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Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

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Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
13 mars 2023 1 13 /03 /mars /2023 10:56
Karl Liebknecht et la grève de masse. Le prolétariat "a ses bras et le pouvoir de les utiliser ou de les croiser"

Le blog va publier au fur et à mesure de la semaine des textes de Karl Liebknecht sur la grève de masse, c'est sa contribution au mouvement contre la réforme des retraites, un point historique et de réflexion sur ce moyen de lutte : la grève de masse, l'arme "la plus tranchante" que possède le prolétaire qui comme le dit Liebknecht : "a ses bras et le pouvoir de les utiliser ou de les croiser"

 

 

Karl Liebknecht, la grève de masse

 

« C’est dans la discussion, qui fut menée avec véhémence de 1904 jusqu’à 1906 dans le SPD, à propos de la grève de masse politique, qu’émergèrent tout d’abord les principes politiques … la critique marxiste, au sens des deux mouvements de rénovation, ainsi que Robert Michels les nommait, dans le mouvement ouvrier international de la première décennie du XX° siècle – à savoir l’idée de la grève de masse politique et l’anti-militarisme prolétarien – a été représentée à l’intérieur du SPD avant tout par Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht1» Elisa Marcobelli

 

20 septembre 1904, Karl Liebknecht au Congrès de Brême prend la parole sur la grève de masse. Il n’y a pas longtemps qu’il s’est engagé publiquement. Pour cela, il lui a fallu attendre de terminer ses études d’avocat. Même ainsi, il rencontra de grandes difficultés à obtenir le stage pratique nécessaire à son habilitation et ne l’obtint que par le soutien direct d’un professeur ami. Ce n’était pas facile d’être le fils de Wilhelm Liebknecht, fondateur du parti social-démocrate et condamné pour haute trahison pour avoir défendu la Commune et condamné la guerre avec la France en 1871. Cette orientation vers le métier d’avocat avait été décidée avec son père qui pensait qu’il serait là le plus utile.

 

Sa première intervention publique date de 1900, une réflexion globale sur les femmes dans l’économie « Le communisme et le droit des femmes ». Les suivantes sont déjà orientées contre le colonialisme et le militarisme : deux beaux articles sur les campagnes brutales de l’empire en Afrique et en Chine. Il y dénonce « La croisade des Huns » le militarisme, qui fait en Afrique des soldats des barbares et la participation à la politique mondiale que l’on nommera bientôt impérialisme.

 

La grève de masse en 1904-1906 intervient ensuite dans plusieurs discours, dont il est significatif que le premier se situe  lors de  la naissance de la révolution de 1905, qui enflammera le débat après la mise au premier plan de cette discussion au retour des prisons de Varsovie par Rosa Luxemburg qui en fera son cheval de bataille et donnera lieu à la rédaction d’un de ses textes majeurs : Grève de masse, parti, syndicats

 

 

Pour la grève de masse politique, Brème 1904

« Cette question est la plus actuelle de notre politique présente et future ... Ne l'écartez pas avec des sourires. Concevez-en toute l'importance, et notre parti sera armé. »

 

Au Congrès de Brême, la grève de masse fait une entrée forte au Congrès. Une section (de Spandau) demande la reconnaissance de ce moyen de lutte. Karl Liebknecht monte au créneau. Il s’inscrit dans la discussion Il rejette la motion de Spandau en ce qu’elle représente pour lui une analyse l’opposant au parlementarisme. Mais il demande que ce moyen de lutte ne soit pas refusé par principe par le parti, que celui-ci accepte de l’examiner, plus, il estime qu’un jour ce moyen sera peut-être indispensable, quand l’épreuve de force deviendra inéluctable. Il rejette en cela la position des syndicats qui la refuse pour des raisons économiques, le prolétariat n’a pas les moyens d’une telle action, on trouve déjà dans ce texte, la conscience de la dureté de ce combat. Il compare ainsi cette grève aux grèves de la faim en Russie. Il s’appuie sur un texte de Rosa Luxemburg sur la tactique et sur le fait que d’autres personnalités la défendent. Pour lui, le parti social-démocrate doit intégrer ce moyen, ne pas "se rouiller" , être prêt à défendre des acquis si l’on prétend déjà vouloir changer le monde.

 

 

La grève de masse – le moyen de lutte spécifique du prolétariat  - Iéna, 1905

Mais nous n’avons pas ces armes ; cependant le prolétariat lui a  ses bras et le pouvoir de les utiliser ou de les croiser ... La responsabilité de l'inaction  s'oppose à la responsabilité d'agir.

 

Au Congrès de Iéna, l'année suivante, la discussion devient centrale. Et l’intervention de Liebknecht gagne en force. Il voit dans la grève générale, le "moyen spécifique" qui correspond à la phase du développement capitaliste. Elle prend d’autant plus de force selon lui que les limites du parlementarisme apparaissent et que le prolétariat dispose d’une arme qui lui est propre : "Il a ses bras et le pouvoir de les utiliser ou de les croiser". Il convient donc d’être prêt car l’épreuve de force ne peut pas être évitée dans tous les cas. Et si au moment crucial,  beaucoup se renieront, le mouvement permettra d'autre part de mobiliser l’enthousiasme des prolétaires.

 

 

La grève politique de masse, une nouvelle arme spécifique du prolétariat, Congrès des syndicats, Cologne, 1905

« Même si les classes dirigeantes disent qu'elles ont encore le pouvoir, et même si elles essaient de faire tourner la roue de l'histoire mondiale à l'envers, en écrasant les travailleurs par des moyens coercitifs, elles n'y parviendront pas, et ne feront qu'accélérer leur chute. ... de promouvoir l’idée de grève de masse, de contribuer ainsi à faire des prolétaires des « combattants de classe »»

 

La même année, dans un article sur le congrès des syndicats à Cologne, Karl Liebknecht livre son analyse. Il pointe le climat "malsain "qui s’installe au sein du mouvement syndical dirigé alors par Legien - qui développe dès cette époque une attitude réformiste et qui sera un des tenants de l’Union sacrée en 1914 -, la conception étroite qu'ils ont du politique, les discours superficiels sur les questions économiques et politiques,et  le "discours sur le calme" demandé par les syndicats. Liebknecht voit la tendance des syndicats à miser plus sur la quantité que sur la qualité politique des membres, le développement du bureaucratisme. La situation générale se charge selon lui de susciter et développer la conscience des prolétaires : les  poursuites incessantes et injustes qu'ils subissent, les charges qui pèsent de plus en plus lourdement sur le prolétariat, le cours de l’histoire mène de fait les classes dirigeantes vers leur chute. Il s’agit alors  pour Liebknecht pour les partis et syndicats de donner de nouvelles armes aux prolétaires, de promouvoir l’idée de grève de masse, de contribuer ainsi à faire des prolétaires des « combattants de classe ».

 

 

A propos de la signification de la grève politique de masse, Mannheim, 1906

« Il faut surtout tenir compte du rôle important que joue la disposition constante et proclamée à la grève politique de masse ».

 

Dernière étape de cette phase de discussion. Le Congrès de Mannheim en 1906. L’intervention de Liebknecht se centre autour de la nécessité de faire toute la clarté sur la position du parti face au moyen de lutte qu’est la grève de masse. Pour lui, elle doit rester toujours présente dans la conscience des prolétaires comme moyen de lutte contre l’attaque des forces réactionnaires, Selon lui inévitable. Face aux directions réformistes qui mettent en avant les risques de défaites et l’affaiblissement qui en résulterait, il concède cette possibilité mais montre par des exemples précis que cela peut aussi être le contraire et que cela dépend de la situation économique et sociale, une généralisation est impossible et c’est à la tactique quotidienne de décider de son opportunité. On note dans cette intervention une référence à Rosa Luxemburg comme dans une intervention précédente. Bien qu’étant peu en contact direct jusqu’à la guerre, on voit ici leur proximité, leur existence de fait au sein d’un même courant de pensée et d'action. Il conclut son intervention sur la révolution russe, l'exemple qu'elle donne et la solidarité qu'elle demande.

 

 

Lutte contre la réforme du système électoral et grève de masse, Magdebourg, 1910                   

« Ce serait une belle sorte de grève de masse qui pourrait être commandée d'en haut de cette manière ! »

 

La discussion autour de la grève de masse s’enflamme de nouveau au Congrès de Magdebourg, en 1910. C’est l’époque où la lutte contre la « réforme »  du droit de vote en Prusse voulu par le pouvoir impérial atteint son paroxysme. C’est aussi l’ moment où s’exacerbent encore plus les antagonismes face au développement du réformisme. Rosa Luxemburg rentre en conflit ouvert jusque contre Karl Kautsky, elle se bat contre la volonté du parti sur la notion de république et pour la grève de masse. C’est ce à quoi fait allusion Liebknecht, auquel on reproche d’importer un combat touchant la Prusse dans ce congrès national. Et elle dépose une motion que défend Liebknecht. On voit dans son argumentation un point essentiel, la grève politique de masse n’est pas déclarée mécaniquement par les instances dirigeantes, une grève de cette ordre ne peut être décidée arbitrairement d’en haut. On trouve aussi une référence à Clara Zetkin qui comme lui-même et comme Rosa Luxemburg ou Franz Mehring mènent de conserve ce même combat pour la grève de masse. De même, il précise sa position par rapport à l’action syndicale. Il ne s’agit pas d’interférer dans la tactique syndicale mais de favoriser au sein du parti la connaissance, la conscience de l‘importance de ce moyen de lutte qu’il estime comme être "le plus tranchant" et d’être prêt à ainsi se mobiliser avec rapidité et audace.

 

La grève de masse, de Iéna, 1913

« Ces deux passages de la résolution du comité montrent assez clairement que l'on veut menotter la discussion sur la grève de masse, pas seulement pour aujourd'hui, mais pour longtemps. » ... « La pensée doit devenir vivante dans les masses, et elle ne peut devenir vivante que dans le flux vivant de la discussion au sein des masses elles-mêmes ».

 

Dernier texte, alors que la guerre approche. Les instances politiques et syndicales mènent une nouvelle offensive contre la grève de masse. Liebknecht est de nouveau en première ligne. Il rappelle la lutte en 1910 et fait référence au droit de manifester dans les rues auquel s’étaient attaqué les autorités et qui avait été obtenu par la lutte, des manifestations « promenades » que le pouvoir dut se résoudre à accepter. La lutte au Congrès prend des formes  d’extrême violence, mépris, discrédit. A la manœuvre entre autres Scheidemann, qui sera l’un des principaux tenants de la lutte contre la révolution de 18/19 et qui met deux préalables impossibles à l'utilisation de la grève de masse :  "l’union parfaite entre partis et syndicats". Cette discussion qui traverse le parti depuis 1910 où en catimini les syndicats de Legien et le parti s’étaient mis d’accord. Et l’engagement des masses. De cette intervention, il faut citer pratiquement  toute la dernière partie. On sent chez Liebknecht la passion et l’urgence, la nécessité. Et l'opposition de plus en plus irréconciliable entre les réformistes majoritaires et ceux qui vont bientôt refuser le ralliement à la guerre et qui se terminera pour Liebknecht par son exclusion.

 

(La dernière interventions se place en juillet 14, une résolution de la section de sa circonscription.)

 

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27 février 2023 1 27 /02 /février /2023 14:08
Karl Liebknecht, 1917. "C’est là pour le prolétariat le danger le plus grand que lui font courir tous les systèmes de représentation politique"

Opposition (titre de l'extrait dans le livre chez maspero, 1970)

La seule véritable opposition est celle qui aboutit à la création d’une force qui fait obstacle de façon indépendante à la force dominante et qui affaiblit la politique gouvernementale dans ses actions décisives en dressant un bilan permanent de la situation politique globale.

