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Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

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Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
15 février 2022 2 15 /02 /février /2022 19:19
A ta santé Noske! La jeune révolution est morte.

A ta santé Noske! La jeune révolution est morte.

"Dans l’ensemble du discours de Noske, il n’y a pas un mot sur le caractère de lutte de classe de la social-démocratie.

Il n’est pas souligné que nous combattons le militarisme comme un instrument de classe servant l’intérêt des classes dominantes.

Pas un mot sur la solidarité internationale, comme si les tâches de la social-démocratie cessaient d’exister au poste frontière noir, blanc, rouge.

Tout le discours n’est qu’une référence continue au patriotisme, dans l’esprit de "Vive l’Allemagne". Il manque tout accent mis sur notre position de principe, et c’est pourquoi il a rencontré à juste titre un rejet catégorique."

Karl Liebknecht, Congrès de Essen, 1907

15 janvier1919, la social-démocratie réformiste, avec Noske,  combat les aspirations révolutionnaires, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés. En 1907 déjà, Liebknecht combattait Noske, déjà sur sa défense de l'armée.

Intervention de Karl Liebknecht en réponse à Gustav Noske au Congrès de Essen, 1907 (1)

 

"Je ne suis en aucun cas un adepte de la division et je pense également que la critique ne doit pas sortir de leur contexte des mots isolés d’un discours. Mais ce n'est pas le cas en l'espèce. Le discours de Noske n'était pas l’un de ses innombrables discours tenus dans un meeting. Noske a parlé en tant que représentant de la social-démocratie au Reichstag, et bien sûr une norme stricte doit être appliquée à de tels discours, qui ont un caractère d’autorité.

 

Je suis d’avis que Noske, dans son discours, comme Bebel dans une certaine mesure, était sous l'influence déprimante de l'échec électoral. ("Très juste !") Tous les débats d'alors n’ont pas véritablement fait honneur à notre parti. Et Noske est celui qui a cédé le plus largement au battage nationaliste qui a marqué cette élection et auquel nous devons sans aucun doute nombre de nos échecs.

 

D’après ce qu’il a déclaré dans son introduction, Noske voulait clarifier les efforts que nous faisons pour courir derrière le militarisme et réfuter « les interprétations invraisemblables et invraisemblablement fausses » concernant ces efforts. Quelles sont ces interprétations incroyablement fausses ? Noske souligne à plusieurs reprises et avec force dans son discours que la social-démocratie est bien loin d’exiger la disparition de l’armée. Dès le début, il dénonce cela comme une insinuation, comme si nous serions sur la position du tout ou rien en matière militaire et il poursuit : Quand cela est-il jamais venu à l’esprit  d’un social-démocrate d’exiger la suppression brutale de l’armée ? Il souligne toujours que dans ses revendications, la social-démocratie prend en compte le maintien des capacités de défense de la nation.  Cet accent mis constamment sur la nécessité pour l’Allemagne de rester armée, on devrait le laisser aux membre des associations de défense du militarisme.

 

Entre autres choses, Noske exige que l’on restreigne les fanfares militaires. Mais même dans ce cas, il estime nécessaire d’assurer que ces restrictions ne doivent pas aller au-delà de ce qui est possible sans entraîner une diminution de la capacité d’agir de l’armée. (rires) En outre, Noske rejette l’affirmation de ses adversaires selon laquelle la social-démocratie ne voudrait pas du tout qu'il y ait des soldats. « Jamais la social-démocratie a appelé à la suppression de l’armée ! ». Il poursuit : « Naturellement, un État ne peut pas songer seul à désarmer. Si nous reconnaissons qu’il est tout à fait exclu que l’Allemagne entame actuellement le désarmement, alors ce qu'il faudrait, c'est nous retourner contre l’éternelle course aux armements.

 

J’admets volontiers que si l’on s’en donne la peine, on peut trouver dans ces mots une ligne de pensée juste, mais l’accent mis en continu sur la nécessité pour l’Allemagne d’être fortement armée est ce qui donne le ton au discours. Il ne s’agit pas du contenu logique des paroles mais du «ton digne des associations va-t-en guerre » qui caractérise ce discours.

 

Le ministre de la Guerre a cité un passage de ma brochure où je disais que les mauvais traitements dans l’armée étaient tout à fait de nature à permettre une critique fondamentale du militarisme. Une interjection de Bebel aurait désavoué ce passage - je ne sais pas si c’est le cas, le compte-rendu sténographique en fait état - , pourtant c’est un point de vue que notre parti a toujours défendu, pour autant qu’il se livre à une propagande antimilitariste. Naturellement Noske a lui aussi remis en cause ce point de vue pourtant logique.

Noske a rejeté en outre l’affirmation du ministre de la Guerre selon laquelle nous voudrions dégoûter les gens du service militaire. Afin de réfuter cela, il a affirmé que lors de trois congrès, la motion visant à faire de la propagande dans les casernes, aurait été rejetée à l’unanimité. Mais il n’y a jamais eu de motion présentée au Congrès pour la propagande dans les casernes. L’affirmation de Noske est donc aussi inexacte qu’imprudente. Pour le reste, il est vrai que nous voulons dégouter le prolétariat du dressage dans les casernes. Mais il faut juste se demander, comment et pourquoi.

Noske pense aussi que nous devons rejeter sans restriction l’accusation grave du ministre de la Guerre selon laquelle nous voulons saper la discipline dans l’armée. Il précise que nous exigeons aussi au sein du parti la discipline. Certes, mais nous nous réjouissons que la discipline au sein de l’armée ne soit pas aussi bonne qu’au sein de la social-démocratie (rires).

 

En ce qui concerne les guerres d’agression, poursuit Noske, nous – c’est-à-dire la social-démocratie et le ministre de la guerre - sommes absolument « du même avis ». « il n’y a pas de différence » - à savoir entre le ministre de la Guerre et Noske. (rires) C’est donc une calomnie mortelle que l’expression de guerre agressive, telle qu’il n’y en avait jamais eu jusqu’à maintenant, dieu soit loué, dans le parti.

 

Il termine son discours comme suit : « Nous souhaitons que l’Allemagne reste autant que possible en mesure de se défendre ». C’est ainsi qu’un social-démocrate termine son discours ?

 

Dans l’ensemble du discours de Noske, il n’y a pas un mot sur le caractère de lutte de classe de la social-démocratie. Il n’est pas souligné que nous combattons le militarisme comme un instrument de classe servant l’intérêt des classes dominantes. Pas un mot sur la solidarité internationale, comme si les tâches de la social-démocratie cessaient d’exister au poste frontière noir, blanc, rouge., Tout le discours n’est qu’une référence continue au patriotisme, dans l’esprit de "Vive l’Allemagne". Il manque tout accent mis sur notre position de principe, et c’est pourquoi il a rencontré à juste titre un rejet catégorique."

 

Traduction Dominique Villaeys-Poirré - Janvier 2022, merci pour toute amélioration de la traduction

15 janvier1919, la social-démocratie réformiste, avec Noske,  combat les aspirations révolutionnaires, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés. En 1907 déjà, Liebknecht combattait Noske, déjà sur sa défense de l'armée.

15 janvier 1919, assassinat de Karl Liebknecht et R. Luxemburg, comme la révolution à Berlin. C'est l’inadmissible aboutissement du combat du social-réformisme contre le courant révolutionnaire au sein de la social-démocratie en Allemagne. Noske, ministre de l'armée et de la marine joue un rôle essentiel. Déjà en 1907, Karl Liebknecht le combattait au Congrès de Essen. Déjà, il lui répondait sur sa conception de l’armée. A cette époque, Liebknecht s’est engagé dans le combat contre le militarisme qui prend une place de plus en plus importante dans l’Allemagne impérialiste et impérial. Il publie une longue analyse "Militarisme et antimilitarisme" qui le conduira en prison. Ce texte était principalement adressé à la jeunesse, comme un autre de ses textes « L’adieu aux recrues ». Car contre l'avis même du parti, il s’attache à mettre sur pied des organisations spécifiques de jeunesse. L'importance prise par l'armée dans la politique impérialiste de l'Allemagne et la nécessité pour cela de l'embrigadement des jeunes prolétaires fait que le pouvoir impérial suit avec crainte son action et l’emprisonne pour 18 mois sous l’accusation de haute-trahison. L'accusation s’appuiera sur certaines des interventions réformistes lors de ce congrès. Noske, lui, est à la même époque l'un des principaux tenants du réformisme.

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14 février 2022 1 14 /02 /février /2022 15:11
Sommaire du n°1 du journal  Jugend-Internationale. Un article Antimilitarismus est signé Implacabilis ... pseudonyme de Karl Liebknecht.

Dans les n°s 1 et 2 du journal publié par les organisations internationales des jeunesses socialistes - Jugend-Internationale est publié l'article de Karl Liebknecht. Il le signe d'un Pseudonyme significatif ... Implacabilis.

 

 

Jugend Internationale

Deutsche Ausgabe

Kampf- und Propagandaorgan der internationalen Verbindung sozialistischer Jugendorganisationen

Paraît à Zurich, daté du 1er septembre

 

Les textes

 

An die sozialistische Jugend aller Länder !, Das Bureau der internationalen Verbindung sozialistischer Jugendorganisationen

 

Amedeo Catanesi, Angelika Balabanoff

 

Geleitwort, Edouard Bernstein, Allemagne

 

Die Internationale ist tot ! Es lebe die Internationale !, Edwin Hoernle, Stuttgart

 

Antimilitarismus !,  Implacabilis (Pseudonyme de Karl Liebknecht)

 

Jugend, vor die Front !, Karl Radek, Berne

 

Die neue Internationale und die Arbeiterjugend., Alexandra Kollontaï, Christania

 

Für de sozialistische Erziehung der proletarischen Kinder, Italo Toscani, Berne

 

Vorwärts !, Robert Danneberg, Vienne

 

Klassenkampf – Massenkampf, Otto Rühle, Dresde

 

Der Sozialnationalismus in Frankreich, Ch. Rappoport, France

 

Es läutet von Glocken hinaus, Sigward Hellberg, Copenhague

 

Die sozialistische Jugend Italiens und der europäische Krieg

 

Die Jugendorganisation Deutsch-Österreich während des Krieges, Anton Jenschick, Vienne

Holland

Dänemark, Ernst Christiansen, Copenhague

Nordwegen in der Kriegszeit, Eugen Olaussen, Christiana

 

Annonce : Liebknecht-Fonds : Die sozialistsche internationale Jugendkonferenz in Bern hat beschlossen, in allen Ländern Liebknecht-Fonds zu schaffen.

 

Le texte de Karl Liebknecht se trouve aux pages 6 et 7 et la deuxième partie aux pages 3 à 6 du No 2 sous le pseudonyme Implacabilis

 

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13 février 2022 7 13 /02 /février /2022 11:04
1913. Karl Liebknecht contre Krupp et les industries d'armement (1ère partie). Le courage du député Liebknecht.

1ère publication : septembre 2021

Le premier discours de Karl Liebknecht sur l'affaire Krupp,  le 18 avril 1913.

(Pour le 150e anniversaire de sa naissance, texte inédit en français. Traduction Villaeys Poirré, septembre 2021, merci pour toute amélioration de la traduction)

 

Après avoir abordé deux autres sujets rapidement, Karl Liebknecht expose pour la première fois l'affaire Krupp :

 

... Messieurs, ceci dit, j'en viens à mon véritable sujet ! A une époque où un conseiller du gouvernement pouvait écrire dans la « Kreuz-Zeitung » : « Seigneur, redonne-nous la guerre ! », la « Correspondance diplomatique » «  Une guerre nous serait très utile », et Herr von der Goltz « Si seulement ça commençait enfin ! », à une époque où la course continue aux armements est provoquée par les idées dangereuses de guerre préventive, à une époque où Monsieur le Général von der Goltz déclarait publiquement à Potsdam lors d’une Yorck-Feier: « Nous n'avons pas besoin de vertu ! - Messieurs, à une telle époque, il est extrêmement intéressant de faire la lumière sur une zone qui n'a pratiquement jamais été correctement éclairée, et d'exposer ainsi l'une des racines des dangers de guerre qui menacent les peuples européens et tout spécialement  allemand. Je veux montrer les pratiques et les voies secrètes de nos fournisseurs militaires.

 

En fait, nous avons souvent eu affaire aux fournisseurs militaires. On sait que le Reich allemand a été systématiquement trompé par l'une des plus grandes entreprises de fournitures d’équipements militaires concernant les plaques de blindage ; On sait qu'une bataille féroce qui faisait rage autrefois entre deux grandes compagnies rhénanes a finalement été réglée lorsqu'elles se sont partagés le butin. Lundi dernier, le "Vorwärts" a été en mesure d’illustrer cette action commune des intérêts de guerre au profit du peuple allemand - ils se considèrent naturellement comme le seul peuple allemand – en publiant quelques éléments de dossiers montrant qu'il existe en Allemagne un accord entre les trusts concernant les fournitures pour la marine, (Cris d’approbation des sociaux-démocrates.)

entre les différents fournisseurs de la marine qui se contrôlent étroitement et, en quelque sorte, se garantissent mutuellement leurs profits. Ce sont des formulaires - les formulaires d'enregistrement qui sont utilisés dans les transactions commerciales de cette société, bien propre - qui ont été imprimés dans le "Vorwärts". Des preuves documentaires, qui montrent qu'un vampire est lové dans le corps du peuple allemand, sont fournies dans le "Vorwärts".

 

Messieurs, voilà un aspect de la question. Maintenant concernant le patriotisme. Le manque de patriotisme du capital est un fait bien connu de la social-démocratie. ("Très juste!" Par les sociaux-démocrates.)

Nous n'avons jamais douté que le capital est antipatriotique, et plus il est antipatriotique, plus il se présente comme patriotique. (Approbation sur les bancs des sociaux-démocrates.)

 

Point n’est besoin de preuve pour cela. Cela découle globalement de l'union personnelle internationale du capital. Cela provient également de l’absence absolue de scrupule des besoins du capital à réaliser des profits et qui prend les profits là où ils sont.

Je n'ai peut-être pas grand chose de nouveau à dire sur le manque de patriotisme de l'industrie d'armement, car le pire dans ce patriotisme, cet apatriotisme complet, c'est le fait que ces fournisseurs d'armements envoient très systématiquement leurs livraisons à l'étranger, partout, peu importe, là où ils obtiennent le meilleur prix, peu importe que les armes qui y sont livrées soient ensuite utilisées contre l'armée allemande.

Messieurs, mon ami Südekum a récemment présenté un exemple particulièrement intéressant du manque de patriotisme de ce capital "patriotique". De l'ouvrage de M. Martin, il a tiré des faits sur la situation des usines Dillinger qui, à ma connaissance, n'ont jamais été réfutés nulle part. L'usine de Dillingen est la propriété des héritiers des Stumm, c'est-à-dire avant tout du lieutenant général von Schubert, un noble de la Chambre des représentants de Prusse. Cette usine est aussi en grande partie financée par des capitaux français, comme cela a été établi maintenant,  et est aussi fortement francisée, dans la mesure où la langue française est très largement utilisée dans les assemblées générales de cette entreprise.

 

Ceci est terriblement instructif ! Pensez donc : « L'ennemi héréditaire ! » Pensez au « grand danger » qu'une guerre éclate entre l'Allemagne et la France - et maintenant les capitalistes français sont au sein de cette société allemande, initiés à tous les secrets des armements allemands et en association avec tous les capitalistes de nationalité allemande œuvrent pour que l’on extorque au peuple allemand et au Reich allemand beaucoup d'argent pour l'armement. Messieurs, voilà la preuve de la touchante solidarité internationale du capital. ("Très juste!" Par les sociaux-démocrates.)

Cette solidarité du capital dépasse toutes les barrières de nationalité.

Mais maintenant autre chose. Peut-être que le ministre de la Guerre fera un jour remettre les dossiers à un certain M. Schopp. Je peux lui donner le numéro de dossier : Landgericht III, Berlin, B 5, J. 675/10. Dans ces dossiers, il trouvera toutes sortes de documents intéressants sur l'une des plus grandes usines d'armement allemandes, à savoir la « Deutsche Waffen- und Munitionsfabrik ». (« Voyez ! Voyez ! » sur les bancs des sociaux-démocrates.)

 

Entre autres, il y a dans ces dossiers une copie d'une lettre adressée à un agent de cette société à Paris (« Voyez ! Voyez ! » sur les bancs des sociaux-démocrates.)

- à Paris ! - avec le numéro secret 8236. On lit dans cette lettre ce qui suit :

« Nous venons de vous adresser un télégramme : 'Veuillez attendre notre lettre envoyée à Paris ce jour' La raison de cette dépêche est que nous voudrions obtenir la parution d’un article dans l'un des journaux français les plus lus, si possible dans le Figaro, article dont voici le libellé : « L'administration de l'armée française a décidé d'accélérer l’acquisition de mitraillettes par l’armée et de doubler la quantité initialement prévue prévue par la commande. '"

C'est ainsi que devait  être rédigé l'article du "Figaro" dans l'un des journaux français les plus lus - article, inspiré par  l’entreprise « Deutsche Waffen- und Munitionsfabrik ». (« Voyez! Voyez! » sur les bancs des sociaux-démocrates.)

La lettre se termine par ces mots : "Nous vous demandons de faire tout votre possible pour qu'un tel article soit accepté."

La lettre est signée : "Deutsche Munitions- und Waffenfabrik, von Gontard, Kosegarten." (« Voyez ! Voyez ! » sur les bancs des sociaux-démocrates.)

 

Cette lettre prouve que les tenants allemands de la fabrication d'armement, nos grandes usines d'armement allemandes, du moins celle-ci - c'est peut-être seulement un mouton noir, ça je ne le sais pas, mais c’est dans ce cas-là une tâche noire - (Rire.)

qu'au moins cette usine n'a pas peur de lancer de fausses nouvelles dans les journaux français, dans le but de faire croire que l'armée française prévoie des augmentations d’équipements. Dans quel but ? Pour sauver la patrie ? Messieurs, dans quel but tout cela? Créer en Allemagne une atmosphère, afin de susciter des commandes et de gagner beaucoup d'argent, ("Très juste!" sur les sociaux-démocrates.)

pour que l'argent puisse tinter dans son escarcelle. (Approbation des sociaux-démocrates : « C'est comme ça que ça se passe ! »)

Messieurs, c'est extrêmement important ! ("Très juste!" sur les bancs des sociaux-démocrates.)

