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Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

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Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
20 juillet 2014 7 20 /07 /juillet /2014 10:31

comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com

 

A lire sur http://www.marxistsfr.org/francais/luxembur/works/1913/00/rl_19130000a_a.htm

en passant pourquoi pas par ce site intéressant http://www.controappuntoblog.org/2014/07/20/critique-des-critiques-rosa-luxemburg/


Habent sua fata libelli - les livres ont leur destin. En écrivant l'Accumulation, j'étais parfois tourmentée par la pensée que tous ceux qui s'intéressent à l'aspect théorique de la doctrine marxiste trouveraient évidentes, comme allant de soi, les idées que je cherche à exposer et à prouver avec tant de conscience. J'imaginais que personne n'avait envisagé les choses différemment ; que cette solution du problème était la seule possible et la seule concevable. Le résultat fut tout autre : un grand nombre de critiques dans la presse social-démocrate ont déclaré que j'avais manqué mon livre à sa base même, car il n'y a selon eux aucun problème à résoudre dans ce domaine ils ont vu en moi la victime d'un simple malentendu. Il y a plus à la parution de mon livre se sont produits des événements assez inhabituels. Le compte rendu publié dans le Vorwärts du 16 février 1913 surprend, par son ton et son contenu, même les lecteurs peu familiarisés avec cette matière, et il frappe d'autant plus que le livre critiqué présente un caractère purement théorique, ne contient de polémique contre aucun marxiste vivant, s'en tenant au contraire à une objectivité rigoureuse.


Ce n'était pas assez. Les autorités lancèrent une campagne, qui fut menée en particulier par l'organe central du parti, avec un zèle étrange contre ceux qui avaient parlé favorablement du livre. C'est un fait sans exemple et presque comique : à propos de l'étude théorique d'un problème difficile, purement scientifique, toute la rédaction d'un quotidien politique - dont deux membres tout au plus ont pu lire le livre - rend un jugement collectif, déniant toute compétence dans les questions d'économie politique à des hommes tels que Franz Mehring et J. Karski, et désigne comme « experts » ceux-là seuls qui ont refusé tout mérite à mon livre !


Jamais que je sache dans la littérature du Parti depuis ses origines, une œuvre nouvelle n'avait connu un tel sort, et pourtant les maisons d'édition social-démocrates n'ont pas toujours publié que des chefs-d'œuvre dans les dernières décennies. Ce qui est curieux dans cette opération, c'est que, manifestement, d'autres passions que celle de la « science pure » ont été touchées par mon ouvrage. Cependant, pour émettre un jugement correct il faut d'abord connaître la matière dont on parle, du moins pour l'essentiel.


De quoi traite ce livre si violemment attaqué ? Le sujet en paraît assez rébarbatif aux lecteurs, à cause d'une adjonction en elle-même accessoire : les formules mathématiques qui y sont largement utilisées. Or dans les critiques de l'ouvrage, la plus grande importance est accordée à ces formules et certains de mes censeurs ont même entrepris pour mon édification personnelle d'établir de nouvelles formules encore plus compliquées, dont le seul aspect donnerait le frisson à un individu normal. Nous verrons plus loin que ce n'est pas par hasard que les experts aiment les schémas mathématiques, mais que cette prédilection est en rapport étroit avec leur point de vue sur le sujet. Cependant le problème de l'accumulation en lui-même est d'une nature purement économique et sociale, il n'a rien à faire avec des formules mathématiques, et l'on peut l'exposer et le comprendre sans leur secours. Sans doute Marx a-t-il construit des schémas mathématiques dans la partie du Capital consacrée à la reproduction du capital social total, comme l'avait fait, un siècle avant lui, Quesnay, créateur de l'école des physiocrates et fondateur de l'économie politique comme science exacte, mais ces deux tableaux servaient simplement à faciliter l'exposé du problème et à le rendre plus clair. Marx et Quesnay ont voulu également mettre en évidence le fait qu'en dépit de son aspect et du règne apparent de l'arbitraire individuel, la vie économique de la société bourgeoise est régie dans ses rapports par des lois aussi bien que les phénomènes physiques. Comme mes thèses sur l'accumulation se fondaient sur l'exposé de Marx, qu'elles discutaient et critiquaient en même temps - en effet, dans la question de l'accumulation Marx n'a pas été au-delà de la construction des schémas et n'a fait qu'en esquisser l'analyse, et c'est à partir de là que j'ai entrepris mon travail critique - je devais naturellement entrer dans le détail des schémas. D'une part je n'avais pas le droit de les éliminer arbitrairement de l'exposé de Marx, et d'autre part je voulais précisément montrer ce que sa démonstration avait d'insuffisant.


