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Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

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Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
3 avril 2010 6 03 /04 /avril /2010 11:11

  comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com

 

En promenade sur le net, recherche sur l'ouvrage publié chez bélibaste que nous apprécions tant. Et cet article trouvé sur le site http://plantes-des-jardins-et-des-chemins.blogspot.com

 

samedi, 02 mai 2009

 

«Ces merveilleux chatons du pin en fleurs» . Hier le 1er mai. Journée de lutte, défilé obligatoire des anciennes républiques socialistes, une journée porteuse d'espoir ou illustration des rêves brisés. Cortèges courageux, joyeux, ou conventionnels, fête absente dans un pays occupé, procession de routine, oublieuse des exigences passées, le 1er mai a tant d'aspects. . En hommage à une femme de remarquable qui aimait la vie comme elle aimait la liberté, un texte extrait de sa correspondance. On connaît les combats de Rosa Luxembourg. C'était aussi une femme éprise de littérature, de peinture et de botanique.

 

Ses lettres à SoniaLiebknecht ont été éditées sous le titre Lettres de prison. . .

 

Breslau, le 12 mai 1918 Sonitschka, votre lettre m'a donné tant de joie que je vous réponds sur le champ. Vous voyez le plaisir et le réconfort que vous procure une visite au Jardin botanique. Pourquoi n'en profitez-vous pas plus souvent ? Et je prends part à votre plaisir quand vous me décrivez aussitôt vos impressions avec tant de vivacité et de couleur ! Oui, je connais ces merveilleux chatons du pin en fleurs, qui sont d'un rouge rubis. Ils sont d'une telle beauté, comme la plupart des plantes en pleine floraison, que l'on a peine à en croire ses yeux. Ces chatons rouges sont les fleurs femelles dont naîtront les grandes pommes de pin, si lourdes qu'elles retournent leurs pointes vers le sol. À côté se trouvent les chatons mâles, peu apparents, qui sont d'un jaune pâle et qui répandent leur pollen doré. Je ne connais pas le « pettoria » que vous décrivez comme une sorte d'acacia. Voulez-vous dire qu'il a les feuilles pennées et des fleurs papilionacées, comme l'arbre que l'on nomme « acacia » ? Comme vous devez le savoir, l'arbre que l'on appelle vulgairement ainsi n'est pas un acacia, mais un « robinier ». Le mimosa, par exemple, est un véritable acacia ; il a des fleurs d'un jaune soufre et embaume l'air, mais je ne pense pas que le mimosa pousse en plein air à Berlin, car c'est une plante des pays chauds. En Corse, j'ai vu sur la place d'Ajaccio de merveilleux mimosas qui fleurissaient au mois de décembre, c'étaient des arbres immenses... Ici, je ne peux malheureusement voir le feuillage des arbres que de loin, de ma fenêtre, et j'aperçois leurs cimes par-dessus le mur. J'essaie d'en deviner l'espèce par la forme et la couleur, et je crois que, dans l'ensemble, je ne me trompe guère. L'autre jour quelqu'un a apporté une branche cassée dont la forme étrange a surpris tout le monde. On s'interrogeait sur sa provenance. C'était une branche d'orme. Souvenez-vous, je vous ai montré dans la rue du Südende des ormes couverts de petits fruits d'un rose pâle légèrement verdâtre. C'était aussi au moi de mai, et vous avez été enthousiasmée par cet extraordinaire spectacle. Ici, les gens habitent depuis des dizaines d'années dans des rues plantées d'ormes, mais ils n'ont jamais observé ces arbres en fleurs... Et ils ne s'intéressent pas davantage aux animaux. Au fond, la plupart des citadins sont de véritables barbares... » . (...) . Rosa Luxembourg . Lettres de prison.

 

Traduit par Michel Aubreuil. Éditions Bélibaste. . .

 

 

 

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24 mars 2010 3 24 /03 /mars /2010 20:07

Sonitschka, nous avons actuellement de merveilleuses soirées; on se croirait au printemps. Vers quatre heures, je descends dans la cour, la nuit vient, et je vois l'affreux décor de ma vie s'estomper sous le voile merveilleux de l'obscurité; le ciel, au contraire, est d'un bleu clair, lumineux et une lune d'argent se découpe au-dessus des toits. Tous les jours, à cette heure, des centaines de corneilles passent au-dessus de la cour en vol dispersé et se dirigent vers les champs qui leur donnent asile ...

