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Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

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Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
15 mars 2009 7 15 /03 /mars /2009 09:42

03.03.2009 sur le blog : le petit blanquiste

ROSA LUXEMBURG
Rosa 2.jpgIl y a 90 ans, Rosa Luxemburg, figure légendaire du socialisme révolutionnaire, était assassinée à Berlin par les "forces de l'ordre"…

En novembre 1918 - s’inspirant de l’exemple russe - la révolution éclate en Allemagne.
Le 5 janvier 1919, les ouvriers berlinois se soulèvent contre le gouvernement social-démocrate qui s’est mis en place, celui-ci n’ayant qu’un objectif : « rétablir l’ordre ».
Gustav Noske, en charge des forces de répression, dirige personnellement les unités spéciales – les corps-francs – qu’il fait converger vers le centre de la capitale en la ratissant systématiquement. Les ouvriers, mal armés et combattant en ordre dispersé, sont rapidement écrasés.

Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, d’abord dirigeants de l’aile gauche du parti social-démocrate (les spartakistes), ont finalement quitté ce parti et viennent de fonder le parti communiste allemand. Ils appuient le mouvement insurrectionnel.
Le 14 janvier 1919, ils sont arrêtés par les sbires du "socialiste" Noske. D’abord assommés, ils sont un peu plus tard abattus. Le cadavre de Rosa, jeté dans un canal, ne sera retrouvé que quelques mois plus tard.

Lénine, à qui Rosa Luxemburg s’était opposée à plusieurs reprises avec vigueur, a dit d’elle après sa mort : « Malgré ses erreurs, elle était et elle reste un aigle ».

Rosa Luxemburg est née le 5 mars 1871 en Pologne, alors occupée par la Russie tsariste. Dès 1884, elle est en contact avec des groupes clandestins du parti social-démocrate polonais. Menacée d’arrestation, elle s’enfuit en Suisse où elle continue de travailler à la constitution d’un parti polonais marxiste. Après avoir acquis la nationalité allemande par son mariage, elle devient militante du parti social-démocrate allemand. Parallèlement, elle a passé un doctorat d’économie politique. Ses écrits politiques et économiques la font connaître du mouvement socialiste international.
Quand le 4 août 1914, le groupe parlementaire social-démocrate allemand vote les crédits de guerre, pour Rosa c’est une trahison. Elle explique que cette guerre est une guerre impérialiste et non une guerre défensive. La presse socialiste refuse ses articles.
Ses prises de position entraînent son arrestation et son incarcération durant pratiquement toute la guerre.
De prison, elle parvient à écrire et faire imprimer une brochure où elle analyse la situation créée par la guerre et dresse un portrait impitoyable de la bourgeoise européenne :

« Souillée, déshonorée, pataugeant dans le sang, suintant la sanie : voilà comment se présente la société bourgeoise, voilà ce qu'elle est. Ce n'est pas lorsque, bien léchée et bien honnête, elle se donne les dehors de la culture et de la philosophie, de la morale et de l'ordre, de la paix et du droit, c'est quand elle ressemble à une bête fauve, quand elle danse le sabbat de l'anarchie, quand elle souffle la peste sur la civilisation et l'humanité qu'elle se montre nue, telle qu'elle est vraiment...» [1].

Libérée en 1918, Rosa Luxemburg se jette dans la mêlée de la révolution.

Auteur d’une thèse sur Rosa Luxemburg, Gilbert Badia, professeur à l’université Paris VIII, a écrit : « … l’histoire connaît effectivement peu de personnalités qui aient, comme elle, allié une volonté aussi opiniâtre de transformer le monde pour le rendre humain et habitable pour tous, à une sensibilité aussi délicate, à un amour de tout ce que la vie peut offrir de beau : dans le domaine de la nature comme dans celui de l’art. Pleinement femme, artiste aussi, mais surtout être humain » [2].

JPD

[1] "La crise de la social-démocratie".
[2] Gilbert Badia, "Rosa Luxemburg, textes", Editions sociales, 1982.
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22 février 2009 7 22 /02 /février /2009 10:46
Pour consulter le blog: comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog

Pour permettre la consultation du blog en allemand, nous allons faire une page copmortant des articles dans cette langue. Nous publions en premier cette biographie.

1871
5. März: Rosalia Luxemburg wird in Zamosc in Russisch-Polen als Tochter des Holzhändlers Eliasz Luxemburg und dessen Frau Line (geb. Löwenstein) geboren.

1880
Nach der Übersiedlung der Familie nach Warschau besucht sie das Zweite Warschauer Mädchengymnasium.
Schon als Schülerin engagiert sie sich in illegalen politischen Zirkeln.

1889
Vor einer drohenden Verhaftung flieht sie in die Schweiz.

1890/91
Immatrikulation an der Philosophischen Fakultät der Züricher Universität.
In den folgenden Semestern besucht sie Seminare zur Staatswissenschaft, zur mittelalterlichen Geschichte sowie zur Geschichte der Wirtschafts- und Börsenkrisen.

1893
Unterbrechung des Studiums wegen politischer Aktivitäten wie der Gründung der polnischen sozialdemokratischen Zeitschrift "Sache der Arbeiter" in Paris.

