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Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

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Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
3 mars 2022 4 03 /03 /mars /2022 10:00
Märzenstürme1 - Die Gleichheit 18 mars 1915

Märzenstürme1 - Die Gleichheit 18 mars 1915

"Et si la Commune de Paris, par l’empreinte flamboyante de sa brève existence et de sa chute héroïque est restée à jamais un exemple de ce que les masses populaires révolutionnaires ne doivent pas reculer devant la prise du pouvoir même si l’heure de l’histoire n’a pas sonné pour assurer à ce pouvoir durée et victoire, elle est aussi un éminent témoignage de l’hostilité mortelle et irréductible existant entre la société bourgeoise et le prolétariat, qui ne peut remplir sa mission historique qu’en gardant toujours à l’esprit le profond antagonisme qui l’oppose à l’ensemble de la bourgeoisie et en combattant de manière décidée contre celle-ci toute entière."si la Commune de Paris, par l’empreinte flamboyante de sa brève existence et de sa chute héroïque est restée à jamais un exemple de ce que les masses populaires révolutionnaires ne doivent pas reculer devant la prise du pouvoir même si l’heure de l’histoire n’a pas sonné pour assurer à ce pouvoir durée et victoire, elle est aussi un éminent témoignage de l’hostilité mortelle et irréductible existant entre la société bourgeoise et le prolétariat, qui ne peut remplir sa mission historique qu’en gardant toujours à l’esprit le profond antagonisme qui l’oppose à l’ensemble de la bourgeoisie et en combattant de manière décidée contre celle-ci toute entière."

 

"Tempêtes de mars" (Märzenstürme) est l'un des articles les complets consacrés par Rosa Luxemburg à la Commune. C'est aussi l'un des plus beaux et les plus importants politiquement. J'ai souhaité le publier chez Agone pour lui donner plus de visibilité. Google et consorts étant plus que discrets sur comprendre-avec-rosa-luxemburg. Je remercie les Editions Agone pour cette publication.

 

https://agone.org/blog/tempetes-de-mars-la-commune-de-paris-jalon-dans-lhistoire-du-mouvement-revolutionnaire

 

J'en ai assuré la traduction dans le cadre de la préparation d'un ouvrage : Rosa Luxemburg et la Commune à paraître. Alice Vincent, normalienne et jeune chargée de cours à l'Université de Besançon, qui avait co-animé le séminaire de traduction Rosa Luxemburg à L'ENS, a procédé à la relecture.

 

Rosa Luxemburg y aborde la notion de maturité des conditions économiques (développement du capitalisme) et politiques (la constitution du prolétariat en tant que classe), le fait qu'un mouvement ne doit pas reculer même si les conditions ne sont pas réunies et on y trouve cette affirmation essentielle qu'elle appuie sur les confiscations multiples des révolutions depuis 1789 : Le prolétariat doit combattre la bourgeoisie toute entière.

Extrait:

"Le mois de mars a donné aux prolétaires en lutte une autre leçon importante. Le 18 mars 1871, le prolétariat parisien prit le pouvoir dans la capitale française, abandonnée par la bourgeoisie, menacée par les Prussiens et érigea la glorieuse Commune. L’action pacifique et salutaire des travailleurs à la tête de l’État, précipitée par ses classes dirigeantes dans le tourbillon du chaos d’une guerre criminelle et des défaites dévastatrices ne dura que deux mois. La bourgeoisie française qui, dans sa lâcheté, s’était enfuie devant l’ennemi étranger, se reprit en mai déjà pour mener avec celui-ci un combat à la vie à la mort contre « l’ennemi intérieur », contre le prolétariat parisien. Lors de « la semaine sanglante » de mai, la Commune prolétaire périt dans un terrible massacre, sous des ruines fumantes, des montagnes de cadavres, sous les gémissements de vivants enterrés avec les morts, sous les orgies de la bourgeoisie ivre de vengeance.

Une pelouse dégarnie au pied du mur extérieur du cimetière parisien du Père Lachaise, où partout règne le marbre, voilà tout ce qui semblait rester de la Commune les premières années. Mais de cette tranquille pelouse, surgirent bientôt pour les prolétaires des deux mondes la grande tradition sacrée et le double enseignement payé par le prix du sang de dizaines de milliers d’entre eux : il n’y a pas de place pour le pouvoir politique du prolétariat dans les conditions de l’ordre social bourgeois : mais il n’y a pas non plus de possibilité d’abolir ces conditions tant qu’elles n’auront pas atteint leur maturité.

Ce n’est pas en rêvassant à une position politiquement déterminante au sein de l’État actuel, obtenue grâce à un brusque retournement de situation, que la classe ouvrière peut défendre sa cause, mais seulement par une opposition révolutionnaire constante à cet État. Et si la Commune de Paris, par l’empreinte flamboyante de sa brève existence et de sa chute héroïque est restée à jamais un exemple de ce que les masses populaires révolutionnaires ne doivent pas reculer devant la prise du pouvoir même si l’heure de l’histoire n’a pas sonné pour assurer à ce pouvoir durée et victoire, elle est aussi un éminent témoignage de l’hostilité mortelle et irréductible existant entre la société bourgeoise et le prolétariat, qui ne peut remplir sa mission historique qu’en gardant toujours à l’esprit le profond antagonisme qui l’oppose à l’ensemble de la bourgeoisie et en combattant de manière décidée contre celle-ci toute entière.

Depuis lors, le développement du capitalisme a conquis le monde au pas de charge. Sur la tombe de la Commune, la IIIe République s’est définitivement établie en France en tant que domination sans limites de la classe bourgeoise, qui avec la politique coloniale, le militarisme et l’alliance avec le tsarisme russe a enterré les anciennes illusions sur le caractère socialiste de la seule forme républicaine de gouvernement."

Märzenstürme2 - Die Gleichheit - 18 mars 1912

Märzenstürme2 - Die Gleichheit - 18 mars 1912

Traduction Dominique Villaeys-Poirré. Relecture Alice Vincent, mars 2021. Publié sur le site Agone, rubrique aujour le jour. https://agone.org/blog/tempetes-de-mars-la-commune-de-paris-jalon-dans-lhistoire-du-mouvement-revolutionnaire

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11 février 2022 5 11 /02 /février /2022 18:13
23 avril 1933, L'Intransigeant - Les nazis brûlent les livres marxistes à Berlin. Le Manifeste, le Capital, des ouvrages de Rosa Luxemburg, de Lénine ...
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13 mai 2021 4 13 /05 /mai /2021 10:20
Rosa Luxemburg, Mehring, Les trois mousquetaires du Spartakisme. Très bel article sur la réédition  aux éditions Otium de l'ouvrage de Gilbert Badia.

Très attachée à la figure de Gilbert Badia avec lequel j'ai commencé mon travail sur Rosa Luxemburg, j'attire votre attention sur cet article paru sur le site En attendant Nadeau. N'hésitez pas non plus à visiter ce site très riche et intéressant.

https://www.en-attendant-nadeau.fr/2021/05/12/mousquetaires-spartakisme-badia/

Rosa Luxemburg, Mehring, Les trois mousquetaires du Spartakisme. Très bel article sur la réédition  aux éditions Otium de l'ouvrage de Gilbert Badia.
Les trois mousquetaires du spartakisme
À travers Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, c’est surtout à l’histoire du mouvement révolutionnaire allemand que l’historien Gilbert Badia (1916-2004) aura consacré une grande partie de ses recherches. Ainsi ce récit minutieux sur le spartakisme et la révolution allemande, publié en 1967, que les éditions Otium viennent de rééditer en y adjoignant vingt-quatre documents qui le complètent fort utilement.

Gilbert Badia, Le spartakisme. Les dernières années de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. Préface de Nicolas Offenstadt. Otium, 600 p., 25 €

Avant toute chose, on doit complimenter cette maison d’édition, Otium. Pour la sélection de ses titres bien sûr, dont la réédition de cet ouvrage majeur de Gilbert Badia, mais aussi pour le soin apporté à la fabrication, au choix esthétique de la maquette ainsi qu’à l’appareil critique (repères chronologiques, biographies) et pour la présence de cet index qu’on trouve de moins en moins dans les ouvrages universitaires. Cela traduit un respect de l’auteur.e dont devraient s’inspirer les « grandes » maisons d’édition.

Germaniste et militant communiste, Gilbert Badia, apprenons-nous dans la préface de Nicolas Offenstadt, a séjourné comme Jean-Paul Sartre et Raymond Aron dans l’Allemagne nazie d’avant la Seconde Guerre mondiale. En France, sous l’Occupation, il rejoint la Résistance et, à la Libération, il entre au journal communiste Ce soir, dirigé par Aragon. Enseignant, il part plus tard pour l’Algérie tout juste indépendante où il met sur pied le département d’allemand à l’université d’Alger. On lui doit les premiers travaux sur les antifascistes allemands émigrés en France (Les barbelés de l’exil, Presses universitaires de Grenoble, 1979 ; Exilés en France. Souvenirs d’antifascistes allemands émigrés, Maspero, 1982). En 1973, il lance la revue Connaissance de la RDA grâce à laquelle le public français aura accès à des auteurs aussi essentiels de la littérature allemande (et pas seulement est-allemande !) du XXe siècle que Christa Wolf, Volker Braun et Heiner Müller – pour n’en citer que quelques-uns.

Le point de départ de son livre est le 4 août 1914, lorsque le parti social-démocrate vote à l’unanimité au Reichstag les crédits de guerre. Le soir même, une dizaine de ses membres, effondrés, se réunissent dans l’appartement berlinois de Rosa Luxemburg. De cette rencontre naîtra autour de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, le seul député au Reichstag à s’être insurgé contre les crédits de guerre, le mouvement qui prendra plus tard le nom de « spartakisme ». Liebknecht, avocat de profession, est un orateur qui « aime parler aux foules et sait toucher les cœurs ». Rosa Luxemburg, elle, est la théoricienne du groupe. Avec Franz Mehring, ils seraient, selon Badia, les « Trois Mousquetaires » du spartakisme.

Pour comprendre le vote en faveur de la guerre, ou plutôt, comme il fut dit, « en faveur de la légitime défense », il faut se souvenir que la guerre avait éclaté de façon soudaine. Les dirigeants sociaux-démocrates étaient en vacances, au bord de la Baltique ou en Italie. Mais, de toute façon, la fièvre patriotique avait gagné les rangs du parti et la société. Tandis que, contrairement à ce qui avait été prédit par tous les belligérants, la guerre s’éternisait, le Reichstag allait voter à nouveau en décembre de la même année les crédits de guerre. Cette fois, Liebknecht, qui avait, malgré son désaccord, respecté la discipline du parti le 4 août, sera le seul député à ne pas les voter. À partir de ce moment-là, il ne cessera de subir des attaques de part et d’autre. Comme il est mobilisé, le gouvernement lui interdit « toute agitation orale ou écrite » en Allemagne. Rosa Luxemburg est, elle, rapidement condamnée à un an de prison pour propagande antimilitariste.

Restée dans le parti, l’opposition tente de s’organiser, tout en se sachant sous la menace constante de la police. On communique en langage codé et on prévoit où caser les enfants en cas d’arrestation. Les hommes, pour la plupart, sont envoyés au front, le moyen le plus expéditif de les neutraliser. Liebknecht est finalement arrêté à l’issue de la manifestation du 1er mai 1916, à Berlin. À l’annonce de sa condamnation, des grèves éclatent dans plusieurs villes. À Berlin, les grévistes auraient été au nombre de cinquante-cinq mille. Sur le front, Liebknecht serait devenu « l’homme le plus populaire des tranchées ». À peine libérée, en février 1916, après avoir purgé une première peine, Rosa Luxemburg est elle aussi à nouveau arrêtée. L’opposition reste dans le parti pour, dit Leo Jogiches, « combattre et contrecarrer pas à pas la politique de la majorité[du parti], protéger les masses contre la politique impérialiste pratiquée sous le couvert de la social-démocratie et utiliser le parti comme lieu de recrutement pour la lutte des classes prolétarienne anti-impérialiste ».

Mais si l’opposition entend rester dans le parti, la majorité contre laquelle elle lutte l’en chassera. Les dirigeants sociaux-démocrates redoutent son influence, le nombre de députés votant contre les crédits militaires étant en progression. Les 6 et 8 avril 1917, la scission est actée à Gotha et un parti social-démocrate indépendant (USPD), auquel adhèrent les spartakistes, est créé dans un climat de divergences et d’incompatibilités personnelles, notamment celle de Rosa Luxemburg vis-à-vis de Karl Radek dont elle met en doute l’intégrité. Un parti, selon Badia, qui est plutôt un conglomérat de tendances. Tout au long des années 1917-1918, les grèves se succèdent, attisées par l’espoir que fait naître la révolution d’Octobre en Russie, laquelle Russie a signé le 3 mars 1918 à Brest-Litovsk la paix avec l’Allemagne. Le nouveau gouvernement du prince Max de Bade montre des signes d’apaisement. Liebknecht est amnistié. Une foule estimée à plusieurs milliers de personnes vient l’accueillir. Dès sa sortie de prison, il est fêté à l’ambassade russe de Berlin et reçoit un télégramme de félicitations de Lénine. En novembre 1918, à peine la guerre achevée et perdue, la révolution allemande éclate.

Lassés par un conflit qui n’a servi à rien, épuisés et aspirant à la paix, les ouvriers créent des soviets sur le modèle de la Russie révolutionnaire. Si les spartakistes sont peu nombreux dans le Reich, ils déploient en revanche une fantastique activité. Ils manquent certes de journalistes pour leur organe Die rote Fahne (« le drapeau rouge »), mais Rosa Luxemburg en assume la parution jusqu’à l’épuisement. Quoiqu’elle-même n’approuve pas la répression que subissent en Russie les adversaires des bolcheviques (on se souvient de sa célèbre phrase, reprise par les dissidents est-allemands : « la liberté, c’est celle de ceux qui pensent autrement »), les spartakistes sont les défenseurs les plus motivés de la révolution d’Octobre. Une campagne d’excitation contre eux est lancée par le gouvernement. Elle est destinée à créer un climat de panique dans la société allemande. Rumeurs, menaces de mort, calomnies antisémites se succèdent. Banquiers et industriels organisent des collectes pour combattre le bolchevisme. « C’est à cette époque, écrit Badia, que sont nés en Allemagne les mythes de l’homme-au-couteau-entre-les-dents […], des spartakistes [assimilés] à des sous-hommes malfaisants qu’il convenait d’exterminer. » On sait combien cette campagne sera amplifiée par le nazisme.