Essayons à présent de saisir le problème sous sa forme la plus simple sans nous embarrasser des formules mathématiques. Le processus de la production capitaliste est dominé par le profit. Pour chaque capitaliste la production n'a de sens et de but que si elle lui permet d'empocher tous les ans un « bénéfice net », c'est-à-dire le profit qui subsiste après déduction des frais de renouvellement du capital, Mais la loi fondamentale de la production capitaliste, à la différence de toute autre forme économique fondée sur l'exploitation, n'est pas simplement la poursuite d'un profit tangible, mais d'un profit toujours croissant. A cette fin le capitaliste, à la différence essentielle des autres types historiques de l'exploiteur, utilise le bénéfice qu'il tire de l'exploitation, non pas exclusivement ni même d'abord pour son luxe personnel, mais toujours davantage pour augmenter le taux de l'exploitation. La plus grande partie du profit obtenu devient du capital nouveau et sert à élargir la production. Le capital s'amoncelle ainsi, il est, selon l'expression de Marx, « accumulé » et - condition première aussi bien que conséquence de l'exploitation - la production capitaliste s'élargit indéfiniment.


Pour obtenir ce résultat, la volonté des capitalistes ne suffit pas. Le processus est lié à des conditions sociales objectives que l'on peut présenter brièvement ainsi :


Tout d'abord, pour que l'exploitation soit possible, il doit y avoir des forces de travail en quantité suffisante. Une fois le mode de production capitaliste instauré dans l'histoire et suffisamment consolidé, le capital y pourvoit par le mécanisme même de cette production. Il y parvient : en permettant - mais en permettant seulement - aux ouvriers qu'il emploie de vivre plus ou moins bien grâce à leur salaire pour être à nouveau exploités, et d'augmenter leur nombre par la reproduction naturelle. en créant une armée de réserve du prolétariat industriel toujours disponible par la prolétarisation constante des couches moyennes et par la concurrence constituée par la machine dans la grande industrie.


Cette condition une fois remplie, quand il y a donc un matériel d'exploitation toujours disponible sous forme de prolétariat et quand le mécanisme de l'exploitation est réglé à son tour par le système du salaire, un nouveau facteur fondamental de l'accumulation capitaliste entre en jeu : la possibilité permanente de vendre les marchandises produites par les ouvriers pour récupérer sous forme d'argent aussi bien les frais du capitaliste que la plus-value extorquée aux ouvriers.


« La première condition de l'accumulation est que le capitaliste ait réussi à vendre ses marchandises et à transformer à nouveau en capital la plus grande partie de l'argent ainsi obtenu » (Capital, 1.1, chap. 7, introduction).

Pour que l'accumulation se produise et se poursuive en un processus ininterrompu, il faut au capital des possibilités toujours accrues de débouchés pour les marchandises. La condition fondamentale de l'exploitation, nous l'avons vu, est créée par le capital lui-même. Dans le premier livre du Capital, Marx a analysé et décrit en détail ce processus. Mais que savons-nous des possibilités de réaliser le produit de l'exploitation, autrement dit des possibilités de débouchés ? De quoi dépendent-elles ? Le capital est-il en mesure ? Le mécanisme même de la production permet-il d'élargir les débouchés conformément à ses besoins, comme il adapte le nombre des forces de travail à ses besoins ? Il n'en est rien. C'est ici que se manifeste la dépendance du capital à l'égard des conditions sociales. La production capitaliste a en commun avec les autres modes historiques de production - malgré des différences essentielles et bien qu'en dernier ressort elle n'ait en vue qu'un seul but : le profit - la nécessité objective de satisfaire tous les besoins matériels de la société ; elle ne peut atteindre son but subjectif (le profit) que dans la mesure où elle remplit cette tâche objective. Les marchandises capitalistes ne peuvent être vendues, le profit qu'elles recèlent ne peut être réalisé en argent que dans la mesure où ces marchandises répondent au besoin de la société. L'élargissement constant de la production capitaliste, c'est-à-dire l'accumulation constante du capital dépend donc d'une extension également constante du besoin social.


Mais qu'est-ce que le besoin social, peut-on le définir plus exactement, le mesurer en quelque sorte, ou bien devons-nous nous contenter de ce concept vague ?