 

Je crois qu'une telle preuve du patriotisme du capital d'armement allemand est unique.

Mais devons-nous espérer que l'entreprise « Waffen- und Munitionsfabrik » ne soit qu’une tâche noire ? Messieurs, l'espoir et l'attente font de certains des imbéciles. Malheureusement, je suis obligé de détruire de tels espoirs en vous en vous présentant des preuves concluantes que la plus grande usine d'armement allemande utilise la manipulation, (Chahut à droite.)

qui ne peut même pas être conciliée avec la sorte de moralité qui, comme j'ai pu le déduire du chahut que je viens d'entendre, pourrait encore être applaudie par certains partis de cette Assemblée. Messieurs, j'ai hâte de voir si vous applaudirez à ce que je vais vous dire maintenant.

 

Le conseil d'administration de la fonderie Friedrich Krupp, à Essen an der Ruhr, entretenait – je peux vous le dire maintenant - un agent à Berlin du nom de Brandt jusqu'à il y a quelques semaines, un ancien artificier chargé de contacter les commis de l'armée et de la marine et les soudoyer afin d'avoir connaissance de documents secrets dont le contenu intéressait l'entreprise. (Vives réactions sur les bancs des sociaux-démocrates)

Ce qui les intéresse, ce sont les intentions précises des autorités en matière d'armement, des informations sur les fabrications prévues par les autorités et la concurrence, (« Voyez ! Voyez ! » sur les bancs des sociaux-démocrates.)

Résultats d’essais, mais surtout les montants demandés par les autres entreprises ou qui leur sont accordés. Des fonds importants ont été mis à la disposition de M. Brandt à cet effet. (« Voyez ! Voyez ! » sur les bancs des sociaux-démocrates.)

La célèbre entreprise utilise systématiquement sa puissance monétaire pour inciter des hauts fonctionnaires ou subalternes prussiens à trahir des secrets militaires. (Violentes réactions sur les bancs des sociaux-démocrates : Voyez ! Voyez ! »)

Ce que je viens de vous dire ici n'est pas basé sur une simple information qui m'a été fournie par une quelconque source. Je dois vous dire que, bien entendu, j'ai transmis au ministre de la Guerre ce qui m'a été communiqué. (« Voyez ! Voyez ! » sur les bancs des sociaux-démocrates.)

J'ai été particulièrement attentif au fait qu'une annonce prématurée de ces éléments pourrait facilement conduire à ce que l'entreprise, du fait de son immense puissance financière, puisse faire disparaître toutes les preuves et même des personnes indésirables.

Le ministre de la Guerre a pris toutes ses responsabilités dans cette affaire. Le ministre de la Guerre est intervenu, non seulement contre les militaires, mais aussi contre des personnes civiles. Six ou sept personnes - je ne peux rien dire pour le moment, je ne veux pas divulguer leurs noms pour le moment – font l’objet d'enquêtes préliminaires en ce moment, si elle n'est pas déjà close.

Il est intervenu avec une énergie louable. Les personnes concernées ont été placées en garde à vue. Ce sont des personnes haut placées ! Il n'y a donc aucune reproche à faire à l'administration militaire. L'enquête est pour l'essentiel terminée et a confirmé jusqu’au moindre détail ce que je vous ai dit ici. (Vives réactions des sociaux-démocrates : "Voyez ! Voyez !")

Le but de l'enquête ne peut plus être compromis, c'est pourquoi je considère qu'il est de mon devoir et de ma responsabilité d'évoquer ces faits ici dans l'intérêt du peuple allemand et dans l'intérêt de la paix européenne. ("Bravo!" et approbation des sociaux-démocrates.)

 

Car il en est ainsi - permettez-moi une petite digression - : si nous voyons que l’entreprise « Waffen- und Munitionsfabrik » met en œuvre les mêmes pratiques que celle de la lettre adressée en  France que je vous ai lue, alors on peut sûrement penser qu'ils n’auront pas peur de faire la même chose que l’entreprise Krupp. Et si la société Krupp fait ce que nous pouvons considérer ici comme avéré, alors nous pouvons être sûrs qu'elle ne se gênera pas pour faire la même chose que la « Waffen- und Munitionsfabrik ». ("Très juste" sur les bancs des  sociaux-démocrates.)

Cela est bien sûr évident. On doit s’attendre à tout d’entreprises dont la moralité et la conscience ont sombré non pas au "point zéro" – mais encore plus bas, comme cela a été prouvé ici, que ce soit dans l’entreprise « Waffen- und Munitionsfabrik », que ce soit chez Krupp. (Vif soutien des sociaux-démocrates.)

...

1913. Karl Liebknecht contre Krupp et les industries d'armement (1ère partie). Le courage du député Liebknecht.

DOCUMENTS POUR COMPRENDRE LE COMBAT DE KARL LIEBKNECHT

CONTRE LES INDUSTRIES D'ARMEMENT ET KRUPP

 

. CE QU'IL FAUT DIRE, nov. - déc. 1917

. CAHIERS JAURES, 2013

1913. Karl Liebknecht contre Krupp et les industries d'armement (1ère partie). Le courage du député Liebknecht.

Dans le journal libertaire pacifiste "Ce qu'il faut lire", on peut lire dans le numéro 6 de nov.-déc 1917 un article sur les profiteurs de guerre et un long extrait est consacré au combat de Karl Liebknecht contre l'industrie d'armement, en particulier Krupp :

 

" Le 19 avril 1913, le député allemand Karl Liebknecht soutenu par le député catholique Pfeiffer faisait à la tribune du Reichstag des révélations sensationnelles.

Documents en main, il démontra que la maison Krupp avait un agent nommé Brandt, chargé de soudoyer les fonctionnaires du ministère de la Guerre et d'obtenir d'eux, moyennant finances, des dossiers secrets de la plus haute importance, dossiers qu'on retrouvait chez M. von Dewitz, sous-directeur de l'usine d'Essen.

Liebknecht poursuivant son enquête découvrit que Krupp employait, à des appointements de ministres, un grand nombre d'officiers de tous grades et jusqu'à des officiers généraux et des amiraux, dont la mission consistait à obtenir des commandes pour les usines d'Essen.

Cette corruption de fonctionnaires n'étant pas suffisante pour assurer les développements des armements allemands et la fortune de ce marchand d'outils de meurtres, Krupp n'hésitait pas à corrompre l'opinion publique.

Aidé dans sa tâche par les autres charognards allemands Thyssen, Mauser, Düren, Waffenfabrik, etc ..., il subventionnait un certain nombre de journaux pangermanistes, dont la principale fonction était d'exciter les sentiments chauvins, et de tenir, le peuple allemand sous la perpétuelle menace de "l'ennemi héréditaire". Cet ennemi d’ailleurs suivant les saisons. C'était le Français ou le Russe, quand Krupp ou Thyssen désiraient une commande de mitrailleuses, et c'était l'Anglais quand les chantiers de Stettin avaient besoin de fabriquer les cuirassiers.

Liebknecht révéla un document encore plus grave : une lettre adressée par le directeur de la Waffenfabrik à un de ses agents parisiens.

Voulant obtenir une commande de mitrailleuses, que le Reichstag ne semblait pas dispose à approuver, la Waffenfabrik qui contrôle à la fois en Allemagne, les usines Mauser, en Belgique, la Fabrique nationale d'armes de guerre d'Herstal, à Paris, la Société Française des Roulements à bille, trouva expédient d'affoler l'opinion allemande. Et voici son truc. Elle écrivit à son démarcheur, à Paris, rue de Chateaudun, la lettre suivante :

" Nous voudrions faire passer dans un des journaux les plus lus de Paris, si possible le Figaro, un article dont voici la teneur : l'administration militaire française a décidé de hâter considérablement la construction de mitrailleuses destinées à l'armée, et de commander deux fois plus de ces engins qu'elle ne se proposait primitivement. Nous vous prions de faire votre possible pour obtenir qu'un semblable article soit accepté

Pour la Waffenfabrik

Yves Gontard

Ce communiqué ne fut pas inséré sous cette forme, mais quelque temps après et, comme par hasard Le Figaro, le Matin et l'Echo de Paris, entamaient un éloge dithyrambique de nos mitrailleuses.

Curieuse coïncidence, à la suite de ces articles et se basant sur eux, le député prussien Schmidt dont on soupçonnait les attaches avec la haute métallurgie, interpelle le Chancelier de l'Empire et demande ce que le gouvernement  comptait faire pour répondre à la menace française.

Étonnée, et quelque peu apeurée, la majorité du Reichstag vota alors et sans discussion une commande considérable de mitrailleuses.

Mesure à laquelle, l'Etat français répondit par une augmentation d'armements.

Ainsi tandis que l'Echo de Paris, le Matin et le Temps irritaient le public pour en citant des extraits des journaux pangermanistes et en particulier  la Post dont le principal actionnaire était Von Gotnard en personne, Von Gontard, aidé de sa créature le député Schmidt affolait le public allemand en usant du et du chantage au patriotisme pour augmenter son

Quant à la responsabilité du Figaro et des feuilles françaises qui, pour des raisons sonnantes, contribuèrent à ruiner les finances de l'Etat, et à mettre l'Europe sur un volcan, uniquement pour permettre aux actionnaires d'Essen, de Mauser et du Creusot, l'histoire la détermineront peut-être un jour avec précision ...

https://www.furet.com/media/pdf/feuilletage/9/7/8/2/0/1/2/8/9782012898509.pdf

1913. Karl Liebknecht contre Krupp et les industries d'armement (1ère partie). Le courage du député Liebknecht.
Le scandale des Kornwalzer, 1913

Qu’en est-il du scandale des Kornwalzer ? Il faut d’abord noter que le mot-clé de cette affaire, les Kornwalzer, est loin d’être commun dans la langue allemande. En fait, il s’agit de petits messages échangés entre un employé du fabricant d’armes et d’acier Krupp, un certain Brandt, et ses chefs, au siège de l’entreprise à Essen [41][41]Pour cette affaire cf. Frank Bösch, « Krupps “Kornwalzer”.…. Brandt faisait fonction d’envoyé spécial dans la capitale. Au cœur du scandale, se trouve un réseau d’information et de faveurs impliquant Brandt et plusieurs fonctionnaires du ministère de la Guerre. Brandt, ancien officier, réussit à garder et à développer ses contacts dans l’administration militaire en échangeant des cadeaux et en invitant ses anciens camarades à boire et à manger. Par cette voie, il obtint des informations précieuses pour son entreprise, à savoir, les appels d’offre du ministère avant leur publication et surtout les offres de la concurrence. Grâce à ses informations, Krupp réussit à faire les meilleures offres et à décrocher la plupart des commandes du ministère.

Ces activités ont été dévoilées par un ancien cadre de Krupp qui, après avoir été licencié par son employeur, décida de se venger en informant le leader de l’opposition social-démocrate au parlement : Karl Liebknecht. Liebknecht réagit d’abord prudemment. Au lieu de crier au scandale, il informa discrètement la police. Au sein de l’administration, ces informations furent en fait traitées. Puis, comme rien ne semblait bouger, Liebknecht décida alors de s’adresser au public. C’est le 18 avril 1913 qu’il dévoile au Reichstag le trafic d’informations entre l’administration militaire et le premier fabricant d’armes d’Allemagne. Le public est sous le choc. Le ministre de la Guerre, von Heeringen, est contraint de démissionner, les coupables doivent comparaître devant le tribunal de Berlin. Les journaux débattent pour savoir s’il s’agit là d’un scandale comparable à celui de Panama ou si le scandale des Kornwalzer est une affaire isolée.

La social-démocratie était sur ce point unanime, elle pensait qu’en effet le scandale des Kornwalzer était le Panama allemand [42][42]C’est Karl Liebknecht qui pour la première fois a donné la…. Après 1892, le scandale de Panama était devenu, dans tous les pays européens, le symbole de la corruption politique à l’époque, en tant que reflet de la situation dans son propre pays ou bien alors comme objet de comparaison avec l’étranger. En ce qui concerne le SPD, l’association au Panama permettait le transfert et l’internationalisation de la critique social-démocrate du capitalisme. Depuis 1890, l’opinion publique du Kaiserreich connaissait des changements. Il y avait de plus en plus de scandales politiques et le Vorwärts établissait, à intervalles de plus en plus réguliers, le diagnostic du « Panama ». Au fur et à mesure que la stigmatisation du « Panama » prenait de l’ampleur, la palette des délits, elle, s’élargissait en de nombreuses variations. À la veille de la Première Guerre mondiale, la social – démocratie luttait contre trois problèmes majeurs : le militarisme, l’impérialisme et le capitalisme – tous trois furent mis en corrélation avec Panama.

Cette stratégie apparaît également dans la campagne qu’a menée le Vorwärts contre Krupp, alors que le journal s’était fixé pour objectif de dévoiler l’affaire du « Panama allemand [43][43]Vorwärts, 5 août 1913. ». Comme lors des deux scandales précédents, la social-démocratie affirmait que la corruption était une conséquence du système politique. Comme en 1892, cette affirmation fut fortement liée à une critique offensive du capitalisme. Mais comparée à la situation de 1873 ou à celle de 1892, le militarisme jouait cette fois un rôle plus important. Le Vorwärts arguait de l’impossibilité de dissocier capitalisme et militarisme dans le contexte de ce système politique et économique. Le militarisme était, selon lui, une conséquence du capitalisme. Et la corruption était, là encore, une conséquence du capitalisme [44][44]Vorwärts, 24 avril et 7 juillet 1913..

L’affaire avec Krupp offrait une nouvelle occasion pour allier la critique social-démocrate du système aux débats sur les décisions politiques du moment. En 1913, l’opinion publique allemande débattait sur la soi-disant Heeresvorlage (budget de l’armée). Le gouvernement envisageait d’augmenter les effectifs de l’armée mais il lui fallait obtenir pour ce financement, l’accord du Reichstag. Le scandale Kornwalzer coïncidait avec l’image que se faisait la social-démocratie du capitalisme, du militarisme et de la corruption et lui livrait des arguments contre la Heeresvorlage[45][45]Stig Förster, Der doppelte Militarismus. Die Deutsche…. La social-démocratie stigmatisa Krupp, représentant du capital international de l’armement (« internationales Rüstungskapital ») en même temps que membre du groupe des corrompus des va-t-en guerre (« Korruptionsbande der Kriegshetzer »), pour avoir tiré des bénéfices privés de secrets militaires [46][46]Vorwärts, 20 et 24 avril 1913 ; Verhandlungen des Deutschen…. Ces délits, comme l’avança le Vorwärts, prouvaient que les intérêts de l’industrie de l’armement ne prenaient pas en considération ceux du peuple et n’y répondaient pas.

Le Vorwärts opposa directement les intérêts capitalistes des fabricants d’armes aux intérêts de la patrie. Le Vorwärts déduisit que l’organe auquel incombait véritablement la représentation de la volonté du peuple échouait dans sa mission :

« Le gouvernement ne poursuit pas comme selon sa propre analyse les besoins et les nécessités de l’État mais se laisse aller à la dérive sous la pression de forces externes ; il est sous l’emprise de groupuscules mettant au dessus des intérêts du bien commun leurs propres intérêts. » [47][47]Vorwärts, pour la citation : 27 avril 1913. Pour le paragraphe…

La situation en Allemagne n’était pas sans rappeler l’affaire Dreyfus en France : ici et là, les hauts officiers et les entreprises de l’armement essayaient d’exercer leur influence sur le gouvernement et la justice [48][48]Vorwärts, 22 avril 1913.. Les motifs du gouvernement au sujet de la Heeresvorlage (budget de l’armée) furent par conséquent contestés. En faisant l’amalgame entre la Heeresvorlage et les Kornwalzer, le Vorwärts laissait supposer que dans les deux cas, les mêmes acteurs en tiraient profit, c’est-à-dire les capitalistes alliés aux militaires [49][49]Ibidem.. Les chances d’un rapprochement pacifique avec la France étaient rejetées au profit des intérêts de l’industrie de l’armement. Au bout du compte le peuple allemand devrait assumer les coûts du militarisme [50][50]Vorwärts, 20 avril 1913, 28 août 1913.. Dans l’intérêt du bien commun à tous, il aurait fallu abandonner la Heeresvorlage. Seule la nationalisation de l’armement empêcherait que le bien commun soit à la merci d’intérêts capitalistes [51][51]Vorwärts, 20, 27 avril 1913, 28 août 1913. Une analyse des….

Le bien commun ainsi que la volonté du peuple furent bafoués parce que le système politique ne les laissait pas s’exprimer. Le Vorwärts regretta que les élections au Reichstag, en 1912, soient restées sans conséquence. Par ces élections, la social-démocratie était devenue le plus grand groupe parlementaire au Reichstag. Mais cette nette volonté de l’électorat n’eut pratiquement aucun impact puisque le gouvernement et le Bundesrat (conseil fédéral) empêchèrent les réformes politiques. Le peuple aurait été abusé par les forces au pouvoir et le progrès souhaité par le peuple réfréné [52][52]Vorwärts, 20 et 27 avril 1913.. Les accusations de corruption à l’égard de Krupp nourrirent de nouveaux arguments pour favoriser le changement de système politique :

« Tout est lié, le patriotisme et la suprématie d’un groupuscule de junkers et de gros capitalistes sur la Prusse et sur l’Allemagne. Les révélations de Liebknecht démasquent non seulement les pratiques commerciales, mais encore les pratiques politiques avec lesquelles le peuple allemand est abusé. » [53][53]Vorwärts, 20 avril 1913.

Après l’adoption de la « Heeresvorlage », en juin 1913, et l’ouverture de la procédure judiciaire contre Krupp en juillet, les priorités du Vorwärts avaient changé. Les délits de Krupp et les procès étaient devenus un thème central.

