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Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison
après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires
était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient
pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les
capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les
arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.
Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la
révolution fut assassinée en Allemagne.
Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi
facilement?
Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela
est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires,
conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.
(tome IV), Marseille, Agone, coll. "Marginales", 10 octobre 2008, 752p.
Preface de Michel Vanoosthuyse
Traduction de l'allemand par Maryvonne Litaize & Yasmin Hoffmann
Poèmes contre la guerre
Familiale
La mère fait du tricot
Le fils fait la guerre
Elle trouve ça tout naturel la mère
Et le père qu'est-ce qu'il fait le père ?
Il fait des affaires
Sa femme fait du tricot
Son fils la guerre
Lui des affaires
Il trouve ça tout naturel le père
Et le fils et le fils
Qu'est-ce qu'il trouve le fils ?
Il ne trouve rien absolument rien le fils
Le fils sa mère fait du tricot son père fait des affaires lui la guerre
Quand il aura fini la guerre
Il fera des affaires avec son père
La guerre continue la mère continue elle tricote
Le père continue il fait des affaires
Le fils est tué il ne continue plus
Le père et la mère vont au cimetière
Ils trouvent ça naturel le père et la mère
La vie continue la vie avec le tricot la guerre les affaires
Les affaires la guerre le tricot la guerre
Les affaires les affaires et les affaires
La vie avec le cimetière.
J. PRÉVERT, Paroles, 1946
1. Et quand la guerre en fut à son 5ème printemps
Et n’offrait aucune perspective de paix
Alors le soldat en tira les conséquences
Et il mourut en héros.
-1- Und als der Krieg im fünften Lenz
Keinen Ausblick auf Frieden bot
Da zog der Soldat seine Konsequenz
Und starb den Heldentod.
2. Mais la guerre n’en était point encore rendue à son terme
Or donc l’Empereur fut fort marri
Que son soldat fût mort:
Car il était mort avant son heure.
-2- Der Krieg war aber noch nicht gar
Drum tat es dem Kaiser leid
Dass sein Soldat gestorben war:
Es schien ihm noch vor der Zeit.
3. L’été glissait au-dessus des tombes
Et déjà le soldat dormait
Et voici qu’une nuit arriva une
Commission militaire médicale.
-3- Der Sommer zog über die Gräber herUnd der Soldat schlief schon
Da kam eines Nachts eine militär- (La coupure est de Brecht!)
ische ärztliche Kommission
4. La commission médicale s’en fut
Au cimetière
Et à l’aide d’une bêche bénie
Elle déterra le soldat mort.
-4- Es zog ie ärztliche Kommission
Zum Gottesacker hinaus
Und grub mit geweihtem Spaten den
Gefallnen Soldaten aus.
5. Et le docteur examina le soldat-Du moins ce qu’il en restait encore-
Et le Docteur conclut qu’il était “bon pour le service”
Mais qu’il tirait au flanc pour échapper au danger.
5- Und der Doktor besah den Soldaten genau
Oder was von ihm noch da war
Und der Doktor fand, der Soldat war k.v
Und er drücke sich vor der Gefahr.
6. Et ils emmenèrent illico le soldatLa nuit était bleue et belle
Quand on n’avait pas de casque sur la tête
On pouvait apercevoir les étoiles au-dessus de notre pays.
-6- Und sie nahmen sogleich den Soldaten mit
Die Nacht war blau und schön
Man konnte, wenn man keinen Helm aufhatte
Die Sterne der Heimat sehn.
7. Ils lui flanquèrent une giclée de gnôleDans sa carcasse putréfiée
Accrochèrent deux infirmières à son bras
Et sa bonne femme à moitié nue.
-7- Sie schütteten ihm einen feurigen Schnaps
In den verwesten Leib
Und hängten zwei Schwestern in seinen Arm
Und sein halbentblösstes Weib.
8. Et comme le soldat pue la décompositionUn cureton, cahin caha, marche en tête
Il balance un encensoir autour du soldat
Pour réduire la puanteur.
-8- Und weil der Soldat nach Verwesung stinkt
Drum hinkt ein Pfaffe voran
Der über ihn ein Weihrauchfass schwingt
Dass er nicht stinken kann.
9. En tête la musique, zimbamboumJoue une marche fringante
Et le soldat, comme il l’a appris,
Agite ses guiboles en cadence.
