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Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

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Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
11 janvier 2010 1 11 /01 /janvier /2010 20:18


Dans l'ambiance bruyante de la fête de l'Humanité dont on distingue le brouhaha
Devant un public si nombreux que nous n'avons pas pu, nous, approcher
La lecture d'Anouk Grinberg ici restituée.


prison.jpg

écouter-voir

http://fr.kendincos.net/video-jfvpvrf-anouk-grinberg-lit-rosa-luxembourg-f-te-de-l-humanit-2009.html
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3 décembre 2009 4 03 /12 /décembre /2009 10:04

Nous faisions référence dans un article précédent à l'ouvrage publié aux Editions le temps des Cerises, "Lettres et textes choisis de Rosa Luxemburg", choix éclairé de textes réalisé par Gilbert Badia.

Eclairé! En quoi? Pourquoi?

Nous sommes aujourd'hui, avec le spectale d'Anouk Grinberg à partir de la correspondance de Rosa Luxemburg, en pleine actualité "luxemburgienne". L'on pourrait s'en réjouir. Et en effet donner accès à plus de personnes aux écrits de Rosa Luxemburg est important. Peut-être certains iront-ils plus loin et sauront se dégager d'une image soft  et trop souvent publicitaire  de Rosa Luxemburg? Car il est vrai que la correspondance est d'une telle richesse d'expression, de sensibilité, d'écriture tout simplement, que tous ceux qui la découvrent, ne peuvent être qu'émus, enthousiasmés, emportés.


Le petit bout de la lorgnette


Pourtant et ce n'est jamais un hasard, c'est toujours par un petit bout de la lorgnette, par un aspect émotionnel que l'on transmet l'image de Rosa Luxemburg. Le film de   Margarethe von Trotta, les publications successives de la correspondance, son assassinat, son intérêt pour la nature, l'art, ses emprisonnements, le spartakisme et jusqu'à sa mort assassinée, autant d'éléments incontournables de ce que l'on peut dire d'elle, mais aussi autant de pièges qui risquent de masquer l'essentiel, ce qui est le lien de tout, sa pensée et son action politique.


Le piège du produit d'appel


L'ouvrage de la Commune tente de réaliser ce lien par les choix.effectués. Même s'il n'évite pas totalement le piège du produit d'appel: ainsi est-il significatif que le titre mette en grand le terme "lettres" et en beaucoup plus petit celui de  "textes" et que l'ouvrage commence par les lettres en particulier celles centrées sur la relation à Leo Jogiches, sur la nature ou la prison. Cependant, iI s'attache ensuite à établir un lien étroit entre correspondance et écrits en regroupant des textes essentiels sur des thèmes et apports majeurs de Rosa Luxemburg: "tactique" politique, nationalisme, guerre et impérialisme, ce qui permet à ceux qui sont attirés par les lettres d'avoir ensuite accès à des textes et thématiques réellement significatives.


Une correspondance qui accompagne une pensée, une action

La correspondance de Rosa Luxemburg est unique, mais elle est unique par ce qu'elle accompagne une pensée, une action, et parce que l'on peut voir combien cette pensée, cette action sont l'expression d'une personnalité riche et sensible. Mais peut-il en être vraiment autrement alors que cette pensée s'est traduite constamment en actes aussi cohérents et de rupture, que sa participation aux événements révolutionnaires, à la lutte contre la guerre, sa vue différenciée sur la question nationale.


Une correspondance souvent mal comprise, souvent récupérée

La correspondance de Rosa Luxemburg est le témoignage unique d'une personnalité politique unique, loin du réformisme social-démocrate mais  aussi d'un spontanéisme révolutionnaire, anti-organisationnel. C'est pourtant souvent au nom d'une vision réformiste ou romantique que l'on s'appuie sur la correspondance. C'est enlever à celle-ci son caractère essentiel: la transmission d'une réflexion qui aujourd'hui encore est non seulement utile mais indispensable pour comprendre comment et pourquoi nous engager politiquement.


comprendre-avec-rosa-luxemburg
le 25.10.2009
comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com


Lettres choisies
Rosa Luxembourg
Essai - Communisme - Petite Collection Rouge
ISBN : 2-84109-638-6 - 126 pages - Format : 110 x 195
Paru le 10-10-2006 - Disponible
15 €
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14 septembre 2009 1 14 /09 /septembre /2009 11:48

"toute l'histoire de la civilisation de l'humanité ... repose sur "le pouvoir de décision de certains êtres humains sur d'autres", pouvoir qui plonge de profondes racines dans les conditions matérielles d'existence"