Elles mettent chaque jour tant de sérieux et de solennité à suivre la voie que leur trace l'habitude que j'éprouve une sorte de respect pour ces grands oiseaux et je les suis du regard jusqu'au dernier. Ensuite, je vais, de-ci, de-là, dans l'obscurité et je vois les prisonniers qui s'affairent encore dans la cour, glissant comme des ombres décisives. Je me réjouis de rester invisible, seule avec ma rêverie, échangeant des saluts à la dérobée avec les corneilles qui passent; il fait si bon dans la douceur de l'air printanier. Puis les prisonniers chargés de lourds chaudrons (la soupe du soir) traversent la  cour et pénètrent dans le bâtiment, deux par deux, au pas, dix couples l'un derrière l'autre; c'est moi qui ferme la marche. Les lumières s'éteignent peu à peu dans la cour et les bâtiments de l'économat. Je rentre, et les portes sont fermées, verrouillées à double tour; la journée est finie. J'ai une sensation de bien être malgré la mort de Hans. A vrai dire, je vis dans un monde de rêve où il n'est pas mort. Pour moi, il est toujours présent et souvent je lui souris quand je pense à lui ...

Votre Rosa


Prison de Breslau, le 21 novembre 1917


Editions bélibaste, 1969, Rosa Luxembourg, lettres de prison, P 49/50 , traduction Michel Aubreuil

« Mort à la guerre ». Lettre de Rosa Luxemburg à Sonia Liebknecht après la mort de son frère.
Extrait d’une lettre de Rosa Luxembourg à Sonia Liebknecht ... Après un parloir.
Lettre de Rosa Luxemburg à Sonia Liebknecht, le jour de la condamnation de Karl Liebknecht
Rosa Luxemburg, lettres à Sonia Liebknecht: "Pendant des années, j'ai tout supporté avec beaucoup de patience"


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24 mars 2010 3 24 /03 /mars /2010 11:04

comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com

Des informations sur la correspondance lire
A propos de Rosa Luxemburg

A propos de Rosa Luxemburg, by Georges Castellan © 1976 Societe d'Histoire Moderne et Contemporaine.

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9 mars 2010 2 09 /03 /mars /2010 20:00

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Extrait de lettre de Rosa Luxemburg à Sonia Liebknecht. « J’ai l’intention de vous entraîner jusqu’en Corse »

 

Ecrites, au fond de la prison de Wroncke, alors que la guerre fait rage et mourir famille et amis. Adressées à l’épouse de Karl Liebknecht. Suivant l’expression brève d’un moment de désespoir. Ces lignes sur la Corse sont saisissantes et totalement émouvantes.


http://www.soleilcorse.com/images/famille.jpg

sur le blog soleilcorse 


Wroncke, le15 janvier 1917

 