Pour la social-démocratie, la vénalité des accusés fut rapidement prouvée. Bien que les fonctionnaires du ministère de la Guerre qui étaient en accusation aient vendu leurs secrets professionnels pour « une bouchée de pain », ceci ne minimisait cependant pas l’accusation pour faits de corruption, car une « tarification dans la vénalité » n’existait pas [54][54]Vorwärts, 1er et 27 août 1913.. Donc, le Vorwärts insista sur le fait que la corruption était inadmissible et répréhensible, qu’elle était absolument injustifiable. Finalement, les fonctionnaires n’eurent qu’une petite peine, et bénéficièrent de clémence. Le Vorwärts salua ce jugement comme étant une bonne chose car il voyait dans ces fonctionnaires des victimes des grandes entreprises, de la grande industrie. Quant à Brandt, il fut admis qu’il avait été instrumentalisé par l’usine d’armement d’Essen qui avait de manière systématique tenté d’introduire la corruption dans les rangs de la fonction publique allemande et de l’administration militaire [55][55]Vorwärts, 6 et 27 août 1913.. Les instigateurs ne furent autres que les responsables de la direction de l’entreprise. En revanche, le ministère public, le parquet, aurait échoué. Il n’aurait prouvé aucune participation des « personnages de haut rang », aucun Panama parce qu’il n’en aurait, semble-t-il, pas cherché [56][56]Vorwärts, 5 et 6 août 1913..

Le traitement social-démocrate de l’affaire démontre, via le scandale des Kornwalzer l’évolution et le rôle de la presse sous le Kaiserreich. Les journaux touchaient un plus large public, la médiatisation croissante et l’élargissement de la presse d’alors à une presse internationale eurent pour effet que les scandales devinrent, selon Norman Domeier, des « évènements médiatiques trans-nationaux » (« transnationale Medienereignisse ») et qu’il y eut une « prise de conscience des scandales » (« Skandalbewußtsein ») [57][57]Norman Domeier, Der Eulenburg-Skandal. Eine politische…. C’est ainsi qu’en 1913, le Vorwärts attisait la crainte de réactions négatives provenant de l’étranger face au scandale des Kornwalzer pour influencer les enquêtes [58][58]Vorwärts, 18 juillet, 27 août 1913.. Depuis 1892, la situation politique du SPD avait elle aussi beaucoup évolué, ce qui exerça une grande influence sur les articles du Vorwärts à ce sujet. Le parti était réparti en plusieurs courants de pensée. Les radicaux et les partisans de l’attentisme révolutionnaire rejetaient pour la plupart toute coopération avec le système politique du Kaiserreich et mettaient leurs espérances dans la seule révolution. Alors que les radicaux voulaient activement préparer la révolution, en renforçant et en aggravant la prise de conscience des différences entre classes sociales, les partisans de l’attentisme s’en remettaient à l’idée que la révolution se produirait indépendamment de leur participation active [59][59]D. Groh, Negative Integration und revolutionärer Attentismus…,…. Les révisionnistes, quant à eux, pariaient sur l’évolution du système politique en place. Leur engagement était surtout visible au niveau local et au niveau des Länder[60][60]Stefan Berger, Social Democracy and the Working Class in….

Les conflits internes au SPD influencèrent les contenus des articles du Vorwärts. Le journal visait depuis longtemps l’unification des différentes tendances du parti [61][61]Volker Schulze, « Vorwärts (1876-1933) », in Heinz-Dietrich…. La présentation de l’affaire Kornwalzer en est un signe. La rhétorique de plus en plus radicalisée au moment des lois antisocialistes, riche en métaphores et en vocabulaire marxistes s’était établie et correspondait au langage et à l’expression des partisans radicaux et aux partisans attentistes. Dans le cadre des accusations de corruption, cette rhétorique fut associée de par son contenu à la critique du système politique et économique et aux débats sur la politique quotidienne. À la différence de 1892, il y avait alors des objectifs politiques accessibles, qui devaient être atteints et qui correspondaient aux différents courants réformistes du parti.

Les trois scandales nous montrent, d’une part, une social-démocratie avide de mettre en relief l’injustice du système économique en place. Les pratiques corrompues sont présentées comme les suites prévisibles et omniprésentes du capitalisme et de son imbrication avec l’État. La corruption n’est pas en premier lieu la conséquence d’un comportement individuel des personnes en question, mais la révélation de tout un système politique et économique dont la dissimulation des structures de pouvoir était l’une des caractéristiques. S’il s’agit là d’un argument qu’on retrouve dans les trois cas, on peut constater des variations qui montrent des changements dans l’attitude des sociaux-démocrates vis-à-vis du système politique. En 1873, le Volksstaat n’attaque pas seulement le système capitaliste, mais il critique en détail les subventions publiques pour les « fondateurs » (Gründer), donc pour les investissements, alors même que la question sociale n’avait pas été évoquée par les autorités publiques. Cependant en 1892, la discussion autour du scandale de Panama se concentre presque exclusivement sur les aspects « systémiques », alors que la stratégie lors du scandale de 1913 inclut, de nouveau, des revendications politiques très concrètes (abolition du système des trois classes en Prusse – Dreiklassenwahlrecht; résistance à la politique de l’agrandissement de l’armée – Heeresvorlage). En fait, la réaction de la SPD au scandale des Kornwalzer était visiblement inspirée par une position réformiste et pragmatique que l’on trouve confirmée par l’intégration du parti au système politique de l’époque.

Notes
  • [41]Pour cette affaire cf. Frank Bösch, « Krupps “Kornwalzer”. Formen und Wahrnehmungen von Korruption im Kaiserreich », Historische Zeitschrift, n° 281, 2005, pp. 337-379 et Frank Bösch, Öffentliche Geheimnisse…, op. cit., chap. VII, p. 3.
  • [42]C’est Karl Liebknecht qui pour la première fois a donné la comparaison, le 19 avril 1913, au Reichstag. Verhandlungen des Deutschen Reichstags, Haus der Abgeordneten, séance du 19 avril 1913, p. 4926.
  • [43]Vorwärts, 5 août 1913.
  • [44]Vorwärts, 24 avril et 7 juillet 1913.
  • [45]Stig Förster, Der doppelte Militarismus. Die Deutsche Heeresrüstungspolitik zwischen Status-Quo-Sicherung und Aggression 1890-1913, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 1985, p. 272.
  • [46]Vorwärts, 20 et 24 avril 1913 ; Verhandlungen des Deutschen Reichstags, Haus der Abgeordneten, séance du 23 avril 1913, p. 5056.
  • [47]Vorwärts, pour la citation : 27 avril 1913. Pour le paragraphe cf. : 20 avril 1913, 28 août 1913.
  • [48]Vorwärts, 22 avril 1913.
  • [49]Ibidem.
  • [50]Vorwärts, 20 avril 1913, 28 août 1913.
  • [51]Vorwärts, 20, 27 avril 1913, 28 août 1913. Une analyse des débats au Reichstag sur la « Heeresvorlage » montre que la social-démocratie au lieu de prendre une position défensive souhaitait bien au contraire un changement de ce budget ainsi que coopérer avec les partis libéraux. S. Förster, Der doppelte Militarismus, op. cit., pp. 247-274, Dieter Groh, Negative Integration und revolutionärer Attentismus. Die deutsche Sozialdemokratie am Vorabend des Ersten Weltkrieges, Francfort/M, Ullstein, 1973, p. 383.
  • [52]Vorwärts, 20 et 27 avril 1913.
  • [53]Vorwärts, 20 avril 1913.
  • [54]Vorwärts, 1er et 27 août 1913.
  • [55]Vorwärts, 6 et 27 août 1913.
  • [56]Vorwärts, 5 et 6 août 1913.
  • [57]Norman Domeier, Der Eulenburg-Skandal. Eine politische Kulturgeschichte des Kaiserreichs, Francfort/M, Campus Verlag, 2010, p. 19.
  • [58]Vorwärts, 18 juillet, 27 août 1913.
  • [59]D. Groh, Negative Integration und revolutionärer Attentismus…, op. cit.
  • [60]Stefan Berger, Social Democracy and the Working Class in Nineteenth and Twentieth Century Germany, Harlow, Longman, 2000, p. 83.
  • [61]Volker Schulze, « Vorwärts (1876-1933) », in Heinz-Dietrich Fischer (dir.), Deutsche Zeitungen des 17. bis 20. Jahrhunderts, Pullach bei München, Verlag Dokumentation, 1972, pp. 329-347.

A lire en allemand sur l'affaire :

 

FRANK BOSCH Krupps „Kornwalzer“. Formen und Wahrnehmungen von Korruption im Kaiserreich http://dx.doi.org/10.14765/zzf.dok.1.652 Reprint von: Frank Bösch, Krupps „Kornwalzer“. Formen und Wahrnehmungen von Korruption im Kaiserreich, in: Historische Zeitschrift Band 281, 2005, S. 337-379 ; https://zeitgeschichte-digital.de/doks/frontdoor/deliver/index/docId/652/file/b%c3%b6sch_krupps_kornwalzer_2005_de.pdf

 

ANNELIES LASCHITzA,  Karl Liebknecht Advokat und Parlamentarier mit Charisma P. 54 à 68 : https://www.rosalux.de/fileadmin/ls_sachsen/dokumente/Publikationen/2018_Luxemburg-Forschungsbericht_15.pdf

 

 

Karl Liebknecht 1913

Karl Liebknecht 1913

Rede am 18. April 1913 (sozialistische Klassiker)

Der Feind im eigenen Land

Meine Herren, ein paar einleitende Bemerkungen! Diejenigen, die sich vielleicht für die schönen Verse interessieren, die gestern oder vorgestern einer der Abgeordneten in diesem Hause verlesen hat und die angeblich zur Kennzeichnung der sozialdemokratischen Jugendpflege dienen sollen, möchte ich aufmerksam machen auf den stenographischen Bericht des Abgeordnetenhauses vom 11. April 1913, wo die Märchen, die man uns erzählt hat, bereits als Märchen gekennzeichnet worden sind. im Übrigen ist es wohl nicht erforderlich, auf durchaus haltlose Unterstellungen, die sich auf Reichsverbandsflugblätter aufbauen, einzugehen.

(Zuruf rechts: „Keineswegs!")

Meine Herren, in der Duellfrage hat der Herr Abgeordnete Erzberger einen Gegensatz zwischen meinem Freunde Ledebour und mir konstruieren wollen. Ein solcher Gegensatz besteht nicht. Wir haben uns gegen den auf eine Verschärfung des Strafgesetzes hinauslaufenden Antrag der Zentrumsfraktion um deswillen erklärt, einmal, weil in diesem Antrag der Kautschukbegriff der „schweren Beleidigung" vorkommt, sodann, weil er eine fixierte Strafe fordert und wir prinzipielle Gegner fixierter Strafen sind, und schließlich, weil durch seine Formulierung implizite die strafrechtliche Exemtion, die Privilegierung des Duells gebilligt, aufrechterhalten wird.

(„Sehr richtig!" bei den Sozialdemokraten.)

Wir wünschen eine gemeinrechtliche Regelung der Duellfrage in dem Sinne, dass das Duell einfach wie jede andere Schlägerei, oder die Duelltötung wie jede andere gemeine Tötung behandelt wird. Wir haben das durch unseren Antrag zum Ausdruck zu bringen gesucht. Inwieweit unser Antrag, der schlechthin die Streichung eines Abschnitts des Strafgesetzbuchs fordert, etwa weiterer Ergänzungen bedarf, damit keine Lücken entstehen, das wird eine Sorge der Kommissionsverhandlungen sein, an denen wir uns natürlich beteiligen werden.

 

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Meine Herren, dieses vorausgeschickt, komme ich zu meinem eigentlichen Thema! In einer Zeit, in der in der „Kreuz-Zeitung" ein Regierungsrat schreiben konnte: „Herr, gib uns wieder Krieg!", in der die „Konservative Korrespondenz" schreiben konnte: „Ein Krieg käme uns gerade recht!", in der Herr von der Goltz sagen konnte: „Wenn es doch endlich einmal losginge!", in einer Zeit, die den gefährlichen Gedanken des Präventivkrieges durch die fortgesetzten Rüstungen geradezu provoziert, in einer Zeit, in der Herr General von der Goltz in Potsdam bei einer Yorck-Feier öffentlich erklärt hat: „Wir brauchen keine Tugendbolde!" – meine Herren, in einer solchen Zeit ist es außerordentlich interessant, ein Gebiet zu beleuchten, das bisher noch kaum jemals recht beleuchtet worden ist, und damit bloßzulegen eine der Wurzeln der Kriegsgefahren, die den europäischen Völkern und speziell auch dem deutschen Volk drohen. Ich will mich beschäftigen mit den Praktiken und Schleichwegen unserer Militärlieferanten.

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Wir haben allerdings mit den Militärlieferanten schon öfter zu tun gehabt. Es ist bekannt, dass das Deutsche Reich von einer der größten Militärlieferungsfirmen in Bezug auf die Panzerplatten systematisch geprellt wurde; es ist bekannt, dass ein heftiger Kampf, der dereinst zwischen zwei großen rheinischen Firmen tobte, schließlich beigelegt worden ist, indem die beiden sich in die Beute teilten. Der „Vorwärts" war am vergangenen Montag in der Lage, zur Illustration dieses gemeinsamen Wirkens der Kriegsinteressen zum Nutzen des deutschen Volks – sie betrachten dabei natürlich sich allein als das deutsche Volk – einige Aktenstücke zu veröffentlichen, die ergeben, dass es in Deutschland einen Marineverständigungskonzern gibt

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

zwischen den verschiedenen Marinelieferanten, die sich gegenseitig in einer scharfen Kontrolle halten und sich gegenseitig gewissermaßen den Profit garantieren. Es sind Formulare – die Meldezettel, die in dem Geschäftsverkehr dieser sauberen Gesellschaft in Anwendung sind – im „Vorwärts" abgedruckt worden. Der dokumentarische Beweis dafür, dass man hier einen Vampir am Leibe des deutschen Volkes sitzen hat, ist im „Vorwärts" erbracht.

Meine Herren, das ist die eine Seite der Sache. Nun zum Patriotismus. Die Vaterlandslosigkeit des Kapitals ist für die Sozialdemokratie eine altbekannte Tatsache.

(„Sehr richtig!" bei den Sozialdemokraten.)

Wir haben niemals daran gezweifelt, dass das Kapital vaterlandslos ist, und zwar um so vaterlandsloser, je patriotischer es sich gebärdet.

(Zurufe von den Sozialdemokraten.)

Beweise dafür bedarf es nicht. Es hängt im allgemeinen ja mit der internationalen Personalunion des Kapitals zusammen. Es hängt auch mit der absoluten Skrupellosigkeit des Profitbedürfnisses des Kapitals zusammen, das die Profite nimmt, wo es sie bekommen kann.

Ich habe über diese Vaterlandslosigkeit der Rüstungsindustrie ja vielleicht nicht zu viel Neues zu sagen, denn das schlimmste an dieser Vaterlandslosigkeit, diesem vollkommenen Apatriotismus, ist ja doch die Tatsache, dass diese Rüstungslieferanten ganz systematisch ihre Lieferungen nach dem Auslande geben, überall hin, gleichviel, wo nur am besten bezahlt wird, gleichviel, ob späterhin die Waffen, die dorthin geliefert werden, gegen die deutsche Armee benutzt werden.

Meine Herren, einen besonders interessanten Beleg für diese Vaterlandslosigkeit dieses „patriotischen" Kapitals hatte mein Freund Südekum neulich hier vorgetragen. Aus der Schrift des Herrn Martin hat er über die Verhältnisse auf den Dillinger Werken Tatsachen beigebracht, die bisher, soviel ich weiß, nirgends widerlegt worden sind. Das Dillinger Werk ist im Besitze der Stummschen Erben, das heißt also wohl in erster Linie des Herrn Generalleutnants von Schubert, eines Herrn aus dem preußischen Abgeordnetenhaus. Dieses Werk ist zu einem großen Teil mit französischem Kapital gefüttert, wie jetzt feststeht, und es ist auch insofern sehr stark französiert, als die französische Sprache in den Generalversammlungen dieses Werks sehr viel angewendet wird.

(Zurufe von den Sozialdemokraten.)

Das ist ungemein lehrreich! Man denke: „Der Erbfeind!" Man denke der „großen Gefahr", dass ein Krieg zwischen Deutschland und Frankreich ausbricht – und nun sitzen französische Kapitalisten in dieser deutschen Gesellschaft, werden in alle Geheimnisse der deutschen Rüstungen eingeweiht und sorgen im Verein mit allen Kapitalisten deutscher Nationalität dafür, dass dem deutschen Volke und dem Deutschen Reich recht viel Geld für die Rüstungen abgenommen wird. Meine Herren, das ist ein Beweis von einer rührenden internationalen Solidarität des Kapitals.

(„Sehr richtig!" bei den Sozialdemokraten.)

Über alle Schranken der Nationalität hinaus geht diese Solidarität des Kapitals.

Aber nun etwas Weiteres. Vielleicht lässt sich der Herr Kriegsminister einmal die Akten gegen einen gewissen Herrn Schopp geben. Ich kann ihm das Aktenzeichen angeben: Landgericht III, Berlin, B 5, J. 675/10. In diesen Akten wird er allerhand interessantes Material über eine der größten deutschen Waffenfabriken finden, nämlich die Deutschen Waffen- und Munitionsfabriken.

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Es befindet sich unter anderem in diesen Akten in Abschrift ein Brief, der an einen Agenten dieser Gesellschaft nach Paris gerichtet ist

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

nach Paris! – mit dem Geheimzeichen 8236. Dieser Brief lautet folgendermaßen:

Wir drahteten Ihnen soeben: ,Bitten unseren heutigen Brief in Paris abwarten.' Grund dieser Depesche war, dass wir die Aufnahme eines Artikels in einer der gelesensten französischen Zeitungen, möglichst im ,Figaro', durchsetzen möchten, welcher folgendermaßen lautet: ,Die französische Heeresverwaltung hat sich entschlossen, die Neubewaffnung der Armee mit Maschinengewehren erheblich zu beschleunigen und die doppelte Anzahl, als zuerst beabsichtigt, zu bestellen.'"

So soll der Artikel im „Figaro" lauten, in einer der gelesensten französischen Zeitungen – dieser Artikel, inspiriert von den Deutschen Waffen- und Munitionsfabriken.

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Der Brief schließt damit: „Wir bitten Sie, alles aufzubieten, um die Aufnahme eines derartigen Artikels zu erreichen."