Lettre à Sonia Liebknecht, 23 mai 1917

... Ma petite Sonia, cela vous irrite de me voir si longtemps détenue et vous demandez  "Comment se peut-il que des êtres humains puissent décider du sort des autres êtres humains? A quoi bon tout cela?" Excusez-moi ma chérie, mais en lisant ces mots, j'ai éclaté de rire. Dans les frères Karamazov de Dostoïevski, il y a un personnage, Madame Choklabova, qui pose ce genre de question tout en interrogeant les personnes assemblées, mais qui, avant que l'une ait tenté de répondre, était déjà passée à un autre sujet. Mon petit oiseau, toute l'histoire de la civilisation de l'humanité, qui, selon mes modestes estimations, compte quelque vingt mille ans, repose sur "le pouvoir de décision de certains êtres humains sur d'autres", pouvoir qui plonge de profondes racines dans les conditions matérielles d'existence. Seule une douloureuse évolution ultérieure pourra changer cela  et nous sommes justement les témoins d'une de ces phases extrêmement douloureuses. Vous demandez "A quoi bon tout cela?" La notion "d'à quoi bon?" n'est pas une notion utilisable pour les formes de la vie dans son ensemble "A quoi bon" y a-t-il des mésanges bleues sur terre? Je n'en sais vraiment rien, mais je suis heureuse qu'il y en ait et quand me parvient de loin par dessus les murs de ma prison un rapide "tsi-tsi-bé!",  c'est pour moi une douce consolation.
Au reste, petite Sonia, vous exagérez ma "sérénité". Il suffit hélas du plus petit nuage qui passe sur moi, pour que c'en soit fait de mon équilibre intérieur et de ma béatitude. J'éprouve alors une souffrance indicible, simplement j'ai cette particularité dans ce cas-là de rester muette. Littéralement, petite Sonia, pas un mot ne peut sortir de ma bouche ...

Cette lettre est à lire dans le choix  très pertinent de lettres de Rosa Luxemburg rassemblées par Gilbert Badia, et disponible aux Editions "Le temps des cerises". Pertinent, car il ne tire pas Rosa Luxemburg vers tel ou tel aspect de sa personnalité et de ses engagements. Ce qui semble difficile et rare, au vu de toutes les récupérations passées et actuelles.
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17 juillet 2009 5 17 /07 /juillet /2009 20:26

Luise Kautsky, a rédigé des souvenirs de son amitié avec Rosa Luxemburg. Préfacé par Bracke à l'époque, l'ouvrage a été repris aux éditions spartacus.
C'est un livre précieux, qui donne bien entendu un éclairage particulier, comme toute biographie ou livre de souvenirs - toujours intimement lié à la personnalité de celui qui écrit -, mais qui permet pour une fois aussi de donner l'éclairage inverse de celui que nous avons par la correspondance. Car la plupart des lettres écrites à Rosa Luxemburg ayant disparu, ne restent donc que ses propres courriers. La voix de ses correspondants s'est tue.
De même, cet ouvrage de Luise Kautsky permet de mieux connaître certains de ses correspondants, ainsi Hans Diefenbach auquel le blog consacrera un article, pacifiste, militant et ami, qui mourra au front en 1917, autre victime du ralliement du mouvement ouvrier à la guerre! 
De cet ouvrage de Luise Kautsky, "Mon amie Rosa Luxemburg", nous proposons un passage qui reprend un extrait de l'introduction au livre de Vladimir Korolenko

File:W.Korolenko.png
Wladimir Korolenko

"L'histoire de mon contemporain"*. Il s'a
git là de Tourguéniev. Elle a traduit cet ouvrage alors qu'elle était emprisonnée.
Et l'on sent bien que tout en parlant d'un autre, c'est bien de ce qu'elle a pu vivre elle-même, dont elle témoigne:

"Tourgueniev raconte occasionnellement que pour la première fois dans un endroit proche de Berlin, il a goûté consciemment les trilles de l'alouette. Cette remarque faite en passant m'apparaît comme très caractéristique. Les alouettes ne chantent pas moins bien en Russie qu'en Allemagne. L'immense empire russe cache des beautés naturelles si nombreuses et si variées qu'une âme sensible et poétique trouve à chaque moment l'occasion de s'abandonner entièrement à son sentiment d'amour de la nature. Mais ce qui empêchait un Tourgueniev de jouir sans réserve des charmes de la nature de son propre pays, c'était précisément le navrant manque d'harmonie existant dans les rapports sociaux, l'accablant sentiment sans cesse perçu de sa personnalité pour les criantes conditions sociales et politiques, sentiment qu'on ne pouvait chasser et qui, pénétrant au plus profond de l'être, ne vous laissait pas un moment d'oubli complet de soi-même. A l'étranger seulement, quand il avait laissé derrière lui les milliers d'images accablantes de son pays, en présence d'autres rapports sociaux dont l'aspect extérieur ordonné et la culture matérielle en imposaient naïvement depuis toujours au Russe, un poète russe pouvait sans souci s'abandonner de tout coeur à la joie d'aimer la nature".


