comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com
L'assassinat de Rosa Luxemburg, celui de Karl Liebknecht, celui de Leo Jogiches, celui des militants spartakistes sont ceux voulus par une social-démocratie au pouvoir, qui après avoir conduit le mouvement ouvrier à la guerre, a tué l'espoir de la révolution.
Le blog a consacré un certain nombre d'articles à cet assassinat. Nous pouvons les relire en ce 15 janvier 2013.
L'assassinat de Rosa Luxemburg le 15 janvier 1919 - Ne pas oublier!
Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.
Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.
Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?
Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.
Publié le 20 février 2009
Cet article a donné lieu sur bellaciao à de nombreuses réactions!
Les réactions à l'article "L'assassinat de Rosa Luxemburg - Ne pas oublier!".
Leo Jogiches, un combat commun avec Rosa Luxemburg. Son assassinat le 10 mars 1919.
Tous se réclament de Rosa Luxemburg ... Les leçons de son assassinat
Tous se réclament de Rosa Luxemburg.
Il y a eu Hannah Arendt qui cherchait à la rattacher à son origine juive, elle qui y a si peu, voire pas, fait référence, qui ne se reconnaissait pas dans le Bund et qui ne répondait jamais aux caricatures antisémites pourtant si violentes.
Il y a eu ceux qui la rattachaient au spontanéisme, alors que l'organisation politique joue un si grand rôle dans sa pratique.
Il y a les courants trotskystes qui peuvent s'appuyer sur ses capacités d'analyses.
Il y a ceux qui veulent voir avant tout la femme, la Rosa Luxemburg humaniste et sensible en la coupant de sa volonté et action politique, comme si les deux ne faisaient pas qu'une.
Il y a la Fondation Rosa Luxemburg si social-démocrate et si peu révolutionnaire.l
I y a aujourd'hui tous ceux qui s'affirment révolutionnaires et cherchent à se démarquer de la social-démocratie. Et qui oublient ce qui est le fondement de l'histoire de Rosa Luxemburg, et qui aboutit à son assassinat en même temps que celui de la révolution spartakiste.
On peut être toute une vie révolutionnaire dans les mots, mais social-démocrate dans sa pensée et dans ses actes et donc favoriser tout le temps ce qui freinera la volonté révolutionnaire et trahira, assassinera le moment venu, la révolution.
N'est-ce pas ce que nous apprend l'histoire de la Seconde Internationale, août 14 comme aboutissement de cette contradiction fondamentale entre social-démocratie et révolution, Réforme et Révolution.
N'est-ce pas ce que doit avant tout nous apprendre l'assassinat de Rosa Luxemburg, de Liebknecht, de Leo Jogiches, de la révolution spartakiste?
c.a.r.l. 17.01.2012
L'assassinat de Rosa Luxemburg ... les tueurs veillaient bien!
Le 4 décembre 1918
Très chère Clara,
C'est aujourd'hui depuis Breslau, la première fois que je suis assise à mon bureau pour t'adresser mes voeux de Noël. Comme j'aurais préféré venir te voir! Mais il ne saurait en être question car je suis enchaînée à la rédaction; chaque jour, je suis à l'imprimerie jusqu'à minuit pour surveiller également la mise en page; en plus, par ces temps troublés, c'est seulement à dix ou onze heures du soir que nous recevons les informations les plus urgentes, qui exigent qu'on réagisse immédiatement. Ajoute que nous avons presque chaque jour, à partir des premières heures de la matinée, des conférences et des discussions, entre-temps, en plus, les réunions publiques, et pour changer, tous les deux ou trois jours, de "source officielle" une mise en garde pressante, que des tueurs nous surveillent, Karl et moi, de sorte que nous ne devons pas coucher chez nous, mais qu'il nous faut chercher refuge ailleurs, jusuqu'au moment où tout me paraît trop idiot et que je rentre tout simplement de nouveau à Südende. Voilà, comment depuis le premier instant, je vis dans une sorte de tourbillon et de presse qui m'empêche d'avoir ma tête à moi ....
A lire dans Lettres et textes choisis de Rosa Luxemburg
Traduits et présentés par Gilbert Badia
Le Temps des Cerises, P 117-118
Les tueurs veillaient bien. Un mois après cette lettre Rosa Luxemburg était assassinée
Hommage à Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht en 1919 à Munich. Photographie Berlin, janvier 1919 -
Les photos de Willy Römer et le récit des événements qui ont précédé l'assassinat de Rosa Luxemburg
Cette photographie a été prise lors des obsèques de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht
A popos de l'assassinat de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht
Article le 17 janvier 1995 dans l'Humanité.