Unterzeichnet ist der Brief: „Deutsche Munitions- und Waffenfabrik, von Gontard, Kosegarten."

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Dieser Brief beweist, dass unsere deutschen Rüstungsinteressenten, dass unsere großen deutschen Waffenfabriken, mindestens diese eine – sie ist ja vielleicht, ein weißer Rabe kann ich nicht sagen, ein schwarzer Schimmel in diesem Falle –

(Heiterkeit.)

dass mindestens diese eine Fabrik sich nicht scheut, in französische Zeitungen falsche Nachrichten zu lancieren, die dahin deuten sollen, dass französische Heeresvermehrungen geplant waren. Zu welchem Zweck? Um das Vaterland zu retten? Meine Herren, zu welchem Zweck? Um damit in Deutschland Stimmung machen zu können, damit sie Aufträge bekommt und gut Geld verdienen kann,

(„Sehr wahr!" bei den Sozialdemokraten.)

damit das Geld im Kasten klingen kann.

(Rufe von den Sozialdemokraten: „So wird's gemacht!")

Meine Herren, das ist doch ungemein bedeutsam!

(„Sehr richtig!" bei den Sozialdemokraten.)

Ich glaube, ein solcher Beleg für den Patriotismus des deutschen Rüstungskapitals ist bisher noch nicht dagewesen.

Aber wir dürfen doch wohl hoffen, dass die Waffen- und Munitionsfabrik ein schwarzer Schimmel ist? Meine Herren, Hoffen und Harren macht manchen zum Narren. Ich bin leider genötigt, solche Hoffnungen bei Ihnen zu zerstören, indem ich Ihnen ein schlüssiges Beweismaterial dafür vorlege, dass die größte deutsche Waffenfabrik mit Manipulationen arbeitet,

(Zwischenrufe rechts.)

die sich auch nicht einmal mit einer derartigen Art Moral vereinbaren lassen, die sonst vielleicht, wie ich eben aus Zwischenrufen entnehmen zu müssen glaubte, bei gewissen Parteien dieses Hauses noch Beifall finden könnte. Meine Herren, ich bin begierig, ob Sie dem Beifall spenden werden, was ich Ihnen jetzt sagen werde.

Der Vorstand der Gussstahlfabrik Friedrich Krupp, Essen an der Ruhr, unterhielt – darf ich jetzt sagen – in Berlin bis vor wenigen Wochen einen Agenten namens Brandt, einen früheren Feuerwerker, der die Aufgabe hatte, sich an die Kanzleibeamten der Behörden der Armee und der Marine heranzumachen und sie zu bestechen, um auf diese Weise Kenntnis von geheimen Schriftstücken zu erhalten, deren Inhalt die Firma interessiert.

(Lebhafte Rufe: „Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Was sie interessiert, sind besonders Absichten der Behörden in Bewaffnungsfragen, Angaben über Konstruktionen der Behörden sowie der Konkurrenz,

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Ergebnisse von Versuchen, namentlich aber die Preise, welche andere Werke fordern oder die ihnen bewilligt werden. Herrn Brandt sind zu diesem Zwecke große Mittel zur Verfügung gestellt.

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Die berühmte Firma nutzt ihre Geldmacht systematisch dazu aus, um höhere und niedere preußische Beamte zum Verrat militärischer Geheimnisse zu verleiten.

(Stürmische Rufe bei den Sozialdemokraten: „Hört! Hört!")

Dieser Zustand besteht seit Jahren. In den Geheimschränken eines Herrn von Dewitz in Essen, eines hohen Beamten der Firma Krupp, liegen – oder lagen! – diese Geheimberichte säuberlich aufgestapelt.

Das, was ich Ihnen eben hier gesagt habe, beruht nicht auf einer bloßen Mitteilung, die mir von irgendeiner Seite gemacht worden ist. Ich darf Ihnen sagen, dass ich selbstverständlich von dem, was mir mitgeteilt wurde, dem Herrn Kriegsminister Kenntnis gegeben habe.

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Ich bin besonders darauf aufmerksam gemacht worden, dass eine Bekanntgabe dieser Dinge zu einem frühen Zeitpunkt leicht dazu führen könnte, dass die Firma bei ihrer ungeheuren Geldmacht in der Lage sein würde, alle Beweisstücke und auch unbequeme Personen irgendwohin aus der Welt zu schaffen.

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Der Herr Kriegsminister hat in dieser Angelegenheit seine volle Schuldigkeit getan. Der Herr Kriegsminister hat eingegriffen, und zwar nicht nur gegen Militärpersonen, sondern auch gegen Zivilpersonen. Gegen sechs oder sieben Personen – ich kann es im Moment nicht sagen, ich will die Namen im Moment nicht preisgeben – schwebt die Voruntersuchung, wenn sie nicht bereits geschlossen ist.

Es ist mit anerkennenswerter Energie eingegriffen worden. Die Betreffenden sind in Untersuchungshaft genommen worden. Hochgestellte Leute! Es ist also kein Vorwurf gegen die Militärverwaltung zu erheben. Die Untersuchung ist im Wesentlichen abgeschlossen und hat bis auf das Tüpfelchen über dem i dasjenige bestätigt, was ich Ihnen hier vorgetragen habe.

(Lebhafte Rufe bei den Sozialdemokraten: „Hört! Hört!")

Der Untersuchungszweck kann nicht mehr gefährdet werden, infolgedessen halte ich es für meine Pflicht und Schuldigkeit, im Interesse des deutschen Volks und im Interesse des europäischen Friedens diese Dinge hier vorzubringen.

(„Bravo!" und Zustimmung bei den Sozialdemokraten.)

Denn so liegt doch die Sache – gestatten Sie mir eine kleine Abschweifung –: Wenn wir bei der Waffen- und Munitionsfabrik sehen, dass sie dergleichen Praktiken wie mit dem Brief nach Frankreich, den ich vorgelesen habe, unternimmt, dann wird man ihr doch sicherlich auch zutrauen, dass sie sich nicht scheut, dasjenige zu tun, was die Firma Krupp tut. Und wenn die Firma Krupp dasjenige tut, was wir hier als nachgewiesen bezeichnen können, dann können wir doch sicher sein, dass sie sich nicht genieren wird, auch dasselbe zu tun, was die Deutschen Waffen- und Munitionsfabriken machen.

(„Sehr wahr!" bei den Sozialdemokraten.)

Das liegt doch deutlich auf der Hand. Von Unternehmungen, deren Moral und Gewissenhaftigkeit auf diesen – „Nullpunkt" kann man nicht sagen – Minuspunkt gesunken ist, wie das hier, sei es bei der Waffen- und Munitionsfabrik, sei es bei Krupp, erwiesenermaßen der Fall ist, muss man sich auf alles gefasst machen.

(Lebhafte Zustimmung bei den Sozialdemokraten.)

Jetzt will ich einmal auf Dillingen zurückgreifen. Das ist die Ergänzung. Dillingen heißt: Herr von Schubert. Herr von Schubert ist gleich Stumm. Stumm ist gleich „Post".

(Heiterkeit.)

Das ist wichtig zu wissen.

(Heiterkeit und Zurufe.)

Die Zeitung „Post"! Die Zeitung „Post" ist doch bekannt. Die „Postesel" kennt doch jedermann.

(Heiterkeit.)

Nun, meine Herren, also: Dillingen gleich „Post", das ist wichtig. War es nicht „Die Post", die 1911 jenen Artikel bei der Marokkoaffäre brachte, um die deutsche Regierung zu einer „aktiveren Politik" aufzuputschen?

(„Sehr richtig!" bei den Sozialdemokraten.)

War es nicht „Die Post", die den Artikel schrieb: „Guillaume le timide, le valeureux poltron"?! Das war „Die Post", das bitte ich festzuhalten! Und es war „Die Post", von anderen Dingen vorläufig zu schweigen, die zuerst das Mundstück der, wie soll ich mich ausdrücken, Generalstabsclique war, zu deren Füßen der Herr Kriegsminister heute liegt.

(Große Heiterkeit.)

Meine Herren, war es nicht auch „Die Post", die, als der Friede auf dem Balkan „drohte" – darf man für die Rüstungsinteressenten sagen –, plötzlich entdeckte, es war Ende Februar in einem sehr prononcierten Artikel, dass, nachdem jetzt im Osten der Friede nahe bevorstehe, im Westen ein neues und gefährlicheres Gefahrenzentrum sich entwickle.

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Und ist es nicht „Die Post", die aus den Vorgängen von Nancy1 besonders starkes Kapital geschlagen hat, indem sie mit ihrem patriotischen Degen auf ihren patriotischen Schild geschlagen hat, wie es die alten Germanen taten!

Parteigenossen, in der Tat – –

(Andauernde stürmische Heiterkeit und Zurufe.)

Ich habe „Parteigenossen“ gesagt. Ich entnehme aus Ihrem Lachen, wie Sie anerkennen, dass, Sozialdemokraten zu nennen, den Ehrennamen „Parteigenossen“ zu gebrauchen in demselben Atemzuge mit derartigen Leuten auch Ihnen als ein Ding der Unmöglichkeit erscheint. Aber ich will nach diesem lapsus lingue fortfahren: 2die „Post" hat diese Hetzartikel über das „neue und gefährliche Gefahrenzentrum", über die Vorgänge in Nancy, gebracht und hat, wie ich eben schilderte, so heftig mit ihrem patriotischen Schild gerasselt, wie auf irgendeiner Theaterbühne nur gerasselt werden kann. Sie schlug aber – eine solche Täuschung! – in Wahrheit nur auf den Geldbeutel, und das hat so ähnlich geklungen, als ob sich Patriotismus produziere.

Wer will uns den Zusammenhang zwischen diesem Geschrei in dieser Presse über die Vorgänge in Nancy und den Profitinteressen des Rüstungskapitals etwa bestreiten wollen, diesem Geschrei über Vorgänge, wie sie sich auch früher gelegentlich einmal ereignet haben, Vorgänge, die selbstverständlich überall, auch in Frankreich, bedauert worden sind! Diese Vorgänge werden von einer gewissen Presse systematisch ausgenutzt, um den Gegensatz zwischen Deutschland und Frankreich immer weiter zu schärfen, um dadurch den guten Wind künstlich zu schaffen, der auszugehen droht für die Riesenheeresvorlagen und die ungeheuerlichen Gewinne, die die Rüstungsindustriellen machen wollen – die Rüstungsinteressenten – bei Gelegenheit der jetzigen Wehrvorlage.

(„Sehr richtig!" bei den Sozialdemokraten.)

Meine Herren, das sind Dinge, die klar auf der Hand liegen. Der Fall Nancy und Besançon, und was dazu gehört, ist dieser Presse gerade recht gekommen, als wieder eine friedliche Entwicklung drohte, drohte – nämlich dem Geldbeutel der Herren Rüstungsinteressenten.

Was ich gesagt habe, meine Herren, betrifft „Die Post". Wir kennen aber auch den engen Zusammenhang zwischen anderen Abteilungen des Rüstungskapitals und anderen Zeitungen in Deutschland, die von jeher als die größten Rufer im Streit für eine kriegerische Auseinandersetzung und gegen eine friedliche Lösung der europäischen Schwierigkeiten eingetreten sind. Ich brauche nur die „Rheinisch-Westfälische Zeitung" zu nennen, ein Organ, das an der Stirne den Stempel des Profitwillens der Rüstungsinteressenten trägt. Und was das bedeutet, das habe ich Ihnen an einigen Beispielen klargemacht. Meine Herren, man kann ja Schlussfolgerungen ziehen. Jedermann weiß ja, wie zum Beispiel Kolonialpolitik gemacht wird. Eine der bekanntesten Methoden ist, kolonialpolitisch aufzuputschen durch Geheimagenten und allerlei Spitzel in dem Lande, das man dann kolonialpolitisch erobern möchte. Ich will nicht so weit gehen. Ich denke nicht daran, etwa den Verdacht zu formulieren, dass bei gewissen unliebsamen Vorgängen in Frankreich direkt auch Agenten deutschen Kapitals mitgewirkt haben, ich gehe nicht so weit; ich sage Ihnen nur das eine: Man darf keinen Zweifel daran lassen, die Skrupellosigkeit der Ausnutzung dieser Vorgänge gibt uns das Recht dazu. Wir trauen diesen Oberpatrioten, diesen Oberpatriotarden, darf man wohl sagen, alles zu, auch dieses.

Meine Herren, erwägen Sie nur das eine: Das sind dieselben Kreise, die die Zwietracht der Völker zu Gold münzen.

(„Sehr richtig!" bei den Sozialdemokraten.)

Ob sie in Deutschland oder in Frankreich sind, sie haben die gleichen Interessen. Die Steigerung der Rüstungen in Frankreich wirkt nicht so auf die deutschen Konkurrenten, wie die Steigerung einer anderen Konkurrenzindustrie sonst zu wirken pflegt; diese „Konkurrenten" arbeiten Hand in Hand. Unsere Krupp, Stumm und Genossen, Waffen- und Munitionsfabriken können nichts Besseres wünschen, als dass in Frankreich tüchtig gerüstet wird, weil auch sie dann tüchtig Arbeit bekommen und viel Geld verdienen. Das sind dieselben Leute, für die Zwietracht zwischen den Völkern säen und schüren, gleichviel aus welchem Grunde, Geld verdienen heißt. Das sind dieselben Leute, deren Profit völlig unbeeinflusst ist von dem Anlass eines Zwistes zwischen den Völkern und seinem Erfolge, bei denen die Höhe des Profits schlechthin proportional ist dem Grade der Zwietracht, des Hasses zwischen den verschiedenen Völkern.

Meine Herren, das ist das Wesentliche, um die Psychologie dieser Art des Kapitals zu verstehen, und das ist notwendig, um zu verstehen, wie dieses Kapital hetzerisch arbeiten kann in Frankreich und in Deutschland, gleichviel, ob es in Frankreich oder in Deutschland angewandt wird. Stets werden ihre gemeinsamen Interessen dabei gefördert, unter allen Umständen wird Profit gemacht.

Ich bin sicher, dass die französischen Firmen, etwa Schneider-Creusot, nicht anständiger sind als die deutschen Firmen, und es ist durchaus wahrscheinlich, dass die französische Hetzpresse, die der unsrigen in der Tat keineswegs an Gefährlichkeit überlegen ist, von diesen Rüstungsinteressenten ebenso abhängig ist wie unsere schlimmste Hetzpresse in Deutschland.

(„Sehr richtig!" bei den Sozialdemokraten.)

Meine Herren, all diese Tatsachen, diese Erwägungen werden festzuhalten sein für die weiteren wichtigen Verhandlungen, die wir in diesem Hause zu führen haben.

Meine Herren, die Reichsregierung steht bisher mit diesen Unternehmungen in Beziehung. Sie war allerdings wohl bisher nicht über diese Dinge unterrichtet, sie war sicherlich – darf ich wohl sagen – nicht unterrichtet. Aber der Herr Kriegsminister hat uns gesagt, dass die Zeitungen im Kriegsministerium genau gelesen werden. Trifft das zu, so hätte der Brief der Deutschen Waffen- und Munitionsfabriken dem Kriegsminister, wenn er seine Schuldigkeit getan hat, nicht entgehen können; denn er ist bereits im „Vorwärts" veröffentlicht und unbegreiflicherweise damals übersehen worden. Ich erwarte darüber Aufklärung.

Meine Herren, die Militärverwaltung hat nicht nur bisher diesen Privatindustriellen die fetten Aufträge gegeben, die die Riesenprofite für diese Millioneninstitute ermöglichen, sondern sie ist, wie ich im vergangenen Jahre feststellen konnte, sogar so weit gegangen, die staatlichen Anstalten, die staatlichen Waffenfabriken, in ihrer Tätigkeit einzuschränken, damit gewisse Aufträge der Privatindustrie gegeben werden konnten, weil deren Unterhaltung im Interesse der Kriegsverwaltung für erforderlich angesehen wird. Das ist eine echte staatliche Subvention, um die der Reichstag nicht gefragt ist.

(„Hört! Hört!" bei den Sozialdemokraten.)

Ich habe das damals vorgebracht, habe aber daraus einen direkten Vorwurf gegen den Herrn Kriegsminister nicht hergeleitet, weil die Zwangslage, solange diese Industrie zu einem großen Teile privat ist, in der Tat in einem gewissen Umfange besteht. Ich will diese Frage hier nicht weiter verfolgen; aber das eine liegt auf der Hand: Mit diesem System muss ein Ende gemacht werden!

(Lebhafte Zustimmung bei den Sozialdemokraten.)

Es ist eine zwingende Notwendigkeit, dass die Hände des Deutschen Reichs – wenn ich mich einmal bildlich ausdrücken darf – rein bleiben. Es ist erforderlich, dass die Regierung mit Firmen, denen derartige Praktiken nachgewiesen sind, keinerlei Beziehungen mehr hält.

(Erneute Zustimmung bei den Sozialdemokraten.)

Der Herr Kriegsminister hat vor zwei Tagen, wenn ich nicht irre, in der Budgetkommission, als ich ihn wegen ein paar armen Schachern der Unredlichkeit unter den Militärlieferanten interpellierte, die er natürlich preisgegeben hat – in dieser Richtung kann ich ihm nicht den geringsten Vorwurf machen –, erklärt, dass es seit langem Praxis der Militärverwaltung sei und strikte durchgeführt werde, dass die Militärverwaltung jede Verbindung mit einer Firma ablehne, der auch nur ein einziges Mal derartige Praktiken nachgewiesen worden seien. Meine Herren, daraus ergibt sich, dass die Firma Krupp und die Deutschen Waffen- und Munitionsfabriken zum mindesten – wer weiß, wer sonst vielleicht noch? – keinerlei Aufträge aus der künftigen Wehrvorlage haben dürfen. Das ist die Pflicht des Deutschen Reichstags, wenn er auf Reinlichkeit hält, dafür zu sorgen, und das ist die Pflicht der deutschen Militärverwaltung, wenn sie auf Reinlichkeit hält.

(Lebhafte Zustimmung bei den Sozialdemokraten.)