1894
Erster (illegaler) Kongreß der sozialdemokratischen Arbeiterpartei des Königreichs Polen in Warschau. Luxemburg gehört mit Leo Jogiches zu den führenden Mitgliedern dieser Partei.

1897
Promotion in Zürich zum Thema "Die industrielle Entwicklung Polens".

1898 - 1903
Scheinehe mit dem deutschen Staatsbürger Gustav Lübeck. Durch die Heirat erhält sie die deutsche Staatsbürgerschaft, die ihr die Mitarbeit in der deutschen Arbeiterbewegung ermöglicht.

1898
Übersiedlung nach Berlin.
Luxemburg schließt sich der Sozialdemokratischen Partei Deutschlands (SPD) an.
Oktober: Am SPD-Parteitag in Stuttgart nimmt sie als Expertin für polnische Angelegenheiten teil.

1900
Durch ihre Broschüre "Sozialreform oder Revolution?" greift sie in die "Revisionismusdebatte" ein. Sie verteidigt den revolutionären Standpunkt gegen den revisionistischen Eduard Bernsteins und fordert den Ausschluß der "Reformisten" aus der Partei.
In Zeitungsartikeln nimmt Luxemburg zu wirtschaftlichen und sozialpolitischen Problemen in Rußland, Österreich-Ungarn, Belgien, England, Frankreich und Deutschland Stellung.
Immer wieder greift sie den deutschen Militarismus und Imperialismus an.

1904
Januar: Sie wird wegen Majestätsbeleidigung zu drei Monaten Gefängnis verurteilt.

1906
12. Dezember: Sie wird in Weimar zu zwei Monaten Haft wegen "Anreizung zum Klassenhaß" verurteilt.

1907
Mai: Teilnahme am V. Parteitag der Sozialdemokratischen Arbeiterpartei Rußlands (SDAPR) in London zusammen mit Jogiches.
Oktober: Beginn ihrer Lehrtätigkeit an der SPD-Parteischule in Berlin.

1910
Bruch mit Karl Kautsky aufgrund politischer Differenzen, u.a. bezüglich der Frage des Einsatzes des Generalstreiks als Kampfmittel.

1913
Bei einer Kundgebung in Frankfurt/Main ruft Luxemburg zur Kriegsdienstverweigerung auf.

1914
20. Februar: Wegen dieses Aufrufs wird gegen sie Anklage wegen "Aufforderung zum Ungehorsam gegen Gesetze und gegen Anordnungen der Obrigkeit" erhoben. Sie wird zu einem Jahr Gefängnis verurteilt.
29. - 30. Juli: Die Teilnahme an der Sitzung des Internationalen Sozialistischen Büros bringt für sie die Ernüchterung, daß auch innerhalb der sozialistischen Parteien der Nationalismus stärker ist als die internationale Solidarität.

1915
Februar: Das Gerichtsurteil des vorangegangenen Jahres wird vollstreckt: Luxemburg wird im Frauengefängnis in Berlin inhaftiert.
Juli: Hoch- und Landesverratsverfahren in Düsseldorf.

1916
Entlassung aus dem Frauengefängnis.
10. Juli: Beginn der "Sicherheitsverwahrung", die bis November 1918 dauert. Luxemburg wird zweimal verlegt, zuerst in die Festung Wronke in der Provinz Posen, dann nach Breslau.

1918
9. November: In Breslau aus der Haft entlassen, fährt Luxemburg nach Berlin und arbeitet als Redakteurin bei der "Roten Fahne", der Zeitung des Spartakusbunds.
17. Dezember: In ihrem Artikel "Nationalversammlung oder Räteregierung?" in der "Roten Fahne" tritt sie für eine Räteregierung ein. Obwohl sie die Revolution unterstützt, behält sie ihren grundsätzlichen pazifistischen Standpunkt bei.

1918/19
30. Dezember - 1. Januar: Beteiligung an der Gründung der Kommunistischen Partei Deutschlands (KPD). Luxemburg steht auf der Seite derer, die eine Beteiligung an den Wahlen zur Nationalversammlung fordern, aber von der Mehrheit überstimmt werden.

1919
Bei den Januarunruhen muß sie wegen Verhaftungsgefahr ständig ihre Wohnung wechseln, weigert sich aber, Berlin zu verlassen.
15. Januar: Gemeinsam mit Karl Liebknecht wird sie von Soldaten der Garde-Kavallerie-Schützendivision verschleppt. Sie werden im Eden-Hotel verhört und mißhandelt. Wahrscheinlich beim Abtransport wird Rosa Luxemburg ermordet. Ihre Leiche wird in den Landwehrkanal geworfen.
31. Mai: Im Landwehrkanal wird ihr Leichnam gefunden

(ka)

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25 janvier 2009 7 25 /01 /janvier /2009 10:51

Cette biographie-hommage sur Cuba Info, lue sur le blog  "Le cri du peuple 1871".  Elle rappelle en fin d'article cette information :

Les historiens rappellent qu'en 1962, c'est à dire 43 ans après leur assassinat, le gouvernement fédéral allemand avait déclaré qu'il s'était agi d' « une exécution effectuée en application de la loi martiale ».