Le phénomène reste insaisissable si on le considère tel qu'il se manifeste à la surface de la vie économique, dans la pratique quotidienne, si on l'examine du point de vue du capitaliste isolé. Un capitaliste produit et vend des machines. Ses acheteurs sont d'autres capitalistes qui lui achètent ses machines pour fabriquer selon le mode de production capitaliste d'autres marchandises. Le premier fabricant vendra donc ses marchandises d'autant plus facilement que les autres capitalistes élargiront leur production. Il pourra accumuler à un rythme d'autant plus rapide que les autres accumuleront dans leur propre branche de production. Dans cet exemple le « besoin social » auquel est soumis notre capitaliste serait le besoin des autres capitalistes ; l'extension de sa production dépendrait de l'élargissement de la leur. Un autre capitaliste produit et vend des moyens de subsistance pour les ouvriers. Il les écoulera d'autant mieux, il pourra accumuler d'autant plus de capital qu'il y aura plus d'ouvriers employés par d'autres capitalistes et dans sa propre fabrique, plus la production et l'accumulation des autres capitalistes sera considérable. Mais d'où vient que les « autres » peuvent élargir leur entreprise ? Apparemment cet élargissement dépend du fait que les « premiers » capitalistes, par exemple les producteurs de machines ou de moyens de subsistance, achètent en quantité toujours plus grande les marchandises des « autres ». Le « besoin social » auquel est soumise l'accumulation capitaliste semble donc, lorsqu'on examine la chose de plus près, identique à l'accumulation capitaliste elle-même. Plus le capital accumule, plus il accumule - la conclusion de l'examen paraît être une tautologie ou un cercle vicieux. On ne voit pas d'où part l'impulsion initiale. Nous tournons en rond et le problème nous échappe quand nous voulons le saisir. Les choses se passent bien ainsi dans la réalité, mais seulement si nous nous plaçons au point de vue du capital individuel, si nous restons à la surface du marché : c'est la perspective préférée des économistes vulgaires [1].


Mais les contours se dessinent dès que nous considérons la production capitaliste dans son ensemble du point de vue du capital total, qui est le seul point de vue finalement juste et déterminant. Marx expose pour la première fois systématiquement cette vue globale dans le deuxième livre du Capital, bien qu'il ait implicitement fondé sur elle sa théorie tout entière.


En fait, l'existence autonome du capital individuel n'est qu'une forme extérieure, elle constitue la surface de la vie économique, et seul l'économiste vulgaire y voit l'essence des choses et la source unique de la connaissance. Cette surface et les oppositions de la concurrence voilent le caractère d'unité sociale que revêtent ensemble les capitaux individuels, dont l'existence et le mouvement sont régis par des lois sociales communes masquées au regard des capitalistes isolés par le désordre et l'anarchie du système actuel et opérant à leur insu au travers de déviations multiples.


En découvrant le caractère global de la production capitaliste nous saisirons bientôt le besoin social comme une grandeur tangible qui se divise concrètement.


Imaginons qu'on entasse chaque année en un grand monceau toutes les marchandises produites par la société capitaliste, et dont la masse entière devrait être utilisée. Ce magma informe de marchandises se divise tout naturellement en plusieurs grandes portions de différentes catégories aux destinations différentes.


Dans toutes les formes de sociétés et à toutes les époques la production devait pourvoir à deux sortes de besoins d'une manière ou d'une autre. Il fallait premièrement nourrir et vêtir les hommes et satisfaire par des biens matériels tous les autres besoins d'une société civilisée. Il fallait en résumé produire des moyens de subsistance au sens le plus large de ce terme pour toutes les couches sociales de la population et toutes les catégories d'âge. Deuxièmement toutes les formes de production devaient, pour permettre à la société de continuer à vivre et assurer la poursuite du travail, fournir au fur et à mesure de nouveaux moyens de production pour remplacer ceux qui avaient été usés : matières premières, outils, bâtiments, etc. Sans la satisfaction de ces deux besoins fondamentaux de toute société humaine, la civilisation et le progrès eussent été impossibles ; la production capitaliste doit, elle aussi, répondre à ces exigences élémentaires, même à travers l'anarchie du système, en tenant compte des intérêts et du profit.


Dans l'amoncellement indifférencié de marchandises capitalistes que nous avons imaginé nous trouverons donc d'abord une grande portion de marchandises correspondant au renouvellement des moyens de production usés l'année précédente. Il s'agit de matières premières, de machines, de bâtiments neufs... etc. (ou encore, selon l'expression de Marx, de « capital constant »)fournis ou fabriqués par les divers capitalistes les uns pour les autres ; ceux-ci doivent les échanger entre eux pour que la production se poursuive dans chaque entreprise à la même échelle. Les entreprises capitalistes fournissant elles-mêmes (selon notre hypothèse) les moyens de production nécessaires à la marche de l'ensemble du travail social, l'échange des marchandises sur le marché est en quelque sorte une affaire interne concernant les seuls capitalistes entre eux. L'argent nécessaire à cet échange multilatéral de marchandises vient de la classe capitaliste elle-même, puisque chaque entrepreneur doit disposer à l'avance pour sa fabrique du capital-argent correspondant et cet argent retourne naturellement, une fois l'échange accompli, à la classe capitaliste.