Käthe Kollwitz, « En mémoire de Karl Liebknecht » (1920) gravure sur bois, Kn 159 VI, Kölner Kollwitz Sammlung © Käthe Kollwitz Museum Köln

Käthe Kollwitz, « En mémoire de Karl Liebknecht » (1920) gravure sur bois, Kn 159 VI, Kölner Kollwitz Sammlung © Käthe Kollwitz Museum Köln

Ce qu’on a appelé « la semaine sanglante » survient dans ce climat. Face à la confusion des insurrections, des appels spontanés à la grève, de mouvements qu’ils ne contrôlent pas, les spartakistes sont divisés, hésitent, conscients de leur faiblesse. Devançant la défaite, certains s’enfuient. Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht refusent de déserter. Ils veulent partager le sort des masses écrasées par la contre-révolution, ce qui leur coûtera la vie. Le 8 janvier 1919, les troupes de Noske, le ministre de la Défense social-démocrate, vont procéder à une chasse à l’homme. Ils ratissent Berlin, défoncent des crânes, exécutent de façon bestiale plus de cent cinquante révolutionnaires. Dans sa préface, Nicolas Offenstadt relate les conditions de l’arrestation des deux leaders et leur torture avant l’exécution. Le 15 janvier 1919, ils seront assassinés. On ne retrouvera le cadavre de Rosa que le 31 mai dans les eaux du Landwehrkanal. Elle avait été libérée le 8 novembre précédent. Son compagnon, Leo Jogiches, sera à son tour abattu par un policier deux mois plus tard. Il n’y aura jamais de réelle investigation ni de procès des assassins. Une tentative de la RDA échouera en raison de la mauvaise volonté de la RFA.

Des principaux initiateurs du mouvement spartakiste et de la création du KPD (Parti communiste allemand) le 1er janvier 1919, il ne restera, après l’assassinat de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht, que Clara Zetkin. Franz Mehring est mort de désespoir peu après l’annonce de la disparition de ses deux compagnons. À propos de Liebknecht, Romain Rolland dira que cet être « pur, fiévreux, faible et violent » se serait « grisé de l’idée du coup de force à l’exemple du bolchevisme russe » et qu’il est allé au combat « sachant que Spartacus serait, une fois de plus, écrasé ». De son côté, le jeune poète Bertolt Brecht composera, avant qu’on ait retrouvé son corps, l’« Épitaphe 1919 » à la mémoire de Rosa Luxemburg :

« Rosa la Rouge aussi a disparu

Où repose son corps est inconnu

D’avoir dit aux pauvres la vérité

Fait que les riches l’ont exécutée. »

Grâce à l’accès aux archives de Merseburg en RDA ainsi qu’à l’Institut du marxisme-léninisme à Berlin (Est), Gilbert Badia pourra rédiger le premier ouvrage de référence en français sur la révolution allemande, avant celui que l’historien Pierre Broué publiera en 1971 (Révolution en Allemagne. 1917-1923, Minuit). L’un et l’autre, quoique de sensibilités différentes, le premier communiste, le second trotskiste, se rejoindront sur les raisons de l’échec. Sans doute Badia fut-il, comme le relève Nicolas Offenstadt, un « emmerdeur » (Paul Laurent) dans le parti. Offenstadt a raison de dire qu’il discute tout au long de son texte l’action des spartakistes. Il n’est pas dans l’apologie du mouvement, mais dans son analyse.

Gilbert Badia n’ira pas cependant jusqu’à reprendre les thèses du philosophe marxiste Georg Lukács, alors en disgrâce dans le mouvement communiste orthodoxe, et qu’il connaissait pourtant – il devait même traduire certaines de ses œuvres des années plus tard. Dans Histoire et conscience de classe (Minuit, 1960), Lukács confrontait la spontanéité des masses à l’action du parti, à son inexpérience qui permet précisément d’expliquer l’échec de la révolution de 1918. C’est aussi dans le livre fameux de Lukács qu’on trouve le plus bel éloge de Rosa Luxemburg, théoricienne marxiste assassinée, comme Liebknecht, à l’âge de quarante-sept ans.

Rosa Luxemburg, Mehring, Les trois mousquetaires du Spartakisme. Très bel article sur la réédition  aux éditions Otium de l'ouvrage de Gilbert Badia.
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17 mars 2021 3 17 /03 /mars /2021 11:31
Repères pour l’analyse : Georges Haupt, Rosa Luxemburg dans la Commune comme symbole et comme exemple

"Réflexion isolée de Marx ou thème répandu chez les marxistes des années 1880 et 1890 ? Une lettre inédite de Rosa Luxemburg, écrite treize ans plus tard va exactement dans le même sens. Rosa Luxemburg rejette l’explication répandue à l’époque selon laquelle la Commune absorbée par la guerre, n’avait disposé que de fort peu de temps pour réaliser un programme socialiste et était restée très timide dans le domaine social. Elle répond ainsi à l’argument développé par Boris Kritschewski dans un article écrit pour la revue qu’elle dirigeait : «  On a l’impression que seul le manque de temps et les obstacles extérieurs ont empêché la Commune d’instaurer un système socialiste […] Je propose d’ajouter un petit passage pour dire que la commune n’a pas pu alors introduire le socialisme pour des raisons internes, et surtout à cause de la façon dont était posée la question ouvrière en France, dans toute l’Europe et en Amérique. Elle n’a pas eu le temps d’effectuer les moindres réformes fondamentales au bénéfice du prolétariat à titre de mesures provisoires dans le cadre du système actuel. « 

Tout comme celle de Marx, la citation de Rosa Luxemburg pose de redoutables problèmes d’interprétation. De quel socialisme est-il question ? Ne faudrait-il pas voir dans cette distance négative qu’elle prend le désir déjà souligné de se démarquer par rapport au socialisme du XIXe siècle ? Rosa Luxemburg assimile, se rapproche de la manière qu’a Engels d’aborder le problème : l’incapacité de la Commune à instaurer le socialisme. Les déboires de celle-ci ne sont pas dus à des erreurs contingentes, mais aux circonstances historiques. En 1898, dans sa fameuse polémique contre Bernstein, elle précise encore mieux sa pensée ; elle décèle «  une série de malentendus” quant à la nature réelle de la révolution sociale. Premier malentendu, la prise du pouvoir politique, c’est-à-dire par une grande classe populaire, ne se fait pas artificiellement, sauf dans certains cas exceptionnels  – tels que la Commune de Paris, où le prolétariat n’a pas obtenu le pouvoir au terme d’une lutte consciente mais où celui-ci lui est échu comme un bien dont personne ne veut plus ; la prise du pouvoir politique implique une situation politique et économique parvenue à un certain degré de maturité. Dans l’interprétation de Rosa Luxemburg, ce « cas exceptionnel » n’est pas obligatoirement négatif. Le prolétariat doit prendre le pouvoir même prématurément comme en 1871, c’est inévitable et, plus nécessaire, car « si l’on considère les conditions sociales de la conquête du pouvoir, la révolution ne peut … se produire prématurément ; si elle prématurée, c’est du point de vue des conséquences politiques lorsqu’il s’agit de conserver le pouvoir" (Maspero Vive la lutte P 76)

Cette citation est extraite de l’article de Georges Haupt, “La Commune comme symbole et comme exemple”. Cet article a été publié dans L’historien et le mouvement social en 1980 chez maspéro. (Il était “paru dans La Commune  de 1871, Actes du colloque de Paris, mai 1971, Ed. ouvrières, 1972. Ce volume a constitué originalemant le numéro d’avril-juin 1972 du Mouvement social”). On trouve dans la partie ” La Commune comme exemple” aux pages 66 à 69.

A consulter sur Internet : https://www.jstor.org/stable/3806921?seq=1

Georges Haupt, La commune comme symbole et comme exemple

« Or rien ne peut être plus riche d’enseignement pour le socialisme moderne que justement l’étude de la Commune : elle montre sa grandeur dans l’héroïsme de la défense, mais aussi sa petitesse dans l’organisation et la volonté claire ». En conclusion Bebel souligne que n’ont pas été les fautes et les faiblesses des hommes, mais celles des circonstances…  On retrouve cette démarche dans la correspondance de Marx et d’Engels ….C’est ainsi que dans la célèbre lettre de Marx à Domela Nieuwenhuis du 22 février 1881, on peut lire : «…  dans l’embarras dans lequel se trouve un gouvernement formé à la suite d’une victoire populaire n’a rien de spécifiquement « socialiste ». […] Un gouvernement socialiste n’arriverait jamais au pouvoir si les conditions n’étaient pas développées au point qu’il puisse, avant toute chose, prendre les mesures nécessaires à intimider la masse des bourgeois, de sorte qu’il conquière ce dont il a le plus besoin : du temps pour une action durable. Vous me renverrez peut-être à la Commune de paris. Mais abstraction faite de ce qu’il s’agissait d’un simple soulèvement d’une ouille dans des conditions exceptionnelles, la majorité de la Commune n’était pas socialiste et ne pouvait l’être. »

Réflexion isolée de Marx ou thème répandu chez les marxistes des années 1880 et 1890 ? Une lettre inédite de Rosa Luxemburg, écrite treize ans plus tard va exactement dans le même sens. Rosa Luxemburg rejette l’explication répandue à l’époque selon laquelle la Commune absorbée par la guerre, n’avait disposé que de fort peu de temps pour réaliser un programme socialiste et était restée très timide dans le domaine social. Elle répond ainsi à l’argument développé par BK dans un article écrit pour la revue qu’elle dirigeait : «  On a l’impression que seul le manque de temps et les obstacles extérieurs ont empêché la commune d’instaurer un système socialiste […] Je propose d’ajouter un petit passage pour dire que la commune n’a pas pu alors introduire le socialisme pour des raisons internes, et surtout à cause de la façon dont était posée la question ouvrière en France, dans toute l’Europe et en Amérique. Elle n’a pas eu le temps d’effectuer les moindres réformes fondamentales au bénéfice du prolétariat à titre de mesures provisoires dans le cadre du système actuel. « 

Tout comme celle de Marx, la citation de Rosa Luxemburg pose de redoutables problèmes d’interprétation. De quel socialisme est-il question ? Ne faudrait-il pas voir dans cette distance négative qu’elle prend le désir déjà souligné de se démarquer par rapport au socialisme du XIXe siècle ? Rosa Luxemburg assimile, se rapproche de la manière qu’a Engels d’aborder le problème : l’incapacité de la Commune à instaurer le socialisme. Les déboires de celle-ci ne sont pas dus à des erreurs contingentes, mais aux circonstances historiques. En 1898, dans sa fameuse polémique contre Bernstein, elle précise encore mieux sa pensée ; elle décèle «  une série de malentendus quant à la nature réelle de la révolution sociale ». Premier malentendu, la prise du pouvoir politique, c’est-à-dire par une grande classe populaire, ne se fait pas artificiellement, sauf dans certains cas exceptionnels » – tels que la Commune de Paris, où le prolétariat n’a pas obtenu le pouvoir au terme d’une lutte consciente mais où celui-ci lui est échu comme un bien dont personne ne veut plus ; la prise du pouvoir politique implique une situation politique et économique parvenue à un certain degré de maturité. Dans l’interprétation de Rosa Luxemburg, ce « cas exceptionnel » n’est pas obligatoirement négatif. Le prolétariat doit prendre le pouvoir même prématurément comme en 1871, c’est inévitable et, plus nécessaire, car « si l’on considère les conditions sociales de la conquête du pouvoir, la révolution ne peut … se produire prématurément ; si elle prématurée, c’est du point de vue des conséquences politiques lorsqu’il s’agit de conserver le pouvoir » (Maspero Vive la lutte P 76)

Les marxistes au tournant du siècle refusent de transformer l’histoire de la commune en légende, au détriment de son étude critique en tant qu’expérience unique à mettre à profit. En 1896, Franz Mehring dans un article anniversaire, formule les présupposés de cette démarche et son enjeu. Il souligne que la Commune fut « l’enfant de son temps et ne pouvait se mouvoir que sur le terrain des conditions historiques qui l’avait fait surgir. » Toute analyse de la Commune doit partir d’une telle compréhension de l’historicité du phénomène. Et Mehring ajoute : « Aussi loin qu’ait été la social-démocratie de renier la Commune de Paris, elle n’était pas moins loin de faire de son histoire une légende fallacieuse et trompeuse. Par une critique précise et impitoyable, elle a examiné les relations de cause à effet dans la Commune de Paris. Aucune sympathie n’a émoussé la lame de sa critique, elle n’a reculé ni devant la tragédie ni devant ses mérites … L’histoire de la Commune de Paris est devenue la pierre de touche pour déterminer comment la classe ouvrière doit élaborer sa tactique et sa stratégie pour conquérir la victoire finale … Avec la chute de la Commune sont tombées également à jamais les dernières traditions de la vieille légende révolutionnaire. » Vingt ans plus tard, cette même idée sera reprise par Rosa Luxemburg pour qui le tombeau de la Commune a été celui de toute une époque du mouvement révolutionnaire.

Pourquoi ces réflexions criques sont-elles restées chose, au fond, seulement implicite dans les analyses de la génération marxiste postérieure à la Commune de Paris ? La réponse à une telle question soulève à son tour une série de difficultés méthodologiques que l’on pourrait formuler ainsi. Il ne suffit pas de déceler les thèmes autour desquels s’articule la réflexion sur la Commune en fonction des objectifs que se posait le mouvement ouvrier à une étape donnée. Il faut tenir compte aussi du contexte d’ensemble dans lequel s’inscrit cette réflexion. Or, à partir de 1870-1880, une véritable offensive contre la Commune s’engage au sein de la social-démocratie allemande. Inspirée par Dühring, Bernardt Becker, Bruno Geiser, reprise par Ignaz Auer, Vollmar et autres réformistes ou « révisionnistes », elle débouche  sur cette conclusion : le parti doit prendre ses distances par rapport à l’insurrection parisienne qui n’avait rien de socialiste. Cette idée, le député social-démocrate Rittinghausen la formule clairement au parlement en 1880 : la Commune n’aurait été qu’un conseil communal sans rapport aucun avec le développement du socialisme, avec les progrès de la social-démocratie allemander et française. Ce rejet de la Commune s’inscrit dans le contexte d’ensemble de l’offensive réformiste de la fin du XIXème siècle.