Encore convient-il de distinguer la forme et le contenu de cette opposition parlementaire ou extra-parlementaire une opposition peut paraître en principe tout à fait correcte du point de vue formel et n’être qu’un semblant d’opposition : c’est le cas si, du fait de l’attitude extérieurement conforme aux principes d’instances impuissantes (par exemple les représentations des partis au sein d’un parlement-croupions), elle endort, dans la ferveur d’une confiance inactive et dans une sourde indifférence, les éléments prêts à un combat véritable et paralyse leur volonté et leur capacité de lutte. C’est là pour le prolétariat le danger le plus grand que lui font courir tous les systèmes de représentation politique ; c’est là pour lui une raison majeure de travailler sans cesse à éclairer les masses elles-mêmes, à les rendre aptes à entreprendre une action indépendante, autrement dit à réaliser la démocratie prolétarienne.

Maspero, P 204-205

 

Prinzipielles zur Taktik,

Karl Liebknecht 19171100 Mitteilungen, Briefe und Notizen aus dem Zuchthaus Luckau .https://sites.google.com/site/sozialistischeklassiker2punkt0/liebknecht/1917/karl-liebknecht-mitteilungen-briefe-und-notizen-aus-dem-zuchthaus-luckau-3

... Nur diejenige Opposition ist eine wirkliche, die eine der herrschenden Macht im Schlussergebnis selbständig entgegenstehende und sie schwächende Macht bildet, die der Regierungspolitik in ihren entscheidenden Aktionen, in denen sie laufend die Summe aus der politischen Gesamtlage zieht, Kräfte nimmt, Kräfte entgegensetzt und so Abbruch tut. Wobei das Formale von dem Materiellen wohl zu unterscheiden ist: Auch eine formal ganz korrekte prinzipiell scheinende parlamentarische, ja außerparlamentarische Opposition ist dann nur Scheinopposition, wenn sie durch äußerlich prinzipielles Verhalten machtloser Instanzen (z. B. Parteivertretungen in Scheinparlamenten!) die zu wirklichem Kampf fähigen und bereiten Faktoren in tatenloses Gottvertrauen einwiegt, in stumpfe Gleichgültigkeit lullt, in ihrer Kampffähigkeit und Kampfbereitschaft lähmt, hier liegt für das Proletariat die tiefste Gefahr aller politischen Vertretungssysteme, der stärkste Grund für unablässige Schulung, Aktivierung, Verselbständigung der Massen selbst, d. h. für die Verwirklichung der proletarischen Demokratie ...

November 1917.

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22 février 2023 3 22 /02 /février /2023 18:44
L'antimilitarisme "incommode ..." de Karl Liebknecht (1)

'Que mon "antimilitarisme" incommode certaines personnes, ce n'est pas depuis hier que je le sais, et que ces certaines personnes seraient prêtes à tout pour tuer en quelque sorte dans l’œuf tout  fruit possible de mon travail, je pouvais le prévoir même avec la plus modérée des perspicacités ... C'est ainsi qu'un camarade autrichien s'est engagé à tuer deux ennemis à la fois (et non sept, comme le courageux petit tailleur) : votre serviteur et le maudit "marxisme orthodoxe" ... 'Der unbequeme Militarismus, 1907

L'antimilitarisme est un fil, si ce n'est le seul fil conducteur, de l'action de Karl Liebknecht. Son texte majeur "Militarisme et antimilitarisme" est précédé dès le début de son action publique par une série de discours, interventions aux Congrès, articles. Et ce fil l'accompagnera jusqu'à la révolution et jusqu'à son assassinat par les forces armées et politiques unies, qui l'ont de tout temps combattu.

Dès le début, il est marqué par trois dimensions essentielles :

. l'attention portée à la jeunesse et ce que le militarisme veut faire d'elle,

. le lien intrinsèque entre militarisme et capitalisme, lien dont il suivra l'évolution au fur et à mesure du développement de l'impérialisme,

. Son combat pour un imposer un antimilitarisme militant et ferme au sein de la social-démocratie, face au courant réformiste qui prend peu à peu le pouvoir.

 

Karl Liebknecht s'attaquera à toutes les formes du militarisme: le rôle de l'armée dans la société, les mauvais traitements, l'aliénation des consciences, la course aux armements, la marche vers la guerre

 

Militarismus, Imperialismus, Krieg

Sous la rubrique "Militarisme, impérialisme, guerre", le site "sozialistische Klassiker" a répertorié les discours et écrits de Karl Liebknecht consacrés à ces thèmes. Certains textes existent déjà en français, beaucoup cependant restent intraduits.

Certains sont disponibles sur le net. Sur le blog, vous en trouverez un certain nombre de nouveaux,  inédits sur le net, début d'un travail systématique et quotidien pour faire mieux connaître et pour mieux comprendre son action et le contexte dans lequel il s'inscrit.

Certains sont disponibles sur le net. Sur le blog, vous en trouverez un certain nombre de nouveaux,  inédits sur le net, début d'un travail systématique et quotidien pour faire mieux connaître et pour mieux comprendre son action et le contexte dans lequel il s'inscrit.

"La croisade des Huns"

"La croisade des Huns"

 

I. 1900 - 1907 Avant "Militarisme et antimilitarisme"

Gegen den Hunnenfeldzug (Zeitungsbericht über eine Rede zur Reichstagsnachwahl im VI. Berliner Wahlkreis, 11. Oktober 1900)

Weltmachtpolitik und Sozialpolitik von oben (Aus einem Zeitungsbericht über eine Rede in Leipzig, 11. November 1900)

Die Jugend und der Kampf gegen den Militarismus (Redebeiträge auf dem SPD-Parteitag, Bremen, 19. und 20. September 1904)

Über die Notwendigkeit der antimilitaristischen Propaganda (Redebeitrag auf dem SPD-Parteitag, Jena, 21. September 1905)

Rekrutenabschied (22. September 1906)

Schafft einen Ausschuss für antimilitaristische Propaganda! (Redebeitrag auf dem SPD-Parteitag, Mannheim, 29. September 1906)

 

 

L'antimilitarisme "incommode ..." de Karl Liebknecht (1)

 

II. 1907 Son écrit "Militarisme et antimilitarisme" et le procès

Militarismus und Antimilitarismus unter besonderer Berücksichtigung der internationalen Jugendbewegung (Buch, 11. Februar 1907)

Der unbequeme Antimilitarismus (Zuschrift an den „Vorwärts", 25. März 1907)

Kein ängstliches Zurückweichen! (Zeitungsbericht über eine Rede auf der Generalversammlung des Sozialdemokratischen Wahl Vereins Potsdam-Spandau-Osthavelland in Hennigsdorf, 11. August 1907)

Eine Entgegnung an Vollmar (Zuschrift an eine Kommission des Internationalen Sozialistenkongresses zu Stuttgart, 20. August 1907)

im Kampf gegen den Militarismus (Bericht über die Rede auf der Ersten Internationalen Konferenz der Sozialistischen Jugendorganisationen in Stuttgart, 26. August 1907)

Den Kelch ausgeschlürft (Zuschrift an den „Vorwärts", 7. September 1907)

Gegen die opportunistische Haltung Noskes (Redebeitrag auf dem SPD-Parteitag, Essen, 17. September 1907)

Abrechnung mit den Gegnern des Antimilitarismus (Redebeitrag auf dem SPD-Parteitag, Essen, 21. September 1907)

Der Hochverratsprozess gegen Liebknecht vor dem Reichsgericht (Aus dem Prozessbericht)

I (Erster Verhandlungstag, 9. Oktober 1907)

II (Zweiter Verhandlungstag, 10. Oktober 1907)

Antimilitarismus und Hochverrat. Das Hochverratsurteil gegen Karl Liebknecht nebst einem kritischen Beitrag zur Naturgeschichte der politischen Justiz (1907/08)

I Das Urteil mit AnmerkungenII Kritische Betrachtungen

Das Proletariat ist friedensfreundlich (Aus einem Zeitungsbericht über eine Rede in der „Neuen Welt", Berlin, vor dem Haftantritt, 21. Oktober 1907

 

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6 février 2023 1 06 /02 /février /2023 14:37
Peint par son fils cadet : Robert Liebknecht

Peint par son fils cadet : Robert Liebknecht

Karl Liebknecht (1919)

N'oublions jamais que Karl Liebknecht a été le premier social-démocrate d'Allemagne, et pendant longtemps le seul social-démocrate, qui ait osé secouer le joug désastreux de la discipline de parti - cette discipline de parti qui n'était plus un moyen secondaire de promouvoir les activités pratiques , mais était devenu une fin en soi, un grand dieu solaire, une idole à qui tout était sacrifié. N'oublions jamais qu'il fut le premier et pendant longtemps le seul social-démocrate à s'exprimer au Reichstag allemand et à agir en socialiste international, défendant ainsi en toute sincérité "l'honneur allemand", l'honneur du socialisme allemand. La majorité de la faction social-démocrate a voté des crédits de guerre pour le meurtre de leurs frères ; ils ont obscurci et empoisonné le jugement des masses par leur rejet des idéaux socialistes et leur adoption de slogans bourgeois. La minorité dissidente se soumet discrètement pour maintenir la paix dans le parti. Seul Karl Liebknecht, homme jusqu'au bout des ongles, a eu le courage de dire son indomptable "Non !" face au parlement et au monde.

Brûlé par l'indignation des partis bourgeois, vilipendé et décrié par la majorité social-démocrate, abandonné par la minorité social-démocrate, il n'en a pas moins fait du Reichstag un champ de bataille contre l'impérialisme et le capitalisme, saisissant toutes les occasions pour détruire cette exposition mortelle des ennemis de la classe ouvrière et saisir toutes les occasions d'inciter les masses exploitées contre elle. Ainsi continua-t-il son œuvre, jusqu'au jour où le Reichstag, à sa honte éternelle, leva l'immunité parlementaire de Liebknecht et livra cet homme, prétendument coupable de haute trahison, à la vicieuse justice de classe bourgeoise. De la lutte courageuse et incessante, une nouvelle vie a surgi.

L'exemple de Liebknecht raviva la confiance populaire dans le socialisme, et les ouvriers, retrouvant leur courage, se préparèrent au combat. Karl Liebknecht a déplacé la lutte là où elle devait être décidée, à savoir parmi les masses. En paroles et en actes, il a combattu avec l'impérialisme pour l'âme des masses. Cela a continué jusqu'au jour où la société civile s'est vengée de l'ennemi redouté et détesté – jusqu'à ce que la prison l'engloutisse. Pourquoi a-t-il été emprisonné ? Parce que lui, soldat de la révolution, avait appelé les ouvriers dans la rue à faire de la fête de mai une formidable manifestation pour rejeter la "paix de Dieu entre tous les partis" au nom du socialisme international, pour mettre fin à la massacre des nations, anéantir le gouvernement des malfaiteurs. Les masses n'ont pas suivi leur leader clairvoyant et fiable. Mais cette déception n'aidait que peu que le danger et la persécution puissent ébranler les convictions de Karl Liebknecht ou décourager sa combativité. Cela est évident dans le discours brillant et provocant qu'il a prononcé devant la cour martiale, un discours qui était un exemple classique d'autodéfense de la part d'un champion politique. Notre conviction que son courage n'avait pas diminué a été renforcée par toutes ses activités ultérieures.

