Je vous propose de suivre aujourd'hui le premier des meurtres politiques des premières années de la république de Weimar, relaté par une extraordinaire personnalité, Emil Gumbel. Il se passe quatre jours avant ceux de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht : 7 négociateurs envoyés par les occupants du Vorwärts, sortis sans armes et identifiables comme tels, sont emmenés dans une caserne berlinoise ... et abattus sans autre forme de procès.
Nous devons le récit suivant à un travail extra-ordinaire, au sens propre du terme, réalisé au jour le jour par un mathématicien qui deviendra plus tard un économiste renommé, après avoir difficilement échappé aux nazis (La loi Gumbel sur l'économie des extrêmes, vous connaissez?)
Emil Gumbel a répertorié les meurtres politiques des quatre premières années de la république de Weimar, dirigée alors par la social-démocratie majoritaire. Son travail est en ceci unique qu'il suit pour chaque assassinat la même trame : nom de la victime, thèse officielle, confrontation avec les éléments du dossier, sort des assassins.
Tout est écrit de manière lisse, concentrée, précise et étayée. Un documentaire récent permet de visionner les archives d'Emile Gumbel
La mémoire de plus de 330 militants politique de gauche est ainsi incroyablement conservée et sauvegardée. Leur assassinat serait passé souvent totalement inaperçu. Il les nomme, les sauvant ainsi de l'oubli.
Gumbel a attesté de 330 assassinats de militants de gauche contre 22 de droite. Les peines moyennes ont eté pour les auteurs des seconds de 4 mois et pour les auteurs des autres de quinze années (deux peines de mort.
La plupart ont été commis par des corps francs ou des forces armées que le pouvoir n'a pas poursuivis, au contraire. Le titre du documentaire fait référence aux nazis, mais le fait est que les meurtres ont été commis sous Noske, ministre de l'Intérieur des sociaux-démocrates majoritaires. Il est encore des vérités difficiles à regarder en face!
Le livre date de ... 1925
Le documentaire : https://archive.org/details/Gumbel_Ein-Mathematiker-kaempft-gegen-die-Nazis_junger-dokumentarfilm_SWR_2019
Emil Julius Gumbel, Quatre années de meurtres politiques,
Verlag Das Wundernhorn, p 9 et 10
Traduction Dominique Villaeys-Poirré, juin 2022. Merci pour toute amélioration de la traduction.
Les négociateurs du Vorwärts
En janvier 1919, les ouvriers révolutionnaires s'étaient emparés du bâtiment du Vorwärts. Les troupes gouvernementales assiégèrent le bâtiment. Le 11 janvier au matin, les occupants du Vorwärts envoyèrent en tant que négociateurs, identifiables par des signes distinctifs et bien sûr non armés, les personnes suivantes :
Le rédacteur Fernbach, Walter Heise, Werner Möller, Karl Grubusch, Erich Klude, Arthur Schötler, Wackermann.
Fernbach ne faisait pas partie des occupants. Il n'était entré dans le bâtiment que l'après-midi du 10, pour rendre visite à quelqu'un, et n'avait pas pu ressortir du fait du cordon de sécurité. Les sept négociateurs furent emmenés à la caserne des Dragons, 6 rue Belle-Alliance, et fusillés à 10 heures du matin. D'après le rapport du colonel V. Carnap au père de Fernbach fusillé, ils furent lynchés par des soldats qui s'étaient introduits dans le bâtiment, bien qu'ils fussent sans armes, et sans que v. Carnap et le major Franz v. Sephani, également présent, ne puissent faire quoi que ce soit. Le major v. Stephani, en revanche, a écrit à Mme Fernbach :
"Fernbach s'est trouvé parmi les partisans de Spartacus qui ont été pris dans les locaux du Vorwärts les armes à la main et sur lesquels on trouva des balles dumdum. Ils ont donc perdu la vie pendant le combat et ils ont été fusillés".
Ces affirmations non plus ne correspondent pas aux faits. Lors du procès Ledebour, le comte Westart, qui dirigeait le siège et qui a été entendu comme témoin le 23 mai 1919, a expressément déclaré que les sept hommes étaient identifiables en tant que négociateurs, qu'ils n'avaient pas été pris les armes à la main et qu'ils n'avaient bien sûr pas non plus de balles dum-dum. Le major von Stephani a lui-même retiré ses affirmations plus tard devant le premier tribunal de la « Division de la Garde » (déclaration du secrétaire de la cour martiale Hieholzer).
Suivant les déclarations concordantes, que l’on peut lire dans les actes du tribunal, du soldat Wihelm Helms, du soldat Georg Schickram, qui a assisté à l'ensemble de la fusillade, du caporal sanitaire Hans Stettin et du soldat Willi Köhn, et enfin des propres déclarations de v. Stephani devant la commission d'enquête de l'Assemblée du Land de Prusse du 3 juin 1919 (voir le rapport officiel, pages 48 et 49), on peut établir comme suit le véritable déroulement des faits, c’est-à-dire que Stephani avait lui-même donné l'ordre de fusiller. Il s'est appuyé sur un prétendu ordre du gouvernement, qui a toutefois été démenti par celui-ci (Témoignage du conseiller de la cour martiale Hierholzer devant le tribunal de la 1ère « Division de la Garde », brigade 3 de la Reichswehr, Postdam). Même les noms de deux des soldats qui ont procédé à l’exécution, le sergent Otto Weber, Feldkolonne 40, Staffelstab 10, Hanovre, et le caporal Erich Selzer, régiment d'infanterie 21 à Rudolstadt, sont connus. Les chaussures et les couvre-chefs des sept morts ont été dérobés (témoignage de Fernbach senior). Le corps de Möllers présentait deux coups de baïonnette (témoignage de Mme Möller). En outre, la moitié gauche de son visage avait été arrachée.