Si nous ne considérons ici que le renouvellement des moyens de production à la même échelle que l'année précédente, la même somme d'argent suffira bon an mal an à permettre périodiquement aux capitalistes de s'acheter réciproquement des moyens de production, et cette somme reviendra toujours, après un temps d'arrêt, dans leur poche.


La deuxième grande section de la masse de marchandises capitalistes doit comprendre, comme dans toute société, les moyens de subsistance de la population. Comment, dans la société capitaliste, la population est-elle structurée et comment acquiert-elle ses moyens de subsistance ? Deux phénomènes fondamentaux caractérisent le mode de production capitaliste : premièrement : l'échange général de marchandises, ce qui signifie que personne dans la population n'obtient le moindre moyen de subsistance sans posséder les moyens de l'acheter, c'est-à-dire l'argent ; deuxièmement : le système capitaliste des salaires, c'est-à-dire un rapport selon lequel la grande masse de la population laborieuse n'acquiert les moyens de paiement pour l'achat des marchandises qu'en vendant au capital sa force de travail, et où la classe possédante n'acquiert ses moyens de subsistance qu'en exploitant ce rapport. La production capitaliste implique donc par elle-même deux grandes classes de population : les capitalistes et les ouvriers, qui sont dans une position fondamentalement différente quant à la répartition des moyens de subsistance. Même si les capitalistes individuellement se préoccupent peu du sort des ouvriers, il faut au moins assurer leur nourriture, maintenir intacte leur force de travail afin de pouvoir en continuer l'exploitation aux fins du capital. De la masse totale des marchandises qu'ils auront produites. les ouvriers se verront allouer chaque année par la classe capitaliste une certaine quantité de moyens de subsistance déterminée très précisément en fonction des possibilités de leur emploi dans la production. Les ouvriers reçoivent de leurs employeurs un salaire sous forme d'argent qui leur permet d'acheter des marchandises. Par le système de l'échange, la classe ouvrière reçoit donc chaque année en contrepartie de sa force de travail une certaine somme d'argent qu'elle échange ensuite contre une portion de la masse de marchandises -elle-même propriété des capitalistes - sous forme de moyens de subsistance ; la quantité de moyens de subsistance qui lui est allouée dépend du degré de civilisation et de l'état de la lutte des classes. L'argent qui sert de véhicule à ce deuxième grand échange social est également fourni par la classe capitaliste : chaque capitaliste doit avancer, pour faire marcher son entreprise, ce que Marx appelle le « capital variable », c'est-à-dire le capital-argent nécessaire à l'achat de la force de travail. Mais quand les ouvriers ont acheté ici et là les moyens de subsistance indispensables à leur entretien personnel et à celui de leur famille, cet argent revient entièrement, à un sou près. aux capitalistes dans leur ensemble comme classe sociale : ce sont des entrepreneurs capitalistes qui vendent aux ouvriers les moyens de subsistance. Venons-en maintenant à la consommation des capitalistes eux-mêmes. Avant tout échange, la classe capitaliste possède ses moyens de subsistance comme faisant partie de la masse de marchandises en vertu du rapport capitaliste selon lequel toutes les marchandises - à l'exception de la force de travail - sont a priori la propriété du capital. Sans doute les moyens de subsistance « de luxe » n'appartiennent-ils a priori, précisément parce que ce sont des marchandises, qu'à des petits capitalistes privés dispersés, et sont-ils la propriété privée de chaque capitaliste individuel. Pour que la classe capitaliste accède à la jouissance de la masse de moyens de subsistance dignes d'elle. il faut que se produise - comme pour le capital constant - un échange général, un passage de main en main, à l'intérieur de la classe capitaliste. Cet échange social se fait lui aussi par le véhicule de l'argent, et la somme nécessaire est mise en circulation par les capitalistes eux-mêmes ; il s'agit, cette fois encore, comme pour le renouvellement du capital constant, d'une affaire interne de famille, concernant la classe des capitalistes. Et ici encore, l'échange accompli, la somme avancée retourne à la classe entière des capitalistes. Le même mécanisme de l'exploitation capitaliste qui règle le système général des salaires assure effectivement chaque année aux capitalistes la portion de moyens de subsistance qui leur est due, y compris le luxe nécessaire. Si les ouvriers ne produisaient que la quantité de moyens de subsistance indispensables à leur entretien personnel, leur travail serait du point de vue capitaliste une absurdité. Leur travail n'a de sens que s'ils pourvoient non seulement à leur entretien - dans une mesure déterminée par leur salaire - mais encore à l'entretien de « ceux qui leur donnent du pain », c'est-à-dire s'ils créent pour le capitalisme ce que Marx appelle de la « plus-value ». Et cette plus-value doit servir entre autres choses à assurer l'entretien indispensable de la classe capitaliste et son luxe - comme c'était déjà le cas auparavant pour toutes les classes d'exploiteurs. Les capitalistes n'ont plus alors, en échangeant entre eux des marchandises correspondantes et en avançant les sommes nécessaires à cet échange, que la tâche pénible d'assurer à leur propre classe une existence austère et pleine de privations, ainsi que leur reproduction naturelle !