Rosa Luxemburg : « le socialisme ou la barbarie »

(Roberto Pérez Betancourt)


Parmi les femmes qui ont le plus apporté au combat pour une authentique égalité des chances et un système social vraiment juste et humain, Rosa Luxemburg mérite une place d'honneur par son intelligence, son courage et en reconnaissance à l'importance de sa pensée révolutionnaire qui n'a rien perdu de son actualité.



Cette femme née en Pologne en 1870 s'est gagné le droit d'être considérée comme une citoyenne du monde par la transcendance de sa pensée et par la grande valeur de ses actions anti-bellicistes, en faveur du socialisme et contre la barbarie.


Rosa Luxemburg avait étudié les mathématiques, les sciences naturelles, les sciences politiques, la botanique, la géologie et le marxisme. Elle était Docteur en Économie Politique et professeur universitaire.


Ses ennemis ne lui pardonnaient pas sa propagande contre la guerre qu'avait déclarée l'Allemagne et qu'elle avait perdu. Elle a fondé et dirigé la ligue Spartacus qui a ensuite servi de base pour la fondation du Parti Communiste Allemand, le Premier Janvier 1919. C'est lors du congrès de constitution de ce parti qu'elle a prononcé son dernier discours.


Rosa Luxemburg, connue comme la « rose rouge » en Allemagne, pays dont elle avait adopté la nationalité et où elle avait mené pendant vingt ans son combat contre la guerre et en faveur du socialisme, a été brutalement battue et assassinée par des soldats aux ordres du gouvernement oligarchique allemand alors qu'elle était proche de célébrer son quarante neuvième anniversaire, le 15 Janvier 1919, il y a maintenant 90 ans. Á ses côtés mourait également son camarade Karl Liebknecht.


La réaction ne supportait pas l'influence que son exemple personnel et sa pensée lucide exerçaient sur les masses ouvrières qui avaient été brutalement réprimées, quelques jours auparavant, par ces mêmes éléments qui plus tard contribueraient à l'ascension d'Adolf Hitler au pouvoir et, avec lui, à une nouvelle guerre d'extermination.


Le corps sans vie de Rosa Luxemburg a été lancé depuis un pont dans les eaux du canal qui passait en dessous. Ses restes mortels furent retrouvés le 31 mai et, une fois qu'ils furent identifiés, ils reçurent sépulture le 13 Juin de la même année.


Tous les ans, en Allemagne, les communistes, les socialistes et des membres de tous les courants progressistes du pays vont en manifestation déposer des fleurs rouges devant le monument qui perpétue la mémoire de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht.


Les historiens rappellent qu'en 1962, c'est à dire 43 ans après leur assassinat, le gouvernement fédéral allemand avait déclaré qu'il s'était agi d' « une exécution effectuée en application de la loi martiale ».


David Arrabali, l'un des membres du comité de rédaction de la revue « Monde Ouvrier », considère que Rosa Luxemburg s'est convertie en une référence obligée dans le grand débat des idées de gauche : « C'est toujours sa voix que nous entendons dans le nouveau mot d'ordre « Un autre monde e
st possible ». Elle l'a formulé d'une manière un peu plus imagée : « Le socialisme ou la barbarie » ».


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9 novembre 2008 7 09 /11 /novembre /2008 11:11

Tout le monde avait en mémoire le bref emprisonnement de Rosa Luxemburg à Varsovie un an plus tôt, en 1906. Il lui avait conféré un statut spécial en temps de paix. Mais en temps de guerre son incarcération n'intéressait pas grand monde en dehors d'elle et du petit cercle d'amis et de camarades qui l'entouraient. Son emprisonnement en 1915 fut différent de ceux qui l'avaient précédé: il ne rappelait ni le baptême du feu de 1904, vécu dans l'excitation, ni l'arrestation fièrement subie à Varsovie en 1906, à laquelle Hervé faisait allusion. A l'époque, la vie était porteuse de beaucoup d'espoirs; maintenant il n'en restait plus.

Pendant la guerre, Rosa Luxemburg passa trois ans et quatre mois en prison: un an pour avoir incité à la désobéissance civile en 1914 et le reste en détention administrative, c'est-à-dire sans durée déterminée. Son année d'emprisonnement prit fin le 18 février 1916; cinq mois plus tard, Rosa fut à nouveau arrêtée et incarcérée sans procès pour la durée de la guerre. En prison, elle tint un journal où elle notait au hasard son poids, les lettres qu'elle envoyait et recevait, des citations, des remarques sur les oiseaux, les plantes et le temps. De février 1915 à février 1916, elle cochait les jours, les semaines et les mois et comptabilisait l'écoulement du temps de diverses façons: le 18 avril 1915, c'était "deux mois 1/6"; le 18 août "la moitié"; le 19 août, "26 semaines", etc. Ces notes reflètent son impatience et surtout sa certitude de voir le bout du tunnel. On ne trouve aucune note de ce type dans les agendas des années 1917 et 1918.