Elle explique aussi la nécessité chez les marxistes orthodoxes révolutionnaires, de reprendre la Commune intégralement à leur compte, du moins publiquement.

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12 janvier 2019 6 12 /01 /janvier /2019 22:39
Rosa Luxemburg. Gilbert Badia - Ina, La répression de la révolution spartakiste en Allemagne.
En ce 100ème anniversaire de la disparition de Rosa Luxemburg et de l'écrasement de la révolution en Allemagne, je tiens à rendre hommage à Gilbert Badia qui accompagna mes recherches sur "L'élaboration d'une pensée contre le nationalisme, la guerre, l'impérialisme, 1898 - 1900". Je ne pus aller au bout de ce travail universitaire, incompatible avec un travail salarié, mais je n'ai jamais abandonné mes recherches qui ont alors inspiré ce blog, créé il y a maintenant plus de dix ans.
Sur les Spartakistes, Gilbert Badia a publié deux ouvrages, d'un grand intérêt historique. On y retrouve son approche unique : recherche des sources et construction autour de celles-ci d'un récit d'une absolue précision.
Je recommande tout particulièrement celui paru chez Julliard. Par la vérité des sources, cet ouvrage permet de suivre au jour le jour la révolution en Allemagne jusqu'à l'écrasement de la révolution.
Rosa Luxemburg. Gilbert Badia - Ina, La répression de la révolution spartakiste en Allemagne.
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12 janvier 2019 6 12 /01 /janvier /2019 22:33
La Révolution allemande sur le site smolny : Documents ( Octobre 1918 - Janvier 1919 ).
La Révolution allemande : Documents ( Octobre 1918 - Janvier 1919 )
Sélection chronologique de textes de référence

 

7 janvier 2009 par eric

 

Présentation :

Janvier 2009 - Janvier 1919. Quatre-vingt-dix ans depuis l’insurrection de Berlin. La révolution allemande est un noeud historique du XXe siècle. Elle marque l’apogée de la plus grande vague révolutionnaire qui ait jamais submergée le monde capitaliste. Son échec sera celui de tout le mouvement ouvrier international, condamnant la Russie soviétique à une dégénérescence fulgurante et criminelle. La violence et la brutalisation nées de la première guerre mondiale se déploient maintenant impitoyablement dans la lutte de classes pour aboutir à la liquidation de toute une génération d’ouvriers révolutionnaires. La social-démocratie est le fer de lance de cette contre-révolution. Par son appel aux instincts meurtriers les plus vils, par la constitution des corps-francs, par l’écrasement physique et moral des forces prolétariennes, la social-démocratie pave la voie au nazisme.

 

Pourtant, de ces événements déterminants, on chercherait en vain une trace profonde dans la bibliographie en langue française. Sur Novemberrevolution nous avons présenté sur ce site une chronologie des événements et une bibliographie indicative. Nous nous sommes également fait l’écho des rares publications récentes centrées sur cet événement : le roman Karl & Rosa d’Alfred Döblin, et le recueil Les Spartakistes de Gilbert Badia.

 

Les textes que l’on trouvera ici couvrent une première période, comprise entre l’entrée des sociaux-démocrates au gouvernement en octobre 1918 et l’écrasement de l’insurrection de janvier 1919. Dès le premier texte, un article de Rosa Luxemburg, le cadre est posé, et d’une certaine façon le dénouement aussi, malheureusement.

 

Si l’essentiel des documents est bien entendu disponible en langue allemande, ainsi qu’un grand nombre d’ouvrages historiques, peu d’entre eux sont disponibles en ligne, et encore moins traduits.

 

Un certains nombre de textes sont donc en langue allemande. Pour quelques uns, il s’agit d’une première parution sur internet. Pour ce qui est de traductions éventuelles, nous ferons à la mesure de nos moyens, sachant que nous réitérons notre proposition d’un projet d’ensemble d’édition d’articles politiques inédits, de Rosa Luxembug notamment.

 

Ces textes sont, dans un premier temps, ceux d’auteurs dont les oeuvres réunies ont été éditées (Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, principalement, mais aussi Wilhelm Pieck). Des textes collectifs (tracts, appels, etc.) pourront être ajoutés.

 

Il n’échappera à personne, que bon nombre de documents listés ici sont "sans lien". Signe qu’il reste beaucoup à faire. Et en même temps, relativement peu, à l’échelle du temps écoulé - 90 ans ! - et, encore une fois, de l’importance de ces événements.

 

Merci de signaler tout manque important ou erreur dans ce document de travail.

 

E.S.


Index chronologique :

-  10/1918

-  13/10/1918

  • Wilhelm Pieck : « Revolutionäre Antikriegarbeit in Holland » [deutsch] / « Le travail révolutionnaire anti-guerre en Hollande » - Compte-rendus de discours à la conférence nationale, tenue à Amsterdam, des groupes allemands Kampf en Hollande, parus dans Der Kampf du 19/10/1918.

-  18/10/1918

-  31/10/1918

-  04/11/1918

-  06/11/1918

  • Karl Liebknecht : « An den VI. Allrussischen Sowjetkongress » [deutsch] / « Au sixième congrès pan-russe des soviets » - Salutations.

-  08/11/1918

-  09/11/1918

-  10/11/1918

  • Karl Liebknecht : « Feinde ringsum ! » [deutsch] / « Les ennemis nous entourent » - Discours au Conseil des ouvriers et soldats réuni au cirque Busch à Berlin.

-  14/11/1918

-  15/11/1918

-  18/11/1918

-  19/11/1918

  • Karl Liebknecht : « Klarheit über die Ziele schaffen » [deutsch] / « De la clarté sur les objectifs poursuivis » - Discours à une assemblée du conseil ouvrier de Berlin
  • Karl Liebknecht : « Der neue Burgfrieden » [deutsch] / « La nouvelle Union sacrée » - Article paru dans Die Rote Fahne n°4.

-  20/11/1918

-  21/11/1918

  • Rosa Luxemburg : Télégramme à Clara Zetkin (également 14 et 18/11)
  • Karl Liebknecht : « Das, was ist » [deutsch] / « Ce qu’il en est » - Article paru dans Die Rote Fahne n°6.

-  24/11/1918

  • Rosa Luxemburg : Lettre à Clara Zetkin
  • Rosa Luxemburg : « Ein gewagtes Spiel » [deutsch] / « Un jeu risqué » - Article paru dans Die Rote Fahne n°9.

-  25/11/1918

  • Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht, Franz Mehring, Clara Zetkin : « An die Proletarier aller Länder ! » [deutsch] / « Aux prolétaires de tous les pays » - Appel paru dans Die Rote Fahne n°10.

-  27/11/1918

  • Karl Liebknecht : « Klarheit über Weg und Ziel » [deutsch] / « De la clarté sur le chemin et le but » - Discours au 53e Comité de Marine.
  • Karl Liebknecht : « Die proletarische Jugend in der Revolution » [deutsch] / « La jeunesse prolétarienne dans la révolution » - Article paru dans Die Junge Garde n°1.
  • Rosa Luxemburg : « Der Acheron in Bewegung » [deutsch] / « L’Achéron en mouvement » - Article paru dans Die Rote Fahne n°12.

-  28/1//1918

  • Karl Liebknecht : « Leitsätze » [deutsch] / « Principes » - Essai non publié.

-  29/11/1918

-  12/1918

-  02/12/1918

  • Karl Liebknecht : « Rüstung der Revolution » [deutsch] / « L’armement de la Révolution » - Article paru dans Die Rote Fahne n°17.

-  03/12/1918

  • Rosa Luxemburg : « Die "unreife" Masse » [deutsch] / « Les masses "immatures" » - Article paru dans Die Rote Fahne n°18.

-  04/12/1918

  • Rosa Luxemburg : « Die Sozialisierung der Gesellschaft » [deutsch] / « La socialisation de la société » - Article paru dans Die junge Garde n°2.

-  11/12/1918

  • Rosa Luxemburg : « Um den Vollzugsrat » [deutsch] / « Pour le Conseil exécutif » - Article paru dans Die Rote Fahne n°26.

-  13/12/1918

  • Karl Liebknecht : « An den Gründungsparteitag der Kommunistischen Arbeiterpartei Polens » [deutsch] / « Au Congrès de fondation du Parti communiste ouvrier de Pologne » - Message de salutation.

-  14/12/1918

  • Rosa Luxemburg : « Was will der Spartakusbund ? » [deutsch] / « Que veut la Ligue Spartacus ? » - Article paru dans Die Rote Fahne n°29.

-  15/12/1918

  • Karl Liebknecht : « Der Konterrevolution entgegentreten ! » [deutsch] / « Affronter la contre-révolution » - Discours à la conférence générale de l’USPD du Grand-Berlin, publié par Die Freiheit n°57 (16/12/1918).
  • Rosa Luxemburg : « Korreferat zur Politik der USPD » [deutsch] / « Compte-rendu du second rapporteur sur la politique de l’USPD » - Intervention à la conférence générale de l’USPD du Grand-Berlin, publié par Die Freiheit n°57 (16/12/1918).
  • Rosa Luxemburg : « Schlußrede » [deutsch] / « Discours de clôture » - Intervention à la conférence générale de l’USPD du Grand-Berlin, publié par Die Freiheit n°59 (17/12/1918).
  • Rosa Luxemburg : « Auf die Schanzen » [deutsch] / « Sur les positions de repli » - Article paru dans Die Rote Fahne n°29.

-  16/12/1918

  • Karl Liebknecht : « Zum Reichsrätekongreß » [deutsch] / « Sur le Congrès des Conseils » - Discours pendant une manifestation de masse devant la Chambre des députés de Prusse publié dans Die Rote Fahne n°32 (17/12/1918).

-  17/12/1918

-  20/12/1918

  • Rosa Luxemburg : Lettre à Lénine
  • Rosa Luxemburg : « Eberts Mamelucken » [deutsch] / « Les mamelouks d’Ebert » - Article paru dans Die Rote Fahne n°35.

-  21/12/1918

  • Karl Liebknecht : « Die Toten mahen » [deutsch] / « Se rappeler des morts » - Discours tenus lors de l’inhumation des manifestants assassinés. Publiés dans dans Die Rote Fahne n°37 (22/12/1918).
  • Rosa Luxemburg : « Deutscher "Bolschewismus" » [deutsch] / « Le "Bolchevisme" allemand » - Article paru dans Hamburger Volkszeitung n°39 (supplément).
  • Rosa Luxemburg : « Ein Pyrrhussieg » [deutsch] / « Une victoire à la Pyrrhus » - Article paru dans Die Rote Fahne n°36.

-  23/12/1918

  • Karl Liebknecht : « Was will der Spartakusbund ? » [deutsch] / « Que veut la Ligue Spartacus ? » - Discours à une Assemblée rue Hasenheide (Berlin).
  • Rosa Luxemburg : « Die Wahlen zur Nationalversammlung » [deutsch] / « Les Élections à l’Assemblée nationale » - Article paru dans Die Rote Fahne n°38.

-  24/12/1918

  • Wilhelm Pieck : Lettre au Comité directeur de l’USPD / An den Parteivorstand der USPD [deutsch]

-  25/12/1918

-  29/12/1918

  • Rosa Luxemburg : « Die Reichskonferenz des Spartakusbundes » [deutsch] / « La Conférence nationale de la Ligue Spartacus » - Article paru dans Die Rote Fahne n°43.

-  30/12/1918

  • Karl Liebknecht : « Die Krisis in der USP » [deutsch] / « La crise au sein de l’USPD » - Discours sur le premier point à l’ordre du jour du Congrès de fondation du KPD.
  • Karl Liebknecht : « Rußland ist die Geburtsstätte der deutschen Revolution » [deutsch] / « La Russie est le lieu de naissance de la révolution allemande » - Intervention dans la discussion au Congrès de fondation du KPD.
  • Karl Liebknecht : « Für die Beteiligung an den Wahlen zur Nationalversammlung » [deutsch] / « Pour la participation aux élections à l’Assemblée nationale » - Intervention dans la discussion au Congrès de fondation du KPD.

-  31/12/1918

  • Karl Liebknecht : « Zum Programmentwurf ; Solidarität mit dem revolutionären Rußland » [deutsch] / « Le projet de programme ; Solidarité avec la Russie révolutionnaire » - Intervention dans la discussion au Congrès de fondation du KPD.
  • Karl Liebknecht : « Zur Geschäftsordnung » [deutsch] / « Point d’ordre » - Intervention dans la discussion au Congrès de fondation du KPD.

-  31/12/1918 - 01/01/1919

  • Karl Liebknecht : « Über die Verhandlungen mit dem revolutionären Obleuten » [deutsch] / « Sur les pourparlers avec les Délégués révolutionnaires » - Discours et résolution au Congrès de fondation du KPD.
  • Rosa Luxemburg : I. « Rede für die Beteiligung der KPD an den Wahlen zur Nationalversammlung » - II. « Rede gegen eine wirtschaftlich-politische Einheitsorganisation der Arbeiterbewegung » - III. « Unser Programm und die politische Situation » - IV. « Protestresolution gegen das Vorgehen der deutschen Regierung im Osten » [deutsch] / I. « Discours sur la participation du KPD aux élections à l’Assemblée nationale » - II. « Discours contre une organisation unitaire économico-politique » - III. « Notre programme et la situation politique » - IV. « Résolution de protestation contre la conduite du Gouvernement allemand à l’Est » - Interventions au Congrès de fondation du KPD.