Voilà donc deux grandes parties de notre monceau de marchandises : la première comprenant les moyens de production pour le renouvellement du processus de travail, et la seconde, les moyens de subsistance destinés à l'entretien de la population, ou plus précisément de la classe ouvrière d'une part et de la classe capitaliste d'autre part.


Notons en passant que notre tableau peut sembler tout à fait fantaisiste. Quel capitaliste saurait aujourd'hui - et se soucierait de savoir - quelles choses et quelles sommes sont nécessaires au remplacement du capital total usé, à l'entretien de la classe ouvrière et de la classe capitaliste ? Chaque entrepreneur produit à l'aveuglette, le plus possible, pour soutenir la concurrence avec les autres capitalistes, sans voir plus loin que le bout de son nez. Cependant derrière le chaos de la concurrence et de l'anarchie se cachent des lois invisibles qui sont respectées, sinon la société capitaliste se serait déjà effondrée. Or c'est précisément la tâche de l'économie politique comme science - et c'était en particulier le but avoué de la doctrine économique de Marx - que de dévoiler ces lois secrètes qui, à travers le chaos des entreprises privées, maintiennent l'ordre et la cohérence de l'ensemble social. Nous entreprendrons à présent de rechercher ces lois objectives invisibles de l'accumulation capitaliste, définie comme l'accroissement du capital par l'élargissement constant de la production. Certes ces lois que nous exposons ici ne déterminent pas l'attitude consciente des capitalistes individuels dans leurs actes, et il n'existe en fait aucun organe suprême représentant la société entière qui aurait la tâche d'établir ces lois et les mettrait à exécution ; mais cela signifie seulement que la production actuelle remplit ses fonctions en oscillant toujours entre le trop et le trop peu. en donnant lieu à des variations de prix et à des crises. Mais, précisément, ces oscillations de prix et ces crises ont pour la société dans son ensemble la fonction d'un régulateur : à chaque instant et périodiquement, elles corrigent les déviations de la production privée chaotique et rétablissent la cohérence de l'ensemble. En cherchant comme Marx à établir sommairement le rapport de la production capitaliste totale avec les besoins sociaux, nous faisons seulement abstraction des méthodes spécifiques du capitalisme, oscillations de prix et crises, grâce auxquelles il maintient ces rapports et nous examinons le fond du problème.


La masse sociale de marchandises ne comprend pas seulement les deux portions que nous avons déjà vues. Si l'exploitation des travailleurs ne faisait que permettre aux exploiteurs une vie luxueuse, nous aurions une sorte d'esclavagisme modernisé ou une société de caractère féodal, et non une économie capitaliste moderne. La société capitaliste a pour but et pour tâche le profit matérialisé sous forme d'argent, l'accumulation de capital-argent. Le sens historique de la production capitaliste commence seulement là où l'exploitation franchit les bornes de la consommation des exploiteurs. La plus-value ne doit pas simplement offrir à la classe capitaliste une existence « digne d'elle », elle doit en outre comprendre une partie destinée à l'accumulation. Plus encore, cet objectif est tellement déterminant que les ouvriers ne sont employés, et donc mis en mesure de se procurer des moyens de subsistance pour leurs besoins personnels, que s'ils produisent ce profit destiné à l'accumulation, et s'il existe une perspective de pouvoir accumuler ce profit sous forme d'argent.


Notre monceau de marchandises doit donc comprendre une troisième portion, celle-là destinée non plus au renouvellement des moyens de production usés ni à l'entretien des ouvriers et des capitalistes - toutes choses dont nous avons déjà traité. La troisième portion de marchandises comprendra cette part inestimable de la plus-value extorquée aux ouvriers qui représente en fait le but essentiel du capital : le profit destiné à la capitalisation, à l'accumulation. De quelles sortes de marchandises s'agit-il et qui, dans la société, en a besoin, autrement dit qui les achète aux capitalistes pour leur permettre de réaliser enfin en espèces sonnantes la partie la plus importante du profit ? Nous touchons au cœur même du problème de l'accumulation et nous devons en examiner toutes les solutions possibles.