Meine Herren, aber nicht nur aus Gründen der pekuniären Anständigkeit und Reinlichkeit drängen wir auf eine grundstürzende Änderung des Systems. Die Verstaatlichung der gesamten Rüstungsindustrie muss auch um deswillen in aller Eile durchgeführt werden, koste es, was es wolle, weil es nur damit möglich ist, eine Interessentenklasse auszumerzen, deren Existenz eine ständige Kriegsgefahr für die ganze Welt bedeutet, und damit eine Wurzel des Rüstungswahnsinns und eine Wurzel des Völkerzwistes zu vernichten.

(Lebhafter Beifall bei den Sozialdemokraten.)

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11 février 2022 5 11 /02 /février /2022 13:08
Karl Liebknecht, le procès pour haute trahison de 1907. Un  article du "Temps".

Lu sur le net, très intéressant article, disponible avec le lien : http://monde-nouveau.net/IMG/pdf/Le_proces_Liebknecht---.pdf

 

1907. – Le procès contre Karl Liebknecht à propos de son livre Militarisme et antimilitarisme 
 

En 1907 Karl Liebknecht passa en jugement à Leipzig pour un livre qu’il écrivit, Militarisme et antimilitarisme. L’époque est troublée par les tensions nationalistes exacerbées, par la répression contre les opposants à la guerre. Un journal français, Le Temps, publia un article sur ce procès. Cet article est intéressant pour la révélation qu’il donne du contexte de l’époque. Nous le proposons à l’attention du lecteur, précédé d’une courte biographie de K. Liebknecht et d’un commentaire de l’article.


1. – Courte biographie de Liebknecht


Né en 1871, Karl Liebknecht adhère au SPD en 1900. Il est élu au parlement de Berlin de 1901 à 1911. Au congrès de Brême du SPD, tenu en 1904, Liebknecht décrit le militarisme comme un des fondements du capitalisme et exige que l’antimilitarisme soit inscrit dans le programme du parti ; il propose en outre la fondation d’une organisation internationale de la jeunesse afin de mobiliser les jeunes prolétaires dans la lutte contre le militarisme.
 

Liebknecht participe en 1907 à la fondation de l’Internationale des jeunesses socialistes, dont il devient président jusqu’en 1910. A la première conférence internationale des organisations socialistes des jeunes, il fait une intervention sur l’antimilitarisme. La même année, il publie son pamphlet, Militarisme et antimilitarisme, dans lequel il analyse l’essence du militarisme à l’ère impérialiste et soutient la nécessité de la propagande antimilitariste comme forme de lutte des classes. Il est arrêté et incarcéré pour 18 mois dans la prison de Glatz, en Silésie prussienne. L’année suivante, bien que toujours en prison, il sera élu au parlement prussien.
 

Liebknecht avait accueilli avec enthousiasme la révolution russe de 1905 ; cette année-là, à Iéna, au congrès de SPD, il engage la bataille avec les révisionnistes et proclame la grève générale politique et de masse comme un moyen de lutte spécifiquement prolétarien 1. L’année suivante, au congrès de Mannheim, il dénonce le gouvernement allemand qui soutient le gouvernement tsariste dans la répression de la révolution et appelle le prolétariat allemand à suivre l’exemple des travailleurs russes.


En 1908, Karl Liebknecht est élu à la chambre prussienne des députés. En 1912, il est élu au Reichstag, où il dénonce violemment les industriels qui poussent à la guerre. Au congrès de Chemnitz la même année il en appelle au renforcement de la solidarité prolétarienne internationale pour combattre le militarisme.


Le 4 août 1914, il est opposé au vote des crédits de guerre, mais il les vote cependant par discipline de parti. Mais le 2 décembre, il est le seul membre du Reichstag à voter contre la guerre, s’opposant ainsi à 110 députés de son propre parti.

 

Rosa Luxembourg, Leo Jogisches, Paul Levi, Ernest Meyer, Franz Mehring, Clara Zetkin fondent à la fin de 1914 la Ligue Spartacus, rejoints ensuite par Liebknecht.


Le groupe fait paraître en avril 1915 une revue, Die Internationale, interdite immédiatement par la censure. Des publications politiques clandestines sont ensuite imprimées, tel le journal intitulé les Lettres de Spartacus (Spartakusbriefen). Le groupe fut rapidement déclaré illégal. Liebknecht est exclu du parti en janvier 1915.


Liebknecht fut arrêté et envoyé sur le front de l’Est où, refusant de se battre, il fut employé à enterrer les morts. A cause de sa mauvaise santé, il fut renvoyé en Allemagne en octobre 1915. En janvier 1916 il est exclu de la fraction social-démocrate du Reichstag.
 

Mais le 1er mai 1916 il est arrêté de nouveau après une manifestation contre la guerre à Berlin, organisée par la Ligue Spartacus. Il est condamné à deux ans et demi de prison pour haute trahison, peine transformée ensuite en quatre ans de prison.


Liebknecht passa le reste de la guerre en prison : il ne sera relâché qu’en octobre 1918 après une loi d’amnistie des prisonniers politiques. Lors de l’éclatement de la révolution allemande, il reprit, avec Rosa Luxembourg, ses activités dans la Ligue Spartacus et au sein de son journal, Die Rote Fahne.


Le 9 novembre 1918, Karl Liebknecht proclama du balcon du château impérial la formation de la république socialiste libre, deux heures après que Philipp Scheidemann eût proclamé la République de Weimar d’un balcon du Reichstag.


Les 31 décembre 1918-1er janvier 1919, Liebknecht contribua à la fondation du KPD, le parti communiste d’Allemagne. Il fut l’un des meneurs de la révolution allemande ; bien que, avec Rosa Luxembourg, il fût opposé au déclenchement du soulèvement à Berlin (5-12 janvier), il y participa. Le gouvernement dirigé par Ebert, soutenu par les restes de l’armée impériale et les Freikorps (corps francs), écrasa le soulèvement.
 

Le 15 janvier 1919, Gustav Noske, le ministre de la Défense, fit arrêter Luxembourg et Liebknecht par les Freikorps, qui les emmenèrent à l’Eden Hotel de Berlin où ils furent interrogés et torturés pendant plusieurs heures. Rosa Luxembourg fut battue à mort avec des crosses du fusil et jetée dans une rivière ; Liebknecht fut exécuté d’une balle dans la tête et déposé comme un cadavre anonyme dans une morgue.


2. – Commentaires sur « Le procès Liebknecht »
 

Karl Liebkecht est connu dans le mouvement révolutionnaire comme un des fondateurs, avec Rosa Luxembourg, de la Ligue Spartakus qui joua un rôle dans la révolution allemande après la fin de la Première guerre mondiale. Il est connu aussi pour avoir été, toujours avec Rosa Luxembourg, ignoblement assassiné par les corps francs à la solde du gouvernement dirigé par les social-démocrates.

 

Au sein du parti social-démocrate allemand, il joue un rôle déterminant dans la création d’un mouvement international de jeunes. C’est à ce titre qu’il publie en 1907 un livre, Militarisme et antimilitarisme, qui lui vaudra d’être poursuivi par la justice allemande. Le procès ne passa pas inaperçu en France car dans les deux pays un vent de guerre soufflait et tous les observateurs étaient attentifs au moindre signe de refroidissement de la température entre Berlin et Paris.

 

Au sein de la IIe Internationale, dont les anarchistes avaient été définitivement exclus au congrès de Londres en 1896, la question de l’antimilitarisme, comme celle de la grève générale à déclencher en cas de guerre, étaient en débat. Mais le débat n’était pas équilibré.


Les socialistes allemands votaient dans les congrès de l’Internationale des résolutions fourre-tout mais refusaient catégoriquement tout réel débat sur ces deux questions, sur lesquelles les socialistes français étaient de toute évidence beaucoup plus mobilisés. Dans le mouvement syndical allemand, il était acquis qu’on n’abordait pas de questions politiques, celles-ci restant le monopole du parti. Mais la CGT en France était elle, très mobilisée et active.


Lorsque Liebknecht publia son livre, et surtout lorsqu’il fut inculpé pour cela, beaucoup d’observateurs se tournèrent vers Leipzig, où se déroulait le procès. Le compte rendu que fait de ce procès un journal français de l’époque, Le Temps, du 12 octobre 1907, est extrêmement instructif car il révèle le point de vue de la réaction française sur les antimilitarismes allemand et français 2. L’auteur de l’article lui-même estime que les débats de ce procès seront « curieux à suivre, notamment du point de vue français », car on peut voir en quoi « les antimilitaristes allemands diffèrent des antimilitaristes français ». Sans vouloir faire du Temps l’arbitre ou le juge de la nature et de la valeur des antimilitarismes des deux pays, l’optique que l’article nous livre n’est pas sans intérêt et présente pour le lecteur d’aujourd’hui l’avantage de nous plonger en plein dans le contexte de l’époque.


L’auteur de l’article veut montrer que les antimilitaristes allemands sont plus raisonnables et mieux élevés que leurs camarades français, car chez eux la crainte est « le commencement de la sagesse ». D’abord, le titre du livre de Liebknecht a « quelque chose de doctrinal qui nous éloigne de la pittoresque grossièreté de M. Gustave Hervé » ; on ne parle pas de mettre « le Drapeau dans le fumier », ni de « mort aux apaches galonnés », apostrophes qui constituent le fonds de l’antimilitarisme français. Cependant, Liebknecht n’est pas qualifié de « penseur rigoureux », ni original :


« L’antimilitarisme de M. Liebknecht est moins pratique que celui de M. Hervé et de M. Jaurès. Il ne va pas jusqu’à la désertion, jusqu’à l’insurrection en cas de guerre. L’antimilitarisme allemand sait en effet ce qu’il en coûterait de conseiller de telles solutions. »


On sent que le journaliste envie un peu les Allemands pour leurs antimilitaristes. Liebknecht ne dit-il pas dans son livre : « La social-démocratie allemande, comme la grande majorité des partis étrangers, même le parti français, n’est pas anti-patriotique (comme Hervé) ou anti-national (Kropotkine), mais plutôt indifférent envers le patriotisme, en accord avec sa position de classe. » Liebknecht ajoute ailleurs : « La forme anti-patriotique de l’anti-militarisme n’a pas été et ne pourra pas prendre racine dans des conditions allemandes. »


Gustave Hervé (1871-1944) fut un leader socialiste et antimilitariste jusqu’en 1912, puis il bascula dans l’extrême droite et le fascisme. Il écrivit ses premiers articles antimilitaristes dans Le Travailleur Socialiste de l’Yonne, milita à la SFIO et à la CGT. Il défendait l’idée d’insurrection en cas de guerre, ce qui lui valut une audience nationale. Gustave Hervé rassemblait alors des milliers de travailleurs dans ses meetings contre la guerre.


Victor Méric raconte : « On le vit bien, l’inoubliable mercredi soir, lors de l’exécution de Ferrer 3. La Guerre Sociale avait convié ses troupes à l’ambassade espagnole. Ce fut une véritable émeute. On se battit toute la nuit. Un agent fut tué, d’autres blessés. Le préfet de police d’alors, Lépine, eut l’oreille effleurée par une balle. Et jusqu’à l’aube, les bagarres se poursuivirent furieusement. On le vit également au matin de la guillotinade de Liabeuf, un innocent condamné à mort. Et je pense que si, à l’heure de la déclaration de guerre, Hervé avait tenu ses promesses d’antan et donné le mot d’ordre à ses troupes, il eût pu se produire un sérieux grabuge totalement à l’action militante. En 1905 il est condamné à quatre ans de prison pour son activité dans l’Association internationale antimilitariste, qui avait publié une affiche appelant à la grève insurrectionnelle en cas de guerre. Ses articles enflammés contre l’armée et la police lui valent à plusieurs reprises des condamnations et de lourdes peines de prison, pour lesquelles il sera surnommé « L’Enfermé ». A partir de 1907, il dirige La Guerre sociale, un journal qu’il a fondé.5


Dans le procès contre Liebknecht, c’est l’attitude du social-démocrate allemand qui intéresse le journaliste du Temps : l’accusé tient « par-dessus tout à établir qu’il n’a rien de commun avec MM. Hervé et Jaurès ». Liebknecht « soutient que sa brochure ne constitue qu’un examen théorique du rôle de l’armée dans la guerre. Il rappelle qu’il a toujours voté dans les congrès contre ce que l’on pourrait appeler les formes françaises de l’antimilitarisme ». Il affirme à ses juges qu’il est « hostile notamment à la propagande dans les casernes ».
 

L’accusation de vouloir « renverser la Constitution par la violence » n’est pas fondée ; on a, pour justifier cette accusation, tronqué ses œuvres, cité des passages isolés. Liebknecht affirme encore à ses juges qu’il « repousse avec la dernière énergie toute propagande antimilitariste autre que “sur le terrain légal et dans le cadre de la propagande socialiste générale” ». Il se déclare même, affirme le journaliste du Temps, « plus a droite que Jaurès ».


Nul ne saurait douter de la bonne foi de M. Karl Liebknecht, commente le journaliste, qui ajoute, un peu malicieusement : « On mesure à cette attitude l’abîme qui sépare le plus “avancé” des antimilitaristes d’outre-Rhin de ceux qui, sur le territoire français, poursuivent en liberté leur détestable propagande. »

 

Si l’auteur de l’article du Temps a apprécié le comportement de Liebknecht devant ses juges, il a apprécié encore plus le comportement du juge face à l’accusé. En effet, alors que Liebknecht est poursuivi pour la publication d’une brochure, le juge conduit l’interrogatoire d’une manière certes critiquable « au point de vue de la correction judiciaire », mais qui manifestement impressionne favorablement l’auteur de l’article du Temps : « Accusé, que pensez- vous du livre d’Hervé ? ou encore : Savez-vous si M. Jaurès s’est converti récemment à l’Hervéisme ? » Manifestement, l’ampleur prise en France par l’antimilitarisme, dont Gustace Hervé est la figure la plus marquante pour sa virulence, inquiète le juge, et sans doute les autorités allemandes d’une façon générale. Les deux questions posées par le juge n’avaient aucun rapport avec le procès intenté à Liebknecht, mais on souhaite manifestement avoir son point de vue : « Ce sont là des questions étrangères à la cause. Le président les pose cependant. Et nul ne paraît s’en étonner. Pourquoi ?

 

Parce que l’essentiel, pour lui et pour tous les Allemands, c’est de s’assurer si M. Hervé et M. Jaurès trouveront en Allemagne des disciples ; c’est de savoir si l’antimilitarisme édulcoré de M. Liebknecht pourrait aboutir, par évolution, à l’antimilitarisme caractérisé de M. Hervé et de M. Jaurès. »


L’antimilitarisme de Liebknecht apparaît donc, aux yeux d’un observateur habitué aux prises de position beaucoup plus vigoureuses de Gustave Hervé, édulcoré. On craint cependant la contagion. Le dirigeant social-démocrate allemand va se défendre vigoureusement d’avoir quoi que ce soit à voir avec Gustave Hervé, au point qu’il va même pratiquement se défendre d’être antimilitariste, ou en tout cas d’être antimilitariste en dehors du cadre de la loi.


Le rédacteur de l’article admire manifestement le fait que les autorités allemandes ne prennent pas à la légère le phénomène antimilitariste et qu’elles soient capables de frapper fort et rapidement. La lutte contre l’antimilitarisme est hissée par les protagonistes de la guerre qui va bientôt suivre au rang d’objectif commun.
 

En Allemagne, dit l’article du Temps, on a « le sens des nécessités nationales et des dangers nationaux ». Les autorités françaises sont, quant à elles, beaucoup trop laxistes avec leurs propres antimilitaristes. Les autorités allemandes ne sont pas comme cet ancien ministre français de la guerre qui pensait que l’Hervéisme était un « monstre imaginaire ». En Allemagne, on y voit « un monstre réel que l’on veut écraser dans l’œuf, et pour lequel on ne ressent rien des indulgences démagogiques de certains radicaux français, heureusement assez peu nombreux ».


Ce qui intéresse Le Temps, ce ne sont pas les controverses de la défense et de l’accusation, ni le contenu du « pesant opuscule » qui a motivé les poursuites ; c’est le fait qu’en Allemagne on prend l’antimilitarisme très au sérieux, c’est « le spectacle que nous offre l’Allemagne organisant sans hésiter la défense nationale contre l’antimilitarisme, même atténué » – l’antimilitarisme « atténué » étant bien entendu celui de Liebknecht.


C’est avec une évidente pointe d’envie que le rédacteur de l’article du Temps nous confie : « En France, M. Hervé a été amnistié quelques mois après sa condamnation. En Allemagne, la brochure de M. Liebknecht, qui chez nous eût librement circulé, est saisie et mène son auteur devant la Haute Cour. »


Les autorités françaises adoptent par rapport à l’antimilitarisme une « politique d’insouciance et de dédain, qui souvent masque la complaisance et la compromission » ; c’est, nous dit-on, une « politique coupable ». Le gouvernement allemand aurait pu se montrer indulgent devant l’antimilitarisme « atténué » de Liebknecht, d’autant que ce dernier est « isolé », d’autant que « M. Bebel n’est pas à ses ordres comme M. Jaurès est à ceux de M. Hervé », d’autant que « le socialisme allemand se déclare patriote » et que Liebknecht lui-même « se défend de toute propagande antilégale ». Les social-démocrates allemands sont même des gens raisonnables, puisqu’ils ont exclu « l’anarchiste Hervéiste Friedeberg » 6. Et pourtant, s’émerveille l’auteur de l’article du Temps, « le gouvernement allemand a dès le premier moment réagi avec vigueur contre une manifestation même timide d’antimilitarisme » ! Le gouvernement allemand, lui, a compris qu’il faut réprimer.
 