Comme l’indique une déclaration de Fernbach senior du 29 janvier 1919, le ministère public déclare que l'affaire est close. Le 26 mars 1919, le père de Fernbach dépose alors une plainte pénale contre Stephani pour meurtre. Ce n'est que le 31 mars 1920 que le tribunal de la « Garde-Kav.-Div ». à Postdam l'informa que le procès contre Stephani pour abus de pouvoir aurait lieu prochainement. Mais cela n'a pas eu lieu. Suite à la suppression de la juridiction militaire, les dossiers furent transmis au Parquet de Berlin le 10 octobre 1920. Le conseiller du procureur du Tribunal de grande instance II, le Dr Ortmann, refusa d'émettre un mandat d'arrêt contre von Stephani. Stephani continua à être utilisé par les autorités militaires et il a participé aux combats autour de Munich (séance de la commission d'enquête du Tribunal régional II du 6 mai 1919).
Le 14 juillet 1921, le tribunal régional II, sign. Hartmann Siemens, Dr. Fränkel, a mis hors de cause les accusés v. Stephani, Weber et Seltzer "pour le motif de manque de preuves". La plainte civile de Fernbach contre v. Stephani a été rejetée le 20 décembre 1920. En mars 1922, la demande de celui-ci de dommages et intérêts contre le ministre de la Guerre a été reconnue comme justifiée sur le fond par le tribunal de grande instance I. Pour les plaintes de cinq autres survivants, le fisc exige la preuve de l'identité.
(Je suis en possession d'une copie des déclarations et des dossiers).
Remarques du blog :
Les phrases en italiques sont le fait du blog. Les dénominations des différents grades et instances ont été reprises d'une traduction automatiique et doivent être retravaillées.
Texte original en allemand :
Die Vorwärtsparlamentäre
Im Januar 1919 hatten revolutionäre Arbeiter sich des Vorwärtsgebäude bemächtigt. Die Regierungstruppen belagerten das Haus. Die Vorwärtsbesatzung schickte am 11. Januar frühmorgens als Parlamentäre, durch entsprehende Abzeichen kenntlich und natürlich unbewaffnet, folgende Leute :
Redakteur Fernbach, Walter Heise, Werner Möller, Karl Grubusch, Erich Klude, Arthur Schötler, Wackermann
Fernbach gehörte nicht zur Besatzung. Er war erst am Nachmittag des 10. in das Gebäude gegangen, um jemand zu besuchen, und konnte wegen der Absperrung nicht mehr heraus. Die sieben Parlementäre wurden in die Dragonkaserne in der Belle-Alliancestr. 6 abgeführt und morgens 10 Uhr erschossen. Nach der Meldung des Obers. V. Carnap an den Vater des erschossenen Fernbach wurden sie von eingedrungenen Soldaten gelyncht, obwohl sie waffenlos waren, ohne dass v. Carnap und der gleichfalls anwesende Major Franz v. Sephani irgend etwas machen konnten. Major v. Stephani dagegen schrieb an an Frau Fernbach : “Fernbach hat sich mit unter den Spartakus-Anhängern befunden, die mit der Waffe in der Hand aus dem Vorwärts herausgeholt wurden und bei denen Dumdumgeschosse vorgefunden wurden. Sie hatten demgemäss während der Kampfhandlung ihr Leben verwirkt und Ter tod hat durch Erschiessund stattgefunden.”
Auch diese Behauptungen entprechen nicht den Tatsachen. Im Ledebourprozess hat Graf Westart, der die Belagerung leitete, am 23. Mai 1919 als Zeuge vernommen, ausdrücklich erklärt, dass die sieben als Parlamentäre kenntlich waren, nicht mit der Waffe in der Hand ergriffen wurden und natürlich auch keine Dumdumgeschosse gehabt hatten. Auch Major von Stephani hat seine Behauptungen selbst später vor dem ersten Gardedivisiongericht zurückgezogen (Erklärung des Kriegsgerichtsretes Hieholzer). Der wirkliche Vorgang war nach übereinstimmenden, bei den Gerichtsakten befindlichen Aussagen des Soldaten Wihelm Helms, des Soldaten Georg Schickram, der der ganzen Erschiessung beiwohnte, des Sanitätsgefreiten Hans Stettin und des Soldaten Willi Köhn, schliesslich den eigenen Aussagen v. Stephanis im Untersuchungsausschuss der preuss. Landesversammlung vom 3. Juni 1919 (vgl. Den amtlichen Bericht, Seite 48 und 49), dass Stephani selbst den Befehl zur Erschiessung gegeben hat. Er berief sich dabei auf einen angeblichen Regierungsbefehl, der jedoch von der Regierung dementiert wurde (Aussage des Kriegsgerichtsrats Hierholzer vor dem Gericht der 1. Garde-Division, Reichswehrbrigade 3, Postdam). Sogar die Namen von zwei der exekutierenden Soldaten, Wachtmeister Otto Weber, Feldkolonne 40, Staffelstab 10,
Texte retrancrit pour le net par mes soins. Le deuxième texte est consacré aux assassinats de Rosa Luxemburg et karl Liebknecht. L'ensemble de l'ouvrage est un témoignage inestimable. Il a été heureusement réédité par la maison d'édition Das Wunderhorn.