-  01/01/1919

  • Wilhelm Pieck : « Verhandlungen mit den revolutionären Obleuten » [deutsch] / « Pourparlers avec les Délégués Révolutionnaires » - Interventions dans la discussion au Congrès de fondation du KPD.

-  02/01/1919

  • Karl Liebknecht : « An den Gründungsparteitag der Kommunistischen Partei Ungarns » [deutsch] / « Au Congrès de fondation du Parti communiste de Hongrie » - Message de salutation.

-  03/01/1919

  • Anonyme / Rosa Luxemburg ? : « Die erste Parteitag » [deutsch] / « Le premier Congrès du Parti » - Article paru dans Die Rote Fahne n°3.

-  04/01/1919

-  06/01/1919

  • Karl Liebknecht : « Kameraden ! Arbeiter ! » [deutsch] / « Camarades ! Travailleurs ! » - Communication du Comité d’action révolutionnaire.
  • Karl Liebknecht : « Wir sind der tatbereite Teil » [deutsch] / « Nous sommes au pied du mur » - Discours pendant une manifestation de masse d’ouvriers berlinois dans la Siegesallee.

-  07/01/1919

  • Rosa Luxemburg : « Was machen die Führer ? » [deutsch] / « Que font les chefs ? » - Article paru dans Die Rote Fahne n°7.

-  08/01/1919

  • Rosa Luxemburg : « Versäumte Pflichten » [deutsch] / « Devoirs manqués » - Article paru dans Die Rote Fahne n°8.

-  10/01/1919

  • Wilhelm Pieck : « An die revolutionären Obleuten und Vertrauensmänner der Großbetriebe Groß-Berlins und an den revolutionären Aktionsausschuß Berlins » [deutsch] / « Aux Délégués Révolutionnaires et Hommes de confiance des grandes entreprises du Grand Berlin et au Comité d’Action révolutionnaire de Berlin » - Lettre publiée dans Die Rote Fahne n°13 du 13/10/1919.

-  11/01/1919

-  13/01/1919

  • Rosa Luxemburg : « Kartenhäuser » [deutsch] / « Châteaux de cartes » - Article paru dans Die Rote Fahne n°13.

-  14/01/1919

-  15/01/1919

-  19/01/1919


Sources :

— LIEBKNECHT Karl, Gesammelte Reden und Schriften, Band IX, Berlin, Dietz Verlag, 1982 ;

— LUXEMBURG Rosa, Gesammelte Werke, Band IV, Berlin, Dietz Verlag, 1990 ;

— PIECK Wilhelm, Gesammelte Reden und Schriften, Band I, Berlin, Dietz Verlag, 195

 

 

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29 décembre 2018 6 29 /12 /décembre /2018 14:33
Georges Castellan, un analyse de la révolution de novembre en Allemagne

LA RÉVOLUTION ALLEMANDE DE NOVEMBRE 1918, «NOVEMBERREVOLUTION »

 

Depuis un demi-siècle, la Révolution allemande de 1918 fait l'objet d'âpres controverses, qui ont porté surtout sur les responsabilités de la Révolution et de son échec. Plus précisément, sur deux points : l'influence de la Révolution bolchevique et la politique des chefs sociaux-démocrates.

 

Sur le premier point, on sait que l'explication fut avancée au moment même des événements. Le 8 novembre — dès avant la Révolution à Berlin — l'agence officielle Wolff annonçant l'extension du mouvement des «conseils d'ouvriers et de soldats » aux villes de Hanovre, Brunswick, Magdebourg, ajoutait : «Ce mouvement a sa source en Russie, les représentants de la République des Soviets à Berlin y ont travaillé activement ». Explication qui s'inscrivait dans la ligne de la politique du gouvernement Max de Bade. Le 2 novembre en effet, le Cabinet de Berlin se souvenait brusquement du meurtre quatre mois plus tôt du comte Mirbach, ambassadeur du Kaiser à Moscou et* dans une note au gouvernement russe déclarait qu'il ne pouvait laisser le crime inexpié. Deux jours après, une caisse de courrier diplomatique adressé au représentant bolchevique Joffe s'ouvrait «par accident » laissant échapper toute une littérature révolutionnaire. Joffe et ses collaborateurs étaient embarqués à Berlin dans un train spécial le 6 novembre au matin et ils arrivaient à la frontière russo-allemande le 9 : en fait, aucun représentant du gouvernement bolchevique n'était présent lorsque la Révolution triompha à Berlin. Toutefois l'explication par «la main de Moscou » fut retenue par toute une historiographie que l'on peut appeler de «droite ». Ainsi, en France, on la trouve agrémentée d'antisémitisme sous la plume de Benoist-Méchin dans son Histoire de l'Armée allemande 1, comme sous celle d'un philosophe fourvoyé dans l'histoire, Albert Rivaud qui formule ainsi sa problématique : «Révolution populaire ? Sursaut de la démocratie allemande contre le despotisme ? Non pas. La Social-Démocratie n'est que l'instrument inconscient de l'Internationale » ; pour lui, le groupe Spartakus est «formé surtout d'anarchistes et d'agents de l'étranger » 2. Du côté allemand, il n'est pas besoin d'aller jusqu'au Mein Kampf pour retrouver cette thèse. Ferdinand Friedensburg, dans sa Weimarer Republik écrit : «Contre les restes de l'ordre politique, social et économique se produisit le choc révolutionnaire de masses à demi-affamées, guidées par l'exemple des envoyés (Beauftragte ) soviétiques » 1.

 

Au contraire, l'historiographie allemande que l'on pourrait appeler «weimarienne » ou libérale s'élève contre cette interprétation. Du moins pour les débuts de la Révolution, c'est-à-dire le soulèvement de la flotte à Kiel. La Commission parlementaire d'enquête du Reichstag sur les origines de l'effondrement avait été formelle sur ce point. Hermann Pinnow, auteur de manuels scolaires très répandus, l'expose en ces termes : «On ne trouve aucune preuve qu'il ait existé parmi les marins des navires de guerre soit une organisation révolutionnaire, soit une entente avec des personnalités politiques quelconques » 2. C'est également l'avis de Erich Eyck dans son histoire de la République de Weimar : «La révolte des marins, écrit-il, peut être expliquée sans référence à aucune agitation révolutionnaire. Les amiraux avaient joué avec le feu (en ordonnant la sortie de la flotte) » 3. Et le Pr. Erdmann, dans le Gebhardt : «Dans la flotte, il y avait déjà eu en 1917 des mutineries sporadiques. Dans les derniers jours de la guerre, elle échappa à ses chefs. Le motif n'en était toutefois pas de nature politique » 4.

Dans un tout autre esprit, les historiens marxistes retrouvent les thèses de l'historiographie de droite. L'influence de Moscou a été très grande, dans la Révolution de Novembre : c'est ce que soulignent tous nos collègues de la R.D.A.. Dans la collection «Recherches archivistiques sur l'histoire du mouvement ouvrier allemand », le Pr. Léo Stern a consacré quatre volumes aux «Conséquences de la Grande Révolution socialiste d'octobre sur l'Allemagne t » (1959), et la plus récente — et la seule — synthèse publiée en République démocratique sur la République de Weimar du Dr Ruge insiste sur cette idée : «Dans le peuple allemand, écrit-il, la sympathie pour la République russe des ouvriers et des paysans était extraordinairement forte » 5. Il ne s'agit évidemment plus d'une entreprise de subversion comme pour Friedenburg ou Rivaud, mais de l'adhésion sentimentale et politique aux thèses et aux réalisations de la Révolution d'octobre. On passe de l'histoire complot à l'histoire de la psychologie collective.

 

Il est vrai que l'on retrouve chez les marxistes l'histoire complot, mais inversée en quelque sorte, au sujet de la politique des chefs du parti social-démocrate S.P.D. On se souvient de la condamnation sans appel portée par Lénine. Dans une lettre du 1er octobre 1918, il envoyait à Trotzky et Sverdlov des directives en vue des «débuts de la Révolution en Allemagne » : «Pas de relation, écrivait-il, avec le gouvernement de Guillaume, ni avec celui de Guillaume II plus Ebert et autres canailles » 6. Et dans le feu du combat, nombreux ont été les anathèmes de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg contre les «traîtres », Ebert, Scheidemann et autres. Avec de simples variantes de forme, l'accusation de trahison a été reprise par tous les écrivains marxistes. Pour Gilbert Badia : «Ebert (est) un monarchiste mal repenti qui hait la révolution » ; de même Scheidemann, l'homme qui dira en 1922 : «Affirmer que la Social-Démocratie a voulu ou préparé la révolution de Novembre, est un mensonge de nos adversaires aussi ridicule qu'insensé ». Quant à Noske : «Il s'est fait l'auxiliaire cruel et dévoué de la réaction allemande contre sa classe, la classe ouvrière » *. Cette théorie de la «trahison » est reprise par Wolfang Ruge qui l'inscrit d'ailleurs dans une action plus vaste : «Le bloc des Junkers et des capitalistes des monopoles se voit [à la fin de la guerre] hors d'état de maintenir sa puissance avec les moyens jusque-là employés : par suite les anciens pouvoirs introduisent dans l'appareil d'État des transformations formellement démocratiques, les partis bourgeois s'orientent vers une politique de coalition avec les chefs sociaux-démocrates de droite, les maîtres des monopoles se déclarent prêts à collaborer avec les syndicats réformistes, et les militaristes proposent à l'Entente une paix qui doit préparer un com¬ plot mondial contre la Russie soviétique » 2.

 

C'est dans ce vaste complot — Weltkomplott — que s'inscrit la trahison des Ebert, Scheidemann et Noske : «Les chefs réformistes s'emparent des organes créés par les travailleurs et des positions occupées par eux dans l'appareil d'État à la suite des combats révolutionnaires, pour organiser la défaite de la classe ouvrière (um die Niederlage der Arbeiterklasse zu organisieren) 3.

 

En somme, et ceci n'est pas fait pour nous étonner, on retrouve actuellement dans le procès des responsabilités de la Révolution, les positions des trois camps de 1918 : les forces du passé, Armée et conservateurs, qui ne peuvent échapper à leurs responsabilités qu'en accusant «la main de Moscou » — , les hommes de Weimar qui justifient le 9 novembre par la révolte des mécontents de l'ancien ordre des choses — , les communistes qui, pour expliquer leur échec, font leurs les accusations de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg contre les chefs socialistes majoritaires.

 

Mais après tout, ces discussions relèvent de préoccupations politiques actuelles et ne concernent pas l'historien qui a à comprendre et non à juger.

 

Second problème : de quelle révolution s'agit-il?

 

Une des difficultés que soulève en effet l'étude de Novembre 1918 provient de ce que, dans l'Allemagne de l'époque, tout le monde parle de «Révolution » : beaucoup s'en réclament, beaucoup la combattent, mais tous sont loin de parler de la même chose. Sur ce point, les historiens sont unanimes mais ils divergent sur le nombre de modèles, au sens sociologique du terme, envisagés par les Allemands en 1918 : la majorité des historiens penche pour deux modèles, mais depuis 1945 se dessine l'idée d'une «troisième voie » de la Révolution.

 

Classiquement opposées mais finalement concordantes sur ce point, les deux historiographies libérale et marxiste s'en tiennent à deux modèles.

 

 «L'Allemagne, pays entre l'Est et l'Ouest, se trouvait placé devant le problème : dans le mouvement socialiste, qui l'emporterait de l'idée occidentale du parlementarisme et de la démocratie ou de l'idée léniniste de l'État des Conseils ? » *.

 

Acquis au réformisme d'Eduard Bernstein, les socialistes majoritaires ne pouvaient donner au mot «Révolution » qu'un sens, celui des Prémisses du socialisme de 1896. Or Bernstein ironisait alors sur le «terrorisme prolétarien qui, dans les conditions de l'Allemagne, devait nécessairement exercer une action rétrograde sur le plan économique et politique » 2. Cette «action rétrograde » fut la crainte, l'obsession même des Ebert, Schei demann. La phrase si souvent reprochée par les marxistes au premier : «Je hais la Révolution comme le péché », s'inscrit dans la ligne d'E. Bernstein, proclamant en 1887 : «La violence est un facteur aussi réactionnaire que révolutionnaire ». Et c'est la crainte d'une «action rétrograde » sur une économie ravagée par la guerre qui détourne les Commissions du Peuple d'une politique immédiate de socialisation. La Révolution c'est, pour eux, substituer, si possible sans violence, à l'Allemagne impériale, féodale et militariste, une Allemagne démocratique et pacifique. Cette démocratie doit être parlementaire : elle sera réalisée lorsque triompheront le suffrage universel en Prusse et la responsabilité du Chancelier devant le Reichstag, double objectif de leur lutte depuis 1870. Elle sera aussi sociale, intégrant de plus en plus le prolétariat par une «politique sociale » inaugurée par Bismarck.

 

Et c'est ce programme des Majoritaires qui se réalise dans le dernier mois de la guerre, Le 5 octobre, Max de Bade, dans son discours de présentation au Reichstag, annonce «une nouvelle époque dans l'histoire de l'Allemagne » son gouvernement s'appuiera sur la majorité du Reichstag et introduira le suffrage universel en Prusse. Sans doute, les discussions traînent-elles devant l'Assemblée mais le 22 octobre on y débat des droits respectifs du gouvernement et du parlement, on y réduit les prérogatives de l'Empereur. Le Vorwàrts du 23 octobre peut écrire : «L'ancien régime a vécu », et dans le Vorwàrts du 2 novembre, Scheidemann commente les changements constitutionnels «acquis, il faut l'avouer, sous la pression extérieure comme ce fut le cas des Français en 1870. L'Allemagne est aujourd'hui une répu¬ blique bourgeoise avec une constitution économique capitaliste et un fort courant socialiste comme l'Angleterre et la France ». Il est clair que pour lui, dès ce moment, la «Révolution » est faite : l'Allemagne de Guillaume II n'existe plus. Dans cette perspective, la journée du 9 novembre est un accident, une complication passablement inutile. De là l'indifférence relative d'Ebert devant la forme du gouvernement : monarchie ou république. Quand les historiens marxistes écrivent : «Les dirigeants sociaux-démocrates, le 9 novembre au matin, tentent encore de sauver la monarchie » 3, ils transforment en choix politique ce qui n'était qu'opportunisme tactique. Poser le problème de la forme du régime à ce moment, c'était pour Ebert céder à la «violence » avec tout le risque «d'action rétrograde » sur le plan politique. Les reproches qu'il fait à Scheidemann, après que celui-ci ait proclamé la République du perron du Reichstag, sont en parfaite conformité avec la ligne politique des Majoritaires : l'ancien régime, mort par la voie parlementaire le 22 octobre et ayant fait place à un ordre démocratique, c'est à une Constituante de décider de la forme actuelle de l'État puisque la superstructure impériale vient de s'écrouler sur le chemin de la paix.