3. – A propos du quotidien Le Temps
 

Le Temps fut fondé en 1861 par Auguste Nefftzer (1820-1876), un protestant alsacien, qui le dirigea pendant dix ans. Nefftzer était un journaliste de tendance libérale. Il avait avant cela publié dans La Presse des articles sur des questions de philosophie et de politique
 

étrangère. En 1857 il soutint avec talent les candidats de l’opposition à l’Empire. En 1858 il fonda la Revue germanique (1858-1865) qui devait rapprocher l’Allemagne et la France. Il y publie des articles de critique religieuse, de philosophie et d’histoire. Il revient à La Presse en 1859 puis quitte encore ce journal pour fonder Le Temps, un journal politique dont il est directeur politique et rédacteur en chef. Son opposition à l’Empire, toute modérée qu’elle fût, lui valut l’estime de la bourgeoisie libérale et lettrée : Le Temps devint un des organes les plus respectés de la presse française. En 1871, Nefftzer abandonna la direction politique du Temps à Adrien Hébrard (1833-1914), tout en continuant de collaborer à ce journal. Adrien Hébrad apporta de nombreuses améliorations dans le journal, notamment l’accroissement des informations politiques et des correspondances de l’étranger – dont l’article sur le procès de Karl Liebknecht est une illustration. Le journal augmenta considérablement son tirage et devint l’organe de l’opposition modérée à l’Empire. Devenu sénateur, Adrien Hébrard intervint en faveur de l’amnistie des Communards. Les fils d’Adrien Hébrard se succèdèrent à la direction du journal, qui est cédé entre 1929 et 1931 à un certain Louis Mill, lequel n’est qu’un prête-nom pour des intérêts financiers proches du Comité des Forges et du Comité des Houillères : François de Wendel et Henry de Peyerhimoff.


Ces deux comparses n’entendaient pas développer des idées libérales mais empêcher un milliardaire, François Coty, propriétaire du Figaro et partisan de Mussolini, de mettre la main sur le journal – ce qui n’empêcha pas les deux directeurs du Temps d’être des pétainistes convaincus. Le Temps se saborda en novembre 1942 mais fut interdit de reparaître à la Libération. En 1944, De Gaulle chercha un homme pour diriger un nouveau quotidien du soir qui prendrait la succession du Temps, qui occuperait son immeuble et reprendrait ses salariés. C’est ainsi qu’Hubert Beuve-Méry devint patron du journal Le Monde...


4. – Le procès Liebknecht (Le Temps, 12 octobre 1907)

Karl Liebknecht, le procès pour haute trahison de 1907. Un  article du "Temps".
L'article du Temps, Le procès Liebknecht,  12 octobre 1907

 

C’est demain samedi que se termineront les débats du procès intenté à M. Karl Liebknecht devant la Haute Cour de Leipzig. Les débats en sont curieux à suivre, notamment-du point de vue français. Ils montrent avec une singulière netteté combien les antimilitaristes allemands diffèrent des antimilitaristes français; ils montrent aussi pourquoi ils en diffèrent, et que chez eux c’est la crainte qui est le commencement de la sagesse.
 

La brochure qui a valu à M. Karl Liebknecht les poursuites actuelles est d’une lecture aride. Le titre d’abord a quelque chose de doctrinal qui nous éloigne de la pittoresque grossièreté de M. Gustave Hervé Militarisme et antimilitarisme au point de vue spécial du mouvement lnternational parmi la jeunesse. Ce n’est pas le Drapeau
dans le fumier » ni « Mort aux apaches galonnés », par où s’ouvrent les apostrophes de l’antimilitariste français.

 

M. Liebknecht n’est pas un penseur vigoureux, et on ne saurait lui reconnaître nulle originalité ni de (fond ni de forme. Sa brochure comprend deux parties l’une consacrée à l’exposition du système, l’autre à la propagande. La première est, comme bien on pense, plus nette que la seconde. L’antimilitarisme de M. Liebknecht est moins pratique que celui de M. Hervé et de M. Jaurès. Il ne va pas jusqu’à la désertion, jusqu’à l’insurrection en cas de guerre. L’antimilitarisme .allemand sait en effet ce qu’il en coûterait de conseiller de telles solutions.


Dans le procès lui-même, deux traits sont à retenir. Le premier, c’est l’attitude de l’accusé. M. Liebknecht tient par-dessus tout à établir qu’il n’a rien de commun avec. MM. Hervé et Jaurès. Il soutient que sa brochure ne constitue qu’un examen théorique du rôle de l’armée dans la guerre. Il rappelle qu’il a toujours voté dans les
congrès contre ce que l’on pourrait appeler les formes françaises de l’antimilitarisme. Il est hostile notamment à la propagande dans les casernes. Il affirme que pour l’accuser de « tentative de renverser la Constitution par la violence », il a fallu tronquer ses œuvres, en citer des passages isolés. Il nie avoir jamais présenté comme désirable pour le prolétariat un conflit armé avec la France. Il déclare qu’il repousse avec la dernière énergie toute propagande antimilitariste autre que « sur le terrain légal et dans le cadre de la propagande
socialiste générale ». Il est, dit-il, « plus à droite que Jaurès ». En un mot, M. Karl Liebknecht plaide non coupable. Et comme nul ne doute de sa bonne foi et de son dévouement à ses idées, on mesure à cette attitude l’abîme qui sépare le plus « avancé » des antimilitaristes d’outre-Rhin de ceux qui, sur le territoire français, pour suivent en liberté leur détestable propagande.


Le second point à retenir, c’est la façon dont le président a conduit l’interrogatoire. Au point de vue de la correction judiciaire, on peut critiquer cette méthode. M. Liebknecht était poursuivi pour une brochure. Or, que lui dit le président ? Accusé, que pensez-vous du livre d’Hervé ? ou encore : Savez-vous si M. Jaurès s’est converti récemment à l’Hervéisme ? Ce sont là des questions étrangères à la cause. Le président les pose cependant. Et nul ne paraît s’en étonner. Pourquoi ? Parce que l’essentiel, pour lui et pour tous les Allemands, c’est de s’assurer si M. Hervé et M. Jaurès trouveront en Allemagne des disciples ; c’est de savoir si l’antimilitarisme édulcoré de M. Liebknecht pourrait aboutir, par évolution, à l’antimilitarisme caractérisé de M. Hervé et de M. Jaurès. On a, en Allemagne, le sens des nécessités nationales et des dangers nationaux. On ne pense pas, suivant l’étrange expression dont se servait hier dans une interview un ancien ministre de la guerre, M. Berteaux, que l’Hervéisme soit un « monstre imaginaire ». Il y voit un monstre réel que l’on veut écraser dans l’œuf, et pour lequel on ne ressent rien des indulgences démagogiques de certains radicaux français, heureusement assez peu nombreux.


La morale du procès Liebknecht, ce n’est pas dans les controverses pleines d’argutie de l’accusation et de la défense qu’il la faut chercher; ce n’est pas non plus dans le pesant opuscule qui a motivé les poursuites. Cette morale, elle est, pour nous, Français, et l’étude des questions extérieures n’a de valeur que si l’on en tire des conclusions françaises, elle est dans le spectacle que nous offre l’Allemagne organisant sans hésiter la défense nationale contre l’antimilitarisme, même atténué. En France, M. Hervé a été amnistié quelques mois après sa condamnation. En Allemagne, la brochure de M. Liebknecht, qui chez nous eût librement circulé, est saisie et mène son auteur devant la Haute Cour. Dira-t-on que cette diversité de traitement vient de la différence des régimes ? Ce serait un détestable argument. Car un régime républicain, étant par définition la chose de tous, est plus qualifié pour défendre le patrimoine commun, l’idée de patrie et la patrie elle-même contre les atteintes des Hervé et des Jaurès que ne l’est un régime impérial. En présence de certaines doctrines, de certaines menaces, de certaines menées, la politique d’insouciance et de dédain, qui souvent masque la complaisance et la compromission, est une politique coupable.


C’est la grande leçon du procès Liebknecht. Le gouvernement allemand aurait pu incliner à l’indulgence, puisque M. Liebknecht est isolé, puisque M. Bebel n’est pas à ses ordres comme M. Jaurès est à ceux de M. Hervé, puisque la Socialdemokratie a exclu de son sein l’anarchiste Hervéiste Friedeberg, puisque enfin le socialisme allemand se déclare patriote et que M. Liebknecht lui-même se défend de toute propagande antilégale.

 

Et cependant, le gouvernement allemand a dès le premier moment réagi avec vigueur contre une manifestation même timide d’antimilitarisme. Il a compris qu’en pareille matière il ne suffit pas de protester et de flétrir, qu’il faut aussi réprimer, et que les mots, si éloquents soient-ils ; ont besoin de s’appuyer sur des actes.
 

 

1907. – Le procès contre Karl Liebknecht à propos de son livre Militarisme et antimilitarisme


1. – Courte biographie de Liebknecht ............................... 1
2. – Commentaires sur « Le procès Liebknecht » ............. 3
3. – A propos du quotidien Le Temps ............................. 11
4. – Le procès Liebknecht (Le Temps, 12 octobre 1907 ) 13

 

1 Voir Rosa Luxembourg, Grève de masse, parti et syndicats, 1906.

2 Le Temps fut fondé en 1861 par Auguste Nefftzer (1820-1876), un protestant alsacien, qui le dirigea pendant dix ans. Nefftzer était un journaliste de tendance libérale. Il avait avant cela publié dans La Presse des articles sur des questions de philosophie et de politique étrangère. En 1857 il soutint avec talent les candidats de l’opposition à l’Empire. En 1858 il fonda la Reveue germanique (1858-1865) qui devait rapprocher l’Allemagne et la France. Il y publie des articles de critique religieuse, de philosophie et d’histoire. Il revient à La Presse en 1859 puis quitte encore ce journal pour fonder Le Temps, un journal politique dont il est directeur politique et rédacteur en chef. Son opposition à l’Empire, toute modérée qu’elle fût, lui valut l’estime de la bourgeoisie libérale et lettrée : Le Temps devint un des organes les plus respectés de la presse française. En 1871, Nefftzer abandonna la direction politique du Temps à Adrien Hébrard (1833-1914), tout en continuant de collaborer à ce journal. Adrien Hébrad apporta de nombreuses améliorations dans le journal, notamment l’accroissement des informations politques et  des correspondances de l’étranger –dont l’article sur le procès de Karl Liebknecht est une illustration. Le journal augmenta considérablement son tirage et devint l’organe de l’opposition modérée à l’Empire. Devenu sénateur, Adrien Hébrard intervint enfaveur de l’amnistie des Communards. Les fils d’Adrien Hébrard se succèdèrent à la direction du journal, qui est cédé entre 1929 et 1931 à un certain Louis Mill, lequel n’est qu’un prête-nom pour des intérêts financiersproches du Comité des Forges et du Comité des Houillères : François de Wendel et Henry de Peyerhimoff. Ces deux comparses n’entendaient pas développer des idées libérales mais empêcher un milliardaire, FrançoisC oty, propriétaire du Figaro et partisan de Mussolini, de mettre la main sur le journal – ce qui n’empêcha pas les deux directeurs du Temps d’être des pétainistes convaincus. Le Temps se saborda en novembre 42 mais futinterdit de reparaître à la Libération. En 1944, De Gaulle chercha un homme pour diriger un nouveau quotidien du soir qui prendrait la succession du Temps, qui occuperait son immeuble et reprendrait ses salariés. C’est ainsi qu’Hubert Beuve-Méry devint patron du journal Le Monde ...

3. Francisco Ferrer (1859-1909), anarchiste, libre-penseur et pédagogue espagnol, fondateur en 1901 de l’École moderne développant un projet de pédagogie rationaliste. Grand partisan de la grève comme prélude de la révolution sociale, Ferrer subventionne et écrit pour le journal La Huelga .

4 Victor Méric, A travers la jungle politique et Littéraire : « Gustave Hervé ».

4. » Contrairement à ce que dit plus loin l’auteur de l’article du Temps, les antimilitaristes français ne firent l’objet d’aucune complaisance de la part de la justice. Les démêlés de Gustave Hervé avec la justice lui font perdre son poste d’enseignant. Devenu avocat, il est radié du bareau de Paris pour raisons politiques. Il se consacre alors General (La Grève Générale) de 1901 à 1903. Il fonde le journal Solidaridad Obrera (Solidarité Ouvrière) en 1907 et participe en 1909 à la campagne pour la libération des prisonniers de Alcalá del Valle. Pendant que la social-démocratie allemande tergiversait dans les congrès  sur la question de la guerre, et s’efforçait de ne pas prendre clairement position, les ouvriers espagnols en cette même année 1909 s’insurgeaient contre la guerre coloniale au Maroc. Le lundi 26 juillet, un comité composé d’anarchistes et de socialistes appela à la grève générale contre le rappel des réservistes. Le lendemain les ouvriers contrôlaient la ville de Barcelone : les convois militaires étaient bloqués, les trams renversés. Le jeudi 26, des combats de rue eurent lieu contre les forces gouvernementales qui se soldèrent par plus de 150 ouvriers tués. L’insurrection est réprimée dans le sang. Francisco Ferrer, désigné comme l’instigateur, est arrêté, emprisonné. Le 13 octobre, il est exécuté. Son exécution provoque des réactions à l’échelle mondiale. Lisbonne met en berne le drapeau de son Hôtel de Ville. Milan avec son conseil municipal monarchiste prend le deuil. Le bassin de Charleroi hisse ses drapeaux noirs sur les maisons du peuple. La Marseillaise, symbole de solidarité révolutionnaire, retentit dans les rues de Montevideo. Des boulevards de Paris à l’Université de Saint-Pétersbourg, à Londres, à Rome et à Berlin, c’est une véritable levée en masse qui contraint 50 consuls d’Espagne à démissionner de leurs postes à l’étranger.

5 A partir de 1912 il évolue vers la patriotisme et se range, en 1914, contre les partisans de la grève générale pour empêcher la guerre. Alfred Rosmer n’avait jamais caché sa méfiance envers lui pour ses excès verbaux. Le 1er juillet 1916, il transforme La Guerre Sociale en La Victoire. En 1919, il créé le Parti socialiste national, rejoint par Alexandre Zévaès, ancien député guesdiste devenu l’avocat de l’assassin de Jaurès, et par Jean Allemane, leader d’un des partis socialistes de la période 1890-1902. Le « socialisme national » de Gustave Hervé se transformera ensuite en fascisme.

6 Raphael Friedberg (1863-1940), n’a jamais rien eu à voir avec Gustave Hervé. Friedberg était un fils de rabin, il étudia la médecine et l’économie politique à l’université de Königsberg dont il fut exclu pour ses idées socialistes. Il passera son diplôme de médecin à Berlin. Militant du SPD, il contribue à l’établissement d’une assurance santé pour les ouvriers de Berlin. Membre du conseil municipal de Berlin, il devient un militant influent du SPD dans la capitale allemande. Il remet en cause la politique parlementaire du SPD et le principe de neutralité des syndicats. Il rejoint la FVdG, l’Association libre des syndicats allemands, proche du syndicalisme révolutionnaire, fondée en 1897. La FVdG critiquait la séparation entre action politique et syndicale et le contrôle centralisé sur les syndicats. Dans l’organisation, il prit position en faveur de l’idée de grève de masse, qui était en même temps en débat dans le SPD. Il prit position pour la grève générale. En 1907, les membres du FVdG se virent contraints de choisir entre l’adhésion aux syndicats centralisés ou la perte de leur qualité de membre du SPD. Friedeberg choisit la seconde option. Il développa ensuite ce qu’il appelait l’anarcho-socialisme, une synthèse critiquée à la fois par les anarchistes et par les socialistes. Il évolua ensuite sur des positions radicales, rejetant l’idée d’organisation et se rapprochant de l’individualisme. Il collabora à la Fédération anarchiste d’Allemagne, fondée en 1903, participa au congrès anarchiste d’Amsterdam en 1907, puis cessa de participer activement au mouvement. Ce personnage étonnant consacra le reste de sa vie à lamédecine entre la Silésie et la Suisse ; il resta le médecin traitant de Bebel et de Kautsky et accueillit chez lui en Suisse Otto Braun, ex-Premier ministre de Prusse lorsqu’il s’échappa de l’Allemagne nazie.

7 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k239144s/f2.highres

 

 

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29 décembre 2021 3 29 /12 /décembre /2021 12:45
1900. Pour le 150e anniversaire de la naissance de Karl Liebknecht, un 2ème inédit sur le net en français, Discours sur la politique mondiale (1900)

C'est un deuxième discours parmi les quatre premiers dont la trace a été conservée, et qui datent de 1900. Il permet de voir la pensée de Liebknecht se former. Nous sommes au tournant du siècle, au moment où se développe l'impérialisme et parallèlement le combat contre celui-ci. Liebknecht comme dans l'article précédent (parle  encore de l'aspect positif de l'évolution capitaliste mais dénonce clairement les causes et les conséquences de la Weltpolitik voulue par l'empereur d'Allemagne.

Un point important de ce discours est la conséquence qu'il constate dans les lettres envoyées par les soldats.

"La politique étrangère n'est pas sans répercussions sur la politique intérieure. Le gouvernement a tellement de choses dans sa besace qu'il est difficile de toutes les énumérer. Nos frères allemands sont emmenés en Chine, où ils deviennent des voleurs et des assassins."

C'est un point qu'il reprendra constamment dans ses attaques contre le militarisme.

Lire aussi : https://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/2021/08/pour-le-150e-anniversaire-de-la-naissance-de-karl-liebknecht-un-inedit-sur-le-net-en-francais-compte-rendu-d-un-de-ses-premiers-disc

 

Compte-rendu d'un discours le 12 novembre 1900 à Leipzig

[Leipziger Volkszeitung, Nr. 262 vom 12. November 1900. Nach Karl Liebknecht, Gesammelte Reden und Schriften, Band 1, S. 10-13]

Traduction Dominique Villaeys-Poirré, août 2021. Merci pour toute amélioration de la traduction

Visualiser l'article en page 5 du Leipziger Volkszeitun : https://digital.slub-dresden.de/data/kitodo/LeipVo_394414608-19001112/LeipVo_394414608-19001112_tif/jpegs/LeipVo_394414608-19001112.pdf

 

Lors d'une réunion hier au Panthéon, le camarade, le Dr. Karl Liebknecht s’est exprimé sur le premier sujet. L'orateur a dit à peu près ce qui suit : ... L'initiative prise par les Allemands en Chine s’est caractérisée  d’abord par la menace de frapper "par un poing ganté de fer" et s'est terminée par "la concession à bail" de Kiautschou. C’était l’avis des Chinois qui voyaient eux aussi dans ce "bail »  seulement un moyen de masquer la conquête. Et, alors que régnait la paix, on s’est approprié les terres, et, alors que régnait la paix, les forts de Taku ont eux  aussi été pris, plus tard. On dit certes que cette dernière action n’aurait eu comme objet que de sauver les émissaires, mais en réalité c'était l’occasion pour les grandes puissances de s’en mettre plein les poches. Les rivalités entre elles ont fait que Pékin n’a été atteinte que très tardivement. Mais ce ne sont pas les grandes puissances qui ont sauvé ces émissaires, mais ce sont le gouvernement chinois et le peuple chinois qui les ont épargnés. Au lieu alors de reculer, la campagne s'est poursuivie accompagnée de grandes déclarations. Quand il n'y a plus rien eu à faire, les Allemands ont envoyé le comte Waldersee à la tête des armées rassemblées en Chine. Les Allemands sont pour tout à la traîne, mais ils sont bien en avance quand il s’agit de crier.