[* Wladimir Korolenko, L'histoire de mon contemporain. Traduction et introduction de Rosa Luxemburg (2 volumes, Laub, Berlin).]

Paru dans : Louise Kautsky, Mon amie, Rosa Luxembourg, SPARTACUS, 1969, P28.
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17 juillet 2009 5 17 /07 /juillet /2009 19:36
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"Lorsque Rosa Luxemburg eut fini ses études et après que l'admission de sa thèse sur le "Développement industriel de la Pologne" lui eut conféré le grade de docteur Juris et rerum cameliarum, elle quitta la Suisse et se rendit à Paris pour élargir ses connaissances et y étudier sur les lieux les conditions politique et la situation du parti. Elle entra en relation étroites avec Guesdes, Vaillant, Allemane et l'émigration qui se trouvait à Paris. Le tempérament des Français correspondaient tout particulièrement au sien. Elle se sentait très bien en France et elle resta fidèle toute sa vie aux amitiés qu'elle y noua. Elle avait une vénération particulière pour le plus vieux militant du mouvement ouvrier Edouard Vaillant. (*)

Son séjour à Paris étendit extraordinairement son horizon. Venue de l'Orient, elle sympathisa de plus en plus avec l'Occident, et ces deux civilisations lui seront familières. Varsovie-Zurich-Paris: c'était déjà une base excellente pour l'internationalisme de Rosa. Mais elle était attirée particulièrement vers le mouvement ouvrier allemand qui venait précisément de prendre un développement considérable après l'abrogation de la loi anti-socialiste de Bismarck...

(*) Sur sa mort, voir le N°76 du 27 décembre 1915 de Lettre à Karl et Louise Kautsky. Rosa m'écrit : "La mort de Vaillant m'a profondément saisie. Tu te souviens certainement que j'étais liée personnellement avec lui, plus même qu'avec Guesde. J'ai vénéré le "vieux" profondément et sincèrement, et en dépit de tout je conserve ce sentiment intact".

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11 juillet 2009 6 11 /07 /juillet /2009 17:54

Cette lettre est l'une des plus importantes de Rosa Luxemburg à Leo Jogiches. Elle témoigne des relations qui seront celles de toute une vie entre ces deux militants.

Lire ces lettres posent deux grands types de problèmes:
. L'intrusion dans la vie de ces deux militants car ces courriers n'avaient aucune vocation à être lus par d'autres. Cette intrusion, avons-nous vraiment le droit de nous la permettre?
. L'utilisation, par beaucoup, de ses lettres pour insister sur le caractère si humain de Rosa Luxemburg - sous-entendu si inhumains d'autres militants. Et cela est un total dévoiement. Car il y a bien une seule et même logique dans la vie de Rosa Luxemburg qu'elle s'exprime dans ses grands textes politiques, dans son action, dans ses lettres.

Ces problèmes sont réels, et nous avons à y réfléchir. Cependant la correspondance de Rosa Luxemburg et en particulier cette lettre sont aussi le témoignage, que nous pouvons tous ressentir, de la tension entre vie personnelle et vie politique. Entre la nécessité qui nous fait agir politiquement et les sentiments qui nous animent. En cela, elle sont un enseignement pour chacun. D'autre part, la complexité des relations entre Rosa Luxemburg et Leo Jogiches ne les a en rien empêchés de mener un combat constant, en commun, de la lutte sur la question nationale polonaise en cette année 1894 à leur mort, assassinés, à quelques semaines d'intervalles en 1919.


Extrait d'une lettre de Rosa Luxemburg à Leo Jogiches.

Sans date. D'après la teneur: Paris 24 mars 1894. Dimanche, 3 [heures] et demie.

