L'article est paru dans la Neue Zeit, 14ème année, 1895/1896, Tome 2, P 459 à 470. Après cette introduction, comme l'annonce Rosa Luxemburg, son article comprendra deux parties, la première consacrée à la résolution au Congrès de Londres, la deuxième sur la situation sociale en Pologne russe.
Le social-patriotisme en Pologne
La position que S. Haecker (Cracovie) et ses camarades ont prise dans l’article sur le « socialisme en Pologne », dans le N° 37 de la « Neue Zeit » par rapport au social-patriotisme, n’est, selon nous, en aucun cas de nature à clarifier cette question. Selon les déclarations de Haecker, il convient de ne pas laisser de place dans le programme des socialistes polonais, à l’indépendance de la Pologne, mais elle doit être prise en compte comme « postulat » dans l’agitation politique. Il est clair cependant que peu importe que l’on nomme cette revendication discutable « programme » ou « postulat », la chose demeure inchangée. Les tendances social-patriotiques conduisent au nationalisme petit-bourgeois, non pas parce qu’elles sont inscrites dans le programme, mais parce qu’elles sont utilisées dans les campagnes d’agitation. Un simple changement de nom ne dispense ni de la nécessité de donner une justification à la revendication social-patriotique, ni des conséquences négatives de la reprise de cette revendication dans les campagnes d’agitation.
Häcker se révèle encore moins en mesure de dire quelque chose de satisfaisant sur la faisabilité d’un tel postulat. Quand il affirme que lui et ses camarades « ne prétendent pas a priori » être en mesure « de réaliser l’indépendance de la Pologne avant le grand chambardement », cela ne signifie pas pour autant qu’il apporte une solution à la question mais c’est une vaine tentative pour l’esquiver. Car la restauration de la Pologne comme un Etat de classe seulement « après le grand chambardement », est un non sens et la libération de la Pologne après celui-ci va de soi et ne peut donc constituer un postulat « particulier » dans les campagnes d’agitation aujourd’hui. Mais ce qui est le plus important à dire, c’est qu’ en fait, personne parmi les sociaux-patriotes, en posant cette revendication, ne pense à autre chose qu’à l’établissement d’un Etat de classe polonais. L’Association des Socialistes Polonais à l’Etranger de même que les innombrables éléments sociaux-patriotes de la Pologne sous domination russe, avec lesquels les socialistes de Galicie se déclarent solidaires, tous rejettent même, sans discussion, la revendication pour une constitution en Russie et considèrent comme leur objectif immédiat la création d’une république polonaise, où l’on jouira d’un salaire minimum, de la liberté de grève etc. (voir le bulletin officiel, Londres, N°1). De même pour autant que les socialistes de Galicie, dans leur campagne, posent cette revendication et cherchent à la justifier, ce qu’ils ont toujours eu en tête, c’est un Etat polonais bourgeois. La Pologne à laquelle ils aspirent est donc un Etat de classe à ériger « avant » le grand chambardement et la question de savoir comment le prolétariat l’érigera reste, comme auparavant, ouverte.
Enfin, Haecker explique l’action commune des trois partis polonais comme lors du 1er mai, par des considérations pécuniaires et autres raisons secondaires ; mais cela n’empêche en rien qu’une telle action dans les moments les plus importants de la vie du parti est de fait l’expression d’une volonté d’action politique commune sans que le fondement d’une telle action, du fait des conditions diverses dans lesquelles agissent les socialistes polonais, aient été et aient pu être montrées par Haecker.
De même, Häcker ne sait opposer à nos considérations sur les conditions nécessaires des aspirations sociales-patriotiques au sein du mouvement, rien d’autre que la politique actuelle des partis polonais, qui cependant, comme nous le soulignons expressément « ne peut être prise en compte » parce qu’elle est « à mettre au crédit manifestement du programme commun avec les camarades allemands et autrichiens et en aucun cas comme la mise en œuvre pratique de la revendication d’indépendance de la Pologne ». Mais nos indications au contraire concernant la nouvelle contradiction récente entre le social-patriotisme et le combat social-démocrate, et sur l’inanité théorique du premier reste sans aucune réponse
Nous pensons de ce fait pouvoir penser que la réponse de Haecker montre mieux que tout l'impossibilité de défendre le point de vue social-patriote et nous nous voyons de ce fait dispensés de la nécessité d'aller plus avant dans les questions pratiques du mouvement en Galicie. Nous voulons donc simplement, en lien avec l'article de Haecker, étudier deux points ayant une importance générale et de principe : la résolution au Congrès de Londres, que Haecker défend comme étant celle du Parti de Galicie, et les conditions sociales règnant en Pologne russe, pour laquelle il a avancé des théories tout à fait aventureuses, mais qui sont de fait décisives concernant l'appréciation de la question polonaise.
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