Tout d'abord, elle montre les capacités politiques et personnelles de Rosa Luxemburg. En effet, elle vient juste d'arriver en Allemagne et elle a à peine 28 ans, que déjà elle prend la tête au Congrès de l'Internationale du combat contre le réformisme. Et c'est ainsi qu'elle parle dans ce courrier d'égal à égal avec August Bebel, qui est alors la principale figure de la social-démocratie allemande.
Ensuite, parce qu'elle prouve que dès cette époque le parti n'est pas prêt à affronter avec force le réformisme. Celui-ci prendra de plus en plus d'influence. Et même si Rosa Luxemburg gardera de l'amitié et du respect tant pour Bebel que pour Wilhem Liebknecht, elle ne sera jamais dupe de l'évolution du parti social-démocrate allemand.
La question restera toujours posée: aurait-elle dû quitter ce parti qui passera par tous les compromis jusqu'à celui ultime du soutien à la guerre? Elle voulait rester dans cette organisation car elle pensait pouvoir garder ainsi le contact avec la classe ouvrière. Mais n'a-t-elle pas par là renforcé une politique sur laquelle elle ne pouvait avoir d'influence et contribué ainsi à la catastrophe du 4 août 1914? ...
Cher camarade,
Je vous suis très reconnaissante pour les informations que vous m'avez communiquées sur la situation. Il était évident pour moi que, dans ses propos actuels, Bernstein ne se situait plus sur le terrain de notre programme, mais il est très douloureux de penser que l'on doive renoncer à placer en lui le moindre espoir. Je m'étonne cependant que, dans la mesure où vous conceviez la situation en ces termes , le camarade Kautsky et vous-même n'ayez pas voulu exploiter l'ambiance favorable qu'avait créée le Congrès pour engager immédiatement un débat énergique mais que vous ayez encouragé Bernstein à écrire une brochure qui fera traîner la discussion en longueur. Quoi qu'il en soit, je crois qu'en publiant e.a. la lettre de Plekhanov, j'ai agi en fonction de la situation telle que vous la caractérisez dans votre lettre. Si Bern.[stein] est réellement perdu, le parti doit s'habituer - aussi douloureux que cela soit - à le considérer désormais comme un quelconque Schmoller ou comme n'importe quel réformiste ...
(vive la lutte! rosa luxemburg, correspondance 1891 - 1914. françois maspéro. P. 66-67, textes réunis, traduits et annotés sous la direction de georges haupt par claudie weill, irène petit, gilbert badia. 1975)