 

Au plan social, la politique d'intégration progresse elle aussi. C'est le 9 octobre 1918 que les représentants du patronat réunis à Diisseldorf mandatent Stinnes pour traiter avec les syndicats ouvriers des problèmes du travail à l'intérieur de la profession. Les discussions commencent le 6 novembre et aboutissent à l'accord du 15, dit de «Communauté du Travail » — Arbeitsgemeinschaft — instituant une collaboration organique entre syndicats patronaux et ouvriers. On sait les vives critiques qui s'élevèrent par la suite, chacune des deux parties accusant ses représentants d'avoir capitulé devant l'autre. Mais ces polémiques a posteriori ne rendent pas compte de la situation du moment. Plus encore que la S.P.D. les syndicats étaient réformistes, et pas seulement leurs chefs. Au Congrès des syndicats socialistes de Nuremberg, début juillet 1919, les «Communautés de travail » fondées sur le principe paritaire furent approuvées par 3 109 000 voix contre 1 500 000 et 250 000 abstentions. Le Pr. Erdmann écrit à juste titre : «Par-delà la défaite militaire, l'effondrement politique et la guerre civile, les syndicats étaient restés fidèles à leur ligne politique et la continuèrent sans rupture révolutionnaire dans le temps de Weimar » *.

 

En définitive, nous irions plus loin que G. Badia constatant : «Dès le 9 novembre à midi, Scheidemann est préoccupé de rétablir l'ordre. Pour lui, la Révolution est terminée » 2. Nous pensons que pour Ebert, Scheidemann et la plupart des chefs majoritaires, elle était terminée le 23 octobre. Si bien que nous ne refusons pas — mais en la limitant à l'optique sociale-démocrate — la formule paradoxale de Claude Klein dans son petit livre sur Weimar : «L'ambiguïté fondamentale de cette Révolution de novembre, c'est qu'en réalité, elle n'a jamais eu lieu » 3.

 

La révolution fut pourtant une réalité douloureuse ou tragique pour les Spartakistes et les foules qu'ils entraînèrent. Les précieuses études et publications de documents de Gilbert Badia permettent désormais de bien cerner l'originalité du groupe Spartakus à l'intérieur d'un Parti Socialiste Indépendant singulièrement hétérogène. Seuls les Spartakistes avaient une vue claire des objectifs, sinon des moyens. Historiens marxistes et libéraux sont d'accord sur le «modèle » de Révolution envisagé par K. Liebkrecht, Rosa Luxemburg et leurs disciples. Suivant la formule de Golo Mann : «L'extrême-gauche croyait que la Révolution devait être continuée et, suivant l'exemple russe, qu'elle pouvait être continuée jusqu'au communisme. Comme Lénine avait succédé à Kerensky, Karl Liebknecht devait succéder à Ebert » 4. C'est cette Révolution socialiste — à venir — que salue Liebknecht le 9 novembre à 4 heures de l'après-midi du balcon du château royal quand il s'écrie : «Vive la République socialiste libre ! ». Pour lui comme pour tous ses partisans, le 9 novembre est un point de départ.

 

En cela, les Spartakistes ont été aussi conséquents dans leur comportement politique que les Majoritaires dans le leur. Sans doute, Rosa Luxemburg en particulier a-t-elle été passablement critique envers les bolcheviks, et, mi-octobre 1918, la lettre n° 12 de Spartakus parle-t-elle encore de «l'échec de la Révolution russe » *, mais quand Liebknecht est libéré le 21 octobre, il est fêté à l'ambassade russe de Berlin et Lénine lui envoie un télégramme de félicitations. Le 31 octobre, dans un appel aux soldats de l'Entente, il leur montre la République socialiste de Russie comme le point de départ «d'une reconstruction sociale de l'univers » et conclut «Vive la Russie des ouvriers, des paysans et des soldats ! » 2 Tout cela était parfaite¬ ment clair, et parfaitement connu aussi des Majoritaires. Le Vorwârts du 6 novembre mettait en garde le prolétariat contre le bolchevisme «créateur de famine » et dénonçait l'action du «tout petit groupe Spartakus qui n'est même pas d'accord avec les Indépendants, qui ne veut ni parlementarisme, ni suffrage universel, mais un gouvernement des Soviets. » Il ne fait donc aucun doute que les Spartakistes aient voulu faire en Allemagne une Révolution socialiste, conforme dans ses grandes lignes au modèle bolchevique.

 

Existait-il une troisième voie de la Révolution allemande ? L'idée semble apparaître chez un certain nombre d'historiens anglais au lendemain de la seconde guerre mondiale (A.J. Taylor, Le cours de l’histoire allemande (1945) ; G. Scheele, La République de Weimar , prélude au IIIe Reich (1946); G. Barraclough, Facteurs de l'histoire allemande (1946).

 

Les dates 1945-46 situent cette thèse dans la perspective de la «rééducation » du peuple allemand entreprise par les Alliés au lendemain de l'effondrement du nazisme, mais elle a été reprise en 1955 par R. Coher, Échec dune révolution, et du côté allemand par Walter Tormin dans son étude Zioischen Ràtediktatur und sozialer Demokratie, de 1954 3. Dans son Allemagne Contemporaine, Edmond Vermeil, d'ailleurs influencé par Scheele, déve¬ loppait cette thèse en réponse au livre d'Hermann Rauschning (Deutschland zwischen West und Ost, 1950) dans lequel l'ancien compagnon de Hitler expliquait qu'en 1918-19 l'Allemagne avait sauvé l'Europe en optant, malgré les rigueurs du traité de Versailles pour un ordre bourgeois. A ce plaidoyer de circonstance — 1950, début de la guerre de Corée — E. Vermeil répon¬ dait : «Propos aussi spécieux que suggestifs. La fureur et la hâte avec les¬ quelles une bourgeoisie réactionnaire et un socialisme opportuniste, soutenus par les restes de l'Armée, ont brisé l'élan communiste, les démentent nette¬ ment. Elles nous prouvent que le danger de collusion entre la pseudo-révo¬ lution de novembre 1918 et le bolchevisme n'était que vaine fumée » 4.

 

Une troisième voie était donc possible, dont Tormin donne une formulation que je résumerai en quatre points :

 

1) dès le 10 novembre la question constitutionnelle : Assemblée Nationale ou dictature des Conseils, ne se pose plus puisque ce jour là au cirque Busch l'assemblée générale des Conseils de Berlin accepte d'élire un gouvernement provisoire bipartite : Majoritaires et Indépendants.

 

2) Ce qui montre que ces Rate ne sont pas une simple imitation des Soviets russes : ils sont le produit de l'effondrement militaire et administratif du Reich, ils ne sont pas le moteur de la Révolution.

 

3) L'opposition révolutionnaire gagne en intensité à cause de l'immobilisme des Commissaires du Peuple, de leur manque d'initiative dans la question de la socialisation et de leur appui donné à l'ancien État.

 

4) La tentative de réaliser une «Révolution » d'Octobre en Allemagne se situe au printemps 1919 dans les combats de la Ruhr, de Berlin, de la Bavière, de février à mai 1919.

 

Trois voies, c'est aussi la thèse du Dr Helmut Heiber auteur de l'une des plus récentes, et des plus répandues, synthèses sur la République de Weimar Il distingue en effet trois mouvements révolutionnaires : l'un pour la parlementarisation de la vie politique allemande et la démocratisation de la monarchie constitutionnelle, il est représenté par les partis de la majorité nouvelle (issue de la résolution de paix d'Erzberger, juillet 1917) et qui vont se retrouver dans la «Coalition de Weimar », à leur tête les socialistes majoritaires — l'autre pour une révolution de type bolchevique appuyée sur les Conseils transformés en Soviets, ce sont les Spartakistes — le troisième qui est un mouvement populaire contre l'État militaire et féodal, l’Obrigkeitstaat prussien, c'est celui qui s'est manifesté dans le mouvement non-politique au départ des marins de Kiel, c'est celui qui domine les Rate et le Parti Socialiste Indépendant à l'exception des Spartakistes. Claude Klein, enfin, essayant de dégager des caractères exacts des Rate, souligne leur caractère peu révolutionnaire, au sens spartakiste du terme, et penche lui aussi pour une troisième voie 2.

 

Toute cette problématique se ramène finalement à une question essen tielle : à laquelle des trois conceptions de la Révolution se ralliaient les masses allemandes en novembre 1918 ? C'était d'ailleurs la problématique de Rosa Luxemburg elle-même : «Toute véritable grande lutte de classe doit reposer sur l'appui et sur la collaboration des masses les plus étendues »,  écrivait-elle dès 1905.

 

Examinons donc le comportement réel des masses.

 

Le 2 novembre, le Comité d'action des Délégués Révolutionnaires (Revolutionare Obleute) qui existent dans les usines depuis les grèves de janvier 1918, se réunit avec Liebknecht, Pieck, Ledebour, Daiimig et Haase.

 

« On n'a à cette heure aucune information sur ce qui se passe en province, mais la situation paraît assez "mûre" à Berlin pour qu'on parle de fixer au surlendemain 4 novembre, le jour de l'insurrection ... Pour l'après-midi, on a convoqué une assemblée élargie à laquelle assistent des représentants de nombreuses usines berlinoises. Or les délégués hésitent. Par 21 voix contre 19, ils repoussent la date du 4 novembre : l'insurrection est remise, Haase et Dittmann (USPD) appuient d'ailleurs la tendance qui veut temporiser. On se sépare sans fixer de date précise, on a parlé du 11 novembre » *. La temporisation est venue ce jour des éléments les plus en contact avec les «masses ».

 

Le 3 novembre, les marins de Kiel se révoltent. Mais il s'agit là d'une mutinerie militaire. Sans doute, un Conseil de soldats — le premier en Allemagne — est-il constitué le 4 et un Conseil d'ouvriers le 5, mais avec la participation de dirigeants SPD, Indépendants, des syndicats. Les revendications sont : libération des marins emprisonnés, abdication du Kaiser, suffrage universel et égal. Pas de trace d'un programme spartakiste.

 

Les 7, 8, 9 novembre, la «Révolution » submerge l'Allemagne, c'est-à-dire que les appareils gouvernementaux du Reich et des États s'effondrent et que partout se constituent des «Conseils d'ouvriers et de soldats » qui se substituent aux autorités anciennes, ou parfois collaborent avec elles. Or ces Rate issus des masses sont loin d'être acquis aux thèses de Liebknecht. Celui de Lübeck constitué le 7, demande le suffrage universel et une assu rance contre le chômage, celui de Schwerin le 8, réclame au Grand Duc de Mecklemburg l'introduction du système parlementaire, celui de Brunschwig le même jour, force le duc à abdiquer, tandis que celui de Leipzig lance un appel en faveur d'une «République socialiste d'Allemagne ». Dans toutes leurs proclamations deux revendications seulement sont toujours présentes : la paix et la démocratie. Ce qui donne d'ailleurs le niveau de la conscience et de l'information politiques des masses : la démocratisation de la vie politique a été décidée par le Reichstag le 22 octobre, les plénipotentiaires de l'armistice sont partis le 7 novembre. La «paix » et la « démocratie » sont là, et les masses l'ignorent.

 

Le 10 novembre, le Comité provisoire des Conseils de Berlin convoque au cirque Busch, à la Friedrichstrasse, une Assemblée générale des représentants des Conseils de la capitale, en précisant que la réunion a pour but d'élire le gouvernement provisoire. En effet, depuis la veille, Ebert fait fonction de chancelier, mais il a besoin d'une ratification populaire puisque l'Empire n'existe plus. Le compte rendu de la réunion a été retrouvé par Gilbert Badia et publié, partiellement, dans son livre Les Spartakistes ; il est du plus haut intérêt.

 

Le cirque, nous dit-il, est plein à craquer d'ouvriers, de soldats en armes : les masses, si les mots sont un sens. Ebert qui parle le premier, soulève des «tempêtes d'applaudissements » en faisant acclamer l'unité du mouvement socialiste, c'est-à-dire la collaboration à un même gouvernement de la SPD et des Indépendants. Haase, leader de 1USPD, soulève au contraire «des cris sceptiques » quand il crie «Vive l'internationale ! ». Quand à Liebknecht, G. Badia le présente ainsi : «Troisième orateur, Liebknecht, salué par de longs applaudissements, sans doute l'homme le plus populaire ce jour-là, au cirque Busch. Mais d'entrée de jeu, il prend une partie de l'assistance à rebrousse-poil » *. En fait, Liebknecht, qui parle le troisième, est de beaucoup l'orateur le plus malmené : «Tempête d'interruptions : cris Unité, Unité », note le sténographe. «Autres cris : Quittez la Tribune ! » lorsque le leader spartakiste critique Ebert et le Vorwärts. «Contestation ! Vous falsifiez les faits ! » hurle la salle quand il déclare que les Conseils de soldats ont élu à leur tête des officiers supérieurs et les soldats, furieux, le menacent de leurs fusils ! Enfin, il esquisse en deux phrases la position de son groupe : «Le triomphe de la Révolution ne sera possible que si elle passe au stade de la révolution sociale. C'est alors seulement qu'elle aura la force d'assurer la socialisation de l'économie, le bonheur et la paix pour l'éternité » et le sténographe de noter : «Applaudissements dispersés, agitation prolongée. Nouveaux cris : Unité ! ». Le moins qu'on puisse dire, c'est que les masses du cirque Busch ne sont acquises ni à Liebknecht, ni à la Révolution spartakiste.