Les ouvriers peuvent-ils être les acheteurs en question de la dernière portion de notre monceau de marchandises ? Mais les ouvriers ne possèdent pas de moyens de paiement autres que les salaires que leur versent les entrepreneurs ; ils achètent, dans les strictes limites de ces salaires, la part infime du produit social total qui leur est allouée. Au-delà de ces limites ils ne peuvent acheter, même pour quelques centimes, aucune marchandise capitaliste, même s'ils ont d'autres besoins non satisfaits. La classe capitaliste a tendance à mesurer chichement, plutôt que largement, cette part du produit social total consommée par les ouvriers et les moyens de paiement qu'elle leur verse. Car, du point de vue de la classe entière des capitalistes - il est important de maintenir cette distinction entre le point de vue de la classe entière et les idées confuses des capitalistes individuels - les ouvriers ne sont pas des acheteurs de marchandises, ni des « clients » comme les autres, ils représentent simplement la force de travail, à l'entretien de laquelle les capitalistes sont malheureusement obligés de subvenir à l'aide de leurs propres produits, en le réduisant au strict minimum socialement possible.


Les capitalistes ne pourraient-ils pas être eux-mêmes les acheteurs de cette dernière portion de la masse de marchandises, en augmentant leur consommation personnelle ? La chose n'est pas impossible, bien que le luxe de la classe dominante, y compris toutes les folies imaginables, soit déjà assuré. Seulement si les capitalistes dépensaient pour leur propre plaisir toute la plus-value extorquée à leurs ouvriers, l'accumulation ne pourrait avoir lieu. Il y aurait alors un retour inimaginable du point de vue capitaliste à une économie esclavagiste modernisée ou au féodalisme. Cependant le phénomène inverse est concevable et se pratique parfois : un système d'accumulation capitaliste avec des formes d'exploitation héritées de l'esclavagisme et du servage a pu être observé jusque dans les années 1860 aux Etats-Unis, on en voit aujourd'hui encore des exemples en Roumanie et dans des colonies outre-mer. Mais le cas opposé : forme moderne de l'exploitation, c'est-à-dire situation de salariat libre, où la plus-value serait ensuite dépensée entièrement, à la manière antique ou féodale, et l'accumulation en revanche négligée, ce péché contre le Saint-Esprit capitaliste est tout simplement inconcevable. A cet égard le point de vue du capital total se distingue essentiellement, notons-le une fois encore, du point de vue du capitaliste individuel. A ce dernier le luxe des « grands capitalistes » paraît souhaitable, puisqu'il lui offre une possibilité d'élargir ses débouchés, donc une occasion privilégiée d'accumuler. Mais pour l'ensemble des capitalistes pris comme classe, la consommation totale de la plus-value par le luxe est une pure folie, un suicide économique parce qu'elle étouffe pour ainsi dire l'accumulation dans son germe.

 

Qui donc achètera, consommera la portion de marchandises dont la vente rendra seule possible l'accumulation ? Une chose est claire : ce ne seront ni les ouvriers ni les capitalistes eux-mêmes.


N'existe-t-il pas dans la société d'autres couches de population qui ne peuvent être comptées ni au nombre des ouvriers ni au nombre des capitalistes : les fonctionnaires, l'armée, le clergé, les savants, les artistes ? Toutes ces catégories sociales ne doivent-elles pas elles aussi satisfaire leurs besoins, ne peuvent-elles précisément fournir les acheteurs des marchandises excédentaires ? Encore une fois : pour le capitaliste individuel, sûrement ! Mais il en est autrement si nous considérons les capitalistes dans leur ensemble comme classe, si nous avons en vue le capital social total. Dans la société capitaliste, les couches sociales et les professions que nous venons d'énumérer sont économiquement dépendantes de la classe capitaliste. Les revenus des fonctionnaires, des militaires, des prêtres, des artistes, etc., sont pour une part tirés de la poche des capitalistes et pour une autre part dérivés, « par l'intermédiaire du système des impôts indirects », des salaires des ouvriers. Du point de vue du capital total, ces couches sociales ne peuvent économiquement compter pour une classe de consommateurs à part puisqu'ils ne possèdent pas de source autonome de revenus, mais vivent en parasites des deux grandes classes : la classe des capitalistes et celle des ouvriers, dont la consommation inclut déjà la leur.


Nous ne voyons donc pour l'instant pas d'acheteurs pour la dernière portion de marchandises dont la vente pourra seule permettre l'accumulation.


La solution de ce problème est sans doute extrêmement simple. Peut-être ressemblons-nous à ce cavalier qui cherchait partout le cheval sur lequel il était assis. Les capitalistes s'achètent peut-être les uns aux autres cette dernière portion de marchandises, non pas pour la gaspiller dans le luxe, mais pour l'investir en élargissant la production, pour l'accumulation. Qu'est-ce que l'accumulation en effet sinon précisément l'extension de la production capitaliste ? Seulement les marchandises, pour remplir cette fonction, doivent être non pas des objets de luxe destinés à la consommation personnelle des capitalistes mais des moyens de production divers (autrement dit du capital constant nouveau) et des moyens de subsistance pour les ouvriers.