 

Le peuple étant toujours informé quand les choses sont déjà terminées, cela a été le cas ici encore, et nous ne savons d’ailleurs pas du tout ce qui se passe encore dans les coulisses,

 

Justifier la politique en Chine en prétendant vouloir ouvrir la Chine à la civilisation est une déformation abusive des faits. Les Chinois ont une culture millénaire, le commerce en Chine a décuplé ces dernières années, les journaux s'y sont développés et la culture moderne attire de plus en plus l'intérêt, de sorte qu'il ne peut être question que cette évolution s'arrête. La Chine se développera de la même manière que le Japon, qui peut désormais concurrencer les pays européens. Mais il ne dérive de cela aucun droit à une invasion violente. La politique d'expansion et d'exploitation du capitalisme conduit à l'établissement de colonies. Le véritable but du capitalisme n'est pas d'étendre la civilisation, mais de réaliser des profits de toutes les manières possibles.

 

La politique d'expansion s'est développée ces derniers temps de manière fébrile ; il existe aujourd'hui des industries moins soucieuses de répondre aux besoins actuels que d'ouvrir de nouveaux marchés ; par exemple l'industrie du fer. Il est certain que les grands industriels, les Stumm, Krupp, etc., s'intéressent vivement à cette politique. Mais déjà derrière le projet de loi sur la marine et dès maintenant derrière la situation politique générale, se profile clairemen le spectre de la crise.

 

Le capitalisme poursuit encore d'autres intérêts en Chine. Le pays possède de grandes richesses naturelles, charbon, métaux et une excellente fertilité des sols. Et l’on veut avoir sa part de ces trésors.

 

C'est l’une des pages les plus honteuses de l'histoire allemande qu’après avoir critiqué l'attitude des Britanniques sur la question du Transvaal, on joue maintenant exactement le même jeu en Chine. Jouant l'indignation morale, on s'est élevé contre la perfide Albion, et maintenant les mêmes personnes sonnent de toutes leurs forces dans les trompettes de la puissance mondiale ; et ils prétendent toujours être de vrais chrétiens. Ce ne sont pas des chrétiens, ce sont des hypocrites !

 

Nous aussi, nous sommes favorables à la politique mondiale si cela signifie un progrès dans notre culture ; mais nous sommes résolument contre sa propagation brutale. La social-démocratie devrait s’autoflageller si elle devait soutenir une politique aussi violente ; car les lois socialistes nous ont clairement montré où mène une politique basée sur la force. Lui (l'orateur) ne voit aucun parmi ses nombreux souvenirs de Leipzig qui ne soient liés à un policier. Et alors que ces souvenirs en eux-mêmes suscitent en nous un sentiment d’'indignation, l’on voudrait nous faire croire qu'une telle politique basée sur la violence devrait convertir les Chinois. Même si les Chinois sont jetés au sol par « des poings gantés de fer », les puissances auront avec la Chine le même succès que les Anglais au Transvaal, que les Américains aux Philippines et les Allemands avec leurs Polonais, Alsaciens et Danois.

 

La politique étrangère n'est pas sans répercussions sur la politique intérieure. Le gouvernement a tellement de choses dans sa besace qu'il est difficile de toutes les énumérer. Nos frères allemands sont envoyés en Chine, où ils deviennent des voleurs et des assassins ; cela signifie dans le même temps un déclin de la culture en Allemagne. Une telle barbarie ne s'était pas vue depuis la guerre de Trente Ans. Alors qu'à cette époque toute la barbarie était tournée vers les envahisseurs étrangers, maintenant, officiellement, plus aucun pardon n'est accordé, et le comte Bülow couvre une telle politique de son nom. Les soi-disant lettres des Huns doivent susciter le dégoût pour de tels actes chez quiconque a encore une étincelle de sentiment humain. C'est la civilisation et le christianisme qui se répandent en Chine ! Même en chaire, les gens ont prié pour les succès en Chine.

 

La « politique des Huns » n’a pas été seulement la "politique des Huns" pratiquée en Chine, la constitution impériale allemande également a été traitée à la manière des Huns. Au bénéfice de ceux qui ont violé la Constitution, on peut leur imputer qu'ils ne connaissaient pas la Constitution. C'est grave bien sûr, et en tout cas il vaudrait mieux qu'au début de la session du Reichstag on demande immédiatement qu'une copie de la constitution soit envoyée à chaque membre du gouvernement aux frais du Reich.

 

Sous les applaudissements qui de toutes parts ont suivi ces propos, la voix de l'officier chargé de la surveillance de la réunion a soudain retenti : je retire la parole à l’orateur.

 

Le camarade Liebknecht a été alors contraint de d’interrompre ses propos, qui ont été accueillis tonnerre d'applaudissements.

Note:

L'expression "un poing ganté de fer" (j'ai emprunté la traduction : Alain Tardieu, Revue des Deux-Mondes) vient du discours prononcé au banquet d'adieu offert par Guillaume II à son frère Henri de Prusse et se tourne contre les grandes puissances. https://zims-lfr.kiwix.campusafrica.gos.orange.com/wikisource_fr_all_maxi/A/Le_prince_de_B%C3%BClow/02

 

La "politique des Huns" fait référence au discours prononcé le 27 juillet 1900 lors du départ du corps expéditionnaire envoyé pour réduire la révolte des Boxers. Voir l'article précédent sur le blog. Et les lettres que cite Liebknecht sont celles de soldats qui se glorifient d'actes inspirés par cette déclaration.

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29 décembre 2021 3 29 /12 /décembre /2021 00:18
La description se trouve dans le Vösissche Zeitung du 10 novembre 1918 disponible sur le net

La description se trouve dans le Vösissche Zeitung du 10 novembre 1918 disponible sur le net

Le 9 novembre 1918, Karl Liebknecht proclame La libre République d'Allemagne. Chaque mot est important, l'adjectif libre, la mention d'Allemagne et non allemande (comme sera créé le 31 décembre le parti communiste d'Allemagne et non allemand). C'est important la notion de liberté comme est importante la mention d'Allemagne et non allemande pour l'Internationaliste qu'était Karl Liebknecht. C'est une des plus belles proclamations de la République.

A titre d'information et pour comparer, la déclaration de Scheidemann qui proclame lui la république allemande et le fait en toute hâte deux heures avant Karl Liebknecht et son courant.

Karl LIEBKNECHT proclame la République socialiste libre d’Allemagne (novembre 1918)

 

« Camarades, voici l’aube de notre liberté. Jamais un Hohenzollern* ne mettra plus le pied ici. Ce sont les esprits de millions de personnes qui ont donné leur vie pour la cause sacrée du prolétariat. Avec les crânes brisés, baignant dans leur sang, ces victimes de la tyrannie ont titubé, suivies par les esprits de millions de femmes et d’enfants morts de chagrin et de misère pour la cause du prolétariat. Après eux sont venus les millions de victimes de cette guerre mondiale. Aujourd’hui, une multitude immense de prolétaires impassibles se tient sur la même place, rendant hommage à cette nouvelle liberté. Camarades, je proclame la République socialiste allemande libre qui réunira tous les Allemands dans laquelle il n’y aura plus de bourgeoisie, ni de chefs, ni de serviteurs ; dans laquelle tout travailleur recevra un salaire juste pour son travail. Le règne du capitalisme qui a transformé le continent européen en un marais de sang est brisé. […] Mais si le vieux monde est abattu, nous ne devons pas croire que notre tâche est achevée. Nous devons concentrer toutes nos forces pour construire le gouvernement des ouvriers et des soldats, et pour instaurer un nouvel ordre étatique du prolétariat, un ordre de paix, de bonheur et de liberté pour tous nos frères allemands et pour nos frères du monde entier. Nous leur tendons la main et les appelons à achever la révolution mondiale. Que ceux d’entre vous qui veulent voir réalisées la République socialiste libre d’Allemagne et la révolution mondiale lèvent la main en guise de serment. (Toutes les mains se lèvent et des cris fusent : vive la République !) […] »

Karl LIEBKNECHT, Gesammelte Reden und Schriften (Recueil de textes et discours), Dietz Verlag, 1971.

http://devemyhg.lycee-darchicourt.net/karl-liebknecht-proclame-la-republique-socialiste-libre-dallemagne-novembre-1918/

 

 

La déclaration est réfléchie et construite. Elle s'appuie sur ses réflexions tout au long de la guerre et depuis le début de la révolution.

Ce même 9 novembre, il avait été pressenti pour participer au gouvernement par les sociaux-démocrates majoritaires. Refusant d'abord, il avait ensuite accepté jusqu'à la signature de l'armistice mais aux conditions suivantes :

1. L'Allemagne doit être une république socialiste

2. Le pouvoir exécutif, législatif, juridictionnel doit être exclusivement confié aux représentants élus de l'ensemble de la population des travailleurs et des soldats

3. Exclusiondu  de tous les membres bourgeois du gouvernement

4. La participation des sociaux-démocrates indépendants vaut pour trois jours pour permettre un gouvernement en mesure de conclure un armistice

5. Les ministres n'ont qu'une fonction d'aide technique aux différents cabinets en charge des décisions

6. Egalité des droits des deux dirigeants du cabinet

Ces conditions ont été rejetées. Ce qui conduisit Karl Liebknecht à la proclamation de la république socialiste sur ces bases.

Karl LIEBKNECHT, Gesammelte Reden und Schriften (Recueil de textes et discours), Dietz Verlag, 1971. P. 593

La déclaration de Philip Scheidemann

 

La déclaration du responsable des sociaux-démocrates majoritaires a une histoire complexe et significative, tant concernant le contenu que la photographie et le son.

La véritable photographie de la proclamation par ScheidemannLa véritable photographie de la proclamation par Scheidemann

La véritable photographie de la proclamation par Scheidemann

La déclaration de Scheidemann qui est largement diffusée est en fait celle qui figure dans son livre rédigé en 1928. Il existe un compte-rendu sténographié qui peut être considéré comme authentique.

 

Le compte-rendu sténographique :

"Le peuple allemand a vaincu sur toute la ligne. L'ancien ordre putréfié a disparu; le militarisme est vaincu! Les Hohenzollern ont abdiqué! Vive la République. Une deuxième partie indique que Ebert est devenu chancelier

 

 

 

La déclaration réécrite par Philip Scheidemann en 1928

 

«Ouvriers et soldats! Les quatre années de guerre ont été horribles, horribles les sacrifices que le peuple a dû faire en biens et en sang; la malheureuse guerre est finie. Le meurtre est terminé.

Les conséquences de la guerre, les besoins et les souffrances nous accableront pendant de nombreuses années. La défaite que nous nous sommes efforcés d'éviter, en toutes circonstances, s'est abattue sur nous. Nos suggestions concernant une entente ont été sabotées, nous avons personnellement été ridiculisés et ignorés. Les ennemis de la classe ouvrière, les vrais ennemis intérieurs qui sont responsables de l'effondrement de l'Allemagne, ils sont devenus silencieux et invisibles. C'étaient les guerriers de la maison, qui ont maintenu leurs revendications de conquête jusqu'à hier, aussi obstinés qu'ils ont combattu la lutte contre toute réforme de la constitution et surtout du déplorable système électoral prussien.

Ces ennemis du peuple sont finis pour toujours. Le Kaiser a abdiqué. Lui et ses amis ont disparu. le peuple les a tous conquis, dans tous les domaines. Le prince Max von Baden a confié à Ebert le poste de chancelier du Reich. Notre ami formera un nouveau gouvernement composé de travailleurs de tous les partis socialistes.

La proclamation rejouée

La proclamation rejouée

Il en est de même pour les photographies. la photographie d'origine a été prise par un amateur, très petite et floue. Une autre photo est plus souvent utilisée, mais reconstitue la proclamation 10 ans après.

 

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1 novembre 2021 1 01 /11 /novembre /2021 21:16

C'est le troisième document consacré à la grève de masse dans cette première période de ses engagements par Karl Liebknecht. Il s'agit du compte-rendu d'un discours tenu à Leipzig aux lendemains du Congrès de Iéna qui vit la grève de masse devenir un des sujets majeurs des discussions et interventions. Dans ce texte, Liebknecht s'inscrit dans la discussion sur les liens parti/syndicats après qu'au congrès syndical de Cologne le réformisme syndical a pris des formes extrêmes. Il fait référence aussi aux grandes manifestations ouvrières de 1905 répondant aux tentatives d'atteinte au droit de vote au parlement de Saxe.

Leipziger Volkszeitung, 12.12.1905, Page 2

Leipziger Volkszeitung, 12.12.1905, Page 2

La grève politique – une nouvelle arme du prolétariat, Compte-rendu d’un discours tenu à Leipzig le 12 décembre 1905

Traduction Dominique Villaeys-Poirré, 02.11.2021. Merci pour toute amélioration de la traduction

 

Ce qui a déclenché les vifs débats sur la relation entre parti et syndicats, est l’état d’esprit qui s’est développé depuis quelques temps dans les syndicats, et qui doit être considéré comme inquiétant pour les syndicats eux-mêmes. C’est un état d’esprit qui témoigne de la conception la plus étroite de la politique, une conception qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez et contre lequel le camarade von Elm a mis en garde. Lors du Congrès syndical de Cologne, on a pu voir des phénomènes très regrettables. On y a tenu des discours tellement superficiels sur les questions économiques et politiques, comme ceux sur le 1e mai et sur la grève de masse politique, qu’ils ont suscité de toute part l’étonnement. L’expression du calme dont on aurait besoin les syndicats est aussi très préoccupante.

Ce qui est réjouissant, c’est que la masse des travailleurs organisés dans les syndicats a désavoué ses dirigeants et s’est déclaré clairement contre une telle conception du mouvement syndical. Nous devons nous demander comment de telles conceptions ont bien pu naître, et ce chez des gens dont l’esprit par rapport au parti est irréprochable. Cela vient du fait que les syndicats ne s’appuient plus que sur la quantité et non sur la qualité de leurs membres. Que l’on nous laisse rassembler encore des millions d’adhérents et nous ferons ce que vous définissez déjà comme les tâches des syndicats. – Mais on oublie par là que la force des syndicats ne dépend pas tant de la quantité mais de la qualité des membres. Les structures de soutien sont présentées aussi à de nombreuses reprises comme la raison qui explique la disparition du caractère de lutte de classes des syndicats. Selon l’avis de l’orateur, ceci est une erreur. En ce qui concerne les structures de soutien, il ne s’agit pas de savoir si elles doivent exister mais seulement ce qu’elles  doivent être et dans quelle mesure.

On a aussi vu dans le bureaucratisme qui s’est développé si fortement ces derniers temps au sein du mouvement syndical, une raison pour l’affaiblissement du caractère de lutte de classe du syndicat. Tous ces phénomènes ne doivent en aucun cas être considérés avec scepticisme. En Allemagne, nous ne devons pas nous soucier d’un possible recul du combat de classe ; La justice allemande se charge déjà de l’empêcher. La politique impériale poursuivie aujourd’hui, non seulement ne mène pas à l’apaisement de la lutte des classes, mais bien au contraire la rend de toutes les manières plus aigue.

Chaque jour, la “jurisprudence” enseigne clairement au prolétariat qu’il est inférieur en droit aux autres classes de la population.

Cependant, jamais une situation politique n’avait été aussi favorable à l’éveil du prolétariat à la lutte des classes qu’aujourd’hui.

L’ensemble du prolétariat est mobilisé. Les vagues de la révolution russe, du mouvement pour le droit électoral en Autriche s’étendent aussi vers l’Allemagne.

Ce qui va intensifier principalement en Allemagne la lutte des classes, ce sont les nouvelles charges inouïes que l’on va faire peser sur le peuple pour satisfaire les exigences navales.

A tout cela viennent s’ajouter ensuite les décisions judiciaires dans les affaires de grève. Si déjà chaque pauvre hère, qui se retrouve sur le banc des accusés, se dit : tu n’as pas à espérer de mansuétude, alors  pour les fauteurs de grève, la justice se présente réellement encore plus mal. Lors des grèves importantes, les accusations et procès pleuvent, parmi eux, des accusations d’atteinte à la paix civile, qui ne laissent plus aucun répit aux travailleurs. Ce qui relève pour les étudiants révoltés et les techniciens de bêtises grossières, relève pour les grévistes des paragraphes de loi sur la menace de la paix civile et se conclut par des dizaines d’années de peines de prison.  

Vous savez ce qu’il en est en Saxe. Ce que l’esprit policier étroit et mesquin de la réaction saxonne a tenté pour nuire aux travailleurs comme  le vol des droits électoraux et autres freins imposés à leur action, trouve maintenant son expression  comme le fruit d’un puissant mouvement populaire. Si la voie n’est pas dégagée, l’anneau dans lequel le peuple a été enserré, doit être brisé

C’est déjà une honte de claquer la porte du parlement au nez d’une classe ouvrière culturellement si avancée comme l’est la classe ouvrière saxonne. Mais c’est une impudence encore plus grande que de penser que les travailleurs vont l’accepter sur le long terme.

La tâche commune des syndicats et du parti est d’éduquer les travailleurs à devenir des combattants de classe conscients et de mener ensemble de telles actions, ce à quoi chacune des partie est intéressée ; cela rend le mouvement lui-même invincible. Les classes dirigeantes pourront bien dire alors qu’elles ont encore le pouvoir, et qu’elles peuvent inverser la roue de l’histoire mondiale en soumettant la classe ouvrière par la coercition ; elles ne réussiront pas, et bien au contraire, elles rapprocheront par cela d’autant plus vite leur chute.