 

Liebknecht et ses amis en eurent parfaitement conscience. Le 18 novembre Rosa Luxemburg écrivait dans la Rote Fahne : «Ce n'est pas en vingt-quatre heures qu'un État réactionnaire peut se transformer en État populaire et révolutionnaire. Des soldats qui, hier encore, se faisaient les gendarmes de la réaction et assassinaient des prolétaires révolutionnaires en Finlande, en Russie, en Ukraine, dans les pays Baltes, des ouvriers qui laissaient tran quillement commettre ces crimes ne sont pas devenus en vingt-quatre heures les porteurs conscients des idées du socialisme ». Aussi, le 16 décembre 1918, se réunit à Berlin le Congrès national des Conseils, sur 487 délégués élus dans l'ensemble de l'Allemagne, 289 sont SPD, 90 USPD spartakistes compris, les autres sont démocrates ou indéterminés. Et quand la question est posée de coopter Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg : par assis et levés le Congrès refuse de les accueillir même avec simple voix consultative. C'est ce Congrès qui, malgré une démonstration de la rue organisée par les Spartakistes, fixe les élections pour l'Assemblée constituante au 19 janvier 1919, mettant ainsi un terme à une situation «révolutionnaire » dans ce sens qu'elle ne reposait sur aucune légalité. La défaite spartakiste était, dès le 18 décembre, consommée.

 

Pour conclure, récapitulons les jalons que nous avons posés :

 

La «main de Moscou » ? Commode alibi des responsables du désastre. Il n'y a plus de représentant des Soviets à Berlin depuis le 6 novembre, et ce n'est ni l'argent, ni même les quelques armes distribuées par Joffe qui peuvent expliquer l'effondrement de l'Allemagne impériale.

 

Influence de la Révolution d'Octobre ? Oui, assurément sur les Spartakistes. Sur les masses ? Voire. Sinon, comment expliquer qu'elles soient restées fidèles aux chefs majoritaires alors que dès février 1918, le Vorwärts écrivait : «Ce que font les bolcheviks en Russie, ce n'est ni du socialisme, ni de la démocratie. C'est au contraire du putschisme sous sa forme la plus violente, c'est de l'anarchisme. Aussi nous faut-il tirer entre les bolcheviks et nous un trait épais et bien visible » *.

 

La «Trahison des chefs du SPD «  ? Non point, du moins au sens où l'entendent les historiens marxistes : les majoritaires ont été au contraire tout à fait fidèles à une ligne politique qui commence le 4 août 1914 avec l'Union Sacrée, le Burgfrieden.

 

Dès cette date, Lénine a crié à la trahison, et dans l'optique d'une révolution socialiste, il avait raison. Gilbert Badia écrit à juste titre : «La tragé die de la révolution allemande, c'est l'histoire du choix de la social démocratie, de ses collusions avec les forces les plus réactionnaires de l'ancien régime ». Or cette collusion sans doute n'était pas indispensable : Ebert, homme d'ordre, s'est trop défié des masses, mais elle était cependant rendue naturelle par la politique du Burgfrieden qui avait amené les Ebert, Scheidemann, Noske à collaborer avec le grand état-major. Le fameux coup de téléphone de Groener à Ebert dans la soirée du 9 novembre n'était qu'une reprise de contacts entre deux hommes qui se connaissaient depuis longtemps.

 

La typologie de la Révolution ? Je vois trois types.

 

Une «Révolution » pacifique conduisant à la parlementarisation et à la démocratisation de la vie politique. C'est celle des Majoritaires et elle réussit dès le 22 octobre.

 

Une «Révolution » de la flotte et de la rue contre l'État militariste, féodal et réactionnaire de Guillaume II et des princes. C'est celle de l’USPD et de larges masses populaires. Elle réussit le 9 novembre.

 

Une «Révolution » de type bolchevik. C’est celle des Spartakistes, elle échoue le 18 novembre, elle est noyée dans le sang en janvier 1919 à Berlin.

 

Mais comme les trois Révolutions ont coexisté, j'accepte la formule de Walter Ulbricht reprise par les historiens de RDA : «La Révolution de novembre 1918 doit être caractérisée comme une révolution bourgeoise-démocratique, qui, dans une certaine mesure a été réalisée avec des méthodes et des moyens prolétariens » 2.

 

Les masses allemandes n'ont pas voulu la Révolution du type bolchevik. Dans son dernier article, écrit à la veille de son assassinat (Rote Fahne du 14 janvier 1919) Rosa Luxemburg a porté un diagnostic d'une froide lucidité. «Ce qui est la plaie de la révolution : le manque de maturité politique de la masse des soldats qui continuent à se laisser abuser par leurs officiers et utiliser à des fins contre-révolutionnaires, est à lui seul la preuve que, dans ce choc-ci, une victoire durable de la révolution n'était pas possible. Et ce manque de maturité n'est lui-même que le symptôme du manque général de maturité de la Révolution allemande ».

 

Ce «manque de maturité », pour parler comme Rosa Luxemburg, cette absence de désir d'une révolution de type bolchevik dans les masses allemandes s'expliquent assurément par de multiples facteurs. On se contentera d'en indiquer quelques-uns :

 

1) absence d'une claire vision du «socialisme » et de la «révolution socialiste ». Et la responsabilité en incombe aux Spartakistes qui n'ont jamais su — ou voulu — s'expliquer sur ce point. Leur «Programme en six points » publié dans la Rote Fahne du 16 décembre, ne contient aucune allusion ni aux nationalisations, ni à la réforme agraire qui pourtant s'im posait dans l'Est de l'Allemagne.

 

2) dans les masses ouvrières, existe la croyance en une possibilité et un désir d'intégration dans la société capitaliste, réformée et démocratisée sans doute. C'est toute la tradition de la SPD et des syndicats qui depuis un demi-siècle sont leurs porte-parole.

 

3) la répulsion d'une partie du prolétariat pour les méthodes violentes et l'on sait que cette répulsion était partagée par Rosa Luxemburg elle-même. G. Badia note : «Lorsque au lendemain du Congrès de fondation du SPD (31 décembre 1918 -1er janvier 1919) des négociations s'engagent avec les Délégués révolutionnaires d'usines de Berlin, une des conditions que ceux-ci posent pour une adhésion éventuelle au parti communiste, c'est la suppression du mot : «Spartakus » dans le nom du nouveau parti. Le spartakisme effraie une partie du prolétariat » 1.

 

4) la limitation du mouvement spartakiste aux grandes villes. Nombreux sont les témoignages et documents montrant que les spartakistes sont inconnus ou détestés dans les campagnes, y compris chez les ouvriers agricoles de l'Est.

 

5) un racisme plus ou moins latent qui fait penser aux masses allemandes qu'une «Révolution bolchevique » est bonne pour les Russes et non pour les Allemands. D'où le succès de la propagande anti-bolchevique : «dicta ture orientale », «tsarisme rouge », etc.

 

En 1918, les masses allemandes ont choisi l'Occident : un siècle d'évolution historique le postulait.

 

Finalement, les masses ont voulu la Révolution parlementaire du SPD, elles ont voulu, à Berlin du moins, et dans les grandes villes, la révolution démocratique-socialiste de l'USPD, débouchant sur une démocratie sociale véritable où les structures capitalistes auraient été contestées par les Rate devenus d'authentiques organes de cogestion (Mitbestimmung ). L'alliance d'Ebert, Scheidemann et Noske avec l'état-major a bloqué l'évolution vers cette «troisième voie » et fait basculer la République naissante vers le conservatisme social et politique.

 

Pourquoi donc les masses se sont-elles résignées à ce choix, sanctionné par les élections à la Constituante : 38 % des voix à la SPD, 7,6 % seulement aux Indépendants ? C'est au plan de la psychologie collective qu'il faut conclure. Les masses allemandes de 1918 n'avaient pas conscience d'être poussées par la misère le dos au mur, contraintes à une fuite en avant dans une nouvelle Révolution, c'est-à-dire une nouvelle période de violences, d'efforts et de privations. Sortant de quarante ans d'un Reich semi-féodal et de quatre années d'une guerre sanglante, elles pensaient avoir une ère de démocratie et de paix.

 

Bertold Brecht les a sigmatisées dans ses Tambours dans la nuit, son héros a le choix entre récupérer sa fiancée, passagèrement infidèle, et se joindre à la Révolution. Il choisit la première solution : «Je suis un porc, et le porc rentre chez lui ! ».

 

Georges Castellan, Professeur à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Poitiers.

 

https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1969_num_16_1_3181

 

 

Les notes par pages :

 

1. Benoist-Méchin, Histoire de l'Armée allemande, t. I, pp. 50-60.

2. A. Rivaud, Le Relèvement de l'Allemagne, Paris, 1938, pp. 51 et 52.

1. Manuscrit de 1933-4 publié seulement en 1946, 2* éd. 1959, Hanover-cit., p. 9.

2. H. Pinnow, Histoire de l'Allemagne, Paris, Payot, 1931, p. 475.

P 41

3. Erick Eyck, A history oj the Weimar Republic, t. I, p. 42.

4. Gebhardt, t. IV, p. 77.

5. W. Ruge, Deutschland 1917-1933, p. 73.

6. Cité d'après E. H. Carr, The bolshevik Revolution, t. Ill, p. 91.

P 42

1. G. Badia, Histoire de l'Allemagne, t. I, aux pp. 105-106 (note 4), 131 (note 1).

2. Wolfgang Ruce, Deutschland, 1917-1933, p. 56.

3. Id., p. 64.

P 43

1. Gebhardt, t. IV, p. 85.

2. D'après Pierre Angel, Eduard Bernstein et l'évolution du socialisme allemand , p. 252.

3. G. Badia, Histoire de l'Allemagne, t. I, p. 109 et W. Ruge, op. cit., p. 65.

44

1. Gebhardt, t. IV, pp. 91-96.

2. G. Badia, Histoire de l'Allemagne, t. I, p. 109, note 2.

3. Claude Klein, Weimar, Paris, 1968, p. 22.

4. Golo Mann, Deutsche Geschichte des 19 und 20 jahrh., Fischer, 1958, p. 634.

P 45

1. Texte in Badia, Le Spartakisme, p. 371.

2. Texte in Badia, Le Spartakisme, pp. 378-379.

3. Beitrage zur Geschichte des Parlementarismus und der politischen Parteien, n* 4, 146 p.

4. E. Vermeil, L'Allemagne Contemporaine, t. II, p. 10.

P 46

1. Collection d.t.v. : W eltgeschichte des 20 Jahrh, Bd. 3, 1966, 282 p.

2. C. Klein, Weimar , pp. 18 et 122-124.  P47

P 47

1. G. Badia, Le Spartakisme, p. 174. 

1. G. Badia, op. cit., p. 86.  

P 48

P49

1. Voruxirts du 15 février 1918 (Cité d'après Badia, Le Spartakisme, p. 157).

2. Cité d'après W. Ruge, op. cit., p. 109.

4

50

1. G. Badia, «Le Spartakisme et sa problématique », Annales , E.S.C., mai-juin 1966, p. 655.

 

 

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21 décembre 2018 5 21 /12 /décembre /2018 19:25
Revolution“ – Warum Luxemburg und Liebknecht ermordet wurden. Une analyse et un des derniers textes de Annelies Laschitza

 

„Sie verkörperten die Revolution“ – Warum Luxemburg und Liebknecht ermordet wurden

Sie haben nur eine geringe Rolle bei den Ereignissen und Aktivitäten in der Novemberrevolution 1918 und darauf gespielt. Dennoch haben die Gegenkräfte gerade sie ins Visier genommen: Rosa Luxemburg und Karl Liebknecht. Beide Sozialisten haben das mit dem Leben bezahlt. Die Gründe dafür hat die Historikerin Annelies Laschitza im Gespräch erläutert.„Es wäre alles genauso verlaufen, wenn es sie gar nicht gegeben hätte.“ So schätzte der Historiker Sebastian Haffner 1969 in seinem Buch "Die cerratene revolution" die Rolle von Rosa Luxemburg und Karl Liebknecht in den Ereignissen in Deutschland ab dem 9. November 1918 ein. Beide hätten „wenig oder nichts“ dazu beigetragen und mit ihren mündlichen und schriftlichen Agitationen und Aufklärungen nichts bewirkt, so Haffner. „Sie waren nicht die Führer einer deutschen bolschewistischen Revolution, nicht die Lenin und Trotzki Deutschlands.“ Sie hätten das auch gar nicht sein wollen.Doch beide verkörperten „wie niemand sonst in den Augen von Freund und Feind die deutsche Revolution“, schrieb Haffner, was wohl bis heute gelten kann. Für die Historikerin Annelies Laschitza ist der Mord an Luxemburg und Liebknecht der Gegenbeweis für die Behauptung, dass die beiden linken Sozialdemokraten – kurz vor ihrem gewaltsamen Tod Mitbegründer der Kommunistischen Partei Deutschlands (KPD) – auf das reale Geschehen einflusslos gewesen seien.

 

Durch die Revolution befreit

Laschitza (Jahrgang 1934) beschäftigt sich seit etwa 50 Jahren mit dem, was die Politikerin und Theoretikerin Rosa Luxemburg an Texten und Schriften sowie Spuren hinterlassen hat. Laschitza ist die renommierteste Expertin zu dem Thema und kann auf zahlreiche Publikationen verweisen, so auf die Mitherausgeberschaft der "Gesammelte Werke" von Rosa Luxemburg, so 2018 mit dem ersten und zweiten Halbband von Band 7 der Werksausgabe.

Luxemburg war erst am 9. November 1918 aus der „Schutzhaft“ in der Festung Breslau entlassen worden. Schon deshalb konnte sie keinen aktiven Einfluss auf die damaligen Geschehnisse nehmen. „Die Revolution in Breslau hat sie aus ihrem Gefangenen-Dasein befreit“, so Laschitza. Sie habe zuvor in mehreren Briefen an ihre Freundinnen bedauert, dass Philipp Scheidemann, SPD-Minister in der letzten kaiserlichen Regierung, per Anordnung nur Karl Liebknecht und andere politische Gefangene Ende Oktober, aber nicht sie entließ.