Sonittschka, vous rappelez-vous ce que nous avons projeté de faire quand la guerre sera finie ? Aller ensemble dans le midi. Et nous irons ! Je sais que vous rêvez d’aller avec moi en  Italie, que c’est votre rêve le plus cher. Mais moi, j’ai l’intention de vous entraîner jusqu’en Corse. C’est encore mieux que l’Italie. Là-bas, on oublie l’Europe, du moins l’Europe moderne. Imaginez un vaste et grandiose paysage où le contour des montagnes et des vallées se découpe avec une extrême précision. En haut, rien que des blocs de rochers dénudés, d’un gris plein de noblesse, en bas, des oliviers, des lauriers-cerises luxuriants et des châtaigniers centenaires. Et partout le silence qui régnait  avant la création du monde avant la création du monde, pas de voix humaine, pas de cris d’oiseaux, rien qu’un ruisseau qui se glisse quelque part entre les pierres, ou le vent qui chuchote, tout là-haut, dans les failles des rochers, le vent qui gonflait la voile d’Ulysse. Et quand vous rencontrez des êtres humains, ils sont en accord avec le paysage.  Au détour du sentier surgit une caravane. Les Corses vont toujours l’un derrière l’autre, en caravane, et non pas, en groupe comme nos paysans. D’ordinaire on voit tout d’abord un chien qui gambade, puis vient à pas lents une chèvre ou un petit âne qui porte des sacs pleins de châtaignes, suit un grand mulet sur lequel une femme est assise de côté, la femme laisse pendre les jambes toutes droites et porte un enfant dans les bras. Elle se tient toute raide, svelte comme un cyprès, immobile. A côté d’elle, un homme barbu marche d’un pas tranquille et ferme. Tous deux gardent le silence. On croirait voir la Sainte Famille. A chaque pas, vous découvrez des scènes semblables. J’éprouvais chaque fois une émotion telle que j’étais sur le point de m’agenouiller malgré moi. C’est l’impression que je ressens toujours devant un spectacle d’une beauté parfaite. Là-bas, la Bible et l’Antiquité restent vivantes. Il faut que nous y allions et nous ferons comme j’ai déjà fait : nous traverserons toute l’île à pied, nous dormirons chaque nuit dans un lieu différent, nous partirons assez tôt chaque matin pour être sur la route au lever du soleil. Ce projet ne vous séduit-il pas ? Je vous servirai de guide …

 

Rosa Luxembourg, lettres de prison, éditions bélibaste, 1969, P 17/18. Traduction de Michel Aubreuil.

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8 mars 2010 1 08 /03 /mars /2010 01:11

Rosa Luxemburg à Paris au travers de sa correspondance (son arrivée)


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Rosa Luxemburg est arrivée le 11 mars 1894 à Paris. Elle avait pour tâche de s'occuper de la parution du journal la "Sprawa Robotnicza". Ses deux lettres écrites le jour de son arrivée à Paris sont caractéristiques de la correspondance. Adressées à son camarade et ami, Leo Jogiches, elles mêlent des éléments tout à fait personnels et les indications politiques. Elles représentent alors une source essentielle pour comprendre les mouvements auxquels elle a pu participer. On peut aussi recueillir de précieuses indications sur l'action politique de nombreux militants de l'époque, ici les militants  du mouvement ouvrier polonais.


Son arrivée


Lettre à Leo Jogiches
Paris, le 11 mars 1894

Je suis arrivée aujourd'hui à 10 heures. Je suis fatiguée, mais ça va. Les Jadzios* partent et je vais me coucher. J'ai déjà une chambre - pas mal et pas loin, au quatrième étage pour  30 F (avec service). Je me mets dès aujourd'hui au travail, dès que j'aurai fini de dormir. Je donne cette carte à Adolf pour qu'il la mette à la boîte.

Une cordiale poignée de main. J'écrirai une lettre dès aujourd'hui.


R.

* Il s'agit d'Adolf et Jadwiga Warski.

(Dans Correspondance - Tome 1 - Chez Dietz Verlag - 1982 - P 14)
Traduction lieb


Lettre à Leo Jogiches
Paris, le 11 mars 1894 - Dimanche

Mon très cher, mon aimé

Enfin, je peux t'écrire. Il est maintenant 11 heures du soir. Je viens juste de revenir de chez Adolf [Warski], et je suis dans ma petite chambre au 5 ème étage. Cette petite chambre est pas mal pour les conditions locales. Mais c'est secondaire. En fait je voulais seulement t'écrire et écrire à ton propos, mais je perds la tête tellement je suis fatiguée. Tu le verras certainement à plusieurs reprises dans cette lettre.


Mon trésor, mon aimé, mon Dyodyo! Que fais-tu maintenant? Tu es certainement couché, la lampe à côté de toi sur la petite table et tu lis ou tu prends des notes et laisse monter des volutes de fumée. Mon aimé. Quand vais-je te revoir? Cela me manque tant, que mon âme se languit! Sais- tu  mon aimé, il est bientôt minuit, mais en bas on entend tout autour bruit, cris, appels des vendeurs de journaux - comme en plein midi.


