amande», mais parce que c’est un homme, lui. Je te le dis, dès que je pourrai mettre le nez dehors, je prendrai en chasse et harcèlerai votre bande de grenouilles, à son de trompe, à coup de fouet, et je lâcherai sur elle mes chiens – j’allais dire comme Penthésilée, mais, pardieu, vous n’êtes pas des Achille.


Ça te suffit, comme vœu de nouvel an ?


Et puis… Fais donc en sorte de rester un être humain. C’est ça l’essentiel : être humain. Et ça, ça veut dire être solide, clair et calme, oui, calme, envers et contre tout, car gémir est l’affaire des faibles. Etre humain, c’est s’il le faut, mettre gaiement sa vie toute entière sur «la grande balance du destin», tout en se réjouissant de chaque belle journée et de chaque beau nuage. Je ne sais pas, hélas, donner de recettes, je ne sais pas dire comment on fait pour être humain, je sais seulement comment on l’est, et tu le savais toi aussi, chaque fois que nous nous promenions quelques heures dans la campagne de Südende, et que les rougeoiements du soir se posaient sur les blés. Le monde est si beau malgré toutes les horreurs, et ils serait plus beau encore s’il n’y avait pas des pleutres et des lâches. Allez, va ! Je te fais un baiser, car tu es, malgré tout, un brave petit gars. Bonne année !"


(Lettre de Rosa Luxemburg à Mathilde Wurm)

 

  •  Cette lettre est souvent reprise. Mais la plupart du temps sans percevoir où, comment et pourquoi elle a été écrite. Or,
    on ne peut comprendre cette lettre pleinement que si l'on sait qu'elle

    est écrite en plein milieu de l'hécatombe que la social-démocratie a
    provoquée par son refus d'appeler au refus de la guerre.

    On ne peut comprendre pleinement cette lettre que si l'on sait qu'elle
    est écrite du fin fond de la Pologne sous domination allemande où Rosa
    Luxemburg a été transférée loin de tous ses camarades et amis, arrêtée
    sans mandat d'arrêt, emprisonnée sans procès, sans savoir quand elle
    pourra sortir, après une manifestation de 1er mai appelée par son
    courant en plein Berlin en pleine guerre.

    On ne peut comprendre cette lettre si l'on ne sait pas l'extrême
    épuisement dans laquelle elle se trouvait après ces dizaines d'années de
    luttes, ses emprisonnements successifs.

    On ne peut comprendre cette lettre si l'on ignore sa volonté tendue de
    continuer envers et contre tout, envers et malgré tout, le combat pour
    la révolution, pour un internationalisme structurel et sans faille, pour
    une lutte de chaque instant contre le militarisme, le colonialisme,
    l'impérialisme et ... la guerre

    Cette lettre est de fait pour tout militant qui se bat dans un monde
    hostile et brutal, une des lettres les plus poignantes qui soit.

    comprendre-avec-rosa-luxemburg.

    Et comme au-delà du temps, Rosa Luxemburg continue à faire naître ce
    qu'il y a de plus beau chez l'humain, de plus beau chez chacun de nous,
    elle fait naître ce merveilleux trio:  Bowie, Brecht et Weill:

    http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/...
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Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009