Bien. Mais une telle solution ne fait qu'ajourner la difficulté. Car en supposant que l'accumulation a eu lieu et que la production ainsi élargie jette sur le marché l'année suivante une masse de marchandises encore plus volumineuse que l'année précédente, nous sommes encore une fois obligés de poser la question : où trouver maintenant les acheteurs pour la masse de marchandises accrue ?


Si nous répondons : eh bien ! les capitalistes échangeront entre eux l'année suivante encore, cette masse de marchandises accrue et élargiront de nouveau la production - et ainsi de suite d'année en année -, alors nous avons une sorte de manège de foire qui tourne à vide. Ce n'est pas l'accumulation capitaliste qui a lieu, c'est-à-dire un accroissement de capital sous forme d'argent, mais, au contraire, on produit des marchandises pour le plaisir de produire, ce qui est du point de vue capitaliste une pure absurdité. Si les capitalistes comme classe sont à eux-mêmes leurs propres acheteurs de leur propre masse de marchandises - à l'exception de la partie qu'ils sont obligés d'allouer à la classe ouvrière pour son entretien -, s'ils s'achètent mutuellement avec leur propre argent les marchandises et s'ils doivent « réaliser en espèces sonnantes » la plus-value qu'elles recèlent, l'accumulation devient absolument impossible pour la classe capitaliste dans son ensemble. Pour que l'accumulation puisse avoir lieu, les capitalistes doivent trouver ailleurs des acheteurs pour la portion de marchandises qui recèle le profit destiné à l'accumulation ; ces acheteurs doivent avoir de moyens de paiement provenant d'une source autonome et non pas avancés par les capitalistes comme c'est le cas pour les ouvriers ou les collaborateurs du capital : organes de l'État, armée, clergé, professions libérales. Il doit s'agir d'acheteurs qui se procurent des moyens de paiement grâce à un système d'échange de marchandises, donc sur la base d'une production de marchandises, et cette production doit nécessairement se trouver à l'extérieur du système capitaliste de production ; les moyens de production de ces producteurs ne doivent pas entrer en ligne de compte comme capital, eux-mêmes n'entreront pas dans l'une des deux catégories de capitalistes ou d'ouvriers, et cependant ils ont besoin de marchandises capitalistes.


Mais où trouver de tels acheteurs ? En dehors des capitalistes et de leur escorte de parasites, il n'y a pas dans la société actuelle d'autres classes ni d'autres couches sociales.


Ici nous touchons au cœur même du problème. A la base du deuxième livre du Capital ainsi que du premier, il y a l'hypothèse de l'exclusivité du capitalisme comme mode de production. Marx écrit dans le premier livre : « On fait ici abstraction du commerce étranger au moyen duquel une nation peut convertir des articles de luxe en moyens de production ou en subsistances de première nécessité et vice versa. Pour débarrasser l'analyse générale d'incidents inutiles, il faut considérer le monde commerçant comme une seule nation, et supposer que la production capitaliste s'est établie partout et s'est emparée de toutes les branches d'industrie »(I, p. 544, note 21 a. Trad. Éditions Sociales, tome 3, p. 22, note 1). Il écrit dans le deuxième livre : « D'après notre hypothèse - domination générale et exclusive de la production capitaliste - il n'y a que deux classes : la classe capitaliste et la classe ouvrière » (II, p. 321. Trad. Éditions Sociales, tome 4, p. 323). Certes, dans ces conditions, la société se compose en effet exclusivement de capitalistes, avec leur escorte de parasites, et de prolétaires; il n'existe pas d'autres producteurs de marchandises ni d'autres consommateurs, mais en ce cas l'accumulation capitaliste se trouve placée devant une difficulté insurmontable; c'est le problème que j'ai essayé d'exposer.


De quelque côté qu'on se tourne, tant que nous maintenons l'hypothèse qu'il n'y a pas d'autre classe en dehors des capitalistes et des ouvriers, les capitalistes comme classe totale ne peuvent pas vendre leurs marchandises excédentaires ni réaliser leur plus-value en argent, ce qui leur permettrait d'accumuler du capital.


