Les enseignements du combat contre la loi électorale
Réunion de Breslau le 5 avril 1910 - Volkswacht, N° 80, le 7 avril 1910 - Gesammelte Werke, Tome 7 - 2017, P 578 - 583. Plus de mille personnes étaient présentes.
Résumé - Dominique Villaeys-Poirré
Le premier article de cette série est très précis et renseigne clairement sur le contenu des discours prononcés par Rosa Luxemburg lors de cette campagne :
Elle commence par un point historique et présente tout d’abord les combats parlementaires qui ont accompagné la réforme du droit de vote en Prusse, les positions des différents partis, en s’attardant sur le Zentrum dont Herold était le leader et qui demandait le même droit électoral pour les Etats que pour l’Empire, puis qui trahit cette position. Elle conclut que, quel que soit le résultat, « Il n’y a rien de bon à attendre pour le prolétariat »
Elle analyse les raisons de l’obtention en 1848 d’un droit électoral progressiste. Le prolétariat n’étant pas assez fort, pas suffisamment conscient, n’ayant pas de programme, le pouvoir est passé dans les mains de la bourgeoisie, incapable cependant d’armer le peuple pour vaincre le pouvoir des junkers et imposer ainsi l’unité de l’Allemagne
Si autrefois les petits potentats avaient été chassés, l’unité allemande n’aurait pas été octroyée, cadeau de Bismarck, gagné sur les champs de bataille sanglants de France. On n’aurait pas ce terrible militarisme, le cléricalisme et le régime policier brutal que nous connaissons de la nouvelle ère allemande.
La monarchie s’est développée, en faisant de la classe ouvrière en plein développement son ennemi personnel et avec l’aide de la bourgeoisie. Marx avait appelé la bourgeoisie à une opposition radicale, mais il avait vu aussi que, pour la bourgeoisie, l’ennemi était le prolétariat, ce qu’il décrit au travers des luttes de classes en France
Depuis la bourgeoisie n’a fait que trahir, renforcer la réaction là où elle aurait pu l’affaiblir en luttant contre la soumission au pouvoir, contre le militarisme utilisé pour vaincre "la canaille".
Les choses ont une logique que n’ont pas les hommes. Celui qui a idolâtré le militarisme, devait en subir les conséquences, et aider au vote de ce maudit système fiscal actuel.
L’union des trois groupes libéraux montre bien le glissement du « marais » vers la droite. C’est la période du « bloc ». Pour participer à ce « bloc », la bourgeoisie libérale a abdiqué toute fierté.
Elle a cautionné la politique mondiale et la répression policière sans scrupule de la social-démocratie, ce qui constituait le motto de ce que l’on a appelé les « élections Hottentots »
Il n’y a pas comme on le dit deux camps, les libéraux et la social-démocratie contre les conservateurs. Et il faut se demander en face de quelle sorte de libéraux l’on se trouve. Il faut estimer nos forces et celles de nos adversaires et bien comprendre que nous sommes réduits à nos propres forces. Pas seulement en Prusse mais dans l’ensemble du Reich. Les Junkers attendent le moment pour lancer leur offensive.
Devons- nous regretter d’être seuls : Non et mille fois non, car nous sommes des millions et nous sommes un immense pouvoir surtout si nous prenons conscience de notre force. Les Jagow oublient que nous sommes l’épée qui brisera nos liens.
Imaginez si seulement la moitié des rouages, même le quart s’arrêtait de tourner ! L’Etat peut subsister sans les junkers, sans les prêtres, mais pas sans nous, pas sans le travail et les travailleurs
Pour cela, elle indique que l’on peut apprendre de l’exemple de la Belgique et de la révolte des prolétaires qu’on pensait abrutis par les prêtres et l’alcool et qui se sont mis en grève jusqu’à l’obtention du droit de vote, ce qui constitue la première grève de masse, combattue par l'armée belge qui ne pouvant être engagée à l’extérieur, a livré des batailles sanglantes contre l’ennemi intérieur
Et de celui de la Russie avec l’obtention le 30 octobre du manifeste constitutionnel.
Certains disent que la révolution de
En Allemagne, il n’y a pas eu de grève de masse même si le combat pour le droit de vote sort du parlement du fait de l’instinct de classe même chez les plus réactionnaires et elle cite les combats des travailleurs chrétiens, les mineurs solidaires des paysans.
Et l’ultime moyen pour les militaires est de fournir en munitions l’artillerie, le bain de sang. Mais les ouvriers savent combien leur vie a peu de valeur : il y a eu 350 000 accidents de travail, 900 morts dans l’industrie.
Et si le bruit du canon devrait tonner dans Berlin, pas de doute que l’écho s’étendrait dans tout l’empire. Et se rapeller que les lois socialistes ont été sans effets.
Le combat contre la réforme de la loi électorale représente une étape vers notre but. Il ne s’agit pas de s’arrêter à l’obtention de droits bourgeois mais d’installer le socialisme. Tôt ou tard nous serons vainqueurs, et la chance doit être saisie … malgré tout.
Le tome 7 donne accès à des documents essentiels, en particulier les comptes rendus dans les journaux des discours de Rosa Luxemburg. Ainsi ceux qu'elle a tenus lors de la campagne contre la réforme électorale de 1910. "Cette réforme échoua notamment suite aux manifestations de masse organisées par les sociaux-démocrates, qui demandaient la suppression du système électoral des trois classes" . Rosa Luxemburg y a tenu largement sa part. Voir l'article :