On a publié plusieurs recueils de lettres, dont beaucoup écrites en prison. Ils sont incomplets, car les destinataires aussi bien que les éditeurs ont opté pour la discrétion : beaucoup étaient codées et furent détruites. Celles qui sont parvenues montrent l'importance que revêtait la correspondance pour Rosa durant ses périodes d'isolement. Toujours consciente du pouvoir de sa plume, elle avait recours à l'écriture quand la parole semblait traîtresse ou inadéquate; maintenant que les lettres remplaçaient le contact personnel, elle transformait son talent en art. Les lettres, composées avec la plus grande minutie et qui pourtant semblaient si naturelles, introduisaient les destinataires dans sa cellule. Ses amis répondaient volontiers à son intelligence, à son amitié et à sa nostalgie. Dans sa correspondance, elle s'affirmait avec plus de force encore qu'elle ne l'avait fait en personne. Elle redisait sa fierté et sa résolution, son défi et sa faiblesse - cette menace toujours redoutée. La prison n'avait pas d'importance, prétendait Rosa: elle était assez forte our soutenir et protéger ses amis, pour leur remonter le moral et rire avec eux. Pourtant, entre les lignes qu'elles fussent lyriques, furieuses, joyeuses ou tristes, au-delà de son intérêt pour la nature, l'art et la littérature, perçait un désespoir qu'elle ne pouvait étouffer ...

(Belfond 1986 - P 237-239)

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25 juin 2008 3 25 /06 /juin /2008 20:02

En relisant cette lettre et en la traduisant dans un premier jet au fil du clavier, je comprends pourquoi Rosa Luxemburg est d'une telle importance. Qui pouvait mieux décrire les difficultés d'une relation, au moment même d'une décision de toute une vie, et nous voyons combien est essentiel cet arrière-plan alors même qu'elle se lance complètement dans ce monde nouveau et imposant, de la social-démocratie allemande et internationale: les lettres précédentes montrent combien ce voyage avait été préparé, combien il répond à une réflexion politique sur le lieu où il faut être. C'est une des plus belles lettres de Rosa Luxemburg. Mais c'est aussi une même cohérence de vie, une même cohérence d'écriture, du début à la fin de sa vie, dans ses textes les plus privés comme les plus politiques. Cohérence ...

A Leo Jogiches, 16 mai 1898 (suite)

Je reviens à ce que je disais. Que j'avais partout des bleus à l'âme, je t'explique ce que je ressens. Hier soir, dans mon lit, dans cet appartement étranger, au milieu d'une ville étrangère, je me sentais si mal et je pensais tout au fond de mon âme : cela ne serait-il pas plus heureux de vivre tous les deux quelque part en Suisse, calmement et heureux, de jouir de notre jeunesse et de se réjouir au lieu de mener cette vie aventureuse? Mais lorsqu'en pensée, je me retournai pour un instant vers le passé, pour voir ce que je laissais derrière moi, alors je vis une place vide et je compris que tout cela n'était qu'illusion. Nous ne vivions pas ensemble, nous n'étions pas heureux et il n'y avait rien d'heureux (c'est ce que je pensais de notre relation et je fais là abstraction des disputes car elles ne peuvent empêcher de vivre en pleine harmonie). Au contraire, en regardant en arrière, les six mois passés et même plus loin encore, je ressentis le sentiment d'une profonde disharmonie, quelque chose d'incompréhensible, de torturant, de profondément triste, je sentis comme des élancements dans les tempes, et réellement la sensation de bleus  à l'âme, si bien que je ne pouvais plus me tourner ni vers la gauche, ni vers la droite. Ce qui était terrible c'était le sentiment de ne pas comprendre, comme s'il y avait dans ma tête un profond brouillard, et que je ne savais plus pourquoi, pour quelle raison, tout cela...

Et imagine-toi que justement, ces bleus à l'âme, c'est ce qui me donne aujourd'hui le courage de commencer une nouvelle vie. Je compris que je n'avais rien abandonné de bien, que cela ne serait pas mieux, si nous étions ensemble, que je serais entourée aussi d'une atmosphère que je m'efforcerais de comprendre, en vain et au prix de grandes souffrances, d'une disharmonie constante. Ce que je regrettais pour un instant, n'était que fruit de ma propre imagination et je me sentis comme ce chat - rappelle-toi à Weggis - que le chien avait acculé entre montagne et lac. Imagine-toi, le chien représente la vie qui est en moi et la montagne, ton coeur de pierre, fidéle et solide comme un roc, mais tout aussi dur et inaccessible que lui, enfin le lac, les flots de la vie dans laquelle je me jette à Berlin. Choisir entre deux maux est au moins plus facile et il faut seulement faire attention que je ne me noie pas avec le temps dans les flots berlinois, comme le chat.

Parce que cela me touche toujours quand je parle de moi-même (en français dans la lettre), cela me donne envie de pleurer mais mon oreille avertie, entend aussitôt ta voix impatiente dire : arrête de pleurer, tu vas avoir l'air de dieu sait quoi et aussitôt je lâche mon mouchoir pour ne pas avoir l'air demain, de dieu sait quoi (en polonais dans le texte)! ....