Ce que j'ai fait aujourd'hui? Rien. J'ai dormi environ trois heures. Puis, Morek [Warszawski] et un ouvrier, un Polonais, sont arrivés chez Adolf. Je n'ai donc rien pu faire. De toute façon, j'avais tant de bruit dans la tête que je n'étais capable de rien. Ah, mon très cher, si seulement je t'avais maintenant avec moi! Bon, plus tard, nous sommes allés en tramway au Bois de Boulogne et retour. J'ai vu le Trocadero, la Tour Eiffel et le Grand Opéra. Et combien de jolies femmes, il y a ici! En fait, elles sont toutes belles ou le paraissent du moins. Non, il n'est pas question que tu viennes ici! Tu restes à Zurich!


Tu me demandes comment se sont passées les retrouvailles avec Adolf et son épouse? Très bien. Nous n'avons encore parlé de rien. Mais pour ce qui doit paraître prochainement, il a prodigué ses conseils etc. Il m'a demandé, si j'allais publier sa lettre sur Kasprz[ak] et l'article sur les artisans. Il prétend, ne pas avoir écrit qu'il ne le souhaitait pas. En un mot, c'est toujours la même chose.


Maintenant, passons aux affaires. Mon trésor! Imagine qu'il manque quatre colonnes pour le numéro 4! Et je ne sais vraiment pas quoi faire. Vois-tu, malheureusement, je n'ai pas pris avec moi l'article de Julek. Mais jusqu'à ce que tu reçoives cette lettre - il faudra deux jours, pour qu'il fasse les corrections et que tu me l'envoies - encore deux jours, pour que Reiff l'imprime - un jour, cela fait au minimum 5 jours! Donc, je me décide pour ce qui suit: demain, je vais voir Reiff et vois avec lui. S'il a les caractères pour la brochure de mai sans désorganiser complètement l'impression du journal, j'attends pour le journal et je lui fais faire la brochure (deux parties). mais s'il n'en a pas, je te télégraphie pour l'article de Julek, je le vérifie moi-même et je l'intègre. Voilà, Mon cher!

Je suis épuisée et nerveuse. Je n'en peux plus.

Je t'embrasse Dziodzio,

Dziodziu, as-tu déjà demandé les articles à K[ritschewski] et G[eldfang] Surtout auprès de K[ritschewski] ! Il faut qu'il se dépèche et aussi Julek, mais il doivent être aussi brefs que possible, car je voudrais garder une colonne pour de petites notices du français.

Flora Wislicka m'a informée que dans les prochain jours, il y a aura les jugement concernant les "Anciens". Entre-temp, Bolek [Debinski] a été informé que Lopek [Bein] a été de nouveau arrêté.

Mon adresse: 7 rue du Faubourg Saint-Denis, Chambre 11.

Envoie-moi la robe marron (et le jupon) à temps, je dois me rendre le 18 mars à un banquet chez les Français.

(Dans Correspondance - Tome 1 - Chez Dietz Verlag - 1982 - P 14/P16)
Traduction lieb


Quelques indications historiques:

En 1893, Rosa Luxemburg a créé avec d'autres militants polonais un parti, la Social-démocratie du Royaume de Pologne (SDKP). Ils s'opposaient au Parti socialiste polonais (PPS) fondé en 1892. Le SDKP était antinationaliste, se battait sur des bases de classes.
L'organe du parti s'appelait La Cause ouvrière (Sprawa Robotnicza). C'est dans un premier temps pour s'occuper du journal que Rosa Luxemburg s'installa en partie à Paris entre 1894 et 1896 (elle allait faire la navette régulièrement entre la Suisse et la France et séjourna aussi à Paris pour rassembler des documents pour son doctorat).  Elle en devint le rédacteur en chef et le principal journaliste.


Dimanche 31 mai 2009 7 31 /05 /2009 20:16

Lettre "banale", lettre habituelle en fait dans la correspondance de Rosa Luxemburg. On la voit au travail avec énergie et détermination. Arrivée de la veille, elle a déjà contacté l'imprimeur, tenté de régler les mille problèmes que pose la réalisation d'un journal.

Combien de militants cependant se retrouveront dans ces notes jetées au quotidien!