-9- Voran die Musik mit Tschindrara
Spielt einen flotten Marsch.
Und der Soldat, so wie er’s gelernt
Schmeisst seine Beine vom Arsch.
10. Deux infirmiers l’entourentFraternellement de leurs bras
Sinon il se planterait la tronche dans la boue
Et ça, il ne faut surtout pas.
-10- Und brüderlich den Arm um ihn
Zwei Sanitäter gehn
Sonst flög er noch in den Dreck hin
Und das darf nicht geschehen.
11. Sur la chemise du mortIls peignent les trois couleurs noir- blanc- rouge
Et la brandissent devant lui,
Les couleurs cachent la saleté.
-11- Sie malten auf sein Leichenhemd
Die Farben schwarz-weiss-rot
Und trugen’s vor ihm her; man sah
Vor Farben nicht mehr den Kot.
12. Un monsieur en frac marche aussi devantAvec un plastron amidonné
Ce type, en sa qualité d’homme allemand,
Lui, il sait quel est son devoir.
-12- Ein Herr im Frack schritt auch voran
Mit einer gestärkten Brust
Der war sich als ein deutscher Mann
Seiner Pflicht genau bewusst.
13. Et les voilà,zimbamboum,Qui descendent l’avenue sombre
Et avec eux, le soldat,titubant,
Comme un flocon de neige dans la tempête.
-13- Sie zogen mit Tschindrara
Hinab die dunkle Chaussee
Und der Soldat zog taumelnd mit
Wie im Sturm die Flocke Schnee.
14. Les chiens et les chats se mettent à hurlerLes rats dans les champs couinent comme des sauvages:
Ils ne veulent pas devenir français
Ce serait la honte.
-14- Die Katzen und die Hunde schreien
Die Ratzen im Feld pfeifen wüst:
Sie wollen nicht französisch sein
Weil das eine Schande ist.
15. Et quand ils traversent les villagesToutes les bonnes femmes sont là
Les arbres s’inclinent, la pleine lune brille
Et tout le monde crie hourra!
-15- Und wenn sie durch die Dörfer ziehen
Waren alle Weiber da.
Die Bäume verneigten sich. Der Vollmond schien.
Und alles schrie hurra!
16. Et zimbamboum et Salut, Adieu,Et les bonnes femmes, et les chiens et le cureton
Et au milieu le soldat mort
Comme un macaque ivre-mort
-16- Mit Tschindrara und Wiedersehen!
Und Weib und Hund und Pfaff
Und mittendrin der tote Soldat
Wie ein besoffner Aff.
17. Et quand ils traversent les villagesIl arrive que personne ne le voit
Tant il y a de monde autour de lui
Avec les zimboum et les hourra
-17- Und wenn sie durch die Dörfer ziehn
Kommt’s, dass ihn keiner sah
So viele waren herum um ihn
Mit Tschindra und Hurra.
18. Il y en a tant qui dansent et qui braillent autour de luiQue personne ne le voit
Seulement d’en haut on peut encore le voir
Mais là-haut il n’y a que les étoiles.
-18- So viele tanzten und johlten um ihn
Dass ihn keiner sah
Man konnte ihn einzig von oben noch sehen
Und da sind nur die Sterne da.
19. Les étoiles ne sont pas éternellement làCar il y a l’aube qui point
Quant au soldat, comme il l’a appris
Il s’en va mourir en héros.
- 19- Die Sterne sind nicht immer da
Es kommt ein Morgenrot
Doch der Soldat, so wie er’s gelernt
Zieht in den Heldentod.
« A bas les spartakistes ! », crie-t-on partout.
« Saisissez-les, fouettez-les, piquez-les, fusillez-les, écrasez-les, mettez-les en pièces ! »
Des abominations sont commises plus cruels que celles des troupes allemandes en Belgique.
« Spartakus battu ! », jubile toute la presse, de la Post au Vorwärts.
« Spartakus battu ! » Et les sabres, les revolvers et les carabines de la police germanique rétablie et le désarmement des ouvriers révolutionnaires scelleront sa défaite.
« Spartakus battu ! » Et sous la protection des baïonnettes du colonel Reinhardt, des mitrailleuses et des canons du général Lüttwitz, doivent se dérouler les élections à l'Assemblée nationale - un plébiscite pour Napoléon-Ebert.