La part du diable, la part de dieu, n'est-ce pas! Malgré tout ce que tu m'as dit avant mon départ, résonne en moi l'ancienne mélodie, satisfaire ses besoins personnels. C'est un fait, j'ai terriblement envie d'être heureuse, et je serais prête à me battre jour après jour avec l'obstination d'une pour ma petite part de bonheur. Mais ce ne sont plus que des restes: cette envie est de plus en plus faible du fait de l'impossibilité -  non pas lumineuse comme le soleil, mais triste comme la nuit - d'être heureuse. Pas de bonheur sans joie, mais peut-être que la vie, c'est-à-dire notre relation (pour moi, c'est la même chose, vous savez les femmes [en français dans le texte]) est une chose sans joie et sombre. Je commence à comprendre que la vie, cela peut être de prendre les choses à bras le corps et de ne pas lâcher et qu'il n'y a rien à comprendre. je commence à m'habituer à l'idée que ma seule tâche est aujourd'hui de penser aux élections et à ce qui se passera après ...
(La traduction est en cours. Ces extraits cependant pour donner à chacun l'envie de suivre Rosa Luxemburg, de nous suivre dans la lecture. N'hésitez pas à proposer des améliorations de traduction pour ce texte. c.a.r.l)

Note sur Jogiches sur Wikipedia

(né le 17 juillet 1867 à Vilnius ; mort le 10 mars 1919 à Berlin), communiste polonais. 

Leo Jogiches s'engage très jeune dans l'action révolutionnaire, et en 1890 se voit contraint de quitter la Pologne alors sous domination russe. En 1893, il co-fonde (avec notamment Rosa Luxemburg) le SDKPIL, parti marxiste de Pologne et de Lituanie.

Il participe à la révolution russe de 1905, est arrêté à Varsovie et condamné aux travaux forcés. Il s'évade et se réfugie en Allemagne, en dirigeant le SDKPIL en exil. Au sein des partis "marxistes" de l'empire russe, Jogiches combat toute forme de nationalisme, et s'oppose à la fraction bolchevik du POSDR.

En 1914, il s'oppose à la guerre mondiale et passe dans la clandestinité. Au cours de la guerre, il participe à la création de la ligue spartakiste (Spartakusbund) avec Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. Les principaux militants spartakistes sont arrêtés pour "propagande anti-militariste", mais Jogiches, toujours en clandestinité, parvient à échapper aux arrestations.

Il s'investit activement dans la révolution allemande dès son déclenchement en novembre 1918. Il participe, comme les autres spartakistes, à la création du Parti Communiste d'Allemagne (KPD) en décembre 1918, et fait parti de sa centrale de direction.

Au cours de la révolution, les militants du KPD doivent faire face à une répression féroce, Rosa Luxemburg est assassinée en janvier 1919, et Leo Jogiches est à son tour arrêté et assassiné en prison le 10 mars 1919.


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24 juin 2008 2 24 /06 /juin /2008 20:40

Berlin 17 mai 1898 (suite de la lettre ...)
Comme être humains, je n'ai entrevu que la mère de Schmuilowa, son gendre - le rédacteur de la "Neue Welt" (Kühl) et Schmuilow. Ce dernier n'a pas encore réussi à me faire connaître Grad[nauer], ce dont je me réjouis en fait.  La seule chose que j'ai appris de lui est que Parvus était considéré dans le parti comme "un personnage comique", que tous se sont détournés de lui Grad[nauer], C. Zetkin, Auer etc. On dit qu'il aurait tout perdu ce qu'il a gagné. Cela montre que nous avons tous les deux eu le nez creux.  Mais en fin de compte, cela est fort triste. De Juleczek [Marchlewski],  tout le monde aurait semble-t-il comme opinion que c'est une personne sans importance, fade, c'est-à-dire sans force et ennuyeux, c'est ce qu'ont dit en tous les cas Gardnauer et Schmuilow. Concernant Adolf (Warki), je sais que Juleczek s'est efforcé de lui obtenir un passeport à Munich, afin qu'il puisse se rendre en Silésie pour faire la compagne d'agitation, mais sans succès. Bebel et Auer sont ici aussi. Je n'écris pas encore à Bebel, car quand je le rencontrerai, je voudrais déjà avoir une chambre et avoir moi-même meilleur aspect. Du reste, je fais déjà - du moins à ma logeuse - une forte impression. Et ce qui est étonnant, c'est que tout le monde ici me prend pour quelqu'un de très jeune et semble étonné que j'aie terminé mes études. Ceci, afin de te rassurer. Les Jadzios (Warski) m'ont trouvée ravissante avec ma robe noire et mon chapeau. Tout ceci, pour mon apparence extérieure. Pour ce qui concerne ce qui est à l'intérieur de moi, c'est beaucoup moins enthousiasmant, bien que sombre aussi, mais cela est la faute à cette grande ville qu'est Berlin. Je me sens comme si j'étais venue seule et étrangère, pour conquérir Berlin, et quand je la regarde dans les yeux, je me sens mal quand je considère sa toute puissance froide et indifférente. En même temps, je me console en me disant que ... J'ai encore demandé tout un bloc de papier à ma logeuse, car je ne peux pas te laisser, je pourrais ainsi écrire toute la nuit. Mais j'ai peur de tes reproches parce que j'ai mis trop de papier dans l'enveloppe ...