2 ème jour à Paris donc: Rosa Luxemburg travaille activement à ce pour quoi elle est venue: la parution de la Sprawa Robotnicza. L'éditeur Reiff qu'elle évoque est l'un des plus importants de Paris. (On trouve encore aujourd'hui de nombreux ouvrages qu'il a imprimés). C'est donc, pour le journal de ce nouveau parti, un point important. La brochure sur le 1er mai dont elle parle dans le courrier l'est aussi. Rosa Luxemburg a écrit un article sur le 1er mai largement disponible sur le net et que l'on peut lire sur le blog.


Leo Jogiches
Paris, 12 mars 1894
Lundi, 2 heures

Mon amour, j'étais chez Reiff. Ils ne commenceront la brochure que dans deux jours. Il n'a pas été possible de négocier autre chose, car il a énormément de travail. En attendant, je vais la relire avec soin, et elle sera ensuite terminée en l'espace d'une journée. Concernant le numéro du journal, j'ai changé de décision. Cela durera trop longtemps jusqu'à ce que tu m'aies envoyé l'article de Julek [Marchlewski] et gênerait la réalisation de la brochure. Aussi, je vais lui dire de réduire de deux colonnes (il en manque quatre actuellement), le numéro sortira donc avec un quart de feuillet en moins, mais cela ne fait rien. Dans ce but, je lui demande d'enlever de l'éditorial ..

Dépêchez vous d'adresser les articles de mars et d'avril.
J'ai reçu ta lettre. Pour Brz[ezina}, c'est une affaire désagréable et je ne comprends pas du tout comment il a fait. D'autre part, je ne sais pas si tu as bien télégraphié: Sz. et non Gr.So? Alors ça va. Je vais t'écrire encore aujourd'hui. Mon amour, reste en bonne santé. Je vais me mettre maintenant aux corrections. Je modifie tout comme tu le souhaites, mon cher Dyodyo.
 
7, Faubourg S-Denis, chambre 11



Traductions à compléter et retravailler. Appel à collaboration car il existe beaucoup de documents à traduire et qui seraient d'un grand intérêt pour la connaissance de Rosa Luxemburg.

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8 mars 2010 1 08 /03 /mars /2010 00:13

"J'ai lu avec beaucoup de plaisir Candide et la Comtesse Uhlfeldt. L'édition de "Candide" est si belle que je n'ai pu me résoudre à découper le livre et je l'ai lu ainsi. Comme il s'agit d'un in-folio, tout s'est bien passé. Avant la guerre, ce malicieux inventaire de toutes les misères humaines m'aurait probablement donné l'impression d'une caricature; il me paraît maintenant tout à fait réaliste ... J'ai enfin appris d'où vient l'expression: "Mais il faut cultiver notre jardin" que j'ai employée moi-même à l'occasion La comtesse Uhlfeldt a la valeur d'un document historique et complète l'oeuvre de Grimmelshausen ... Que faites-vous? Profitez-vous au moins de ce merveilleux printemps"

Cet extrait de lettre de Rosa Luxemburg adressée à Sonia Liebknecht de la prison de Breslau le 2 mai 1918 a été publié dans l'une des plus belles éditions des lettres de prison.
Celle publiée aux éditions bélibaste en 1969. Elle ne regroupe que des lettres à l'épouse de Karl Liebknecht, lui-même emprisonné. Le moment, l'interlocutrice, la situation de Rosa Luxemburg et Liebknecht donnent à ces lettres une force, une intensité, une sensibilité inouïe.

Publié le18 février 2010
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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 13:29

Wroncke, le 21 novembre 1916


Ma chère petite Sonitschka, j’ai appris par Mathilde que votre frère est mort à la guerre et cette nouvelle épreuve qui vous est infligée me bouleverse. Rien ne vous aura été épargné ces derniers temps. Et dire que je ne puis même pas être auprès de vous pour vous réconforter un peu et vous redonner du courage ! … Je suis aussi très inquiète pour votre mère. Comment supportera-t-elle ce nouveau choc ? Nous vivons une bien triste époque, et nous devons sans cesse ajouter un nom à la longue liste des morts. A vrai dire, chaque jour peut, comme à Sébastopol, compter pour une année. J’espère vous voir très bientôt et je vous attends avec impatience. Comment avez-vous appris la mort de votre frère, par votre mère  ou directement? Avez-vous des nouvelles de votre autre frère ? Je voulais tant vous envoyer quelque chose par l’intermédiaire de Mathilde, mais je n’ai rien d’autre ici que ce petit fichu bariolé ; il vous fera peut-être sourire, mais il vous dira simplement que je vous aime beaucoup. Ne tardez pas à m’envoyer un petit mot pour que je sache quel est votre état d’esprit. Toutes mes amitiés à Karl. Je vous embrasse.