Der Weg nach Berlin sei für Luxemburg noch beschwerlich gewesen, da das Auto, das sie abholen sollte, es nicht rechtzeitig nach Breslau schaffte. So sei die Sozialistin allein mit dem Zug in die deutsche Hauptstadt gefahren – und habe deshalb all ihre Unterlagen in Breslau zurücklassen müssen. Nach diesen werde bis heute gesucht, erzählte Laschitza.

 

Wirkung durch das Wort

Luxemburg habe dann in Berlin sofort die Redaktion der „Roten Fahne“ aufgesucht, wo sie begonnen habe, die revolutionären Ereignisse zu analysieren und per Wort zu begleiten. Aber sie sei weit mehr als Liebknecht von der Festungshaft gesundheitlich geschwächt gewesen. Gleichzeitig konnte sie wegen des ganzen Trubels der Revolution sowie aus Sicherheitsgründen nicht in ihre Wohnung einkehren.

In Berlin habe sie dann vor allem Artikel für die „Rote Fahne“, damals Zeitung des Spartakus-Bundes, geschrieben. Das habe aber kaum Massenwirkung gehabt, so die Historikerin. „Die große Enttäuschung ist am 16. Dezember 1918 der Reichsrätekongress, wo Luxemburg und Liebknecht nicht zugelassen werden. Sie haben versucht, wenigstens reden zu können, obwohl sie nicht delegiert waren. Sie hatten gewiss unter einigen der Delegierten ihre Anhänger, konnten aber nicht reden.“

Die mündliche Agitation in den Novemberereignissen habe vor allem Liebknecht gemacht, so Laschitza. Luxemburg sei seit dem 9. November so gut wie nie öffentlich aufgetreten. Sie habe nur über die „Spartakusbriefe“ und die „Rote Fahne“ wirken können, sowie über viele Briefe an andere aktive Linke.

Die jungen Anhänger des Spartakus-Bundes seien von den Beiträgen der Sozialistin begeistert gewesen, berichtete die Historikerin. „Aber diese jungen Leute waren dann auch dominant bei den Beschlüssen des KPD-Parteitages vom 30. Dezember 1918 bis zum 1. Januar 1919 über den Boykott der Nationalversammlung.“

 

Umfassenderer Demokratiebegriff

Dies müsse aber nicht als schlimm angesehen werden, schrieb Luxemburg am 11. Januar 1919 an Clara Zetkin. Es sei eine „frische Generation, frei von den verblödenden Traditionen der ‚alten bewährten‘ Partei – und das muss mit Licht- und Schattenseiten genommen werden“. Sie hätten „alle einstimmig beschlossen, den Casus nicht zur Kabinettsfrage zu machen und nicht tragisch zu nehmen“.

Luxemburgs Demokratiebegriff, der umfassender war, als ihr unterstellt wurde, sei von ihren Anhängern nicht aufgegriffen worden. Sie habe sich eine demokratische Republik vorgestellt, die nicht über Barrikadenkämpfe entsteht. Im „Spartakusprogramm“ habe sie geschrieben: „Die Masse des Proletariats ist berufen, nicht bloß der Revolution in klarer Erkenntnis Ziele und Richtung zu stecken. Sie muss auch selbst, durch eigene Aktivität Schritt um Schritt den Sozialismus ins Leben einführen. Das Wesen der sozialistischen Gesellschaft besteht darin, dass die große arbeitende Masse aufhört, eine regierte Masse zu sein, vielmehr das ganze politische und wirtschaftliche Leben selbst lebt und in bewusster freier Selbstbestimmung lenkt.“

Als Liebknecht im Januar 1919 dann zum Sturz der Regierung aufrief, habe Luxemburg das als verfrüht eingeschätzt. Das hing laut Laschitza mit den grundlegenden Auffassungen der Sozialistin, orientiert an der Idee des Volksaufstandes und des Massenstreikes, zusammen. Es könne nicht irgendein Komitee oder Vorstand beschließen, wie das zu laufen habe, auf die konkrete Situation der Gegensätze käme es an.

 

Treue zur Sozialdemokratie als Hemmnis

Luxemburg habe die Ereignisse in Deutschland ab November 1918 als Revolution eingeschätzt, sagte die Historikerin, „als revolutionäres Aufbegehren der Massen“. Aber sie habe Zweifel gehabt: In Russland habe sie die Fehler der Bolschewiki 1917 darin gesehen, dass diese die Revolution einengten, indem sie alles bestimmen wollten.

„In Deutschland sah sie das große Hemmnis in der tief sitzenden Treue zur deutschen Sozialdemokratie: Alles, was deren Vertreter sagen, wird wortwörtlich genommen. Sie hat mal im Vergleich der revolutionären Vorgänge beider Länder geäußert: In beiden war es nicht der richtige Zeitpunkt, schon zur sozialistischen Revolution überzugehen. Für die sozialistische Revolution waren aus ihrer Sicht die objektiven Bedingungen nicht gegeben.“

Bei der heutigen Debatte um die Nachhaltigkeit dessen, was die Sozialistin hinterließ, sei ihre Enttäuschung über die Massen zu beachten, hob die Historikerin hervor. Luxemburg habe den Beginn des Ersten Weltkrieges schwer verkraftet: „Diese Zustimmung und dieses Abreisen der jungen Rekruten, die vorwiegend aus sozialdemokratischen Familien kamen. Millionen waren in Bewegung geraten. Das hat sie noch einmal am Ende des Krieges bewegt, dass es den Massen vor allem zunächst um Frieden und Sicherheit ging, dass sie nicht wieder in den Schützengraben müssten.“

 

Kapitalismus beim Namen genannt

Für Luxemburg ging es laut Laschitza um mehr, so um die sozialen Rechte, die erkämpft werden müssten, und darum, sich von den reaktionären Kräften abzugrenzen, die wieder die Militärs und Rüstungsproduzenten verschonen wollten und verschonten. Ihr sei noch in der Festung Breslau klar geworden, dass es sich bei den Ereignissen in Deutschland nicht um das Ideal der sozialistischen Revolution handeln könne.

Trotz des geringen konkreten Einflusses auf die Ereignisse in Deutschland 1918/19 sind Luxemburg und Liebknecht ins Visier ihrer Gegner geraten, weil diese sich von den beiden Sozialisten am stärksten angegriffen fühlten. Dessen ist sich die Historikerin sicher. Deshalb seien beide am 15. Januar 1919 ermordet worden. Schon zuvor, Ende 1918, hatte es Mordaufrufe und entsprechende Versuche gegeben.

„Luxemburg hat immer gesagt: Krisen, Kriege und Konflikte wird es so lange wie das kapitalistische System geben. Sie hat sozusagen immer frontal angegriffen.“ Das falle den gegenwärtigen Linken eher schwer, fügte die Historikerin hinzu. „Sie haben Ross und Reiter genannt“, beschrieb sie das Wirken von Luxemburg und Liebknecht.

Das habe ihre Gegner noch stärker aufgebracht als zum Beispiel das reale Handeln von Richard Müller. Der war führender Kopf der Revolutionären Obleute, die vor allem in Berlin zu den radikalsten aktiven Kräften gehörten. Müller überlebte das Geschehen und schrieb später Bücher darüber.

Laschitza erinnerte sich an den internationalen Historikerkongress in San Fransisco 1975. Auf diesem hatte sie gemeinsam mit ihren Kollegen Horst Bartel und Walter Schmidt ein Referat über das Verhältnis der Arbeiterklasse zu Reform und Revolution eingereicht. Dort sei von Teilnehmenden gesagt worden, Luxemburg und Liebknecht seien ohne Einfluss und ohne klare Konzeption gewesen. „Ich habe sie frappiert mit der Frage: Wieso können Sie dann über die Rechtfertigung des Mordes an den beiden sprechen, wenn sie so einflusslos und konzeptionslos waren? Alles hat getobt mit Beifall. Eine Antwort gab es natürlich nicht.“

 

 

Die Furcht der Herrschenden

Die Herrschenden haben nach Meinung der Historikerin gefürchtet, dass die aufgebrachten Massen, schon seit dem Januarstreik im Jahr 1918, eventuell doch zu schärferen Formen der Auseinandersetzung greifen könnten. Den Revolutionären sei immer unterstellt worden, dass es von friedlicher zu gewalttätiger Demonstration „eine Klitzekleinigkeit“ sein kann.

„Es ist ja lächerlich zu sagen: Wir müssen die Bevölkerung vor Rosa Luxemburg schützen. Das war der offizielle Ton auf die Eingabe, mit der alle Vierteljahre beantragt werden konnte, die Schutzhaft aufzuheben. Die Gefahr besteht nach wie vor, war die behördliche Antwort.“

Durch ihr gesamtes Verhalten in den vorhergehenden Jahrzehnten seien Luxemburg und Liebknecht zu Symbolen der Ereignisse 1918 geworden, auch wenn sie auf diese selbst wenig Einfluss hatten, meint die Luxemburg-Biographin. „Das ist das Bittere, dass die Sozialdemokratie so tut, als wenn es die beiden nicht in ihren Reihen gegeben hat. Rosa Luxemburg war eine angehimmelte Lehrerin der Zentralen Parteischule der SPD, seit 1907! Im ‚Vorwärts‘ hatte sie als Chefredakteurin die russische Revolution 1905 wie eine Zeithistorikerin erfasst.“

 

Gegen Bündnis mit alten Eliten

Zur Rolle der Sozialdemokratie in der Novemberrevolution in Deutschland erinnerte die Historikerin daran, dass die Entscheidungen nicht von den Parteimitgliedern an der Basis getroffen wurden, sondern von führenden Vertretern wie Friedrich Ebert, Philipp Scheidemann und Gustav Noske. Hinzu seien die „mehr oder weniger lavierenden“ Karl Kautsky und Hugo Haase gekommen. Während die beiden letzteren mit der USPD zur alten sozialdemokratischen Strategie und Taktik zurückkehren wollten, hätten die drei MSPD-Vertreter das Bündnis mit den alten Eliten gesucht und gestärkt.

„Sie haben nicht begriffen, dass die alten Eliten unbrauchbar sind für die neue Demokratie. Das ist das große Problem in der Führungsebene der deutschen Sozialdemokratie, der Mehrheits-Sozialdemokratie, zu dieser Zeit. Dagegen haben Luxemburg und Liebknecht gekämpft: Es darf kein Bündnis mit den alten Gewalten geben!“

Laschitza wies darauf hin, dass die beiden ermordeten Sozialisten nur für Linke zu „Lichtgestalten der Revolution“ wurden. Aus Sicht des bürgerlichen Historikers Haffner waren sie Symbole der Revolution – „und mit ihnen erschlug man die Revolution“. Er schätzte ein, „dass diese Episode das eigentliche geschichtsträchtige Ereignis des deutschen Revolutionsdramas gewesen ist“.

 

Annelies Laschitza: Sich treu bleiben und heiter sein", Rosa-Luxemburg-Forschungsberichte Heft 14, Rosa-Luxemburg-Stiftung Sachsen 2018

 

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21 décembre 2018 5 21 /12 /décembre /2018 12:52
Annelies Laschitza a disparu

 

Annelies Laschitza (1934–2018)

 

Jörn Schütrumpf remembers the last of the great Rosa Luxemburg scholars, Annelies Laschitza, the editor of the German-language Collected Works, who died last week in hospital. 

 

 

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During our last phone call in early December, Annalies Laschitza asked me to reserve the evening of 9 February in my calendar. She wanted to mark her 85th birthday not with a celebration, but rather just a dinner among a small circle of friends. She also asked me not to arrange for any more press appointments; effective immediately, she would no longer give any interviews about Rosa Luxemburg nor anything else.

 

I tried to reach her by phone only several days later – a publishing house in Madrid had contacted us with several editorial queries only she could answer. Yesterday, I received the news: she passed away in the hospital on 10 December. We were caught totally unprepared. To us, Annalies Laschitza always seemed somehow immortal. Her most recent book about Karl Liebknecht had just been published by the Rosa-Luxemburg-Stiftung in Saxony this November.

 

Following Günter Radczun (Berlin, 1978), Gilbert Badia (Paris, 2004), Feliks Tych (Warsaw, 2015), Jakov Drabkin (Moscow, 2015), and Narihito Ito (Tokyo, 2017), the last great figure of Rosa Luxemburg scholarship has left us. These researchers opened up pathways to a political and historical cosmos in which new stars repeatedly emerged: Leo Jogiches, Paul Levi, Ines Wetzel, the undistorted and authentic Clara Zetkin, Hugo Simon, Alexander Stein, Valeriu Marcu, Fritz Sternberg, and more. It is no surprise that they were mostly forgotten, given that their political stars remained without planets.

 

Even Rosa Luxemburg, the central body in this constellation, surprised us with new secrets, black holes, and shooting stars suddenly appearing from around the corner.

 

An episode from last summer is characteristic of Annelies Latschitza, her discipline and her unconditional seriousness. After our colleague Holger Politt reminded us that Rosa Luxemburg’s grandfather on her father’s side was buried in Berlin, we conducted further investigations: Abraham Luxenberg (“Luxemburg” only came two generations later) had lived on Linienstraße and was buried in the cemetery on Schönhauser Allee in 1872. On my next visit – it was in the morning – I related this story to Annelies. She had written about this fact (in her book Im Lebensrausch, trotz alledem, Berlin: Dietz, 2000), but did not recall it at that moment. The biographer of Rosa Luxemburg looked at me incredulously. Yet the very next day I received a letter: “The heat and your hasty questions knocked me off my stride yesterday. I rummaged through all kinds of materials and found that I can contribute something on ‘Abraham’.” This was followed by an archival note: on 24 May 1989 a local historian had taken Annlies Laschitza to the gravestone, which had already been toppled. The inscription read: “Here lie the ashes of a righteous and noble man…”  Now I was the one to look on incredulously.

 

Alongside the many other losses that Annelies Laschitza’s passing constitutes, we will never be able to answer the enquiry from Madrid.

 

Salut, Annelies!