Mon chéri, j'étais déjà furieuse, j'ai quelques vilaines choses à te reprocher. J'étais déjà si fâchée que j'avais l'intention de ne plus t'écrire jusqu'au départ. Mais le sentiment a pris le dessus. Voici ce que je te reproche


1) Tes lettres ne contiennent rien, mais rien, si ce n'est [ce qui concerne] La Cause ouvrière, des critiques de ce que j'ai fait et des indications sur ce que j'ai à faire. Si tu me dis, indigné, que tu m'écris pourtant dans chaque lettre un tas de mots gentils, je te répondrai que les mots tendres ne me suffisent pas, que je t'en dispenserai même plus facilement que d'une nouvelle, quelle qu'elle soit, te concernant personnellement. Pas un mot! Seules nous unissent la cause et la tradition des anciens sentiments. C'est très douloureux. Je l'ai vu clairement ici. Quand, exténuée par la sempiternelle cause, je m'asseyais pour souffler un peu, je me mettais à penser à ce qui m'entoure et je prenais conscience que je ne possède aucun coin à moi, que je n'existe nulle part et que je ne vis pas en tant que moi. A Zurich, même réaction et encore plus pénible. Je sentais que je n'avais pas plus envie de revenir à Zurich que de rester ici. Ne me dis pas que je suis incapable de supporter un effort soutenu, que c'est le besoin de repos qui parle.Que non, je peux endurer deux fois plus, ce qui me fatigue et me lasse, c'est d'entendre partout, de quelque côté que je me tourne, le seul et même mot La Cause. A quoi sert que les autres m'en bourrent le crâne, alors que je suis la première à penser à La cause et à m'en occuper. Ce qui m'agace, c'est que chaque lettre que je reçois des autres ou de toi, rabâche la même chose - le numéro, la brochure, cet article-ci, cet article-là. Toute ceci serait parfait si, à côté de cela, l'homme perçait un peu, l'âme, l'individu. Mais, chez toi, rien, rien à part ça. Pendant ce temps, tu n'as donc ressenti aucune émotion, tu n'as eu aucune pensée, tu n'as rien lu, tu n'as rien vécu que tu puisses partager avec moi?! Tu veux peut-être me poser les mêmes questions? Oh, moi, au contraire, j'ai à chaque pas, malgré La Cause, une masse d'impressions et de pensées - mais je n'ai personne avec qui partager! Toi? Je m'estime trop pour le faire. Il me serait de loin plus facile de les partager avec Heinrich, Mitek [Hartmann], Adolf, mais hélas je ne les aime pas, je n'en ai donc pas envie. Toi, par contre, je t'aime, mais - à cause de tout ce que j'ai écrit ci-dessus ... Ce n'est pas vrai que l'époque est maintenant si agitée et le travail si urgent: quand existe un certain genre de rapports - on a toujours quelque chose à dire et un instant pour écrire. Vois par exemple, et c'est mon reproche n°2. Supposons que tu ne vives maintenant que pour notre cause et la tienne. Or, en ce qui concerne cette affaire russe, m'as-tu écrit un seul mot à son sujet? Que se passe-t-il, qu'imprime-t-on, quoi de neuf quant aux types de Zurich? Tu n'as pas trouvé utile de m'écrire quoi que ce soit à ce sujet. Je sais qu'il ne s'est rien passé de particulier là-bas, mais justement, avec ses proches, on parle aussi de petits riens. Tu considères qu'il me suffit de gribouiller pour La Cause et de me conformer à ton modeste avis.

Dans Lettres à Léon Jogichès - Collection femmes - Rosa Luxemburg - Denoël Gonthier - P65/66
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10 juin 2009 3 10 /06 /juin /2009 07:48
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Rosa Luxemburg est arrivée le 11 mars 1894 à Paris. Elle avait pour tâche de s'occuper de la parution du journal la "Sprawa Robotnicza". Ses deux lettres écrites le jour de son arrivée à Paris sont caractéristiques de la correspondance. Adressées à son camarade et ami, Leo Jogiches, elles mêlent des éléments tout à fait personnels et les indications politiques. Elles représentent alors une source essentielle pour comprendre les mouvements auxquels elle a pu participer. On peut aussi recueillir de précieuses indications sur l'action politique de nombreux militants de l'époque, ici les militants  du mouvement ouvrier polonais.


Son arrivée

 

Lettre à Leo Jogiches
Paris, le 11 mars 1894

Je suis arrivée aujourd'hui à 10 heures. Je suis fatiguée, mais ça va. Les Jadzios* partent et je vais me coucher. J'ai déjà une chambre - pas mal et pas loin, au quatrième étage pour  30 F (avec service). Je me mets dès aujourd'hui au travail, dès que j'aurai fini de dormir. Je donne cette carte à Adolf pour qu'il la mette à la boîte.