Il ne s'agissait cependant pour Marx que d'une hypothèse théorique, destinée à simplifier et faciliter l'étude des problèmes. Tout le monde sait, et Marx le souligne parfois lui-même dans le Capital, que la production capitaliste n'occupe pas une position unique ni exclusive. En réalité dans tous les pays capitalistes, et même dans ceux où la grande industrie est très développée, il existe, à côté des entreprises capitalistes, de nombreuses entreprises industrielles et agricoles de caractère artisanal et paysan, où règne une économie marchande simple. A côté des vieux pays capitalistes il existe, même en Europe, des pays où la production paysanne et artisanale domine encore aujourd'hui de loin l'économie, par exemple la Russie, les pays balkaniques, la Scandinavie, l'Espagne. Enfin, à côté de l'Europe capitaliste et de l'Amérique du Nord, il existe d'immenses continents où la production capitaliste ne s'est installée qu'en certains points peu nombreux et isolés, tandis que par ailleurs les territoires de ces continents présentent toutes les structures économiques possibles, depuis le communisme primitif jusqu'à la société féodale, paysanne et artisanale. Non seulement toutes ces formes de sociétés et de production subsistent et ont subsisté à côté du capitalisme sur le mode d'une tranquille coexistence, mais, depuis le début de l'ère capitaliste, on a vu se développer entre elles et le capital européen des relations d'échange très intenses d'un ordre particulier. Le capitalisme comme production massive est nécessairement dépendant d'acheteurs issus des couches paysannes et artisanales dans les vieux pays industriels ainsi que de consommateurs de pays arriérés ; de son côté il ne peut techniquement se passer des produits de ces pays et de ces couches non capitalistes - qu'il s'agisse de moyens de production ou de moyens de subsistance. C'est ainsi que s'est développé dès le début, entre la production capitaliste et le milieu non capitaliste qui l'entoure, un ensemble de rapports grâce auxquels le capital a pu à la fois réaliser sa propre plus-value en argent pour poursuivre la capitalisation, se procurer toutes les marchandises nécessaires à l'extension de sa propre production, et enfin, en détruisant les formes de production non capitalistes, s'assurer un apport constant de forces de travail qu'il transforme en prolétaires.


Voilà, dans sa sécheresse, le contenu économique de ces relations.


Dans leur forme concrète, elles offrent toute la variété du drame historique du développement du capitalisme sur la scène mondiale.


L'échange du capital avec son milieu non capitaliste se heurte en effet d'abord aux barrières de l'économie naturelle, à la sécurité et à la stabilité des rapports sociaux, aux besoins limités de l'économie paysanne patriarcale ainsi que de l'artisanat. Ici le capital a recours aux « moyens héroïques », autrement dit à la violence politique. En Europe, son premier geste fut l'abolition par la révolution de l'économie naturelle féodale. Dans les pays d'outre-mer, le capital marqua son entrée sur la scène mondiale en soumettant et en détruisant les communes traditionnelles ; depuis lors ces actes accompagnent constamment l'accumulation. C'est en ruinant l'économie naturelle paysanne et patriarcale de ces pays que le capital européen ouvre la voie à l'échange et à la production de marchandises ; c'est ainsi qu'il transforme les habitants en acheteurs de marchandises capitalistes et qu'il accélère en même temps sa propre accumulation, en pillant directement les trésors et les richesses naturelles entassées par les peuples soumis. A ces méthodes s'ajoutent depuis le début du XIX° siècle, l'exportation hors d'Europe du capital accumulé et l'investissement dans les pays non capitalistes d'outre-mer; le capital trouve là, sur les ruines de la production indigène, de nouveaux acheteurs pour ses marchandises et de ce fait même un nouveau champ d'accumulation. Ainsi le capitalisme ne cesse de croître grâce à ses relations avec les couches sociales et les pays non capitalistes, poursuivant l'accumulation à leurs dépens mais en même temps les décomposant et les refoulant pour s'implanter à leur place. Mais à mesure qu'augmente le nombre des pays capitalistes participant à la chasse aux territoires d'accumulation et à mesure que se rétrécissent les territoires encore disponibles pour l'expansion capitaliste la lutte du capital pour ses territoires d'accumulation devient de plus en plus acharnée et ses campagnes engendrent à travers le monde une série de catastrophes économiques et politiques : crises mondiales, guerres, révolutions.


Par ce processus, le capital prépare doublement son propre effondrement : d'une part en s'étendant aux dépens des formes de production non capitalistes, il fait avancer le moment où l'humanité tout entière ne se composera plus effectivement que de capitalistes et de prolétaires et où l'expansion ultérieure, donc l'accumulation. deviendront impossibles. D'autre part, à mesure qu'il avance, il exaspère les antagonismes de classe et l'anarchie économique et politique internationale à tel point qu'il provoquera contre sa domination la rébellion du prolétariat international bien avant que l'évolution économique ait abouti à sa dernière conséquence : la domination absolue et exclusive de la production capitaliste dans le monde.

  

 

Voici, résumés brièvement, le problème et sa solution tels que je les envisage.... 

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Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009