Article paru dans la revue du Komintern

https://www-marxists-org.translate.goog/nederlands/zetkin/1919/1919luxemburg-liebknecht.htm?_x_tr_sl=nl&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr&_x_tr_pto=sc

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5 février 2023 7 05 /02 /février /2023 13:16
Karl Liebknecht 1904. Le Procès de Köngisberg (extrait)

"... M. le Procureur a déclaré: l'Europe toute entière a les yeux fixés sur ce procès. Je suis d'accord avec lui: le monde civilisé a les yeux fixés sur Königsberg ... Pourquoi? Parce que c'est ici qu'est faite la première tentative pour punir des sociaux-démocrates allemands ou d'une façon générale, un mouvement libre parce qu'il exprime sa sympathie devant les souffrances et les luttes du peuples russe opprimé."

Le Procès de Köngsberg Aus dem Plädoyer

Ce texte est en cours de traduction.

[Kurt Eisner: Der Geheimbund des Zaren. Der Königsberger Prozess wegen Geheimbündelei, Hochverrat gegen Russland und Zarenbeleidigung vom 12. bis 25. Juli 1904,
Berlin 1904, S. 436-445. Nach Karl Liebknecht, Gesammelte Reden und Schriften, Band 1, S. 68-74]

Comment les Romanov sont-ils arrives au pouvoir? La Russie a-t-elle toujours été un Etat absolutiste ? Non, l’histoire enseigne que la famille tsariste a été élevée sur le trône en 1613 par le Parlement de Moscou.

Les Romanov ont reçu le pouvoir des mains du peuple russe, et l’absolutisme russe n’est pas issu d’une décision du parlement, mais a été créé par une révolution venue d’en haut. Devra-t-il s’insurger si un jour le glaive se retourne contre lui ? Ce serait très confortable pour lui s’il pouvait faire disparaître toute évolution par des interdits de papier, s’il pouvait tout simplement décréter : toute modification de la constitution est pour toujours interdite, toute aspiration à la liberté punissable par la loi et tout un chacun est dégradé au rang d’esclave ! Mais on ne peut pas ainsi brider l’évolution naturelle.

L’histoire russe est plus que tout autre écrite dans le sang, non pas le sang versé par le peuple, mais par les grandes familles entre elles et par le sang versé par les mains des gouvernements, des paysans, des  sectes religieuses, des travailleurs, de la population juive et – des soldats et officiers ! Car ce n’est pas avec les événements de 1899, pas non plus avec la « Narodnaja Wolja », comme nous l’avons entendu, que le « mouvement tendant à renverser le pouvoir » a commencé, mais par les complots  militaires, les décembristes, les Petraschewzen et il y a déjà plus de trois générations que la Sibérie est imbibée du sang le plus noble de la Russie.

Monsieur le procureur pose la question : Que peut-il exister de plus honteux que les écrits qui se trouvent devant nous? Je connais quelque chose de plus honteux : ce sont les conditions qui règnent en Russie auxquelles ces écrits font référence.

Je souhaiterais que chacun de vous, Messieurs les Juges, aient une fois l’opportunité d’assister à une fêtes des étudiants russes, où sont chantés ces chants graves, émus, passionnés. L’un des plus saisissants est le chant « le fouet des cosaques », de Ngaika. On y entend les mots suivants : Petit fouet, petit fouet, oublieras-tu ce que tu as fait le 8 février ? Il s’agit du 8 février 1899, jour où les étudiants de Saint-Petersbourg ont été fouettés en public.

Si nous considérons les conditions régnant en Russie, l’absence de droit absolue du peuple, la corruption et la brutalité sanglante de la bureaucratie, ce système laissant libre cours à l’absence de règles, les coups de fouet, les blessures à la tête, des paysans, des Juifs et des ouvriers, nous voyons alors que deux mots s’affichent au fronton de l’histoire russe récente : sans la Sibérie et Schlüsselburg, le tsarisme n’existe pas. Là-bas coule le sang de la jeunesse russe.

Avec fougue, le célèbre professeur de droit conservateur, Seidel, décrit l’état de la Russie comme un despotisme au sens asiatique. Pierre le Grand a dit : Je n’ai pas affaire à des êtres humains, mais à des animaux, dont je veux faire des êtres humains. Mais aujourd’hui, nous avons à faire à des êtres humains, dont on veut faire des animaux. Celui qui veut être un être humain, est envoyé en Sibérie ou à Schlüsselburg, et seul celui qui veut être un non humain, appartient aux éléments qui défendent  l’Etat. On voudrait vraiment qualifier de fou ce système, comme le fait Nadeschdin.

Nous connaissons tous les descriptions saisissantes de Dostoïevski dans son livre “Souvenir de la maison des morts”. Dans l’introduction de cette œuvre, Dostoïevski avec sa manière amère et sarcastique, distingue ceux qui « savent résoudre l’énigme de la vie », c'est-à-dire ceux qui s’accommodent de la barbarie russe et ceux qui ne le peuvent pas. Qui doute que ces derniers sont meilleurs, sont les meilleurs ? Ce sont justement les hommes et les femmes qui ont commis les attentats, qui ont les âmes les plus douces ; ce sont justement eux que leur noble sensibilité a emporté. Tous les attentats russes ne sont que les actes terribles du désespoir.

Chaque auteur de ces attentats pensait devoir se sacrifier pour le bien de l’humanité. Si l’on peut qualifier de condamnable et inintelligent ces actes, qui, examinant leur motivation, voudra être un juge sévère de leurs auteurs et leur refuser toute compréhension. Le tsarisme a violé brutalement un pays, faible, comme la Finlande mais ils se sont offert la poitrine nue, sachant que leur cou serait livré au bourreau, leur poitrine aux balles.

Les auteurs les plus célèbres de la littérature russe, eux aussi les ont fêtés comme des héros. Le document le  plus poignant est ici le « Poème en prose » de Tourgueniev, adressé à la Perovskaia, qui a commis l’assassinat contre Alexandre II, je veux en rappeler approximativement le contenu. La Perovskaia, une jeune et jolie jeune fille, se tient devant un rideau, derrière lequel règle l’obscurité et un froid glaciaire, sur le point de l’ouvrir et de passer le seuil. Une voix l’appelle : « Veux-tu abandonner tes proches, veux-tu connaître la soit et la faim ? Elle répond : « Oui ». Veux-tu abandonner père, mère, sœurs et frères et tout espoir d’amour et de joie de la maternité ? » Elle répond « Oui » et ouvre le rideau. On entend alors venu des profondeurs « Insensée ! » Mais une voix venue du ciel crie : « Héroïne, Sainte ! ». Je n’ai pour tous ces actes de désespoir devant les conditions régnant en Russie aucun mot d’indignation morale ! …

Ce procès, acte de courtoisie de l’Allemagne envers le gouvernement russe, mené dans l’intérêt de la Russie, offre l’image étonnante, d’autorités allemandes qui doivent courir après la Russie, pour obtenir des documents, pour protéger la Russie, pour punir des citoyens allemands.

J’ai certes aussi une explication pour ce comportement étonnant du gouvernement russe. Il ne ressentira pas qu’on lui rend lors de ce procès un service d’ami. Je crois, que ce procès a réellement remué là-bas. La Russie sait que son absolutisme ne peut pas s’exposer à une procédure publique en Allemagne. Jamais l’absolutisme russe n’a connu des blessures aussi profondes que dans cette salle devant les yeux du monde entier. La Russie doit vraisemblablement se dire : Dieu protège-nous de nos amis.

Sur ce point, les conservateurs comme les nationaux-libéraux, même un Professeur Schiermann du Kreuz-Zeitung ont le même avis.

Je reconnais que par des voies légales, aucune amélioration n’est possible, mais cela ne signifie pas pour autant acte de haute trahison. La social-démocrate russe se contenterait de pouvoir distribuer des écrits et tenir des réunions publiques. C’est certes interdit, mais en Russie non plus ce n’est pas considéré comme acte de haute trahison. Autrefois,  il a existé aussi des procès publics par exemple, mais c’est seulement quand on a constaté que cela servait plutôt l’agitation, au lieu de créer la peur, que l’on a abandonné les procès non seulement politiques mais aussi progressivement les procès pour des raisons sociales. Aujourd’hui, on n’entend plus que les cris de désespoir de Schlüsselburg et de la Forteresse Pierre et Paul.

Mais on ne peut enchainer la parole libre, encore moins l’évolution économique. Le tsarisme peut bien être tout puissant, mais il ne peut arrêter l’évolution capitaliste, au contraire, il doit s’unir au capitalisme contre les travailleurs, pour se sauver lui-même …

 

1 Der Königsberger Prozess fand vom 12. bis 25. Juli 1904 statt. Die Angeklagten waren auf Grund des Schmuggels illegaler, gegen den Zarismus gerichteter Schriften nach Russland der „Geheimbündelei, des Hochverrats gegen Russland und der Zarenbeleidigung" beschuldigt. Sechs von ihnen wurden zu Gefängnisstrafen verurteilt. Der Prozess endete mit einer politischen Niederlage der preußischen Reaktion, die ihn inszeniert hatte, und war ein Schlag gegen die zaristische Selbstherrschaft.

 

2 Gemeint sind Angehörige religiöser Sekten (Baptisten, Adventisten und andere), deren Zahl insbesondere nach der Aufhebung der Leibeigenschaft im Jahre 1861 bedeutend anwuchs. Lenin wies wiederholt darauf hin, dass die Anhänger der Sekten für den gemeinsamen Kampf gegen das zaristische System gewonnen werden müssten

3 „Narodnaja Wolja" – (Volkswille), ging hervor aus der im Jahre 1876 entstandenen kleinbürgerlich-revolutionären, volkstümlerischen Organisation „Semlja i Wolja", die nicht in der Arbeiterklasse, sondern in der Bauernschaft die revolutionäre Kraft sahen. Um die Bauernschaft zum Kampf gegen den Zaren zu organisieren, gingen sie auf

 

das Land, „ins Volk". Als ihre Bemühungen erfolglos blieben, organisierte sich eine Anzahl von ihnen in der Gruppe „Narodnaja Wolja", um den Kampf mit den Mitteln des individuellen Terrors zu führen.

4 Ein in den vierziger Jahren des vorigen Jahrhunderts um den Beamten des Auswärtigen Amts M. W. Petraschewski entstandener Zirkel, dem unter anderen F. M. Dostojewski, M. E. Saltykow und der berühmte Pianist Rubinstein angehörten. Die Petraschewzen bildeten einen inoffiziellen politischen Klub, in dem man sich vor allem mit den Lehren des utopischen Sozialisten Fourier beschäftigte und sich zu republikanischen und demokratischen Ansichten bekannte. Im April 1849 wurden 39 der hervorragendsten Mitglieder verhaftet und 15 von ihnen zum Tode verurteilt. Das Todesurteil wurde in Zwangsarbeit umgewandelt.

5 Im Jahre 1899 pfiffen die Studenten der Universität Petersburg ihren Rektor aus, der sie beleidigt hatte. Sie wurden daraufhin auf der Straße von Kosaken ausgepeitscht. Als Antwort streikten die Studenten fast aller russischen Universitäten. Es kam zu vielen Verhaftungen und Ausweisungen.

6 Unter dem beschlagnahmten Material befand sich eine von dem russischen Sozialrevolutionär Nadeschdin verfasste Broschüre „Die Wiedergeburt des Revolutionismus".

 

 

 

 

 

 

 

Karl Liebknecht 1904. Le Procès de Köngisberg (extrait)

Le texte se trouve de fait au chapitre 4, La révolution à l'Est, de Militarisme, guerre, révolution paru chez maspéro, P 177 à 183.