Une cordiale poignée de main. J'écrirai une lettre dès aujourd'hui.


R.

* Il s'agit d'Adolf et Jadwiga Warski.

(Dans Correspondance - Tome 1 - Chez Dietz Verlag - 1982 - P 14)
Traduction lieb


Lettre à Leo Jogiches
Paris, le 11 mars 1894 - Dimanche

Mon très cher, mon aimé

Enfin, je peux t'écrire. Il est maintenant 11 heures du soir. Je viens juste de revenir de chez Adolf [Warski], et je suis dans ma petite chambre au 5 ème étage. Cette petite chambre est pas mal pour les conditions locales. Mais c'est secondaire. En fait je voulais seulement t'écrire et écrire à ton propos, mais je perds la tête tellement je suis fatiguée. Tu le verras certainement à plusieurs reprises dans cette lettre.


Mon trésor, mon aimé, mon Dyodyo! Que fais-tu maintenant? Tu es certainement couché, la lampe à côté de toi sur la petite table et tu lis ou tu prends des notes et laisse monter des volutes de fumée. Mon aimé. Quand vais-je te revoir? Cela me manque tant, que mon âme se languit! Sais- tu  mon aimé, il est bientôt minuit, mais en bas on entend tout autour bruit, cris, appels des vendeurs de journaux - comme en plein midi.


Ce que j'ai fait aujourd'hui? Rien. J'ai dormi environ trois heures. Puis, Morek [Warszawski] et un ouvrier, un Polonais, sont arrivés chez Adolf. Je n'ai donc rien pu faire. De toute façon, j'avais tant de bruit dans la tête que je n'étais capable de rien. Ah, mon très cher, si seulement je t'avais maintenant avec moi! Bon, plus tard, nous sommes allés en tramway au Bois de Boulogne et retour. J'ai vu le Trocadero, la Tour Eiffel et le Grand Opéra. Et combien de jolies femmes, il y a ici! En fait, elles sont toutes belles ou le paraissent du moins. Non, il n'est pas question que tu viennes ici! Tu restes à Zurich!


Tu me demandes comment se sont passées les retrouvailles avec Adolf et son épouse? Très bien. Nous n'avons encore parlé de rien. Mais pour ce qui doit paraître prochainement, il a prodigué ses conseils etc. Il m'a demandé, si j'allais publier sa lettre sur Kasprz[ak] et l'article sur les artisans. Il prétend, ne pas avoir écrit qu'il ne le souhaitait pas. En un mot, c'est toujours la même chose.


Maintenant, passons aux affaires. Mon trésor! Imagine qu'il manque quatre colonnes pour le numéro 4! Et je ne sais vraiment pas quoi faire. Vois-tu, malheureusement, je n'ai pas pris avec moi l'article de Julek. Mais jusqu'à ce que tu reçoives cette lettre - il faudra deux jours, pour qu'il fasse les corrections et que tu me l'envoies - encore deux jours, pour que Reiff l'imprime - un jour, cela fait au minimum 5 jours! Donc, je me décide pour ce qui suit: demain, je vais voir Reiff et vois avec lui. S'il a les caractères pour la brochure de mai sans désorganiser complètement l'impression du journal, j'attends pour le journal et je lui fais faire la brochure (deux parties). mais s'il n'en a pas, je te télégraphie pour l'article de Julek, je le vérifie moi-même et je l'intègre. Voilà, Mon cher!

Je suis épuisée et nerveuse. Je n'en peux plus.

Je t'embrasse Dziodzio,

Dziodziu, as-tu déjà demandé les articles à K[ritschewski] et G[eldfang] Surtout auprès de K[ritschewski] ! Il faut qu'il se dépèche et aussi Julek, mais il doivent être aussi brefs que possible, car je voudrais garder une colonne pour de petites notices du français.

Flora Wislicka m'a informée que dans les prochain jours, il y a aura les jugement concernant les "Anciens". Entre-temp, Bolek [Debinski] a été informé que Lopek [Bein] a été de nouveau arrêté.

Mon adresse: 7 rue du Faubourg Saint-Denis, Chambre 11.

Envoie-moi la robe marron (et le jupon) à temps, je dois me rendre le 18 mars à un banquet chez les Français.