(La traduction est en cours, mais ici quelques lignes (trop approximatives). Pour donner à chacun l'envie de la suivre, de nous suivre. N'hésitez pas à proposer des améliorations de traduction pour ce texte. c.a.r.l)


Sur le site SMOLNY (voir liens)

HELPHAND Alexander Israel, né LAZAREVITCH, dit PARVUS ( 1867 - 1924 )
Journaliste, social-démocrate, homme d’affaires et « diplomate » russe

10 mai 2007 par eric

Le père de Parvus, un artisan, déménagea avec sa famille à Odessa à la suite d’un incendie. Après le lycée et un an d’apprentissage, il se rendit à l’étranger en 1887 et s’inscrivit à l’Université de Bâle où il soutint en 1891 une thèse sur la division du travail. De la fin de l’année, jusqu’au début de 1893 où il en fut expulsé, il résida à Berlin et collabora à la presse social-démocrate : Die Neue Zeit, Vorwarts et Die Gleichheit de Clara Zetkin. Dès lors, il adopta une position originale qui consistait à utiliser toutes les possibilités qui s’offraient à la social-démocratie, tout en maintenant les objectifs révolutionnaires. C’est ainsi qu’il était favorable à la participation social-démocrate aux élections à la Chambre des députés de Prusse ou, en 1903, à un vice-président social-démocrate au Reichstag, mais il estimait que le refus de voter le budget était l’arme parlementaire la plus importante de la social-démocratie.

C’est en 1894 qu’il prit le pseudonyme de Parvus. En 1895, il s’opposa au projet de programme agraire élaboré par une commission dont faisait partie Bruno Schonlank, qui l’avait invité à collaborer à la Leipziger Volkszeitung. Comme il poursuivait ses attaques au-delà du congrès du parti de Breslau, Schonlank le congédia, mais les sociaux-démocrates de Dresde firent appel à lui pour rédiger la Siichsische Arbeiterzeitung. Il la sortit du marasme financier, mais il entra aussi en conflit avec la rédaction et s’installa à Stuttgart, d’où il dirigea le journal. Il fut le premier à réagir aux thèses de Bernstein dans la Sachsische Arbeiterzeitung, même s’il pensait comme lui qu’il fallait sortir le mouvement ouvrier de son immobilisme. Attaqué par les dirigeants du parti, à l’exception de Clara Zetkin, au congrès de Stuttgart, il se vit accorder la possibilité de s’y défendre même sans mandat, qu’il ne pouvait avoir en tant qu’étranger.

Après une série d’articles contre l’opportunisme dans Die Neue Zeit en 1901, il fut une nouvelle fois la cible des attaques du congrès de Lübeck, avec Rosa Luxemburg qu’il connaissait d’ailleurs depuis la Suisse. Expulsé de Saxe en 1898 avec le Polonais Julian Marchlewski, il le fit venir à la rédaction de la Sachsische Arbeiterzeitung et s’installa lui-même à Munich, d’où il se rendit en 1899 en Russie, pour se documenter avec le docteur Carl Lehmann sur la famine : il publièrent ensemble un livre à ce sujet l’année suivante. Il créa aussi avec Marchlewski une agence de presse à Munich, qui publia un bulletin, Aus der Weltpolitik, destiné à être repris par les journaux sociaux-démocrates : l’entreprise ne connut pas une grande réussite. En outre, en 1902, ils créèrent tous deux une maison d’édition de littérature slave et nordique dont le seul et unique succès fut Les Bas Fonds de Gorki ...

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23 juin 2008 1 23 /06 /juin /2008 20:08


Lettre à léo Jogiches - 17 mai 1898. 2ème jour à Berlin.
Et Rosa cherche une chambre ...


Mon amour,

Maintenant les premiers moment plus ou moins calmes, où je suis seule et où je peux t'écrire plus longuement.Car hier et aujourd'hui, je suis allée  accompagnée de ma "peitite cousine" à la recherche d'un appartement. Tu ne t'imagines pas ce que cela signifie chercher un appartement à Berlin. Bien que je cherche "seulement" dans trois quartiers - Charlottenburg, quartier ouest et nord-ouest - dans les autres quartiers les logements en été sont tout simplement insupportables - mais les distances sont si grandes qu'il faut des heures pour faire quelques rues, surtout quand il faut grimper les escaliers quatre à quatre à chaque maison (après avoir frappé à la porte d'entrée), et ce en général pour rien. Les chambres sont de manière générale partout horriblement chères, même à Charlottenburg la chambre la moins chère qui pouvait me convenir coûte 28 mark. Et pas la peine naturellement de rêver au moins à une chambre séparée; la seule fois où nous sommes tombées sur un logement avec chambre séparée - formidablement bien meublée par ailleurs - cela coûtait 80 mark! Actuellement, j'ai une chambre pour un mark par jour, je m'organise pour dormir sur le divan et avoir en plus un sofa. Sinon, ce n'est pas possible autrement. Mais on doit avouer, que mon logement à Zurich était une perle rare. Cependant ne te fais pas de souci, je ne prendrai pas le premier logement correct que je trouverai, je suis exigeante et ma petite cousine qui adore mon logement zurichois, cherche aussi avec moi le logement idéal. Demain je prendrai une décision, bien que le choix soit si difficile qu'on attrape peur ;  car si dans un appartement, on attrape mal au ventre, dans l'autre on remarque qu'il était habité avant par un soldat - on ne peut pas comparer les dimensions, si bien que ma tête va éclater avant que j'aie pu prendre une décision. a propos de soldats, il y en a ici partout. Les officiers sont l'état dominant ; ils habitent aussi des chambres meublées et je me heurte partout à des officiers qui viennent de visiter la chambre ou à des officiers comme voisins. Etant donné le danger qui te menace et ta peur de voir ta bien-aimée partir avec un officier, j'évite naturellement un tel voisinage comme la peste. Mais imagine, les dessins de Thöny ne sont pas des caricatures mais tout simplement une photographie d'après nature - il y en ici par millions dans les rues! ....L'image “http://www.museum-kitzbuehel.at/grafiken/Lebensweisheit-034.jpg” ne peut être affichée car elle contient des erreurs.
E. Thöny