Note de bas de page : Le procès de Königsberg eut lieu du 12 au 25 juillet 1904. Pour avoir fait passer en fraude en Russie des écrits illégaux dirigés contre le tsarisme, 9 sociaux-démocrates allemands furent accusés de formation de société secrètes, heute trahison contre la Russie et lèse-majesté contre le tsar.

liste des textes de cet ouvrage sur comprendre : https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2021/12/textes-de-karl-liebknecht-dans-militarisme-guerre-revolution-paru-chez-francois-maspero-en-1970.html

Début du texte dans l'ouvrage précédant notre extrait :

[...] M. le Procureur a déclaré: l'Europe toute entière a les yeux fixés sur ce procès. Je suis d'accord avec lui: le monde civilisé a les yeux fixés sur Königsberg ... Pourquoi? Parce que c'est ici qu'est faite la première tentative pour punir des sociaux-démocrates allemands ou d'une façon générale, un mouvement libre parce qu'il exprime sa sympathie devant les souffrances et les luttes du peuples russe opprimé. Haute trahison à l'égard de la Russie! De la Russie qui, au mépris des traités, a violenté la Finlande; de la Russie, qui tente par la force de russifier nos provinces baltes; de la Russie, qui a envahi la Mandchourie au mépris du droit des gens; de la Russie qui a entrepris, elle-même coupable de haute trahison, de faire sauter des trains à la dynamite et de provoquer des soulèvements armés dans les États balkaniques. Vraiment, cette Russie doit être considérée autrement que n'importe quel État de droit, autrement en ce qui concerne sa "Constitution", en ce qui concerne la haute trahison. S'il est exact que les mêmes moyens terroristes qui secouent la Russie, sont employés par le gouvernement russe dans d'autres pays, alors vaut l'adage: "Qui a frappé par l’épée périra par l’épée." Et ainsi s'applique ce principe de toute justice qui est aussi vieux que le monde : "Ce que tu me fais, je te le fais!"

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14 décembre 2022 3 14 /12 /décembre /2022 12:27
Le Lantag de Prusse

Le Lantag de Prusse

Citations :

"Très amusant de constater comment on élève les jeunes dans un esprit militariste, et cela avec la bénédiction du clergé. Le pasteur donne sa bénédiction, il va au temple et prie. Ensuite il va et vient, par monts et par vaux, et là-dessus de nouveau on joue à la guerre – frisch, fromm, fröhlich, frei*  – chrétiennement, selon le commandement de l’amour du prochain."

"Mais prier et tirer, cela va très bien ensemble"

Priez et tirez.

Discours devant le Landtag de Prusse le 26 mars 1912 (extrait)

Ce discours a été prononcé le 26 mars 1912 devant le Landtag de Prusse. Les autorités avaient organisé une Conférence sur les questions de santé publique, à Ebelfeld en 1911 et prévu des subventions pour l'éducation de la jeunesse. Karl Liebknecht y fait référence dans ce discours.

Source : l’ouvrage regroupant des textes de Karl Liebknecht, édité en 1970 chez françois maspero. Sous le titre « Priez et Tirez ». P.38 - 54

 

Texte :

… Il est du reste très amusant de voir comment, grâce à la subvention gouvernementale, encouragés par la pluie d’or qui tombe d’en haut, le clergé, les militaires, etc., se sont retrouvés ensemble. Très amusant de constater comment on élève les jeunes dans un esprit militariste, et cela avec la bénédiction du clergé. ("Très bien !" sur les bancs des sociaux démocrates). Le pasteur donne sa bénédiction, il va au temple et prie. Ensuite il va et vient, par monts et par vaux, et là-dessus de nouveau on joue à la guerre – frisch, fromm, fröhlich, frei*  – chrétiennement, selon le commandement de l’amour du prochain. Ah Dieu ! Tout cela est si ridicule qu’on ne peut vraiment pas en parler sérieusement. (*Frais, pieux, joyeux, libres, C’est ainsi que se désignaient les membres des organisations de jeunesse chrétienne en Allemagne)

On apprend aussi aux enfants à tirer : le tir après la prière. Oui, messieurs, n’est-ce pas quelque peu dangereux ? N’avez-vous pas un peu peur d’apprendre à tirer aux enfants du prolétariat ? Je vous demande de considérer s’il ne serait pas préférable de leur trouver d’autres occupations. Mais prier et tirer, cela va très bien ensemble. ("Tout à fait chrétien !" sur les bancs des sociaux-démocrates.) De la façon dont la religion est pratiquée ici, c’est exactement la même chose, car la façon dont vous la pratiquez n’est rien d’autre au fond qu’une violence, exactement comme la guerre et autres violences humaines. (« Très juste » sur les bancs des sociaux-démocrates.)

Je reprends ce fameux numéro de la Deutsche Tageszeitung du 2 mars. Il y est question d’un club social-démocrate de tir, qui se trouve, paraît-il, à Dresde. Le journal se plaint que les sociaux-démocrates aient aussi des clubs de tir et il montre qu’il y a là, en fait, un grand danger. Il serait intéressant de savoir combien il en existe. On se propose manifestement de mobiliser le gouvernement contre le grand danger que représentent les clubs de tirs sociaux-démocrates. Messieurs, il inutile de parler longuement du jeu guerrier « grandiose » d’Essen, qui a provoqué l’enthousiasme de M. Hackenberg lui-même, bien qu’il soit très caractéristique de la façon dont vous éduquez la jeunesse. On emmène 5000 enfants, on se livre à d’abondants exercices de tir et autres exercices de patriotisme cocardier, et quand la jeunesse s’est suffisamment exaltée à l’idée d’avoir anéanti des vies humaines ou du moins d’avoir appris comment le faire (« Très juste !»), c’est alors que le sentiment religieux est développé au plus haut point. Ah Dieu, ce genre de christianisme, vraiment, messieurs !

 

Transcrit pour le net le 14.12.2022 par Dominique Villaeys-Poirré

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13 décembre 2022 2 13 /12 /décembre /2022 17:03
Karl Liebknecht, "Le mouvement ouvrier et l’organisation de la jeunesse", 1er août 1908. Comment le parti social-démocrate et les syndicats ont tenté d'empêcher l'émergence des organisations de jeunesse

Le mouvement ouvrier et l’organisation de la jeunesse, 1er août 1908

Comment le parti social-démocrate et les syndicats ont tenté d'empêcher l'émergence des organisations de jeunesse

Le mouvement prolétarien de la jeunesse est un chaînon nécessaire du mouvement ouvrier moderne. La jeunesse prolétarienne est la tête et les jambes de la classe ouvrière. Les organisations libres de la jeunesse n’ont jamais eu d’autre but que de servir le mouvement ouvrier moderne, d’être une école préparatoire pour les organisations de combat des ouvriers. Comme tout nouveau mouvement, les organisations de jeunesse ont dû lutter durement pour se faire accepter par la classe ouvrière ; il leur a fallu de longues années de dur travail. Cependant, elles y sont parvenues. Le 29 septembre 1906, les ouvriers, au congrès de Mannheim, adoptèrent à l’unanimité cette résolution de sympathie :

« Nous saluons l’éveil, qui se manifeste de tous côtés, de la jeunesse prolétarienne à une activité indépendante, et demandons instamment aux membres du parti d’encourager, partout où les lois sur les associations le permettent, la création et le développement d’organisations de jeunesse. » (Cf Procès-verbal des débats du congrès du parti social-démocrate allemand, réuni à Mannheim du 23 au 29 septembre 1906, Berlin, 1906, P. 145.)

Motivant cette résolution, un orateur (le Dr Karl Liebknecht) déclara : « Mais là aussi, où les organisations de jeunes ne sont pas politiques, le parti doit affirmer sa sympathie à leur égard. C’est le devoir du congrès de dire aussi aux jeunes de l’Allemagne du Nord : Nous sommes d’accord avec votre activité ! »

Ces déclarations ont été vivement applaudies par le congrès. La jeunesse et la classe ouvrière ont entrepris de travailler énergiquement au développement des organisations de jeunes. Ce développement paraissait assuré. Mais dis aliter risum ! (les dieux en avaient décidé autrement).

Neuf semaines à peine après le congrès de Mannheim, les représentants des comités directeurs des centrales syndicales, lors d’une conférence tenue à Berlin les 26 et 27 novembre 1906, prenaient position contre la formation d’organisations spéciales de la jeunesse.

« La commission générale considère qu’une organisation centrale spéciale des jeunes n’est utile ni pour la défense des intérêts économiques ni dans le domaine de l’éducation de la jeunesse, mais plutôt nuisible. Ce n’est pas à la création d’une organisation de jeunesse que doivent travailler le parti et les syndicats, mais à une organisation propre à éduquer les jeunes. C’est aux syndicats qu’il faut qu’il faut laisser le soin d’organiser les jeunes ouvriers, et c’est aux directions syndicales, aux congrès syndicaux, qu’incombe la tâche d’amener les jeunes dans les syndicats, de les aider à s’y maintenir. Le prochain congrès syndical devrait s’occuper particulièrement de la question des jeunes ouvriers, de celle de l’apprentissage, et la prochaine conférence du Comité directeur devrait présenter des propositions relatives à ces problème. La conférence s’est ralliée à ses déclarations. »

Malgré cette prise de position des leaders syndicaux, le congrès social-démocrate qui se tint à Essen au mois de septembre de l’année suivante, au moment où se préparait la loi sur les associations qui devait interdire les organisations de jeunes, décida de « travailler d’une façon plus énergique que jamais, à la création d’organisations de jeunes et de demander aux membres du parti de faire comprendre le sens de cette action. » (Cf Procès-verbal des débats du congrès du parti social-démocrate allemand, réuni à Mannheim du 23 au 29 septembre 1906, Berlin, 1906, P. 145.)

Le vote de la loi sur les associations donna aux leaders syndicaux l’occasion de faire connaître au public leur opinion et leurs projets. On s’efforça de lire dans cette loi plus qu’il ne s’y trouvait. Que nos organisations ne sont pas concernées par cette loi, c’est ce que nous avons déjà montré ((Éditions de « Jeunesse ouvrière », n° 5 de l’année en cours). Le seul changement apporté par cette loi dans la question de l’organisation des jeunes, fut l’extension à l’Allemagne du Sud de ces organisations jusqu’ici cantonnées à l’Allemagne du Nord. Mais les leaders syndicaux réussirent à amener les jeunes du Sud à dissoudre eux-mêmes leur bureau de Mannheim, phénomène rare dans le mouvement ouvrier, que les jeunes de l’Allemagne du Sud regrettent déjà amèrement.

Il était réservé au congrès syndical qui se tint du 22 au 27 juin à Hambourg de prononcer la condamnation à mort des autres organisations de jeunes.

Comment a-t-il été possible que le congrès, malgré les décisions de Mannheim et d’Essn, prenne position contre les organisations de jeunes. Voici de quelle façon les choses se sont passées. Robert Schmidt fut chargé de présenter un rapport sur « l’organisation du travail d’éducation de la jeunesse ». Les ouvriers ne se doutaient pas que ce rapport serait un pamphlet contre les organisations de jeunes en vue de les supprimer. Et l’on pouvait d’autant moins s’y attendre que, pour les ouvriers, la question de l’organisation des jeunes était déjà tranchée (Mannheim, Essen).