(Dans Correspondance - Tome 1 - Chez Dietz Verlag - 1982 - P 14/P16)
Traduction lieb


Quelques indications historiques:

En 1893, Rosa Luxemburg ont créé avec d'autres militants polonais un parti, la Social-démocratie du Royaume de Pologne (SDKP). Ils s'opposaient au Parti socialiste polonais (PPS) fondé en 1892. Le SDKP était antinationaliste, se battait sur des bases de classes.
L'organe du parti s'appelait La Cause ouvrière (Sprawa Robotnicza). C'est dans un premier temps pour s'occuper du journal que Rosa Luxemburg s'installa en partie à Paris entre 1894 et 1896 (elle allait faire la navette régulièrement entre la Suisse et la France et séjourna aussi à Paris pour rassembler des documents pour son doctorat).  Elle en devint le rédacteur en chef et le principal journaliste.

sur geocities
En 1900, le SDKP forma avec les sociaux-démocrates lituaniens, la SDKPiL.
C'est pour tenter d'imposer la reconnaissance de la SDKP au sein de la Seconde Internationale, que Rosa Luxemburg fit sa première apparition publique en août 1893 au Congrès de Zurich. Son mandat ne fut pas validé.  Le parti fut admis cependant dès le congrès suivant à Londres en 1896
Il comptait environ 200 membres. En 1896, des arrestations eurent lieu et le journal dut s'arrêter
On voit dans ces courriers apparaître les noms de militants polonais du parti, en particulier les Warski, qui habitaient alors Paris.
http://www.geocities.com/kunicki1886/6warski.jpg
Adolf Warski (wikipedia - geocities)

(Certaines des indications sont reprises de la biographie de Rosa Luxemburg de Elzbieta Ettinger)
.
20 mai 2009



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9 juin 2009 2 09 /06 /juin /2009 20:32


Article le 17 janvier 1995 dans l'Humanité.

 

Ecrits révélateurs du meurtrier de Liebknecht et de Rosa Luxemburg

Le 15 janvier 1919, à Berlin, l’assassinat de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg portait un dernier coup mortel aux soulèvements révolutionnaires qui, depuis plusieurs semaines, embrasaient l’Allemagne. Des documents inconnus jusqu’ici, et qui viennent d’être publiés, précisent les conditions dans lesquelles le double crime a été perpétré.

L’HOMME qui prit les dernières dispositions en vue du meurtre de Karl et de Rosa, un certain commandant Waldemar Pabst, siégeait alors à l’hôtel Eden, à Berlin, où était installé l’état-major de la division de cavalerie de la garde. Des extraits des Mémoires qu’il avait entrepris d’écrire sont maintenant révélés. La rédaction de cette autobiographie resta inachevée, Pabst étant mort en 1970, à l’âge de quatre-vingt-neuf ans. Dans les fragments connus aujourd’hui (1), Waldemar Pabst rapporte qu’il avait agi sur l’injonction directe du personnage qui, en janvier 1919, commandait les troupes gouvernementales allemandes, le dirigeant social-démocrate Gustav Noske.

 

S’adressant à Pabst, Noske lui avait en effet clairement demandé d’intervenir contre Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. « Il faut que quelqu’un mette enfin ces fauteurs de troubles hors d’état de nuire », s’était-il écrié.

Waldemar Pabst fit alors appréhender Karl et Rosa. Ils lui furent livrés à l’hôtel Eden. Pabst écrit : « Je me retirai dans mon bureau pour réfléchir à la façon de les exécuter. Qu’il faille les tuer, ni M. Noske ni moi-même n’en avions le moindre doute ».

 

Pabst appela Noske au téléphone pour le consulter. « S’il vous plaît, donnez moi des ordres m’indiquant comment procéder. »

 

« Comment ? » répondit Noske. « Ce n’est pas mon affaire. C’est au général (probablement von Lüttwitz) de le dire ; ce sont ses prisonniers ».

 

Selon un autre témoignage (2), Pabst aurait objecté qu’il n’obtiendrait rien de von Lüttwitz. Et Noske aurait conclu : « Alors, à vous de prendre la responsabilité de ce qu’il faut faire ».

 

Un second document, inédit jusqu’ici, est une lettre que Waldemar Pabst avait écrite à l’éditeur Heinrich Seewald, qui était intéressé à l’éventuelle publication des Mémoires du commandant. On y lit : « Si j’ouvre la bouche après m’être tu pendant cinquante ans, ça va faire un raffut destructeur pour le parti social-démocrate. »

 

Dès leur arrivée à l’hôtel Eden, Karl et Rosa y avaient été accueillis par des hurlements injurieux et par des brutalités. Des coups de crosse de fusil avaient blessé Karl au visage et il saignait abondamment.


