Karl Liebknecht qui était en retrait le temps de terminer ses études de droit afin de ne pas en être empêché par le pouvoir impérial, entre en politique en cette année 1900.
Sur le site incontournable (Sozialistische Klassiker), on trouve les compte-rendus de ses tout premiers discours dont celui-ci. J'en assure ici la traduction. Merci pour toute proposition d'amélioration.
Le titre de ce discours fait référence au discours de Guillaume II le 27 juillet 1900 à Bremerhaven lors de l'envoi d'un corps expéditionnaire en Chine contre la révolte des Boxers.
"Mais nos gens ne doivent pas aller en Chine comme c’est le cas actuellement, tels des hordes de Huns!"
Karl Liebknecht: Gegen den Hunnenfeldzug
Compte-rendu du discours tenu dans la VIème circonscription de Berlin le 11 octobre 1900 - [Vorwärts, Nr. 159 vom 13. Oktober 1900. Discours et écrits, Dietz Verlan, Tome 1, Page 8 et suivantes)
La réunion au "Feldschlösschen" a également été très fréquentée. Au début de son discours, le Dr Karl Liebknecht a souligné l'importance en général des prochaines élections, puis l'orateur a décrit de manière claire et concise les conditions économiques, sociales et politiques, la misère du Reichstag, la brutalité de la politique de conquête et la misère moderne qui doit nécessairement en résulter. Dans le commerce et l'industrie, a dit l'orateur, la grande entreprise fait de plus en plus de progrès. Rien d’autre ne peut vaincre le colosse capitaliste que la social-démocratie, rien d’autre que le transfert des moyens de production à la société. C'est notre but ultime. Mais tout d'abord nous exigeons l'égalité politique. Nous connaissons le traitement différent qui est accordé au travailleur et au membre de la classe privilégiée. Ensuite, nous exigeons l'égalité sociale. Qui connaît la relation entre les travailleurs et les employeurs, sait qu’elle n’existe pas non plus. De plus, la social-démocratie est antimonarchiste et républicaine. Dès qu'un peuple devient majeur, la monarchie disparaît.
Nous nous désignons aussi comme des internationalistes. C'est pourquoi nous sommes nommés ennemis de la patrie. Nous sommes ennemis de la patrie des Junkers et des prêtres, et ennemis de la patrie de l'exploitation capitaliste, et j’aimerais suggérer que nous revendiquions le nom de "sans patrie" comme titre honorifique. Nous ne sommes pas du tout des adversaires de la politique mondiale et nous n’avons rien contre le fait que le marchand se rende en Chine pour y vendre ses marchandises. Tous les pays doivent être entraînés dans le développement de la civilisation. Mais nos gens ne doivent pas aller en Chine comme c’est le cas actuellement, comme des hordes de Huns!
L'orateur a ensuite critiqué avec une ironie mordante l’action du comte von Waldersee et les différentes notes de Bülow.
Bien sûr, nous avons aussi un Reichstag ! Nous avons une constitution ! Nous avons un droit d'approbation budgétaire! Mais ce Reichstag s'est prostitué vis-à-vis des partis majoritaires ; il s'est émasculé lui-même et il reçoit maintenant de la part du gouvernement le traitement qu'il mérite. L'orateur a alors décrit la politique usuraire des Junkers, qui exigent désormais du gouvernement une taxe douanière sur les céréales pouvant aller jusqu'à 10 marks en récompense de leurs loyaux services lors du vote du budget pour la marine, ce qui représente environ 86 marks pour une famille de cinq personnes. L'orateur a également fustigé les prix usuraires pour le charbon et le logement, la politique des pachas, à laquelle le Reich doit s'opposer, puis a poursuivi : Nous voulons conquérir ce qui peut être obtenu avec les moyens que nous donne la constitution. Il n'y a aucun doute : nous gagnerons la campagne électorale. Mais ce qui compte pour nous lors cette élection, c’est de manifester. C'est pourquoi chacun doit se transformer en agitateur et veiller à ce que le jour de l'élection, nous apparaissions avec un nombre écrasant de voix.
(Traduction Dominique Villaeys-Poirré août 2021. Merci pour toute amélioration de la traduction)
Extrait du discours de Guillaume II.
Deux versions existent de ce discours, celui diffusé par l'empire dans la presse avait été édulcoré en particulier ce passage :
« Quand vous aborderez l’ennemi, pas de quartier ! Que quiconque tombera entre vos mains soit un homme mort !
Comme il y a plus de mille ans, les Huns, sous leur roi Attila, se sont fait le renom qui les montre aujourd’hui encore redoutables dans la légende ; de même puisse, grâce à vous, dans mille ans encore, le nom allemand faire, en Chine, une impression telle que jamais plus un Chinois n’ose regarder un Allemand, même de travers ! »