Au Congrès lui-même, il n’y avait personne qui pût répondre aux attaques injustifiées dirigées contre les organisations de jeunes. Les reproches de Schmidt  s’adressaient aux organisations politiques des jeunes ; celles-ci ayant cessé d’exister, ses déclarations devaient avoir pour effet de rabaisser dans l’opinion publique les organisations de jeunes existantes, dont Robert Schmidt savait très bien qu’elles n’avaient déployé aucune espèce d’activité politique. Le 2 mai, il s’était exprimé devant un membre dirigeant de notre organisation d’une façon peu glorieuse sur l’activité de l’association berlinoise. A Hambourg, si l’on en croit les rapports de presse, il ne dit pas un mot de notre organisation. Comme il ne fut contredit par personne, les délégués le crurent. Et lorsqu’il ajouta que sa résolution reposait sur un accord, elle fut approuvée à l’unanimité. Après la dissolution du groupe de Mannheim, les délégués crurent manifestement que les représentants des organisations de jeunes avaient participé également à cet « accord ». Ainsi, pour les délégués, tout paraissait en ordre, soigneusement préparé d’avance, et ils levèrent la main pour la condamnation à mort.

La faute commise par le rapporteur est d’autant plus grave qu’il savait parfaitement que les organisations de jeunes s’étaient opposées à la dissolution, n’avaient pas donné leur accord. Il devait savoir que les organisations de jeunes y avaient prêté moins d’attention que lui. C’est pourquoi il devait se dire : Audiatur altera pars ! (L’autre partie doit être entendue !) Au lieu de cela, le « procureur Schmidt recommande de couper la tête de l’accusé sans lui permettre de se défendre. Sic volo, sic jubeo, sit pro ratione volontas ! (Ainsi je le veux, ainsi je l’ordonne ; que ma volonté tienne lieu de raison !)

Comme le montre la façon dont la décision a été prise et la question traitée au congrès, ce n’est pas là l’expression de la volonté  des ouvriers organisés dans les syndicats. C’est uniquement l’œuvre de quelques leaders, qui voient dans les organisations de jeunes une concurrence dangereuse pour les syndicats, et cela prouve la méconnaissance totale des organisations de jeunes. Non seulement cette décision est en contradiction avec celles qui ont été prises à Mannheim et Essen concernant ces organisations, mais les motifs sur lesquels elle se fonde sont en opposition flagrante avec les principes que les ouvriers ont adoptés jusqu’à présent au sujet de l’éducation de la jeunesse. (Voir le compte-rendu du congrès du parti social-démocrate allemand, tenu à Mannheim sur le thème « Social-démocratie et éducation du peuple ». Rapporteur : Heinrich Schultz et Clara Zetkin.)

L’orientation préconisée par Robert Schmidt conduirait à la création de comités portant en eux le germe de la mort. Grouper les jeunes pour les éduquer n’est pas nouveau, mais toutes les tentatives sont restées à l’état d’ébauche. Assurément, ça et là quelques ouvriers éduqués sont sortis de ces groupes de formation, mais ceux-ci n’ont jamais eu une grande importance et cela s’explique facilement.

Et comment lui voyait en leur indépendance le fondement nécessaire de leur action.

L’organisation des jeunes requiert, pour réussir, deux conditions : indépendance de la jeunesse et défense de ses intérêts. Les organisations libres de la jeunesse, créées par la jeunesse elles-mêmes ont, les premières tenu compte de cette nécessité qui découle de la position même des jeunes dans la société économique. Le capitalisme moderne a donné au jeune ouvrier son indépendance : à l’usine il est à égalité avec les adultes ; les rapports patriarcaux d’autrefois entre maître et apprenti ont pour ainsi dire disparu. Cette position économique nouvelle donne aux jeunes le droit de constituer des organisations indépendantes. Leur psychologie en effet s’est modifiée, ils grandissent dans d’autres conditions qu’autrefois ; ces conditions nouvelles et les courants intellectuels qui se développent dans les villes, ont pour effet de hâter leur maturité ; ils sont conduits à prendre une part active dans les grandes luttes. Ainsi, sous la pression des circonstances, la jeunesse aujourd’hui éprouve plus que jamais le besoin d’indépendance c’est là une aspiration qu’on ne peut réprimer par la force, et celui qui tenterait de le faire commettrait un péché à l’égard de la jeunesse prolétarienne. C’est précisément l’indépendance qui caractérise l’homme : ce doit être le but d’une éducation raisonnable de permettre d’acquérir une personnalité.

Rien ne pèse plus lourd sur le jeune ouvrier, à plus forte raison sur l’apprenti, que sa situation actuelle. Cette pression est encore renforcée par l’ignorance où se trouvent les jeunes du régime social actuel, en général. En tous les cas, ils aspirent encore plus ardemment que les ouvriers adultes à leur libération économique, et tout ce qui est entrepris concernant leurs intérêts les plus fondamentaux, comme le sont les intérêts économiques, attire la grande masse des jeunes. Aussi le but auquel doit tendre l’éducation de la jeunesse est d’élever le niveau intellectuel de la masse, non de favoriser l’avancement de quelques jeunes particulièrement doués.

C’est uniquement au fait que les organisations libres de la jeunesse ont tenu suffisamment compte de ces besoins immédiats des jeunes, qu’il faut attribuer leur succès. Si l’on tient compte que ces succès ont été arrachés par leurs propres moyens au prix d’une lutte dangereuse avec les frères ignorantins, les employeurs, la police et la justice, on peut dire qu’ils sont excellents ; l’Arbeitende Jugend a déjà atteint un tirage minimum de 10 000 exemplaires ; la Junge Garde a assurément le même tirage, soit au total 20 000 lecteurs des journaux de jeunes en Allemagne. Quelles tentatives de formation de la jeunesse ont-elles atteint ces chiffres ? Que Legien crée une institution dont le financement et le travail soient supportés par les jeunes eux-mêmes et qui réussisse à en rassembler 20 000, alors il pourra appeler les organisations de jeunes une entreprise manquée !

Qu’on se rappelle l’enthousiasme suscité dans la jeunesse, à l’époque (octobre 1904) par la fondation de l’organisation libre de la jeunesse à Berlin. Ce n’est pas le fait en lui-même – combien d’associations ont été fondées à Berlin ! -, mais la défense pratique des intérêts des jeunes et l’indépendance de l’association qui, tel l’éclair, ont frappé l’opinion et particulièrement la jeunesse. C’est ainsi que, peu de temps après leur création, le Reich, organe du parti social-chrétien, écrivait : « Il a déjà été reconnu par M. Liz-Mumm (l’un des dirigeants des associations de jeunesse chrétienne), au cours de l’une de nos précédentes assemblées, qu’en ce qui concerne l’indépendance de nos adhérents, des erreurs sont commises dans un grand nombre d’associations. Nous pouvons prendre exemple sur le nouveau mouvement. »

La défense des intérêts des jeunes constitue le fondement d’une éducation intellectuelle systématique de la jeunesse. En partant de la situation matérielle des jeunes, on leur fait comprendre l’organisation de la société actuelle et on leur montre la voie qui permet à la classe ouvrière de se libérer du capitalisme. La jeunesse apprend en même temps à reconnaître la nécessité pour les ouvriers de se développer intellectuellement pour pouvoir mener jusqu’à la victoire leur lutte libératrice.

Mais l’indépendance de l’organisation et la défense des intérêts matériels des jeunes sont également des moyens d’éducation. La première forme, pour les organisations ouvrières, des fonctionnaires réalistes, fermes de caractère ; la seconde développe la conscience du droit parmi les jeunes. Éclairé sur ses droits, le jeune apprend à les défendre. Il faut faire pénétrer dans l’esprit du jeune prolétaire ce principe : il ne faut jamais abandonner un droit sans y être contraint par la plus stricte nécessité.

La défense des intérêts des jeunes par l’organisation des jeunes elle-même doit naturellement être assurée en liaison avec les syndicats, mais la jeunesse doit prendre à ce travail une part prépondérante. Que l’organisation des jeunes se substitue aux syndicats est hors de question ; de même, l’indépendance des organisations de jeunesse ne doit pas être comprise de telle sorte que, laissées complètement à elles-mêmes, elles végètent. Plus leurs effectifs s’accroissent, plus elles ont besoins de conseillers. Mais il faut que la démocratie y règne ; leurs dirigeants et leurs conseillers, c’est la jeunesse elle-même qui doit les choisir et ils doivent jouir de sa confiance. Ceux qui ne comprennent pas la psychologie des jeunes ne sont naturellement pas aptes à devenir leurs conseillers.

Il serait regrettable que la résolution de Hambourg soit appliquée. Ce serait dommage pour le coût personnel et financier de l’opération, car elle se révélerait rapidement vaine. En tout cas, la classe ouvrière ne devrait pas supprimer les organisations existantes de jeunes avant d’avoir créé, pour les remplacer, d’autres institutions dont on ait pu comprendre qu’elles étaient meilleures. Qu’on se garde donc de détruire inconsidérément l’œuvre créée par la jeunesse au prix de lourds sacrifices et de lui imposer en échange d’autres institutions dont elle ne peut comprendre la valeur. Il ne faut décourager à aucun prix la jeunesse prolétarienne si l’on ne veut pas que les ennemis de la classe ouvrière triomphent !

Puisse celle-ci satisfaire au désir justifié de la jeunesse de posséder une organisation indépendante ! Le jeune d’aujourd’hui est l’adulte de demain.

Karl Liebknecht, "Le mouvement ouvrier et l’organisation de la jeunesse", 1er août 1908. Comment le parti social-démocrate et les syndicats ont tenté d'empêcher l'émergence des organisations de jeunesse

Remarques :

Les deux sous-titres sont du blog.

Le texte a été transcrit à partir de l'ouvrage publié chez maspero en 1970 "militarisme, guerre, révolution" Choix de textes et présentation Claudie Weill, traduction Marcel Ollivier. Ce texte ouvre le chapitre : L'armée révolutionnaire en puissance et se trouve aux pages 31 à 36.

Transcrit pour Internet par Dominique Villaeys-Poirré le 9 décembre 2022 pour les blogs comprendre-avec-rosa Luxemburg.

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30 juillet 2022 6 30 /07 /juillet /2022 16:20
"Vous me volez la terre, mais pas le ciel". Poème de Karl Liebknecht. De la geôle,1916.

Ce poème, lu ici en espagnol, a été écrit en décembre 1916. Karl Liebknecht avait été arrêté après la manifestation organisée par son courant politique, en pleine guerre , en plein Berlin pour le 1er mai 1916. Il sera condamné à quatre années de prison et libéré par la révolution en octobre 1918. Lors de l'écriture de ce poème, il venait d'être transféré de Berlin à la prison de Luckau.

"Vous me volez la terre, mais pas le ciel". Poème de Karl Liebknecht. De la geôle,1916.

Vous me volez la terre, mais pas le ciel,

Il n'en reste qu'une mince bande où mes yeux

Peuvent s'accrocher :

A travers les mailles de la grille,

Entre les barreaux de fer,

Sous l'étau des murs pesants ...

Mais c'est assez

De voir le bleu divin, resplendissant, du ciel

D'où descend la lumière

Qui s'obscurcit en approchant

Et d'où parfois aussi

Tombe en dansant un bruissement léger

d'oiseaux ...

C'est assez qu'une vive corneille noire et bavarde,

Amie fidèle des jours de prison,

Me fasse voir un être au libre vol

Et qu'un nuage voyageur m'offre sa changeante

image,

Ce n'est qu'une toute petite bande de ciel ;

La nuit dernière,

La plus claire étoile a brillé dans ce bout de

ciel

La plus claire étoile du firmament a paru

Et ses rayons ont jailli des extrémités de

l'espace céleste

Plus clairs, plus brûlants

Avec un plus jeune éclat dans le trou de ma cellule

Que pour vous autres dehors ;

Elle jetait ici sa petite tache de lumière.