Deux commandos d’exécution

 

Après sa communication téléphonique avec Gustav Noske, Pabst rassembla parmi ses hommes deux commandos de tueurs. Liebknecht fut remis entre les mains du premier que commandait le lieutenant Pflugk-Hartung. Le second, qui était aux ordres du lieutenant Vogel, prit en charge Rosa. A quelques minutes d’intervalle, deux voitures enlevèrent les deux prisonniers et se dirigèrent vers le bois du Tiergarten.

 

La première s’arrêta bientôt. Karl fut sommé d’en descendre. Il fut abattu d’une balle dans la nuque. Son corps fut ensuite transporté à la morgue, où on le fit admettre sous la mention : « Cadavre d’un inconnu ».

 

Quant à Rosa, dès le départ de l’hôtel Eden, un coup de feu lui perfora la tempe. Au pont de Lichtenstein, elle fut jetée dans le Landwehrkanal. Son corps ne fut repêché que plusieurs mois plus tard, et l’autopsie ne permit pas de dire si les brutalités, le coup de feu ou la noyade furent la cause du décès.

 

Les assassins ne furent pratiquement pas inquiétés. Six d’entre eux eurent seulement à comparaître devant un tribunal composé d’officiers prussiens qui acceptèrent sans difficulté la version selon laquelle Karl Liebknecht aurait été tué « au cours d’une tentative de fuite », et Rosa, victime d’un « septième homme » inconnu.

Gustav Noske qui, entre-temps avait été nommé ministre de la Reichswehr, n’avait plus rien à redouter d’une « enquête » ainsi bâclée.


Le chien sanguinaire

 

Qu’il ait fallu mettre au compte de Noske l’effroyable répression opposée à la révolution allemande de 1918, nul n’en pouvait douter. Il avait déclaré lui-même à l’époque : « Il faut que quelqu’un soit le chien sanguinaire, et je n’ai pas peur de cette responsabilité. »

 

Le dernier article de Karl Liebknecht, écrit quelques heures avant sa mort et intitulé « Malgré tout », accusait d’ailleurs explicitement Noske. Karl écrivait : « La bourgeoisie française a fourni les bourreaux de 1848 et de 1871. La bourgeoisie allemande n’a pas à se salir les mains ; les sociaux-démocrates accomplissent sa sale besogne ; son Cavaignac, son Gallifet s’appelle Noske. »

 

Les nouveaux documents rendus publics établissent sans aucun doute possible que Noske aura été l’instigateur direct du meurtre de Karl et de Rosa. Un crime déterminant pour l’orientation politique ultérieure de l’Allemagne et les effroyables tragédies qui devaient en résulter dans le monde.

 

(1) Publiés par l’hebdomadaire allemand « Stern » du 12 janvier 1995.

(2) Rapporté dans un livre de Klaus Gietinger, « Eine Leiche im Landwehrkanal », paru en janvier 1993, aux éditions L. Dekaton, à Mayence.

YVES MOREAU


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31 mai 2009 7 31 /05 /mai /2009 20:16

Lettre "banale", lettre habituelle en fait dans la correspondance de Rosa Luxemburg. On la voit au travail avec énergie et détermination. Arrivée de la veille, elle a déjà contacté l'imprimeur, tenté de régler les mille problèmes que pose la réalisation d'un journal.

Combien de militants cependant se retrouveront dans ces notes jetées au quotidien!

2 ème jour à Paris donc: Rosa Luxemburg travaille activement à ce pour quoi elle est venue: la parution de la Sprawa Robotnicza. L'éditeur Reiff qu'elle évoque est l'un des plus importants de Paris. (On trouve encore aujourd'hui de nombreux ouvrages qu'il a imprimés). C'est donc, pour le journal de ce nouveau parti, un point important. La brochure sur le 1er mai dont elle parle dans le courrier l'est aussi. Rosa Luxemburg a écrit un article sur le 1er mai largement disponible sur le net et que l'on peut lire sur le blog.