E Thöny est l'un des principaux dessinateurs de la revue Simplicissimus qui a été fondée en 1896 et a continué pendant des décennies.

L'image “http://www.simplicissimus.com/WauWau.jpg” ne peut être affichée car elle contient des erreurs.
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22 juin 2008 7 22 /06 /juin /2008 13:43


Pour mieux comprendre Rosa Luxemburg, pour aussi pouvoir mieux établir un parallèle, une réflexion sur les relations avec chacun, la politique au quotidien, la suivre dans sa correspondance est d'un extrême plaisir et intérêt. Et nous ne résistons pas au plaisir de  mettre sur le blog cette première lettre à Léo Jogiches de Berlin. On pourra mesurer ainsi le chemin parcouru en quelques mois quand elle prendra la parole aux Congrès de l'Internationale.

A Leo Jogiches

Berlin, le 16 mai 1898
Mon amour,

Je suis arrivée aujourd'hui, à 6 heures et demie. Schmuilow devait venir me chercher, mais il a pris du retard, si bien que je me suis retrouvée avec mes paquets dans la rue à attendre le tramway, car il n'y avait plus l'ombre d'un. Mais c'est sans importance. Je t'écris cela de chez Krauz qui m'a accompagnée toute la journée à la recherche d'une chambre. C'est extrêmement difficile, on peut avoir des chambres bon marché à Charlottenburg, l'air y est aussi meilleur, mais c'est en dehors de Berlin et c'est un quartier assez prolétaire. Au contraire, en ville l'air est atroce et les chambres terriblement chères. Mais l'un dans l'autre, je n'ai absolument rien vu à mon goût, nous continuerons à chercher demain. J'ai déjà acheté un plan de Berlin. - Je suis tout simplement épuisée et je déteste Berlin et les Allemands à un degré tel que je pourrais les tuer. On a l'air d'avoir besoin ici d'une réserve de santé et de force, très différente de ce que j'ai apportée.
Bebel est ici, ce soir je vais rencontrer Schmu[low], qui m'apprendra diverses choses et qui veut me faire connaître tout de suite Grad[nauer]. Je dois terminer ici, car nous partons. Ecris-moi à l'adresse de K[raus]. Je t'embrasse, mon amour. je t'écrirai plus longuement demain.

Ta R.

Dietz Verlag - Tome 1  de la correspondance. P 112
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23 mai 2008 5 23 /05 /mai /2008 13:06
  Lettre à Luise Kautsky


luxemburg

Chère Loulou,

Enfin une longue et douce lettre de toi après une si longue attente et tant d´anxiété ! Mille mercis pour la joie que tu me donnes, mais elle est, hélas ! très assombrie par les mauvaises nouvelles au sujet de ta pauvre jambe. Moi, j´étais convaincue que tout était fini depuis longtemps ; on (les Wurm) m´a donné des informations rassurantes quand tu étais au Tyrol et, d´habitude, une jambe cassée ça se guérit très bien, quoiqu´on souffre beaucoup ! La pensée que notre Süssmann (1) a pu en l´occurrence faire du mauvais travail me fait si peur que je n´ose l´imaginer. Chérie, c´était aussi une drôle d´idée que d´appeler Süsmann pour une jambe cassée ! Il est bon pour des coliques ou autres bobos du même genre, mais ce n´est pas un chirurgien ! Comment avez-vous pu traiter cette fracture avec tant de légèreté ? Qui te soigne à présent et quelles perspectives laisse-t-il entrevoir ? Ecris-moi tout de suite, car je suis inquiète. Et note bien ceci : je veux bien que tu me fasses concurrence à tout point de vue, sauf un : quand il s´agit de boiter. Tu es priée de me laisser l´exclusivité du « dandinement ». (Te rappelles-tu encore qui a qualifié de la sorte ma gracieuse démarche ?) Et à présent tu as en plus tant de courses à faire, et pour ma part j´y contribue ! Comme je préférerais être déjà à Friedenau pour te décharger au contraire de ces courses !