« Spartakus battu ! » Oui ! Les ouvriers révolutionnaires de Berlin ont été battus ! Oui ! Abattus des centaines des meilleurs d'entre eux ! Oui ! jetés au cachot des centaines parmi les plus fidèles !
Oui !Ils ont été battus ! Car ils ont été abandonnés par les marins, les soldats, les gardes de sécurité, par l'armée populaire, sur l'aide desquels ils avaient compté. Et leurs forces ont été paralysées par l'indécision et la pusillanimité de leurs chefs. Et l'immense flot bourbeux contre-révolutionnaire des éléments arriérés du peuple et des classes possédantes les a submergés.
Oui, ils ont été battus ! Et c'était une nécessité historique qu'ils le fussent. Car le temps n'était pas encore venu. Et pourtant la lutte était inévitable. Car livrer sans combat aux Eugen Ernst et Hirsch la préfecture de police, ce palladium de la révolution, eût été une défaite déshonorante. La lutte avait été imposée au prolétariat par la bande d'Ebert, et les masses berlinoises furent emportées par-delà tous les doutes et les hésitations.
Oui, les ouvriers révolutionnaires de Berlin ont été battus. Et les Ebert-Scheidemann-Noske ont remporté la victoire. Ils l'ont remportée parce que les généraux, la bureaucratie, les junkers de la campagne et de l'industrie, la curés et les sacs d'argent, et tout ce qui est étroit, mesquin et arriéré, les ont aidés. Et ils l'ont remporté pour eux avec des obus, des bombes à gaz et des lance-mines.
Mais il y a des défaites qui sont des victoires et des victoires plus fatales que des défaites.
Les battus de la semaine sanglante de janvier se sont battus glorieusement, ils se sont battus pour quelque chose de grand, pour le but le plus noble de l'humanité souffrante, pour la libération matérielle et spirituelle des masses pauvres ; pour des buts sacrés, ils ont versé leur sang, qui a été ainsi sanctifié. Et de chaque goutte de ce sang, cette semence de dragon pour les vainqueurs d'aujourd'hui, des vengeurs naîtront pour ceux qui sont tombés ; de chaque fibre brisée de nouveaux combattants de la grande cause, éternelle et impérissable comme le firmament.
Les battus d'aujourd'hui seront les vainqueurs de demain. Car la défaite est leur enseignement. Le prolétariat allemand manque encore de traditions et d'expérience révolutionnaires, et ce n'est que par des tâtonnements, des erreurs juvéniles, des échecs douloureux, qu'on peut acquérir l'expérience qui garantit le succès futur.
Pour les forces vivantes de la révolution sociale, dont la croissance ininterrompue est la loi du développement social, une défaite constitue un stimulant. Et c'est par les défaites que leur chemin conduit vers la victoire.
Mais les vainqueurs d'aujourd'hui ? C'est pour une cause scélérate qu'ils ont accompli leur besogne scélérate. Pour les puissances du passé, pour les ennemis mortels du prolétariat.
Et ils sont dès aujourd'hui battus ! Car ils sont dès aujourd'hui les prisonniers de ceux qu'ils pensaient pouvoir utiliser comme leurs instruments et dont ils ont toujours été en fait les instruments.
Ils donnent encore leur nom à la firme, mais il ne leur reste qu'un court délai de grâce.
Déjà ils sont au pilori de l'histoire. Jamais il n'y eut au monde de tels Judas : non seulement ils ont trahi ce qu'ils avaient de plus sacré, mais de leurs propres mains ils ont aussi enfoncé les clous dans la croix. De même qu'en août 1914 la social-démocratie officielle allemande est tombée plus bas que n'importe quelle autre, de même aujourd'hui, à l'aube de la révolution sociale, elle reste le modèle qui fait horreur.
La bourgeoisie française a dû prendre dans ses propres rangs les bourreaux de juin 1848 et ceux de mai 1871. La bourgeoisie allemande n'a pas besoin de faire elle-même le travail : ce sont des « sociaux-démocrates » qui accomplissent la sale besogne, lâche et méprisable. Son Cavaignac, son Gallifet, c'est Noske, l' « ouvrier allemand ».