Leo Jogiches
Paris, 12 mars 1894
Lundi, 2 heures

Mon amour, j'étais chez Reiff. Ils ne commenceront la brochure que dans deux jours. Il n'a pas été possible de négocier autre chose, car il a énormément de travail. En attendant, je vais la relire avec soin, et elle sera ensuite terminée en l'espace d'une journée. Concernant le numéro du journal, j'ai changé de décision. Cela durera trop longtemps jusqu'à ce que tu m'aies envoyé l'article de Julek [Marchlewski] et gênerait la réalisation de la brochure. Aussi, je vais lui dire de réduire de deux colonnes (il en manque quatre actuellement), le numéro sortira donc avec un quart de feuillet en moins, mais cela ne fait rien. Dans ce but, je lui demande d'enlever de l'éditorial ..
Dépêchez vous d'adresser les articles de mars et d'avril.
J'ai reçu ta lettre. Pour Brz[ezina}, c'est une affaire désagréable et je ne comprends pas du tout comment il a fait. D'autre part, je ne sais pas si tu as bien télégraphié: Sz. et non Gr.So? Alors ça va. Je vais t'écrire encore aujourd'hui. Mon amour, reste en bonne santé. Je vais me mettre maintenant aux corrections. Je modifie tout comme tu le souhaites, mon cher Dyodyo.
 
7, Faubourg S-Denis, chambre 11


Biographe sur le site smolny de Julian Marchlewski

MARCHLEWSKI Julian, dit Karski ou Johannes Kämpfer ( 1866 - 1925 )
Social-démocrate puis communiste polonais

24 août 2006 par jo

Militant clandestin dès 1888 (au sein de Proletariat), il participe à la fondation du parti social-démocrate polonais avec Rosa Luxemburg et Jogiches, puis se fixe en Allemagne en 1893. Membre du noyau spartakiste, emprisonné de 1916 à 1918, puis échangé contre des prisonniers de guerre allemands. En Pologne, il est un des dirigeants du PC. Fixé à Moscou, il va diriger le Secours ouvrier international.


A proposde l'imprimeur A. Reiff


Voir 100 ans de presse anarchiste: imprimeurs, Reiff
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21 mars 2009 6 21 /03 /mars /2009 10:12
lire aussi sur le blog : Leo Jogiches: un combat commun avec Rosa Luxemburg
lire aussi sur le blog: note sur leo Jogiches

Autour du juillet 1900

Très cher! Comme j'ai besoin de toi! Comme nous avons besoin l'un de l'autre! Aucun autre couple n'a autant que nous, pour devoir, de se façonner l'un l'autre dans la vie! Je le sens à chaque pas et ressens d'autant plus douloureusement notre séparation. Tous les deux nous continuons à "vivre" intérieurement, c'est-à-dire que nous changeons, grandissons, ce qui engendre une constante inadéquation intérieure, un déséquilibre, une dysharmonie des parties de l'âme avec d'autres, et il faut chaque fois procéder à une révision intérieure, ramener l'ordre et l'harmonie. Nous avons donc toujours quelque chose à faire avec nous-mêmes, mais sans perdre, à aucun moment la mesure générale des choses que sont à mon avis: l'utilité de la vie extérieure, l'acte positif, l'activité créatrice; le tout, pour ne pas s'enfoncer dans la consommation spirituelle et la digestion. Pour cela, il faut le contrôle d'un autre être, d'un être proche, qui comprenne tout, mais qui demeure au-dehors de ce "moi" cherchant l'harmonie. Je doute fort que tu y comprennes grand-chose, car cela ressemble à une série de signes algébriques. Tout ça n'est pourtant que la centième partie de la chaîne de pensées et de sentiments qu'un incident très douloureux a éveillé en moi. La vénérable rédaction de la L(eipziger) V(olkszeitung) m'a renvoyé un article (d'une teneur neutre : sur la guerre en Chine) avec un supplément polit qui met fin à ma collaboration.

Que cela dût se produire tôt ou tard, je le savais, connaissant trop bien Schönlank, dès que nos rapports personnels ont été rompus. La cause directe a sûrement été la longue interruption dans ma collaboration, bien que je l'aie expliquée par une maladie. Il était déjà évident pour moi que mes rapports avec la rédaction ne dureraient plus longtemps dans ces conditions. De toute manière, je n'aurais pas réussi à y publier un papier exprimant une orientation; exemple: cet article sur l'obstruction, qui était deux fois plus pâle et modéré quand je l'ai envoyé à la LV. Le fait accompli m'a pourtant fait très mal. Tu en jugeras toi-même, bien que je m'attende de ta part à une exagération pessimiste. Outre la question politique, je me heurte à la question matérielle, comment et où gagner (de l'argent)? Mais ne perdons pas la tête, ni notre sang-froid, des malheurs plus graves se produisent dans la vie et dans l'activité politique. Je t'embrasse des centaines de fois.


Ta R.

Publié dans Lettres à Léo Jogiches - Chez Denoël 1971

(sur le blog, le 6 mars 2009)
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Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009