 

Jörn Schütrumpf, 16 December 2018

 

Annelies Laschitza was the leading editor (together with Günter Radczun) of the original Collected Works of Rosa Luxemburg, published in seven volumes by Dietz Verlag in Berlin, as well as her six-volume collected letters, also published by Dietz. A complete bibliography of Laschitza's published writings in German can be found here.

 

 

https://www.versobooks.com/blogs/4182-annelies-laschitza-1934-2018

 

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10 octobre 2018 3 10 /10 /octobre /2018 22:55
Extrait de l’ouvrage de Claudie Weill, marxistes russes et social-démocratie allemande 1898 – 1904

Claudie Weill vient de disparaître. Pour rappel, un extrait d'un de ces ouvrages où Rosa Luxemburg est régulièrement citée.

Extrait de l’ouvrage de Claudie Weill, marxistes russes et social-démocratie allemande 1898 – 1904, françois maspero, 1976, bibliothèque socialiste, dirigée par georges haupt.  P 52-57                                                                                         

 

 

II. Les militants russes dans le SPD : Parvus, Rosa Luxemburg

 

Ce n’est pas avec les liens personnels amicaux entre « dirigeants historiques » que s’épuisent les relations entre les états-majors des deux partis au moment de la formation du POSDR. Un autre type de rapports s’instaure – toujours au niveau des dirigeants – grâce à la médiation de militants de premier plan du SPD liés au POSDR. Appartenant à la nouvelle génération montante des marxistes, ils se sentent plus proches de la génération correspondante du POSDR. S’ils critiquent avec un certain respect les dirigeants du SPD, ils prennent moins de ménagements envers ceux du POSDR, Plekhanov et Axelrod. Lors de la crise révisionniste, ce sont eux, Rosa Luxemburg et Parvus-Helphand, issus tous deux des régions voisines de l’Empire russe, qui réagissent les premiers dans la social-démocratie allemande. Jusqu’à la révolution de 1905, on peut même constater un certain parallélisme entre leurs préoccupations et leurs destinées. C’est en 1888, âgé de vingt et un ans, alors qu’il est pour la seconde fois en Suisse, que l’étudiant juif Israel Lazarevic Helphand, né dans la région de Minsk, mais ayant passé sa jeunesse à Odessa, s’inscrit à l’Université de Bâle pour passer un doctorat d’économie politique. C’est en 1889 que Rosa Luxemburg fraîche émoulue du lycée de Varsovie quitte clandestinement la Pologne pour se rendre en Suisse, étudier l’économie politique à l’université de Zurich. Mais alors qu’elle choisit Zurich pour être en contact avec l’émigration politique polonaise et russe, Helphand préfère prendre ses distances et va à l’université de Bâle.

 

Pourtant, c’est à Zurich qu’ils se connurent et se lièrent politiquement. A sept ans d’intervalle, ils prirent la même décision, celle d’aller militer dans la social-démocratie allemande. Helphand y précéda Rosa Luxemburg en 1891 après s’être empressé de passer son doctorat et, comme elle, y entra de plain-pied. Dès son arrivée à Stuttgart, il fit la connaissance de Kautsky et de Clara Zetkin et collabora à la Neue Zeit, où il fit sensation. Mais Stuttgart était encore trop loin du point névralgique des débats. C’est pourquoi dès la fin 1891, il décida de s’installer à Berlin. Les recommandations de Kautsky lui permirent de collaborer à l’organe central de la social-démocratie allemande, le Vorwärts, auquel il fit connaître les marxistes russes autour de Plekhanov. Ses articles, son activité politique bouillonnante attirèrent l’attention des autorités prussiennes sur ce sujet russe. Il fut expulsé de Prusse au début de 1893. Il n’eut dès lors plus de domicile fixe pendant près de deux ans. Lors d’un passage à Zurich, il rencontra à nouveau Rosa Luxemburg et un autre dirigeant de la social-démocratie polonaise, Julian Marchlewski qui s’intéressèrent vivement à son expérience dans la social-démocratie allemande, et qui, quelques années plus tard suivirent son exemple.

 

En 1895, Bruno Schoenlank, le directeur du journal du parti à Leipzig le fit venir pour collaborer à la Leipziger Volkszeitung. Dès lors, il avait pris le nom de plume de Parvus. Mais la fougue de ses interventions dans les débats sur la question agraire lui aliéna même la sympathie de Schönlank, sui le remercia, après le Congrès à Breslau. Les social-démocrates de Dresde firent alors appel à lui pour tirer d’affaires à la fois financière et de contenu leur journal, la Sächsische Arbeiterzeitung. Il en fit dès lors son organe personnel, y introduisit Marchlewski et y publia aussi bien de longs pamphlets théoriques que de l’information au jour le jour.

 

Il dirigeait encore le journal lorsqu’en 1898, Rosa Luxemburg vint s’établir à Berlin. Elle aussi avait achevé un doctorat d’économie, mais, peu disposée à subir les persécutions policières et à mener la vie d’errances de son ami Parvus, elle avait pris ses précations. Par un mariage blanc avec Gustav Lübeck, fils de ses amis Karl et Olympia, elle avait acquis la nationalité allemande. A l’inverse de Parvus, cependant, elle n’abandonna pas pour autant son mouvement d’origine, la social-démocratie polonaise, qu’elle dirigeait depuis 1893 avec Leo Jogiches. Elle s’était aussi familiarisée dans l’émigration avec le milieu révolutionnaire russe, à Zurich et à Paris, où elle se rendait épisodiquement pour s’occuper de l’organe de la social-démocratie polonaise, Sprawa Robotnicza, auquel collabora celui que l’on peut considérer comme l’un de ses premiers maîtres à penser, Boris Naumovic Kritchevski. Compagnon de lutte de Leo Jogiches contre Plekhanov, Kritchevsky résidait alors à Paris et devint le correspondant du Vorwärts et autres journaux sociaux-démocrates allemands.

 

Les noms de Rosa Luxemburg et Parvus-Helphand allaient être liés dans la social-démocratie allemande lorsque s’ouvrit la crise révisionniste. Ce fut Parvus qui réagit le premier dans la Sächsische Arbeiterzeitung, suivi par Plekhanov dans la Neue Zeit et Rosa Luxemburg dans la Leipziger Volkszeitung (avant que ne paraisse sa brochure, Réforme sociale et révolution). C’est sur Rosa Luxemburg et Parvus, en tant que militants de la social-démocratie allemande, que se concentrèrent les attaques personnelles des réformistes au Congrès du SPD à Stuttgart en 1898. Et alors que Plekhanov voyait se fermer devant lui les colonnes de la presse allemande. Parvus se vit interdire l’accès à la Neue Zeit, où aucun article de lui ne parut en 1901 à 1906.

 

A la fin de 1898, Parvus et Marchlewski furent expulsés de Saxe. Parvus dut abandonner la rédaction de la Sächsische Arbeiterzeitung et intervint pour qu’elle soit soit confiée à Rosa Luxemburg qui accepta, à la condition exprès qu’elle pourrait continuer à publier des articles de Parvus. Ce fut pendant qu’elle dirigeait le journal (du 24 septembre à la mi-novembre) qu’y parut la lettre ouverte de Plekhanov à Kautsky, « Wofür sollen wir dankbar sein ? ». Le départ de Rosa Luxemburg de la rédaction fut d’ailleurs l’une des retombées de la crise révisionniste – à la suite d’un conflit avec Gradnauer, rédacteur de Vorwärts, à propos du compte rendu du Congrès de Stuttgart. A la fin de 1898, les Russes firent appel à Rosa Luxemburg. Elle avait espacé  ses relations avec Kritchevsky, qu’elle qualifiait d’ailleurs de « malchanceux aigri ». Or le groupe Libération du travail avait cessé de collaborer avec l’Union des social-démocrates russes à l’étranger où Boris Kritchevsky occupait une position dirigeante. Il tenta alors de renouer avec Rosa Luxemburg devenue une personnalité dans le SPD et par conséquent un moyen de pression, lui proposant de collaborer avec l’Union et lui « offrant » même des mandats russes. L’antipathie de Rosa Luxemburg pour Plekhanov n’est pas la seule explication au fait qu’elle ne repoussa pas d’emblée la proposition. Elle comptait par ce biais parvenir à réassocier Leo Jogiches au mouvement russe. Cette réconciliation superficielle avec Kritchevsky fut de courte durée ; mais en octobre 1898, elle le mentionnait encore à Plekhanov comme traducteur possible.

 

Alors que Rosa Luxemburg s’intégrait de plus en plus dans les affaires allemandes – on lui offrit même de collaborer à la rédaction du Vorwärts à la fin de 1899 -, Parvus en était provisoirement exclu. Le Vorwärts refusait même de publier ses articles. Il s’était installé à Munich grâce à l’appui de Georg von Vollmar, un des chefs de file du réformisme, y avait fondé un journal Aus der Weltpolitik, qui était en même temps une sorte d’agence pour alimenter la presse locale du SPD en analyses sur la politique internationale, mais les journaux locaux du SPD furent de bien piètres clients. Il avait créé également avec Julian Marchlewski-Karski, une maison d’édition de littérature slave et nordique dont le plus grand succès prometteur mais trompeur, fut Les bas-fonds de Maxime Gorki. Il avait sans doute négocié avec lui lors du voyage qu’il avait entrepris en Russie à partir de mai 1899 avec le Dr Carl Lehmann, en vue d’y étudier les phénomènes de la famine. Il aurait alors rencontré à Vjarka Potresov, dont il avait fait la connaissance chez Kautsky en 1895. C’est sans doute lors de cette entrevue que Potresov lui exposa les prémices de l’Iskra-Zarja et fit appel à sa collaboration. Carl Lehmann et lui-même comptèrent d’ailleurs parmi les artisans importants de l’entreprise. A leur retour de Russie, ils rédigèrent un livre d’après les notes scrupuleuses prises par le Dr Lehmann, Das hungernde Russland, Reiseeindrücke ; Beobachtungen und Untersuchungen, qui parut chez Dietz, l’éditeur du SPD à Stuttgart en 1900.

 

Si sa mise au ban du parti allemand ne lui permettait plus d’y intervenir politiquement de manière efficace en faveur de ses amis russes. Parvus disposait toutefois de relations suffisantes pour les aider à réaliser à Munich le projet de publication Iskra-Zarja. Huit des numéros de l’Iskra auraient été imprimés sur une presse qu’il cachait dans son appartement. Lénine vint s’installer à Schwabing tout près de chez lui, et il fut l’une des rares personnes que Lénine fréquenta dans l’exil munichois. En outre, Parvus et Marchlewski- Karski tentèrent d’organiser la colonie des étudiants russes à Munich, au moyen de tracts, de brochures, etc. Pendant toute cette période, il ne cessa d’assister ses amis russes de ses conseils parfois forts paternels. Il publiait notamment dans la Weltpolitik une mine d’informations sur la Russie et ce bulletin participa activement en 1904 à la campagne social-démocrate en faveur des Russes, déclenchée par les accusations portées contre eux au parlement allemand.

 

La scission intervenue lors du second congrès du POSDR lui fut sans doute communiquée par Potresov. Il tenta alors par tous les moyens de s’informer, écrivant à tous les protagonistes : Potresov, Azelrod, Lenine, etc. Il en parla à mots couverts dans un article critique paru dans la Weltpolitik et prodigua des conseils de modération et de conciliation. Il fit partie lui aussi du plan de campagne de la « minorité » contre Lénine, il était avec Kautsky et Rosa Luxemburg l’une des « autorités » qu’il fallait « lâcher » contre Lénine. Il se prêta d’autant plus à ce plan de bataille qu’il collaborait alors étroitement avec l’un des adversaires acharnés des principes organisationnelles de Lénine (le jeune Trotsky) et que Lénine l’attaquait dans Un pas en avant, deux pas en arrière. Quant à Rosa Luxemburg, elle fut sans doute informée plus tôt que Parvus des événements qui s’étaient produits à Londres dans la mesure où les délégués de son parti, Adolf Warzawski-Warski et Hanecki-Fürstenberg, avaient assisté au début du congrès pour y discuter des modalités d’affiliation de la SDKPiL au POSDR. Son article « les questions de la social-démocratie russe » - parut en même temps dans l’Iskra et dans la Neue Zeit. Elle prenait résolument parti pour la « minorité », attaquant les théories organisationnelles de Lénine, qu’elle qualifiait de jacobines et de blanquistes alors qu’elle citait en exemple la discipline fameuses du SPD. Comme elle passait pour l’experte des affaires russes dans le SPD et était toujours prête à donner des leçons à ceux qui qui prétendaient lui disputer ce rôle, son opinion était depoids et a largement contribué à ruiner la position de Lénine et de la « majorité » déjà précaire, auprès des dirigeants du SPD. Lénine tenta de lui répondre dans la neue Zeit, mais la contribution de Rosa Luxemburg avait, de l’avis de son rédacteur Kautsky, une portée nationale, alors que celle d’un Lénine n’était que spécifiquement russe.

 

Lorsque les social-démocrates allemands tentèrent de dépasser leurs jugements initiaux et de promouvoir l’unification du POSDR0. Lénine et les Bolchéviks estimèrent sans doute qu’il était trop tard, qu’ayant échoué une première fois il leur fallait d’abord acquérir une position de force, et par conséquent modifier et affermir leur tactique.

 

Le rôle et le poids politique de ces intermédiaires entre SPD et POSDR qu’étaient Parvus et Rosa Luxemburg ne sont donc pas négligeables. Car ils ne se bornaient pas à informer les dirigeants ou l’opinion publique social-démocrate allemande, ils intervenaient personnellement dans les conflits dont le centre de gravité se situait alternativement dans le SPD ou le POSDR. Le choix fait en s’engageant dans le mouvement allemand déterminait tout naturellement leur optique et leurs options, et ils acceptaient implicitement, mais à leur corps défendant, la suprématie du SPD.

 

 

Occurences : 10, 11, 35, 52-55, 57-59, 64, 86, 87, 93, 109, 111-112, 114-116, 118, 121, 124-126,128, 132, 133, 125-139, 143, 146, 150, 151, 152, 157, 128-162, 165-168, 219

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Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009