Des sonneries de cloche ont appelé au massacre ; de la musique, des agitations de mouchoirs, des cris de victoire des capitalistes sauvés de l' « horreur bolchéviste » ont fêté la soldatesque. La poudre est encore fumante, l'incendie du massacre des ouvriers brûle encore, les prolétaires assassinés gisent à terre, les blessés gémissent encore, et, gonflé de fierté de leur victoire, ils passent en revue les troupes d'assassins, les Ebert, Scheidemann et Noske.
Semence de dragon ! Déjà le prolétariat mondial se détourne d'eux avec horreur, eux qui osent tendre à l'Internationale leurs mains encore fumantes du sang des ouvriers allemands ! Ils sont rejetés avec répulsion et mépris même par ceux qui, dans la furie de la guerre mondiale, avaient trahi les devoirs du socialisme. Salis, exclus des rangs de l'humanité civilisée, chassé de l'Internationale, honnis et maudits par tous les ouvriers révolutionnaires, ainsi se présentent-ils devant le monde.
Et l'Allemagne tout entière est précipitée par eux dans la honte. Des traîtres à leurs frères, des fratricides, gouvernent aujourd'hui le peuple allemand. « Vite, mon calepin, que je note... »
Oh, leur magnificence ne durera pas longtemps ; un court délai de grâce, et ils seront jugés.
La révolution du prolétariat, qu'ils ont cru noyer dans le sang, elle renaîtra, gigantesque, et son premier mot d'ordre sera : A bas les assassins d'ouvriers Ebert-Scheidemann-Noske !
Les battus d'aujourd'hui ont retenu l'enseignement : ils sont guéris de l'illusion qu'ils pouvaient trouver leur salut dans l'aide des masses confuses de soldats, qu'ils pouvaient s'en remettre à des chefs qui se sont révélés faibles et incapables, guéris de leur croyance en la social-démocratie indépendante, qui les a honteusement abandonnés. C'est en ne comptant que sur eux-mêmes qu'ils vont mener les batailles à venir, qu'ils obtiendront leurs victoires futures. Et la phrase fameuse : « L'émancipation de la classe ouvrière ne peut être que l'oeuvre de la classe ouvrière elle-même », a acquis pour eux, du fait de la leçon amère de cette semaine, une nouvelle signification profonde.
De même, les soldats qui ont été trompés comprendront bientôt quel jeu on leur a fait jouer quand ils sentiront à nouveau sur eux le knout du militarisme remis en selle ; eux aussi sortiront de l'ivresse où ils sont plongés aujourd'hui.
« Spartakus battu ! » Doucement ! Nous n'avons pas fui, nous ne sommes pas battus ! Et même si vous nous enchaînez, nous sommes là et nous restons là ! Et la victoire sera nôtre !
Car Spartakus, cela signifie : feu et flamme, cela signifie : coeur et âme, cela signifie volonté et action de la révolution du prolétariat. Et Spartakus - cela signifie détresse et aspiration au bonheur, volonté de mener la lutte du prolétariat conscient. Car Spartakus, cela signifie socialisme et révolution mondiale.
La marche au Golgotha de la classe ouvrière allemande n'est pas encore terminée, mais le jour de la redemption approche ; le jour du Jugement pour les Ebert-Scheidemann-Noske et pour les dirigeants capitalistes qui aujourd'hui se cachent encore derrière eux. Haut jusqu'au ciel battent les flots des événements ; nous sommes habitués à être précipités du sommet jusque dans les profondeurs. Mais notre vaisseau poursuit fermement et fièrement sa route droite - jusqu'au but.
Et que nous vivions encore quand il sera atteint - notre programme, lui, vivra ; il dominera le monde de l'humanité libérée. Malgré tout !
Sous le grondement de l'effondrement économique qui s'approche, l'armée encore sommeillante des prolétaires se réveillera comme au son des trompettes du Jugement dernier, et les corps des combattants assassinés ressusciteront et exigeront des comptes de leurs bourreaux. Aujourd'hui encore le grondement souterrain du volcan ; demain il fera éruption et ensevelira les bourreaux sous ses cendres brûlantes et ses flots de lave incandescente.
Rote Fahne, Berlin, 15 janvier 1919
Karl Liebknecht
(texte sur le site : http://membres.lycos.fr/jpmarat)
La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."
Publié le 20 février 2009