Ecrits révélateurs du meurtrier de Liebknecht et de Rosa Luxemburg
L’HOMME qui prit les dernières dispositions en vue du meurtre de Karl et de Rosa, un certain commandant Waldemar Pabst, siégeait alors à l’hôtel Eden, à Berlin, où était installé l’état-major de la division de cavalerie de la garde. Des extraits des Mémoires qu’il avait entrepris d’écrire sont maintenant révélés. La rédaction de cette autobiographie resta inachevée, Pabst étant mort en 1970, à l’âge de quatre-vingt-neuf ans. Dans les fragments connus aujourd’hui (1), Waldemar Pabst rapporte qu’il avait agi sur l’injonction directe du personnage qui, en janvier 1919, commandait les troupes gouvernementales allemandes, le dirigeant social-démocrate Gustav Noske.
S’adressant à Pabst, Noske lui avait en effet clairement demandé d’intervenir contre Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. « Il faut que quelqu’un mette enfin ces fauteurs de troubles hors d’état de nuire », s’était-il écrié.
Waldemar Pabst fit alors appréhender Karl et Rosa. Ils lui furent livrés à l’hôtel Eden. Pabst écrit : « Je me retirai dans mon bureau pour réfléchir à la façon de les exécuter. Qu’il faille les tuer, ni M. Noske ni moi-même n’en avions le moindre doute ».
Pabst appela Noske au téléphone pour le consulter. « S’il vous plaît, donnez moi des ordres m’indiquant comment procéder. »
« Comment ? » répondit Noske. « Ce n’est pas mon affaire. C’est au général (probablement von Lüttwitz) de le dire ; ce sont ses prisonniers ».
Selon un autre témoignage (2), Pabst aurait objecté qu’il n’obtiendrait rien de von Lüttwitz. Et Noske aurait conclu : « Alors, à vous de prendre la responsabilité de ce qu’il faut faire ».
Un second document, inédit jusqu’ici, est une lettre que Waldemar Pabst avait écrite à l’éditeur Heinrich Seewald, qui était intéressé à l’éventuelle publication des Mémoires du commandant. On y lit : « Si j’ouvre la bouche après m’être tu pendant cinquante ans, ça va faire un raffut destructeur pour le parti social-démocrate. »
Dès leur arrivée à l’hôtel Eden, Karl et Rosa y avaient été accueillis par des hurlements injurieux et par des brutalités. Des coups de crosse de fusil avaient blessé Karl au visage et il saignait abondamment.
Deux commandos d’exécution
Après sa communication téléphonique avec Gustav Noske, Pabst rassembla parmi ses hommes deux commandos de tueurs. Liebknecht fut remis entre les mains du premier que commandait le lieutenant Pflugk-Hartung. Le second, qui était aux ordres du lieutenant Vogel, prit en charge Rosa. A quelques minutes d’intervalle, deux voitures enlevèrent les deux prisonniers et se dirigèrent vers le bois du Tiergarten.
La première s’arrêta bientôt. Karl fut sommé d’en descendre. Il fut abattu d’une balle dans la nuque. Son corps fut ensuite transporté à la morgue, où on le fit admettre sous la mention : « Cadavre d’un inconnu ».
Quant à Rosa, dès le départ de l’hôtel Eden, un coup de feu lui perfora la tempe. Au pont de Lichtenstein, elle fut jetée dans le Landwehrkanal. Son corps ne fut repêché que plusieurs mois plus tard, et l’autopsie ne permit pas de dire si les brutalités, le coup de feu ou la noyade furent la cause du décès.
Les assassins ne furent pratiquement pas inquiétés. Six d’entre eux eurent seulement à comparaître devant un tribunal composé d’officiers prussiens qui acceptèrent sans difficulté la version selon laquelle Karl Liebknecht aurait été tué « au cours d’une tentative de fuite », et Rosa, victime d’un « septième homme » inconnu.
Gustav Noske qui, entre-temps avait été nommé ministre de la Reichswehr, n’avait plus rien à redouter d’une « enquête » ainsi bâclée.
Le chien sanguinaire
Qu’il ait fallu mettre au compte de Noske l’effroyable répression opposée à la révolution allemande de 1918, nul n’en pouvait douter. Il avait déclaré lui-même à l’époque : « Il faut que quelqu’un soit le chien sanguinaire, et je n’ai pas peur de cette responsabilité. »
Le dernier article de Karl Liebknecht, écrit quelques heures avant sa mort et intitulé « Malgré tout », accusait d’ailleurs explicitement Noske. Karl écrivait : « La bourgeoisie française a fourni les bourreaux de 1848 et de 1871. La bourgeoisie allemande n’a pas à se salir les mains ; les sociaux-démocrates accomplissent sa sale besogne ; son Cavaignac, son Gallifet s’appelle Noske. »
Les nouveaux documents rendus publics établissent sans aucun doute possible que Noske aura été l’instigateur direct du meurtre de Karl et de Rosa. Un crime déterminant pour l’orientation politique ultérieure de l’Allemagne et les effroyables tragédies qui devaient en résulter dans le monde.
(1) Publiés par l’hebdomadaire allemand « Stern » du 12 janvier 1995.
(2) Rapporté dans un livre de Klaus Gietinger, « Eine Leiche im Landwehrkanal », paru en janvier 1993, aux éditions L. Dekaton, à Mayence.
YVES MOREAU