Rosa Luxemburg à Paris au travers de sa correspondance (son arrivée)
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Rosa Luxemburg est arrivée le 11 mars 1894 à Paris. Elle avait pour tâche de s'occuper de la parution du journal la "Sprawa Robotnicza". Ses deux lettres écrites le jour de son arrivée à Paris sont caractéristiques de la correspondance. Adressées à son camarade et ami, Leo Jogiches, elles mêlent des éléments tout à fait personnels et les indications politiques. Elles représentent alors une source essentielle pour comprendre les mouvements auxquels elle a pu participer. On peut aussi recueillir de précieuses indications sur l'action politique de nombreux militants de l'époque, ici les militants du mouvement ouvrier polonais.
Son arrivée
Lettre à Leo Jogiches
Paris, le 11 mars 1894
Je suis arrivée aujourd'hui à 10 heures. Je suis fatiguée, mais ça va. Les Jadzios* partent et je vais me coucher. J'ai déjà une chambre - pas mal et pas loin, au quatrième étage pour 30 F (avec service). Je me mets dès aujourd'hui au travail, dès que j'aurai fini de dormir. Je donne cette carte à Adolf pour qu'il la mette à la boîte.
Une cordiale poignée de main. J'écrirai une lettre dès aujourd'hui.
R.
* Il s'agit d'Adolf et Jadwiga Warski.
(Dans Correspondance - Tome 1 - Chez Dietz Verlag - 1982 - P 14)
Traduction lieb
Lettre à Leo Jogiches
Paris, le 11 mars 1894 - Dimanche
Mon très cher, mon aimé
Enfin, je peux t'écrire. Il est maintenant 11 heures du soir. Je viens juste de revenir de chez Adolf [Warski], et je suis dans ma petite chambre au 5 ème étage. Cette petite chambre est pas mal pour les conditions locales. Mais c'est secondaire. En fait je voulais seulement t'écrire et écrire à ton propos, mais je perds la tête tellement je suis fatiguée. Tu le verras certainement à plusieurs reprises dans cette lettre.
Mon trésor, mon aimé, mon Dyodyo! Que fais-tu maintenant? Tu es certainement couché, la lampe à côté de toi sur la petite table et tu lis ou tu prends des notes et laisse monter des volutes de fumée. Mon aimé. Quand vais-je te revoir? Cela me manque tant, que mon âme se languit! Sais- tu mon aimé, il est bientôt minuit, mais en bas on entend tout autour bruit, cris, appels des vendeurs de journaux - comme en plein midi.
Ce que j'ai fait aujourd'hui? Rien. J'ai dormi environ trois heures. Puis, Morek [Warszawski] et un ouvrier, un Polonais, sont arrivés chez Adolf. Je n'ai donc rien pu faire. De toute façon, j'avais tant de bruit dans la tête que je n'étais capable de rien. Ah, mon très cher, si seulement je t'avais maintenant avec moi! Bon, plus tard, nous sommes allés en tramway au Bois de Boulogne et retour. J'ai vu le Trocadero, la Tour Eiffel et le Grand Opéra. Et combien de jolies femmes, il y a ici! En fait, elles sont toutes belles ou le paraissent du moins. Non, il n'est pas question que tu viennes ici! Tu restes à Zurich!
Tu me demandes comment se sont passées les retrouvailles avec Adolf et son épouse? Très bien. Nous n'avons encore parlé de rien. Mais pour ce qui doit paraître prochainement, il a prodigué ses conseils etc. Il m'a demandé, si j'allais publier sa lettre sur Kasprz[ak] et l'article sur les artisans. Il prétend, ne pas avoir écrit qu'il ne le souhaitait pas. En un mot, c'est toujours la même chose.
Maintenant, passons aux affaires. Mon trésor! Imagine qu'il manque quatre colonnes pour le numéro 4! Et je ne sais vraiment pas quoi faire. Vois-tu, malheureusement, je n'ai pas pris avec moi l'article de Julek. Mais jusqu'à ce que tu reçoives cette lettre - il faudra deux jours, pour qu'il fasse les corrections et que tu me l'envoies - encore deux jours, pour que Reiff l'imprime - un jour, cela fait au minimum 5 jours! Donc, je me décide pour ce qui suit: demain, je vais voir Reiff et vois avec lui. S'il a les caractères pour la brochure de mai sans désorganiser complètement l'impression du journal, j'attends pour le journal et je lui fais faire la brochure (deux parties). mais s'il n'en a pas, je te télégraphie pour l'article de Julek, je le vérifie moi-même et je l'intègre. Voilà, Mon cher!