Avec la grève de masse politique, le prolétariat s’est approprié une nouvelle arme dans son arsenal qu’il utilisera le moment venu. Est-ce qu’il faut utiliser la grève de masse pour la conquête du droit de vote en Saxe, impossible de le dire pour le moment. Je crains cependant que le temps n’est plus éloigné où le prolétariat exigera avec insistance les droits qu’on lui a volés, l’heure décisive alors ne tardera pas. Il ne sera plus alors question de séparation entre parti et syndicats. Le but commun, l’ennemi commun les unira. Alors, en Saxe, en Prusse, dans toute l’Allemagne, la dernière petite heure de l’oppression et de la servitude sonnera. (Applaudissements vis et soutenus)

 

Source :

 

[Leipziger Volkszeitung, Nr. 287 du 12. Dezember 1905. Karl Liebknecht, Gesammelte Reden und Schriften, tome 1, P. 162-165] https://sites.google.com/site/sozialistischeklassiker2punkt0/liebknecht/1905/karl-liebknecht-der-politische-massenstreik---eine-neue-waffe-des-proletariats.

 

Eléments bibliograhiques (en cours) :

 

Wahlrechtskämpfe in Sachsen nach 1896 : https://retallack.faculty.history.utoronto.ca/Retallack_Wahlrechtskaempfe_DH80_2004.pdf

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31 octobre 2021 7 31 /10 /octobre /2021 19:46
Karl Liebknecht, 22.09.1905. La grève de masse – le moyen de lutte spécifique du prolétariat

La révolution éclate en Russie. Elle commence par des grandes grèves décidées par le prolétariat. En Allemagne aussi, la grève s'étend, en particulier dans la Ruhr. Cela enflamme la discussion sur la grève de masse au sein du parti social-démocrate d'Allemagne. Rosa Luxemburg intervient dans le débat, et aussi Karl Liebknecht. Leur proximité apparaît dès cette époque bien qu'ils ne lutteront ensemble qu'après août 1914. Une résolution présentée par Bebel est acceptée. Ce texte est le deuxième consacré à la grève de masse. Il est inédit en français

Au Congrès de Iéna. Liebknecht est au dernier rang à droite.

Au Congrès de Iéna. Liebknecht est au dernier rang à droite.

1905 La grève de masse – le moyen de lutte spécifique du prolétariat  - Intervention au Congrès de Iéna dans la discussion sur la grève de masse.

 

Protocole du Congrès du Parti social-démocrate d’Allemagne. Iéna du 17 au 23 septembre 1905, Berlin 1905, P. 326 et suivantes. Reproduit dans les "Discours et écrits", tome 1, P 159-161 - Intervention lors de la discussion sur le thème de la grève de masse politique.

Traduction, Dominique Vilillaeys-Poirré, 2 novembre 2021. Merci pour toute amélioration de la traduction.

 

Les élections de 1903 ont dans une certaine mesure précipité vers  la mort le parlementarisme formel. La social-démocratie, dont l’organisation et les campagnes d’agitation en Allemagne se sont depuis toujours essentiellement liées au  parlementarisme et aux élections législatives, a de plus en plus dû se rendre à l’évidence que l’espoir, existant malgré tout dans de larges cercles, d’obtenir des résultats significatifs par les succès électoraux, était trompeur. On constate que malgré les succès électoraux importants, tout est resté comme avant. C’est ainsi que s’explique le changement d’atmosphère, que l’on soit devenu plus sensible aux actions extraparlementaires, comme le 1er mai, que l’on recherche de nouveaux moyens d’action extraparlementaires et que la grève générale trouve de plus en plus de partisans. Bien sûr la révolution russe y a aussi contribué et éveillé à nouveau la compréhension face à l’évolution catastrophique de la situation.

 

Il est complètement inexact de dire que faire la différence entre grève générale et grève de masse serait spécieuse. La première veut se substituer au combat parlementaire, la seconde en premier lieu le rendre possible en lui donnant un fondement solide, mais de plus constituer un moyen de lutte extraparlementaire indépendant pour protéger et gagner des droits essentiels. C’est là une différence fondamentale.

 

Legien dit que nous devrions dans certaines circonstances d’ailleurs remettre nos armes à l’épaule. Mais nous n’avons pas ces armes ; cependant le prolétariat lui a  ses bras et le pouvoir de les utiliser ou de les croiser. Que la grève de masse soit synonyme de révolution n’est pas vrai dans toutes les circonstances, moins encore lorsqu’il s’agit de la défense des droits.

 

Les camarades Heine et Schmidt ont fait valoir un grand nombre de réticences d’ordre pratique. Mais Legien nous a expliqué : oui c’est vrai, en soi, la grève de masse est certainement possible. Cela devrait faire douter de Schmidt. Les syndicats se rangeront certainement plus, dans ce cadre, derrière Legien que derrière Schmidt. Si la grève est un moyen de lutte approprié pour les combats économiques, il devrait être utilisable dans certains contextes pour des buts politiques. Ce que le prolétariat peut mettre en œuvre pour 5 Pfennig de salaire, il doit pouvoir le faire pour ce qui lui est le plus sacré, ses droits fondamentaux ! Après que la révolution sous la forme de "jacqueries" a disparu, la grève de masse s’est développée organiquement à partir de la position et de la fonction du prolétariat dans l’ordre économique capitaliste, comme le moyen de lutte prolétaire spécifique dans presque tous les domaines de la lutte des classes. C’est la réalisation politique  du pouvoir économique de la classe ouvrière.

 

Certes, comme le souligne Schmidt, nous verrons lors de la grève politique beaucoup de renégats ; mais des milliers de prolétaires qui sont aujourd'hui éloignés de la lutte de classe nous rejoindront avec enthousiasme et volonté de sacrifice ; la lutte pour des buts élevés les emportera.

 

Heine demande : « Gagnerons-nous?” Il n’y a certes jamais eu de police d’assurance pour les révolutions. Il faudrait d’abord l’inventer. Certes ! Le sang du peuple nous est précieux, mais les idéaux et les droits politiques du peuple ne nous sont pas moins précieux, et nous ne voulons pas nous les laisser voler sans résistance. La responsabilité de l'inaction  s'oppose à la responsabilité d'agir. Le droit engendre la tendance au formalisme et rend plus difficiles la pensée et le sentiment révolutionnaires. C’est ainsi que je m’explique des nombreuses réticences de Heine. (Le temps de parole s’est écoulé)

 

 

 

Karl Liebknecht, 22.09.1905. La grève de masse – le moyen de lutte spécifique du prolétariat
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31 octobre 2021 7 31 /10 /octobre /2021 10:22
Karl Liebknecht, 20.09.1904 - Pour la grève de masse. Discours au Congrès de Brême. "Cette question est la plus actuelle de notre politique présente et future. Ne l'écartez pas avec des sourires. Concevez-en toute l'importance, et notre parti sera armé!"

CITATIONS

 

"On nous dit : "si nous pouvons faire la grève générale, c'est que nous n'en avons plus besoin". C'est inexact: nous pouvons y être poussés par des questions politiques actuelles. "

 

"A quel moment nous devons décider de la grève générale et sous quelle forme, nous n'en parlons pas. Il est exact qu'on ne peut prévoir toutes les éventualités; nous devons faire confiance aux masses, à leur sens de la lutte de classe pour trouver, le cas échéant, la juste voie à suivre : qu'on se rappelle l'intéressant exposé de la camarade Luxemburg sur la tactique suivie dans le mouvement ouvrier russe. Mais nous devons cependant discuter des moyens que nous connaissons aujourd'hui comme valables."

 

"Le cas peut se produire, où il nous faudra manifester notre force, dont nous faisons maintenant un usage exclusivement formel. Et nous y parviendrons sous la forme la plus percutante au moyen d'une grève de masse."

 

"Nous ne désirons pour le moment qu'une discussion, et par là une certaine manifestation de sympathie en faveur de l'idée. Toujours en vedette (3), être toujours à son poste, quoi qu'il puisse arriver, c'est là le premier devoir et l'intérêt vital du parti. Il faut s'opposer à cette hostilité dangereuse à l'idée de la grève de masse. Cette question est la plus actuelle de notre politique présente et future. Ne l'écartez pas avec des sourires. Concevez-en toute l'importance, et notre parti sera armé!"

 

LE TEXTE

Transcrit de "militarisme, guerre, révolution", choix de textes de claudie weill, traduction de marcel ollivier,  aux éditions maspero P. 203 - 204

 

On nous dit : "si nous pouvons faire la grève générale, c'est que nous n'en avons plus besoin". C'est inexact: nous pouvons y être poussés par des questions politiques actuelles. Certes, l'idée de réduire la société bourgeoise à la famine par la grève générale est ridicule. Pour moi, il s'agit de la grève politique de masse, qui, dans certaines circonstances seulement, peut prendre la forme de la grève générale proprement dite. Mais avec des calculs tels que celui qui consiste à dire que les ouvriers consommeraient plus vite leurs maigres réserves que les possédants les leurs, plus abondantes, et que pour cette raison, la grève de masse n'a aucune chance de réussir, on ne peut non non plus résoudre le problème de la grève générale proprement dite. Trop d'autres facteurs parlent en faveur des grévistes. Je citerai les fameuses grèves de la faim en Russie, qui reposent sur l'idée d'exercer, en mettant sa propre vie en jeu, une pression sur le gouvernement. Ces grèves sont la preuve qu'on peut faire impression à l'aide d'impondérables, de la peur du scandale, etc. On dit que nous ne devons pas discuter de la grève de masse pour ne pas dévoiler nos plans à nos adversaires. Nous n'en avons nullement l'intention. A quel moment nous devons décider de la grève générale et sous quelle forme, nous n'en parlons pas. Il est exact qu'on ne peut prévoir toutes les éventualités; nous devons faire confiance aux masses, à leur sens de la lutte de classe pour trouver, le cas échéant, la juste voie à suivre : qu'on se rappelle l'intéressant exposé de la camarade Luxemburg sur la tactique suivie dans le mouvement ouvrier russe. Mais nous devons cependant discuter des moyens que nous connaissons aujourd'hui comme valables. La Saxe n'est-elle pas un épouvantail pour le parti?(1). On dit que nous avons conservé le droit de vote au Reichstag. Mais si on nous l'enlève aussi? Alors nous devons aller dans les communes. Mais si on nous  en interdit l'accès? Alors restent les syndicats. Mais si on nous enlève le droit de coalition? Que ferons-nous alors? Il n'est pas vrai que nous puissions en toutes circonstances éviter une épreuve de force. Le cas peut se produire, où il nous faudra manifester notre force, dont nous faisons maintenant un usage exclusivement formel. Et nous y parviendrons sous la forme la plus percutante au moyen d'une grève de masse. C'est l'idée dont le parti doit se pénétrer. Il existe en fait un certain danger pour le parti : se rouiller en ce qui concerne les moyens de lutte. Nous sommes gâtés en Allemagne, malgré les lois d'exception contre les socialistes parce que là non plus on ne nous a pas enlevé le droit de vote. Mais cela peut arriver, et nous devons y être préparés. Cela signifie - pensez au rapport de Pfannkuch - qu'il ne faut pas évoquer le diable (2) . Mais le diable cependant est là, bien vivant; ce serait de notre part une politique de l'autruche de vouloir le nier. Et, camarades, comment pourrons-nous conquérir le monde, si nous ne sommes même pas capables de défendre les quelques droits fondamentaux que nous possédons déjà, de tenir nos positions actuelles? C'est pourquoi il est nécessaire de discuter de la grève de masse. Nous ne prétendons pas vous recommander de l'accepter purement et simplement comme un nouveau moyen de lutte. Nous ne désirons pour le moment qu'une discussion, et par là une certaine manifestation de sympathie en faveur de l'idée. Toujours en vedette (3), être toujours à son poste, quoi qu'il puisse arriver, c'est là le premier devoir et l'intérêt vital du parti. Il faut s'opposer à cette hostilité dangereuse à l'idée de la grève de masse. Cette question est la plus actuelle de notre politique présente et future. Ne l'écartez pas avec des sourires. Concevez-en toute l'importance, et notre parti sera armé!

(1) Le vote à trois degrés avait été introduit en Saxe en 1896, ce qui excluait la social-démocratie du Landtag.

(2) Citation du rappport du Comité directeur du S.P.D.  présenté au congrès de Brême par Pfannkuch

(3) En français dans le texte

Textes de 1904/1905

Sur la Russie :

Der Königsbergerprozess

Es lebe die russische Freiheit

 

Au congrès de Brême

Die Jugend im Kampf gegen den Militarismus

Für den politischen Massenstreik

Solidarität mit der russischen Genossen

Für die Demokratisierung der Kaufmanngerichte

 

Grèves et grève générale

Der Kampf im Ruhrrevier und die Revolution in Deutschland, 12.02.1905, discours

Der Massenstreik, das spezifistische proletarische Kampfmittel, Congrès de Iéna 22.09.1905

Der politische Massenstreik - eine neue Waffe des Proletariats, Discours à Leipzig

Bergarbeiterleben in der Mark, 4.04.1906, article

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30 octobre 2021 6 30 /10 /octobre /2021 18:59
Le premier discours connu de Karl Liebknecht, inédit en français et sur le net. "Le communisme et les droits des femmes dans l’histoire du développement de l’humanité".

Traduction de l'article paru le 21 septembre 1899 dans la rubrique "Réunions publiques": "Le communisme et les droits des femmes dans l’histoire du développement de l’humanité"

Transcription et traduction Dominique Villaeys-Poirré à partir du facsimilé publié dans la biographie de Helmut Trotnow, Karl Liebknecht, eine politische Biographie, dtv, 1982, P 58/59. Fait les 29.et 30.10.2021.

Karl Liebknecht qui avait d'abord terminé ses études de droit afin de ne pas être entravé par le pouvoir impérial, venait d'adhérer au parti social-démocrate. C'est le premier discours connu. Il est imparfait mais son approche est déjà celle qu'il aura dans les années suivantes. Lier analyse matérialiste, droit et politique. L'introduction du compte rendu témoigne de l'interdiction faite aux femmes (jusqu'en 1908) de participer à la vie politique.

Karl Liebknecht est un des fils de Wilhem Liebknecht, l'un des deux principaux dirigeants du parti social-démocrate avec Bebel et il a vécu les vicissitudes connues par son père. Déjà, au moment de sa naissance, son père était menacé de prison pour son refus de voter les crédits de guerre, pour son soutien à la Commune de Paris et son opposition à l'annexion de l'Alsace-Lorraine. Wilhem Liebknecht fut condamné à deux ans de prison pour haute-trahison. Elu député dès sa sortie, il reprit son rôle politique. Durant les lois antisocialistes qui leur interdisaient toute action hors du Reichstag et des parlements régionaux, il fut inquiété à de multiples reprises, plusieurs fois emprisonné, banni de différentes villes, Leipzig, Berlin, Francfort. En 1896, à 70 ans, il fut encore une fois condamné et emprisonné 4 mois! C'est cette enfance, cette adolescence et cette jeunesse que connut Karl Liebknecht. Son père est décédé le 7 août 1900 peu après l'écriture de cet article.

L'article

Le premier discours connu de Karl Liebknecht, inédit en français et sur le net. "Le communisme et les droits des femmes dans l’histoire du développement de l’humanité".

L’association électorale de la première circonscription électorale du Reichstag de Berlin a tenu une réunion aux Arnimshallen. Au programme, la conférence du Dr. Karl Liebknecht sur « Le communisme et les droits des femmes dans l’histoire du développement de l’humanité ». Parmi les nombreux auditeurs de la réunion se trouvaient aussi quelques femmes, qui durent cependant quitter le local sur ordre de l’officier de police chargé de la surveillance. L’agent vérifia encore par une inspection visuelle qu’aucun être du sexe féminin n’était resté assis dans un coin de la salle ou dans le hall. Après que leur absence de droit sous la domination prussienne a été ainsi clairement démontrée aux femmes, Karl Liebknecht a pris la parole.

 

Il a exposé que – contrairement à ce que pensait Marx – de nouvelles recherches scientifiques ont démontré que le communisme n’existait pas au début de l’évolution de l’histoire de humanité, mais qu’il a été précédé par une époque où chacun cherchait pour soi sa nourriture et fabriquait ses propres outils. Le communisme n’est devenu une nécessité économique que lorsque la société a atteint un niveau de civilisation un peu plus élevé et plus tard est issu de celui-ci de nouveau du fait des conditions économiques, l’économie individuelle.

 

Concernant les droits des femmes : Au début de l’histoire de l’humanité, la femme était totalement soumise à l’homme. Puis, le droit des femmes et des mères s’est constitué, à une époque où les femmes prirent une position dominante, ceci pour des raisons économiques, non pas parce que les femmes étaient supérieures aux hommes mais parce qu’elles surent utiliser une conjoncture économique favorable. C’était le temps où seules les femmes s’occupaient d’agriculture et étaient donc sédentaires, tandis que les hommes battaient la campagne comme chasseurs et guerriers. Lorsque les hommes sont entrés en concurrence avec elles, il s’est avéré un concurrent victorieux face à elles. La conséquence fut qu’il attira à lui de nouveau tout le pouvoir et que les femme furent inférieures quant à leurs droits.

 

Il conclut ainsi : Le communisme ne va pas à l’encontre de la nature humaine. Il existait et devait exister à une époque où l’intérêt général le rendait nécessaire. Le communisme reviendra quand l’intérêt général le commandera et cette époque, nous l’espérons, ne sera plus très éloignée. L’histoire du développement de l’humanité montre que les femmes ne sont pas économiquement égales des hommes Lorsque l’homme dans ce domaine entra en concurrence avec la femme, il l’emporta. L’argument de nos tenantes des droits de l’homme – et aussi de nos camarades femmes – à savoir que les femmes et les hommes sont égaux par nature, n’a pas de fondement dans les processus historiques. Mais si les femmes n’étaient pas égales de l’homme dans des époques lointaines, cela ne prouve pas que ce soit encore le cas aujourd’hui et que cela le restera jusqu’à la fin des temps. La situation a changé et nous voyons qu’aujourd’hui déjà les femmes sont déjà sur un pied d’égalité dans certains domaines professionnels. – L’histoire confirme la justesse du matérialisme économique et par là d’une des thèses les plus sûres sur lesquelles est bâtie notre conception du monde, et notre espoir pour l’avenir.

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Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009