Vous me volez la terre, mais pas le ciel ...

Il n'y en a qu'une mince bande maigre

A travers les mailles de la grille,

Entre les barreaux de fer ...

Elle rend les sens de ce corps,

soulevé par une âme libre,

Plus libres que vous ne le fûtes jamais,

Vous qui aviez cru,

Sous les chaînes

De cette prison m'anéantir.

 

Source : Karl Liebknecht. Lettres du front et de la geôle (1916 - 1918). Fac-similé de l'édition originale réalisé pour Les Editions du Sandre, Bibliothèque rouge). Edition originale Librairie de l'Humanité, 1924. Traductions Francis Treat et P. Vaillant-Couturier.

Prison de Luckau

Prison de Luckau

Dans sa première lettre de Luckau à son épouse Sonia, il écrit le 11 décembre :

Aimée,

... Mon transfert s'est fait très discrètement ... Je suis très bien. Ne vous inquiétez pas pour moi. Cellule ample avec un poêle de faïence; grande fenêtre que je peux ouvrir moi-même, table, cuvette et même assiette et couteau, fourchette et cuiller. Une seule chose est pénible - 11 à 13 heures de lit. Mais je m'y ferai à tel point, tu verras, qu'en 1920 tu auras lieu de t'en réjouir! Je suis affecté à la fabrication de chaussures, mais je travaille dans ma cellule. Pendant quinze jours, le travail productif n'est pas obligatoire. La prochaine quinzaine, je devrai fournir un tiers, la suivante deux tiers; Puis, après 6 semaines d'apprentissage, je devrai arriver à la production entière.

Pour l'heure, je suis un embryon d'apprenti cordonnier. Dans les moments libres - (le dimanche et aussi pendant la pause, les jours ouvrables) -  on peut lire et écrire. La bibliothèque de la maison paraît avoir de bonnes choses, naturellement rien que des classiques ... Il est à croire que bientôt je pourrai puiser dans ma propre bibliothèque, mais naturellement par petites quantités. De même, je pourrai me servir d'un peu de papier pour écrire. peut-être m'en enverras-tu bientôt comme tu le faisais déjà pendant l'instruction.

La cour où l'on se promène est très grande. De l'autre côté des murs, on voit des arbres, et d'autres choses agréables - parmi lesquelles une église gothique en briques, point du tout négligeable, avec une nef gigantesque. dans la cour un poirier, et une ébauche de jardins (légumes et fleurs, primevères et pensées). Naturellement nous nous promenons en rang.

Vous ne pouvez m'écrire et je ne puis vous écrire qu'une fois tous les trois mois, sauf affaires de famille urgentes. Seuls les femmes, enfants, frères et sœurs, peuvent écrire. Même règlement pour les visites J'espère bientôt avoir de bonnes nouvelles de toi et des enfants. En tout cas, pas de soucis pour moi. Sur les 1460 jours, déjà 38 de passés, c'est-à-dire à peu près la racine de 1460 ...

Je dois terminer. Je t'embrasse et te serre contre moi mon cœur. Mille baisers aux enfants J'espère qu'ils seront sages, affectueux et appliqués, et qu'ils n'auront pas trop de chagrin à cause de moi.

Beaucoup d'amitiés à tous les parents et amis.

Ton Karl.

...

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20 février 2022 7 20 /02 /février /2022 19:48
Karl Liebknecht vers 1912

Karl Liebknecht vers 1912

Karl Liebknecht qui était en retrait le temps de terminer  ses études de droit afin de ne pas en être empêché par le pouvoir impérial, entre en politique en cette année 1900.

 

Sur le site incontournable (Sozialistische Klassiker), on trouve les compte-rendus de ses tout premiers discours dont celui-ci. J'en assure ici la traduction. Merci pour toute proposition d'amélioration.

 

https://sites.google.com/site/sozialistischeklassiker2punkt0/liebknecht/1900/karl-liebknecht-gegen-den-hunnenfeldzug

 

 

 

Le titre de ce discours fait référence au discours de Guillaume II le 27 juillet 1900 à Bremerhaven lors de l'envoi d'un corps expéditionnaire en Chine contre la révolte des Boxers.

Waldersee

Waldersee

"Mais nos gens ne doivent pas aller en Chine comme c’est le cas actuellement, tels des hordes de Huns!"

 

Karl Liebknecht: Gegen den Hunnenfeldzug

Compte-rendu du discours tenu dans la VIème circonscription de Berlin le 11 octobre 1900 - [Vorwärts, Nr. 159 vom 13. Oktober 1900. Discours et écrits, Dietz Verlan, Tome 1, Page 8 et suivantes)

 

La réunion au "Feldschlösschen" a également été très fréquentée. Au début de son discours, le Dr Karl Liebknecht a souligné l'importance en général des prochaines élections, puis l'orateur a décrit de manière claire et concise les conditions économiques, sociales et politiques, la misère du Reichstag, la brutalité de la politique de conquête et la misère moderne qui doit nécessairement en résulter. Dans le commerce et l'industrie, a dit l'orateur, la grande entreprise fait de plus en plus de progrès. Rien d’autre ne peut vaincre le colosse capitaliste que la social-démocratie, rien d’autre que le transfert des moyens de production à la société. C'est notre but ultime. Mais tout d'abord nous exigeons l'égalité politique. Nous connaissons le traitement différent qui est accordé au travailleur et au membre de la classe privilégiée. Ensuite, nous exigeons l'égalité sociale. Qui connaît la relation entre les travailleurs et les employeurs, sait qu’elle n’existe pas non plus. De plus, la social-démocratie est antimonarchiste et républicaine. Dès qu'un peuple devient majeur, la monarchie disparaît.

 

Nous nous désignons aussi comme des internationalistes. C'est pourquoi nous sommes nommés ennemis de la patrie. Nous sommes ennemis de la patrie des Junkers et des prêtres, et ennemis de la patrie de l'exploitation capitaliste, et j’aimerais suggérer que nous revendiquions le nom de "sans patrie" comme titre honorifique. Nous ne sommes pas du tout des adversaires de la politique mondiale et nous n’avons rien contre le fait que le marchand se rende en Chine pour y vendre ses marchandises. Tous les pays doivent être entraînés dans le développement de la civilisation. Mais nos gens ne doivent pas aller en Chine comme c’est le cas actuellement, comme des hordes de Huns!

 

L'orateur a ensuite critiqué avec une ironie mordante l’action du comte von Waldersee et les différentes notes de Bülow.

 

Bien sûr, nous avons aussi un Reichstag ! Nous avons une constitution ! Nous avons un droit d'approbation budgétaire! Mais ce Reichstag s'est prostitué vis-à-vis des partis majoritaires ; il s'est émasculé lui-même et il reçoit maintenant de la part du gouvernement le traitement qu'il mérite. L'orateur a alors décrit la politique usuraire des Junkers, qui exigent désormais du gouvernement une taxe douanière sur les céréales pouvant aller jusqu'à 10 marks en récompense de leurs loyaux services lors du vote du budget pour la marine, ce qui représente environ 86 marks pour une famille de cinq personnes. L'orateur a également fustigé les prix usuraires pour le charbon et le logement, la politique des pachas, à laquelle le Reich doit s'opposer, puis a poursuivi : Nous voulons conquérir ce qui peut être obtenu avec les moyens que nous donne la constitution. Il n'y a aucun doute : nous gagnerons la campagne électorale. Mais ce qui compte pour nous lors cette élection, c’est de manifester. C'est pourquoi chacun doit se transformer en agitateur et veiller à ce que le jour de l'élection, nous apparaissions avec un nombre écrasant de voix.

 

(Traduction Dominique Villaeys-Poirré août 2021. Merci pour toute amélioration de la traduction)

Guillaume II. prononce son discours devant les troupes rassemblées.

Guillaume II. prononce son discours devant les troupes rassemblées.

Extrait du discours de Guillaume II.

Deux versions existent de ce discours, celui diffusé par l'empire dans la presse avait été édulcoré en particulier ce passage :

« Quand vous aborderez l’ennemi, pas de quartier ! Que quiconque tombera entre vos mains soit un homme mort ! 

Comme il y a plus de mille ans, les Huns, sous leur roi Attila, se sont fait le renom qui les montre aujourd’hui encore redoutables dans la légende ; de même puisse, grâce à vous, dans mille ans encore, le nom allemand faire, en Chine, une impression telle que jamais plus un Chinois n’ose regarder un Allemand, même de travers ! »

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19 février 2022 6 19 /02 /février /2022 00:19
Karl Liebknecht et l'impérialisme au Maroc - 1911 "Pour nous, le mot d’ordre de fait est « La lutte sur terre ! » et non « la paix sur terre ! "

Citations

"Lorsque nous disons “Paix sur la terre!”, nous l’entendons de manière différente que ces curés qui ont l’habitude de prêcher cela de manière hypocrite du haut de leur chaire. Nous ne sommes pas un parti de la paix dans le sens  où nous souhaiterions que l’humanité toute entière, dans l’état actuel des choses, soit composée exclusivement de gentilles petites sœurs, assises ensemble, buvant du café et mangeant des gâteaux. Nous savons bien au contraire qu’il n’y a pas de salut à notre époque en dehors de la lutte.  Pour nous, le mot d’ordre de fait est « La lutte sur terre ! » et non « la paix sur terre ! » Mais la lutte que nous voulons mener, elle doit être et elle est un combat pour le bien de tous ; c’est le combat pour la libération de l’humanité des chaînes de l’exploitation capitaliste et des entraves de l’oppression politique."

 

"Nous, sociaux-démocrates, savons que notre politique intérieure et extérieure est dictée par les conditions économiques et que ce sont elles qui déterminent le destin des peuples."

 

"Le capitalisme n’a pas exploité les formidables avancées techniques du monde moderne pour créer de l’espace pour tous, pas pour le bien commun, mais pour son propre intérêt et seulement pour créer de nouvelles sources de profits. En conséquence, de larges masses vivent encore  dans le besoin et la misère malgré les immenses richesses que le capitalisme amasse."

 

Karl Liebknecht a consacré plusieurs discours ou articles à l'agression impérialiste coloniale au Maroc.

 

15 juillet 1911 : Une guerre mondiale pour le Maroc Ein Weltkrieg um Marokko?

16 juillet : Les peuples sont les garants de la paix mondiale Die Völker, die Arbeiter sind Hüter des Weltfriedens

 

12 août 1911 : Marokko-Hundtagspolitik Marokko-Hundstagspolitik

13 août 1911 : Le Maroc et la classe ouvrière, discours à Göppingen Marokko und die Arbeiterklasse

3 septembre 1911 : Le socialisme, c'est la paix. Manifestation des travailleurs berlinois pour la paix „Der Sozialismus ist der Friede"

Mi-septembre 1911 : au Congrès du Parti social-démocrate d'Allemagne à Iéna :

. Contre la politique au Maroc des impérialistes allemands (12) Gegen die Marokkopolitik der deutschen Imperialisten

. La jeunesse en mouvement malgré tout (12) ... und die proletarische Jugend bewegt sich doch!"

26 septembre 1911 : A propos du Congrès de Iéna Über den Parteitag in Jena

14 septembre 1911: Pour des actions des masses contre la guerre Für Massenaktionen gegen den Krieg

 

 

Le jardin de la brasserie Dinkelacker

Le jardin de la brasserie Dinkelacker

 Une guerre impérialiste pour le Maroc?

"A la politique mondiale du capitalisme, le prolétariat oppose la politique mondiale du prolétariat mondial."