Je suis épuisée et nerveuse. Je n'en peux plus.
Je t'embrasse Dziodzio,
Dziodziu, as-tu déjà demandé les articles à K[ritschewski] et G[eldfang] Surtout auprès de K[ritschewski] ! Il faut qu'il se dépèche et aussi Julek, mais il doivent être aussi brefs que possible, car je voudrais garder une colonne pour de petites notices du français.
Flora Wislicka m'a informée que dans les prochain jours, il y a aura les jugement concernant les "Anciens". Entre-temp, Bolek [Debinski] a été informé que Lopek [Bein] a été de nouveau arrêté.
Mon adresse: 7 rue du Faubourg Saint-Denis, Chambre 11.
Envoie-moi la robe marron (et le jupon) à temps, je dois me rendre le 18 mars à un banquet chez les Français.
(Dans Correspondance - Tome 1 - Chez Dietz Verlag - 1982 - P 14/P16)
Traduction lieb
Quelques indications historiques:
En 1893, Rosa Luxemburg a créé avec d'autres militants polonais un parti, la Social-démocratie du Royaume de Pologne (SDKP). Ils s'opposaient au Parti socialiste polonais (PPS) fondé en 1892. Le SDKP était antinationaliste, se battait sur des bases de classes.
L'organe du parti s'appelait La Cause ouvrière (Sprawa Robotnicza). C'est dans un premier temps pour s'occuper du journal que Rosa Luxemburg s'installa en partie à Paris entre 1894 et 1896 (elle allait faire la navette régulièrement entre la Suisse et la France et séjourna aussi à Paris pour rassembler des documents pour son doctorat). Elle en devint le rédacteur en chef et le principal journaliste.
Dimanche 31 mai 2009 7 31 /05 /2009 20:16
Lettre "banale", lettre habituelle en fait dans la correspondance de Rosa Luxemburg. On la voit au travail avec énergie et détermination. Arrivée de la veille, elle a déjà contacté l'imprimeur, tenté de régler les mille problèmes que pose la réalisation d'un journal.
Combien de militants cependant se retrouveront dans ces notes jetées au quotidien!
2 ème jour à Paris donc: Rosa Luxemburg travaille activement à ce pour quoi elle est venue: la parution de la Sprawa Robotnicza. L'éditeur Reiff qu'elle évoque est l'un des plus importants de Paris. (On trouve encore aujourd'hui de nombreux ouvrages qu'il a imprimés). C'est donc, pour le journal de ce nouveau parti, un point important. La brochure sur le 1er mai dont elle parle dans le courrier l'est aussi. Rosa Luxemburg a écrit un article sur le 1er mai largement disponible sur le net et que l'on peut lire sur le blog.
Leo Jogiches
Paris, 12 mars 1894
Lundi, 2 heures
Mon amour, j'étais chez Reiff. Ils ne commenceront la brochure que dans deux jours. Il n'a pas été possible de négocier autre chose, car il a énormément de travail. En attendant, je vais la relire avec soin, et elle sera ensuite terminée en l'espace d'une journée. Concernant le numéro du journal, j'ai changé de décision. Cela durera trop longtemps jusqu'à ce que tu m'aies envoyé l'article de Julek [Marchlewski] et gênerait la réalisation de la brochure. Aussi, je vais lui dire de réduire de deux colonnes (il en manque quatre actuellement), le numéro sortira donc avec un quart de feuillet en moins, mais cela ne fait rien. Dans ce but, je lui demande d'enlever de l'éditorial ..
Dépêchez vous d'adresser les articles de mars et d'avril.
J'ai reçu ta lettre. Pour Brz[ezina}, c'est une affaire désagréable et je ne comprends pas du tout comment il a fait. D'autre part, je ne sais pas si tu as bien télégraphié: Sz. et non Gr.So? Alors ça va. Je vais t'écrire encore aujourd'hui. Mon amour, reste en bonne santé. Je vais me mettre maintenant aux corrections. Je modifie tout comme tu le souhaites, mon cher Dyodyo.
7, Faubourg S-Denis, chambre 11
Traductions à compléter et retravailler. Appel à collaboration car il existe beaucoup de documents à traduire et qui seraient d'un grand intérêt pour la connaissance de Rosa Luxemburg.