 

Votre Rosa.

Mon souvenir affectueux aux enfants.

 

Editions bélibaste, 1969, Rosa Luxembourg, lettres de prison, P 14, traduction Michel Aubreuil

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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 13:12


Cette carte a été écrite le jour où le tribunal de deuxième instance condamna Karl Liebknecht à quatre ans de réclusion.

 

Wroncke, le 24 août 1916

 

Chère Sonitschka, qu’il m’est pénible de ne pas être auprès de vous en ce moment. Mais, je vous en prie, gardez la tête haute. Il y a bien des choses qui vont évoluer. Maintenant, il vous faut partir, n’importe où, à la campagne, au milieu de la nature, de la beauté, il vous faut trouver un endroit où vous soigner. Cela n’a pas de sens de rester où vous êtes et de continuer à vous déprimer, il peut se passer des semaines avant la dernière instance. Je vous en prie, partez dès que possible … Karl, lui aussi, sera certainement soulagé de savoir que vous prenez du repos. Merci mille fois pour votre chère lettre du 10 et pour toutes les bonnes choses. Vous verrez, le printemps prochain, nous irons nous promener ensemble, à la campagne et au jardin botanique, je m’en réjouis déjà. Mais partez tout de suite, Sonitschka ! Ne pourriez-vous aller sur les bords du Lac de Constance, pour vous imprégner un peu de l’atmosphère du Midi ? Avant que vous ne partiez, je voudrais tant vous voir. Adressez une requête à la Kommandantur. Ne tardez pas à m’écrire un petit mot. Gardez courage, malgré tout. Je vous embrasse.

 

Votre Rosa,

 

Mille amitiés à Karl.

 

 

J’ai eu beaucoup de plaisir à recevoir les deux cartes de Helmi et de Bobbi

 

 

 

  Editions bélibaste, 1969, Rosa Luxembourg, lettres de prison

 

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23 février 2010 2 23 /02 /février /2010 12:20

Dans le précédent article, nous avions indiqué le caractère exceptionnel de l'ouvrage publié chez bélibaste, Rosa Luxembourg, lettres de prison.

Quelques mots sur l'ouvrage: publié en 1969, il est donc l'un des premiers à reparler de Rosa Luxemburg (qu'il écrit d'ailleurs Luxembourg, ce qui donne un caractère daté quelque peu émouvant). Et l'inscrit par la même occasion dans tout ce qui fit de cette période un moment tout à fait spécial de sensibilité révolutionnaire.

D'autre part, en regroupant ainsi les lettres à Sonia Liebknecht, il permet de mieux ressentir la relation que Rosa Luxemburg développe avec chacun de ses correspondants.

Et l'on trouve dans les lettres à Sonia Liebknecht,
ce mélange d'humour et d'attention, de rigueur et d'ouverture d'esprit, de refus de la plainte et de courage personnel, de culture et d'attention à la nature, de conscience et d'engagement politique qui font de Rosa Luxemburg, cet être universel que l'on découvre tant dans ses actes que dans ses mots, dans ses lettres que dans ses textes.

Adressées, à l'épouse de Karl Liebknecht, au moment où comme Rosa Luxemburg, celui-ci se retrouve emprisonné pour un combat commun, les lettres prennent bien entendu une force toute particulière.

Et en particulier la dernière qui précède leur libération, mais dont nous savons aussi qu'elle précède  de trois mois à peine leur assassinat ...

Une dernière chose: nous souhaitons souligner ici la remarquable traduction de Michel Aubreuil

Ière lettre (écrite trois jours avant son arrestation) et dernière lettre (envoyée de la prison de Breslau) de l'ouvrage.