Bon : d´Arthur, (2) j´ai déjà reçu trois lettres dans lesquelles il ne cesse de me rassurer : je ne serai pas réexpédiée d´où je viens, si je rentre (personne n´avait, même en songe, imaginé pareille éventualité) ; pour le reste, il me dit attendre ma procuration, que je lui ai déjà envoyée il y a trois jours.

Sur Arcturus, je partage tout à fait tes doutes : mais pour les mêmes raisons que toi, je ne peux m´adresser en même temps à une autre étoile. Patientons donc ! Ces derniers temps je me suis tellement entraînée à cette vertu de premier bourgmestre qu´elle est devenue, pour moi une seconde nature.

J´ai reçu le paquet avec le Schiller. Merci beaucoup ! J´attends encore la série sur les syndicats (elle doit paraître en polonais sous forme de brochure). Reçu également le Vorw.[ärts] (un paquet avec choix d´articles sur la toute dernière discussion) ; j´y ai déjà farfouillé et « Plevna me donne mal au cœur » (mais ne le répète pas !)

La N.Z. n´est pas encore arrivée. L´ami Dietz (3) « prend son temps ». Envoie-moi au moins, ma chérie, les numéros contenant les articles d´Henriette et de Karl (4)

La Koll.[ontaï] (5), je ne l´ai pas vue et ne sais pas non plus son adresse ; mais j´évite autant que possible la compagnie des gens, car je suis littéralement affamée de travail. Entre autres choses j´ai là quelques chances de gagner quelques milliards, ce qui me donne le courage de te prier de régler encore mes notes chez compère le tailleur et le bienheureux Scheik (6)

Donne à Wiethölter (7) 25 M. au maximum et fais-toi établir un reçu de cette somme. (J´ai toujours procédé ainsi.) En aucun cas ne lui donne davantage, dis-lui que je vais bientôt rentrer et lui verserai moi-même le solde. Etant donné ce qui se passe à Varsovie, il devient de plus en plus difficile d´envoyer la somme assez importante qui se trouve à la banque. Je conseille à mes amis de se débrouiller quelque temps encore en empruntant, plutôt que de risquer de perdre une grosse somme au cours du transfert. Tous les financiers de Pologne expédient actuellement leur argent à l´étranger : je ne veux donc pas tenter le diable.

Imagine-toi que c´est seulement aujourd´hui que Parvus est déporté ; j´en ai reçu la nouvelle hier ; mais je ne peux plus le voir. Passez une note là-dessus dans le V.[orwärts], s´il n´en est pas déjà paru une. « Qu´ils en crèvent (8) », les Heine. Hué et toutes les autres canailles. Il y a pourtant encore un petit espoir qu´on le rappelle en cours de route, lui et quelques autres, car ils sont cités comme témoins dans le procès du « Conseil des députes ouvriers (9) » qui va s´ouvrir sous peu, et le tribunal est en train de chercher le moyen d´avoir à sa disposition ces témoins-là.

Ce que tu m´écris du petit Wurm est bouleversant (10); pauvre Karl ! Je me promets de l´aider le plus possible quand je serai de nouveau dans la campagne de Friedenau, du moins quand Wurm sera parti se reposer. Je n´ai pas la moindre idée de cette école pour propagandistes et rédacteurs (11) Qu´est-ce que c´est et qui l´a inventée ? Ecris-moi, ma chérie, dès que tu trouveras une minute. Ici il n´y a qu´une lettre qui se soit perdue et le paradis, c´est ça.

Je t´embrasse mille fois.

Ta R.

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10 mai 2008 6 10 /05 /mai /2008 21:15

L'image “http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/5d/Bloody_sunday.jpg/300px-Bloody_sunday.jpg” ne peut être affichée car elle contient des erreurs.Pendant la révolution de 1905
 
Pour lire le texte: Grève de masse, parti et syndicat : lire
Pour écouter ce chant composé pour le dimanche rouge où le tsar fit tirer sur les manifestants : écouter

Les lettre de cette période sont  impressionnantes, tant tout se fait dans un mouvement naturel. Ecrire, partir, participer à la révolution, se trouver emprisonnée, revenir en Allemagne et recommencer le travail inlassable contre une approche réformiste du combat.

Eléments de biographie - la correspondance de 1905 - 1906

... Parce qu'elle a un intérêt constant pour la Russie, du fait déjà que la Russie occupe une partie de la Pologne, qu'elle a un intérêt constant pour la révolution, et donc pour la révolution russe. Comment fin 1905, elle est appelée à participer au plus important journal social-démocrate, comment durant ces années, elle consacre le maximum de son temps au parti polonais, comment fin 1905, elle part pour participer à l'action révolutionnaire, son arrestation, sa libération provisoire, son séjour en Finlande où se trouvaient les principaux exilés russes organisant la lutte, dont Lénine, le retour en Allemagne, où elle se bat pour que le parti choisisse un chemin plus révolutionnaire, où elle explique ce qui se passe en Russie, les grèves, le mouvement de masse et l'action en 1907 contre la guerre ... (notes de travail - lieb - 1987)


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Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009