 

Discours tenu à Stuttgart le 7 juillet 1911, compte-rendu dans la Schwäbische Tagewacht (Stuttgart) et la Freie Volkszeitung (Göppingen), le 17 juillet 1911)

La traduction de ce texte est en cours de finalisation. En voici une première version. Dominique Villaeys-Poirré , le 20 novembre 2021

 

Lorsque le Dr. Karl Liebknecht, accueilli par des applaudissements enthousiastes, monta à la tribune placée au centre de la salle adjacente au jardin, la grande salle était bondée et la foule était dense dans le jardin de la brasserie Dinkelacker. Estimer à 6000 le nombre de participants ne devrait pas être excessif.

 

L’orateur a déclaré:

Si nous considérons notre politique étrangère officielle de ces dernières années, on a l’impression de se retrouver à la foire et l’on entend de tous côtés résonner chants, flutes et violons célébrant la paix, mais à certains moments la grosse caisse intervient et il apparaît que tous ces bruits en faveur de la paix n’étaient rien d’autre qu’un léger clapotis de surface. Nous, sociaux-démocrates, savons que notre politique intérieure et extérieure est dictée par les conditions économiques et que ce sont elles qui déterminent le destin des peuples. (Très juste !). L’affaire du Maroc n’est pas non plus une nouveauté pour nous sociaux-démocrates. En1906, la France et l’Allemagne se sont trouvées tout au bord de la guerre à cause du Maroc. C’était alors le ministre Delcassé – disait-on - qui avait menacé la paix mondiale par sa politique provocante. De longs efforts permirent d’éliminer ce point de discorde. Mais peu de temps s’écoula avant que de nouveau l’Afrique joue un rôle dans la politique extérieure en Allemagne. Depuis longtemps, la France menait une politique de pacification au Maroc. Nous avons pu remarquer que la diplomatie allemande s’est comportée autrefois avec calme face à cela, et lorsque l’Espagne intervint dans le conflit autour du Maroc, cette intervention fut condamnée par la diplomatie allemande. Mais à notre grande surprise, nous avons appris qu’une canonnière était apparue tout à fait soudainement devant le port d’Agadir et que l’Allemagne aussi voulait une part du gâteau marocain. La France et l’Espagne étaient des brigands aussi longtemps qu’elles étaient seules en cause pour le partage du gâteau, depuis que l’Allemagne essaie aussi, cela devient un devoir national, une politique mondiale nationale, dont dépendraient le bonheur et la prospérité du grand peuple allemand.

 

Il est intéressant d’étudier comment a été préparée cette action en Allemagne. On trouve toujours des raisons relevant du droit international. Elles tombent comme des fruits murs. Nous avons appris que l’Allemagne avait d’énormes intérêts matériels en Allemagne. Nous avons appris que les frères Mannesmann et quelques autres entrepreneurs capitalistes voulaient voir leurs intérêts représentés par la diplomatie allemande. Nous entendons parler de propriétaires fonciers, au profit desquels un navire de guerre a été mobilisé et l’incendie propagé au sein de la paix entre les peuples. Il ne s’agit pas d’une attaque fortuite et tout à fait soudaine. Notre capitalisme allemand appelle à corps et à cris des profits, des marchés, une Weltpolitik, l’expansion et là où il y a la moindre opportunité de s’emparer d’un butin, on trouve à l’œuvre des capitalistes allemands, tout comme les capitalistes des autres pays. Le capitalisme moderne ne peut pas se retrouver dans le mot du poète « il y a de la place pour tous sur la terre ». Le capitalisme n’a pas exploité les formidables avancées techniques du monde moderne pour créer de l’espace pour tous, pas pour le bien commun, mais pour son propre intérêt et seulement pour créer de nouvelles sources de profits. En conséquence, de larges masses vivent encore  dans le besoin et la misère malgré les immenses richesses que le capitalisme amasse. (Très juste !) Poussés par leurs classes capitalistes, les différents États se heurtent les uns contre les autres. De toutes parts, nous voyons dans le domaine de la Weltpolitik se développer la lutte pour une part du butin, au profit d’une mince couche de la société qui en tire ses profits. Il est donc compréhensible que  le prolétariat », ait été depuis toujours  un adversaire de la Weltpolitik internationale. La social-démocratie ne défend pas une politique de clocher mesquine ni une limitation absolue à l’espace intérieur étroit compris entre  barrières frontalières. Mais la politique mondiale capitaliste n’est pas menée pour le bien de l’ensemble de l’humanité, c’est une politique de classe ayant pour but de créer de plus en plus de possibilités d’exploitation par la classe capitaliste qui exploite déjà le peuple jusqu’au sang. A la politique mondiale du capitalisme, le prolétariat oppose la politique mondiale du prolétariat mondial. (Vifs applaudissements)

 

L’attitude de l’Allemagne est aussi d’un autre point de vue étrange. Lorsqu’il s’est agi de se partager le gâteau chinois, l’Allemagne était intervenue alors que la session du Reichstag avait expiré. Tous les appels au gouvernement de rappeler le Reichstag restèrent vains. Le financement fut validé a posteriori par les partis bourgeois, malgré la triste issue de la politique chinoise.  Les lauriers décernés à l’avance au comte Waldersee (forte hilarité) n’ont pas donné de fruits ; « Le partage du gâteau » n’a pas abouti. Au contraire, la vie s’est développée en Chine. Kiautcheou, le petit morceau du gâteau, qui est en possession de l’Allemagne, s’est avéré fort « maigre », si bien que personne ne se réjouit de sa possession, et que la question se pose de plus en plus sérieusement si ce ne serait pas mieux de le rendre. Le Reichstag s’étant séparé, la diplomatie a pu continuer  son action néfaste au mépris de la volonté du peuple tout entier.

 

C’est ce qui s’est passé aussi lors de la dernière affaire. Le gouvernement a attendu pour intervenir que le Reichstag et l’Assemblée des représentants de Prusse aient fini de siéger.  Comme pour la politique chinoise, des dépassements significatifs du budget seront aussi la conséquence des dernières mesures. Mais comme nous le lisons dans la presse bourgeoise, le gouvernement n’a pas à redouter d’opposition à ses dangereux agissements. Le seul parti à protester est la social-démocratie.

 

Mais un parlement siégeait encore lorsque fut inaugurée la dernière initiative du gouvernement impérial, un parlement dans un des États fédéraux qui se vante d’avoir une constitution plus libre que d’autres parties de l’Allemagne : l’État fédéral du Wurtemberg, dont on dit qu’il ne doit pas être jugé de la même façon que la Prusse ou les autres États fédéraux « semi-sauvages ». Toute l’Allemagne avait les yeux rivés sur le Landtag du Wurtemberg alors que la motion du parti social-démocrate devait être discutée. Qu’est-ce qu’exigeait cette motion ? Il s’agissait du bien et du sang du peuple allemand. Celui-ci a le droit de savoir ce qui va advenir de lui. Qui pourrait affirmer sérieusement que ces événements graves ne concerneraient pas le peuple ? Nous sommes devenus adultes. Nous ne nous laissons pas imposer de telles politiques (longs et vifs applaudissements !). Voyons ce qui se passe en France. Là-bas, le parlement a le droit de débattre. Là-bas, le gouvernement à dû s’expliquer. Même en Hongrie, un État semi-asiatique, le gouvernement a dû expliquer et subir les questions du soi-disant parlement hongrois. Et qu’avons-nous vécu au parlement wurtembergeois ? Une comédie des plus lamentables, une invraisemblable insulte faite au peuple. Le gouvernement s’est retranché avec un sourire narquois derrière le règlement qui permet de répondre à une interpellation que s’il le souhaite et fait du droit d’interpellation une farce (cris). Les partis bourgeois ont été suffisamment insolents pour ricaner lors de la prise de parole des sociaux-démocrates. S’étaient bien trompés ceux qui pensaient que l’on pouvait cacher par une feuille de vigne la honte de l’absolutisme, que l’on pouvait étendre un peu de baume venu du sud sur les blessures de la politique extérieure allemande. Au lieu de voir  la douleur apaisée, la blessure a été rouverte et  toute la dérision de nos constitutions allemandes est apparue de la façon la plus claire qui soit.  Celui qui pense que l’on peut à partir du Sud combattre la réaction en Prusse allemande, se trompe. Chez nous, dans le nord, nous devons combattre contre les Junker et la réaction, chez vous, au sud, vous qui savez que votre cause est la nôtre, vous devrez nous aider dans le combat pour le droit de vote, qui est le combat politique le plus important que la classe ouvrière doit mener.

 

Lors de la dernière affaire, nous voyons de nouveau, se répéter encore et encore le même jeu. Tant que nous ne mettrons pas ces messieurs à genoux, tant que nous ne leur fermerons pas les yeux, nous ne pourrons attendre d’amélioration de la situation (applaudissements enthousiastes). Les derniers événements montrent une petite dose de bonapartisme. Jamais, notre régime de junkers prussien ne s’est aussi radicalement ridiculisé que ces derniers jours, lorsque l’assemblée des représentants de Prusse fut chassée comme un troupeau de moutons, et que deux sociaux-démocrates ont pu la domestiquer à tel point qu’elle en perdit et la vue et l’ouïe. La lutte sur le droit de vote recommença a éveiller l’intérêt du peuple. Il s’agissait donc de détourner l’attention du peuple, de faire résonner les tambours, d’enfouir  toute velléité de libération dans un océan de chauvinisme et de patriotisme. A la recherche depuis des mois d’un slogan unificateur contre la social-démocratie pour les prochaines élections, la demande de quelques feuilles des junkers et des capitalistes  de susciter des différends en politique extérieure pour créer un enthousiasme national pour les prochaines élections était bienvenue.. Les différences actuelles suscitées par l’affaire marocaine ne sont rien d’autre que la tentative de pouvoir tondre plus facilement le peuple.  Le gouvernement s’est cependant trompé dans cette affaire. Le Delcassé de 1911 est Mr Kiderlen-Wächter. Il a par cette manœuvre maladroit dressé tout le monde civilisé contre l’Allemagne. La France, la Russie, l’Angleterre, l’Espagne sont contre l’Allemagne. L’Italie a déjà fait son petit tour dans lors des négociations d’Algésiras et elle continuera à danser. Et même la fidélité si vantée des « Niebelungen » dont, en 1906, avait témoigné l’Autriche-Hongrie pour le gouvernement allemand, a disparu aujourd’hui, si bien que l’Allemagne se retrouve dans un « splendide » isolement. Nous nous retrouvons face à un monde d’ennemis, que nous devons au cliquetis des sabres de M. Kiderlen-Wächter.

 

L’orateur a ensuite évoqué en quelques mots l’attitude adoptée par le gouvernement impérial face aux limitations des armements proposées par d’autres Etats. Les déclarations de Bethmann Hollweg émises à cette occasion  ont lancé dans le monde un détonateur dangereux. Et maintenant, nous voyons le philosophe Bethmann Hollweg se draper dans la pose du démocrate. Ce même Bethmann Hollweg a donné à l’Alsace-Lorraine un système électoral démocratique, alors qu’il avait prétendu lors des débats sur le projet de loi électorale en Prusse, que le droit de vote universel, égal et direct conduirait au nivellement. Lorsque l’on prétend maintenant que la social-démocratie aurait poursuivi une politique de gouvernement, ceci est une expression inexacte. (Vifs applaudissements. Très juste !). D’où vient chez Bethmann Hollweg ce besoin de démocratisation de l’Alsace-Lorraine ? D’où vient cette décision d’ôter l’aiguille plantée dans le corps alsacien-lorrain. Bethmann Hollweg sait bien, qu’il serait bien plus difficile de mener une action contre la France avec une Alsace-Lorraine hostile plutôt que réconciliée. Il existe une forte présomption que l’attitude  du chancelier n’a d’autre but que de faciliter la continuation de l’expansion de la politique mondiale d’agression contre la France du gouvernement allemand.