- Leipzig, le 7 juillet 1916

Ma chère petite Sonia,

Il fait aujourd'hui une chaleur lourde et humide, ce qui est très fréquent à Leipzig. Ici, j'ai peine à respirer. Ce matin, je suis restée deux heures assise dans le parc, au bord de l'étang à lire Le Propriétaire. C'est un livre passionnant. Une bonne vieille s'est assise à côté de moi et m'a dit, avec un sourire: "Ce doit être un beau livre. Moi aussi, j'aime beaucoup  lire des livres." Avant de commencer ma lecture, j'ai bien entendu observé les arbres et les buissons du parc, et j'ai eu le plaisir de constater que toutes leurs silhouettes m'étaient familières. Par contre, les relations humaines me déçoivent de plus en plus; je crois que je vais renoncer au monde pour vivre en anachorète, comme Saint Antoine, sans les tentations toutefois. Gardez tout votre calme.

Bien à vous
Rosa


Mon affectueux souvenir aux enfants

-
Breslau, le 18 octobre 1918

Sontschka, ma très chère amie, je vous ai écrit avant-hier. Je n'ai toujours pas de nouvelles du télégramme que j'ai adressé au chancelier de l'Empire. Cela peut encore demander quelques jours. En tout cas, une chose est certaine: je suis dans un tel état d'esprit que je ne puis recevoir mes amis en présence d'un gardien. Pendant des années, j'ai tout supporté avec beaucoup de patience et j'aurai continué pendant des années encore si les circonstances n'avaient changé. Mais, depuis le renversement de la situation, je suis en proie à de trop vives émotions. Les entretiens sous surveillance au cours desquels je ne puis parler de ce qui m'intéresse vraiment me sont devenus si pénibles que je préfère renoncer à toute visite jusqu'à ce que nous puissions nous revoir en toute liberté.

D'ailleurs, cela ne saurait durer davantage. S'ils ont libéré Dittmann et Kurt Eisner, ils ne peuvent me garder plus longtemps en prison, et Karl ne tardera pas lui aussi à être libre. Alors, il vaut mieux attendre et nous revoir à Berlin.

Entre temps, je vous adresse toutes mes amitiés.

Votre amie fidèle
Rosa
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15 janvier 2010 5 15 /01 /janvier /2010 17:43
 
Les tueurs veillaient bien. Un mois après cette lettre Rosa Luxemburg était assassinée.le 15 janvier 1919.

A lire aussi sur le blog:
L'assassinat de Rosa Luxemburg le 15 janvier 1919 - Ne pas oublier!

Les réactions à l'article "L'assassinat de Rosa Luxemburg - Ne pas oublier!"
 En sa mémoire - Assassinat de Rosa Luxemburg - Images et mots

Le 4 décembre 1918
Très chère Clara,

C'est aujourd'hui depuis Breslau, la première fois que je suis assise à mon bureau pour t'adresser mes voeux de Noël. Comme j'aurais préféré venir te voir! Mais il ne saurait en être question car je suis enchaînée à la rédaction; chaque jour, je suis à l'imprimerie jusqu'à minuit pour surveiller également la mise en page; en plus, par ces temps troublés, c'est seulement à dix ou onze heures du soir que nous recevons les informations les plus urgentes, qui exigent qu'on réagisse immédiatement. Ajoute que nous avons presque chaque jour, à partir des premières heures de la matinée, des conférences et des discussions, entre-temps, en plus, les réunions publiques, et pour changer, tous les deux ou trois jours, de "source officielle" une mise en garde pressante, que des tueurs nous surveillent, Karl et moi, de sorte que nous ne devons pas coucher chez nous, mais qu'il nous faut chercher refuge ailleurs, jusuqu'au moment où tout me paraît trop idiot et que je rentre tout simplement de nouveau à Südende. Voilà, comment depuis le premier instant, je vis dans une sorte de tourbillon et de presse qui m'empêche d'avoir ma tête à moi ....

A lire dans Lettres et textes choisis de Rosa Luxemburg
Traduits et présentés par Gilbert Badia
Le Temps des Cerises, P 117-118
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Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009