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Nous publiions il y a maintenant plus de quatre ans, la lettre de Rosa Luxemburg rédigée à l'annonce de la mort de Brandel Geck, fils d'amis très proches. Il est de ces innombrables jeunes victimes du premier conflit mondial, jeune socialiste opposé au conflit et que l'absence de mot d'ordre de refus de la mobilisation a précipité vers la mort. A l'occasion d'une visite sur le blog, nous avons découvert cette information si significative. Blandel Geck assistant à la destruction de Saint Quentin a tenté de sauver des œuvres d'art. Celles-ci ont été retrouvées plus de 80 ans après et restituées. Rosa Luxemburg disait à son propos dans la lettre ci-dessous: J’attendais tant de lui, infiniment, pour le parti et pour l’humanité. Elle n'a certainement rien su de ce geste de ce jeune militant, mais il prouve bien combien elle avait raison dans les espoirs qu'elle mettait en lui.
Lire à ce propos:
La présentation de Brandel Geck dans cet ouvrage est inexacte. Elle montre comme l'ouvrage suivant l'approximation de ce type de recherches! La correspondance de Rosa Luxemburg avec les parents de ce jeune militant nous permet heureusement d'avoir une image bien différente de celle véhiculée ici!
http://www.peterlang.com/PDF/Buecher/Intro/21332_Intro.pdf
De même, dans ce document, on trouve la phrase suivante qui montre que l'auteur n'a même pas fait l'effort de présenter "ce soldat allemand" et ce qui motivait profondément sa démarche, les guillemets semant même la suspicion sur celle-ci.
"Elle est ravivée de temps à autres par des événements ponctuels tels que la restitution, en 1998, à la ville de Saint-Quentin (Aisne) d’objets culturels « sauvés » par un soldat allemand en 1917"
Notre article du 21 mars 2009. Lettre de Rosa Luxemburg à A. et M. Geck après la mort au front de leur fils
Le ralliement des partis de l'Internationale à la guerre a eu les conséquences politiques dont nous parlons régulièrement sur ce blog, afin qu'aujourd'hui aussi, nous soyons attentifs à ne pas confondre les belles paroles et la réalité, que nous puissions distinguer réformisme et démarche révolutionnaire, il y a eu surtout cet invraisemblable coût en vies humaines. Et cela est d'autant plus manifeste quand ce sont des militants qui ont dû partir et ont trouvé la mort. Ici une lettre de Rosa Luxemburg. C'est presque la fin du conflit (lettre du 18 novembre 1918) et c'est la mort du fils de camarades et amis proches. Le texte se trouve sur le site Collectif SMOLNY (29 novembre 2008 par eric). Dans cette même lettre, on trouve cette phrase terriblement prémonitoire sur le sort qui l'attendait: "La seule chose qui me console est la pensée amère qu’à mon tour peut-être je serai expédiée dans l’autre monde par une balle de la contre-révolution qui est partout à l’affût."
À Adolf et Marie Geck. Berlin, hôtel Moltke.
Mes chers et bien-aimés amis, proches de mon cœur,
À l’instant je reçois de Breslau l’affreuse enveloppe noire [1]. Ma main et mon cœur tremblaient déjà lorsque j’ai reconnu l’écriture et le cachet de la poste, et pourtant j’espérais encore que cette chose terrible n’était pas vraie. Je n’arrive pas à comprendre et les larmes m’empêchent d’écrire. Tout ce que vous éprouvez intérieurement, je le sais, je le ressens, nous savons tous mesurer l’horreur du coup. J’attendais tant de lui, infiniment, pour le parti et pour l’humanité. On a envie de grincer des dents. Je voudrais vous être de quelque secours et pourtant il n’y a ni secours ni consolation possibles. Mes bien chers amis, ne vous laissez pas écraser par le chagrin, ne laissez pas cet affreux événement masquer le soleil qui brille toujours dans votre maison. Nous sommes tous soumis au destin aveugle ; la seule chose qui me console est la pensée amère qu’à mon tour peut-être je serai expédiée dans l’autre monde par une balle de la contre-révolution qui est partout à l’affût. Mais, aussi longtemps que je vivrai, je resterai liée à vous par l’affection la plus ardente, la plus fidèle et la plus intime, et je tiens à partager avec vous chaque souffrance et chaque chagrin. Mille pensées.
Votre Rosa L.
Mes condoléances les plus affectueuses et mes pensées les meilleures.
Votre K. Liebknecht.
Source :
— LUXEMBURG Rosa, J’étais, je suis, je serai ! Correspondance 1914-1919, Textes réunis, traduits et annotés sous la direction de Georges Haupt par Gilbert Badia, Irène Petit, Claudie Weill, Paris, Éditions François Maspero, Bibliothèque Socialiste n°34, Paris, 1977, pp. 360-361 ;
[1 ] Annonçant que le fils des Geck, Brandel, venait d’être tué au front dans les derniers combats dans l’est de la France.
Publié le 30 novembre 2008