 

Nous arrivons à la conclusion que le gouvernement allemande a joué un jeu léger avec les intérêts du peuple allemand, en essayant brusquement de poser son poing ganté d’acier sur le Maroc. (Vifs applaudissements). Mais nous sommes persuadés et le disons à nouveau, le Maroc ne vaut pas le sacrifice d’un seul ouvrier allemand (Vifs applaudissements). Nous ne participerons pas à cette politique du gouvernement allemand. (Applaudissements) Nous voulons mettre en jeu notre pouvoir, pour empêcher le gouvernement d’avancer sur la voie empruntée. Nous savons que nous sommes  d’accord en cela avec les autres partis sociaux-démocrates des autres pays. Nos camarades en France  n’ont pas hésité un instant à dénoncer la politique française d’expansion et de rapine, car il  ne s’agit de rien d’autre qu’une politique internationale d’expansion et de rapine. Nous avons un ennemi commun, c’est le capitalisme, la réaction capitaliste qui pèse tout particulièrement et si fortement sur l’Allemagne. Vaincre le capitalisme international est notre devoir le plus élevé. Mais il ne peut être vaincu que par le prolétariat international, qui face à l’exploitation internationale, voit que son ennemi ne connaît pas les frontières. (Exact !) Nous ne faisons qu’un avec nos frères travailleurs français, nous ne laisserons pas diviser (Vifs applaudissements) Nous voulons être un peuple unique de frères et ne jamais nous diviser dans quelque détresse et quelque danger que ce soit.

 

Le camarade Westmeyer, président de la réunion, prit la parole après que l’orateur a terminé son discours, pour expliquer que le gouvernement wurtembergeois n’ayant pas jugé utile de répondre à l’interpellation de la fraction social-démocrate du Landtag et refusé de donner une réponse au peuple, les 6000 présents aujourd’hui diront au gouvernement ce qu’ils pensent d’une telle politique. Nous ne voulons pas de massacre, nous tendons aussi une main fraternelle à nos frères de l’autre côté de la frontière. Nous voulons donner  notre sang et nos biens  pour maintenir notre civilisation mais nous ne voulons pas sacrifier notre corps pour des Mannesmann&Co. Il lit alors la résolution suivante :

« Les 6000 personnes réunies salle Dinkelacker le 15 juillet proteste avec force contre l’ingérence de l’Allemagne au Maroc, aventure coloniale légère et dangereuse, de nature à détériorer les relations entre l’Allemagne et la France, d’augmenter le poids de l’exploitation et de l’oppression des travailleurs et provoquer les horreurs d’une guerre mondiale. Elles condamnent avec la plus grande fermeté cette entreprise aventureuse, aussi parce qu’elle a été entreprise sans consultation et accord du côté du Reichstag, en  éliminant le Parlement et constitue de ce fait une fuite en avant du régime personnel. Les personnes rassemblées élèvent de ce fait la plus vive des protestations contre le mépris avec lequel a été répondu à l’interpellation du groupe social-démocrate du Landtag du Wurtemberg, de même que contre l’attitude des partis bourgeois, qui se sont rendus complices de nouveau du gouvernement et ont ainsi réduit l’importance de la représentation populaire. Les personnes rassemblées indiquent en accord avec les prolétaires conscients d’Allemagne et de France que pas un homme, pas un sou ne doit être donné pour cette aventure marocaine. Elles expriment leur conviction qu’il est du devoir de la classe ouvrière des deux pays de s’opposer avec tous les moyens à leur disposition à une guerre fratricide. 

L’assemblée considère l’intermède marocain au Maroc comme un fruit de la politique coloniale capitaliste. Derrière le mot d’ordre de la grande Allemagne, celle-ci cherche à prolonger l’existence de l’ordre capitaliste menacé par les antagonismes économiques et sociaux en élargissant à l’échelle internationale la sphère de l’exploitation et de l’oppression. Les bénéficiaires de cette politique coloniale sont de petites cliques d’exploiteurs, ceux qui en supportent la charge les larges masses exploitées. Elle est très consciente que la politique mondiale, caractérisée par le meurtre et le pillage veut de plus détourner l’attention des masses laborieuses de la politique nationaliste hostile au peuple et de ses conséquence inévitables, le militarisme et le marinisme, de même que le régime personnel. Les personnes rassemblées indiquent qu’elles maudissent de la manière la plus énergique et fondamentalement cette politique. Et lui opposent les exigences d’une grande politique de réforme et d’une démocratie  conséquente, qui n’est défendue en Allemagne que par la social-démocratie, et dont l’élément central est actuellement en Prusse la conquête du droit de vote universel, égal, secret et direct de tous les citoyens majeurs sans différence de sexe. »

L’imposante assemblée  a été alors close. Et les participants se séparèrent en entonnant une Marseillaise ouvrière.

Karl Liebknecht et l'impérialisme au Maroc - 1911 "Pour nous, le mot d’ordre de fait est « La lutte sur terre ! » et non « la paix sur terre ! "

Le Maroc et la classe ouvrière

 

Discours tenu à Göppingen le 13 août 1911. (Compte-rendu de presse. La traduction est en cours, ici le début du discours de Karl Liebknecht. Dominique Villaeys-Poirré, le 23 novembre 2021

 

La manifestation en faveur de la paix d’hier s’est transformée en une manifestation d’une ampleur et d’une détermination jamais vue à Göppingen. Des vagues et des vagues de participants ont afflué à partir de 13 heures dans le Schockenseegarten et sur les pelouses. Les travailleurs de Göppingen n’étaient pas les seuls à être apparus en masse, des travailleuses et travailleurs étaient venus en masse des vallées et collines environnantes. La foule -  hommes et femmes – occupait le jardin jusqu’au lac, elle se tenait au coude à coude malgré le soleil de plomb impitoyable régnant sur la pelouse non ombragée. La foule était estimée à environ 5000 personnes. Mais le prolétariat n’était pas seul à la manifestation. Le parquet manifestait lui aussi, pas en la personne du procureur général, contre lequel le « Reichspost » s’était déchaîné, mais un auxiliaire de police et un quelconque agent de la police secrète assuraient cette fois la « surveillance » de la réunion.

 

A deux heures vingt, le Président ouvrit le meeting. Vous savez tous, a-t-il expliqué qu’un vent de tempête guerrière souffle actuellement sur toutes les villes et les districts. Nous nous sommes réunis aujourd’hui pour protester énergiquement contre la guerre, les massacres, contre l’impérialisme.

Nous savons, que cette année on entend dire du haut des chaires de l’ensemble du monde civilisé les mots : "Nous voulons faire régner la paix sur terre !" Et c’est pourquoi nous protestons aujourd’hui de toutes nos forces contre les machinations de notre gouvernement et contre la classe dominante, à l’origine de l’incitation à la guerre. (Applaudissements)

Le président a ensuite donné la parole au Dr Karl Liebknecht, qui, à son arrivée, a été accueilli par des tonnerres d’applaudissements, sur le thème :

 

Le Maroc et la classe ouvrière.

 

Lorsque nous parlons de la “Paix sur la terre!”, nous l’entendons de manière différente que ces curés qui ont l’habitude de prêcher cela de manière hypocrite du haut de leur chaire. Nous ne sommes pas un parti de la paix dans le sens  où nous souhaiterions que l’humanité toute entière, dans l’état actuel des choses, soit composée exclusivement de gentilles petites sœurs, assises ensemble, buvant du café et mangeant des gâteaux. Nous savons bien au contraire qu’il n’y a pas de salut à notre époque en dehors de la lutte.  Pour nous, le mot d’ordre de fait est « La lutte sur terre ! » et non « la paix sur terre ! » Mais la lutte que nous voulons mener, elle doit être et elle est un combat pour le bien de tous ; c’est le combat pour la libération de l’humanité des chaînes de l’exploitation capitaliste et des entraves de l’oppression politique.

 

Ce combat n’est mené que par notre parti et il est mené vers différentes directions. Nous luttons dans les différentes occasions contre les divers excès de l’ordre social actuel. L’un d’eux est la politique coloniale, l’impérialisme qui marque notre époque. Cet impérialisme qui est certainement l’un des traits les plus caractéristiques et les plus importants de notre époque.

Ce n’est pas par l’effet du hasard, ce n’est pas du fait de la volonté de quelque individu insouciant et borné, que la société actuelle a été entraînée par le maelstrom du militarisme, vers le maelstrom de l’impérialisme et du marinisme et que la politique mondiale est devenue aujourd’hui le mot d’ordre de la politique de tous nos États capitalistes. C’est un effet du caractère capitaliste de notre ordre social.

 

Le capitalisme a ceci de particulier – et c’est ce qui caractérise sa nature – qu’il place les moyens d’acquérir des biens, dans les mains de quelques individus appartenant à une classe réduite de la société, qui se sont emparés ainsi du pouvoir sur le grandes masses de la population, que c’est de ce fait entre les mains de ces individus que vont le produit principal et les profits né de tout le travail accompli sur terre, et que ces petits cercles accumulent des richesses qui dépassent ce que l’être humain a pu imaginer. Tous les fantasmes des Mille et une nuits ne sont rien comparés aux richesses fabuleuses qui se trouvent dans les mains des rois, empereurs et tsars de la classe capitalistes. A ces richesses d’une part s’oppose de l’autre la misère noire des grandes masses de la population. 

 

Mais de par sa nature, le capitalisme n’est pas en mesure de distribuer le surplus de richesses qu’il produit à ceux qui dans le propre pays en ont le plus besoin, à ceux qui ont faim et soif et qui n’ont pas de quoi couvrir leur nudité, le capitalisme est avide de profits et ne peut rien offrir tant qu’il reste capitalisme, et parce qu’ils ne veut rien donner, il laisse les pauvres de son pays, qui ne peuvent pas payer, mourir de faim et de soif et aller dans leur nudité, et il utilise les biens excédentaires, qu’il s’est appropriés, hors de ses frontières, pour rechercher de l’autre côté des frontières les opportunités de faire de nouveaux profits et d’entasser des richesses de plus en plus haut – jusqu’à ce que finalement les différentes couches capitalistes des différents États se heurtent les unes aux autres et n’aient plus d’espace entre eux sur terre, si bien qu’ils en viennent à se couper mutuellement l’herbe sous les pieds. Ils se battent alors pour de nouveaux territoires pour leurs débouchés, pour des territoires particulièrement fertiles et dotés en ressources naturelles. Ils combattent brutalement les peuples primitifs. La vie et le moteur de la vie du capitalisme, c’est le profit. Écoutez comme partout à notre époque résonne l’appel au butin, l’appel vers les possessions coloniales. L’Allemagne est entrée dans le cercle des États coloniaux, et après que dans les différents coins du monde et aux confins de la terre déjà, des conflits ont éclaté entre les différentes puissances occidentales impérialiste, après que nous en avons terminé avec l’aventure chinoise, et après que des conflits particulièrement violents se sont produits en Afrique, maintenant, et depuis de longues années, se retrouve au centre de ces conflits africains, le Maroc, un pays qui, au sens colonial, est l’un des plus prometteurs que l’Afrique possède.

Il n’est donc pas étonnant que les différents Etats capitaliste aient leurs yeux justement rivés sur le Maroc ...

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Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009