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Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

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Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 14:44

 

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11 décembre 2008 par eric

1918-12-20 : Rosa Luxemburg à Lénine
Vœux de fin d’année
Cher Vladimir,
Je profite du voyage de l’oncle pour vous envoyer à tous les amitiés de notre famille, de Karl, de Franz et des autres. Dieu veuille que l’année qui vient voie se réaliser tous nos vœux.
Meilleurs souhaits !
L’oncle vous dira comment nous allons.
En attendant, poignée de main et salutations cordiales.
Rosa.

Source :
LUXEMBURG Rosa, J’étais, je suis, je serai ! Correspondance 1914-1919, Textes réunis, traduits et annotés sous la direction de Georges Haupt par Gilbert Badia, Irène Petit, (...)
>> lire la suite de l'article

10 décembre 2008 par eric
Position du parti polonais vis à vis de la politique des bolcheviks ( Extraits )
Avertissement : Comme l’indique la première note, cette lettre ne nous est connue que par la brochure de Warski, parue en 1922, à un moment où la direction polonaise a été largement intégrée (et ce depuis 1918) dans la direction du parti bolchevik et où il faut faire pièce à la dissidence de Paul Levi. L’auteur lui-même indique que la lettre lui serait parvenue par voie indirecte. Il convient donc d’apprécier ce document avec une certaine réserve. L’édition allemande des lettres de Rosa Luxemburg, pourtant éditée par le SED (...)

3 décembre 2008 par eric
Ligne politique du journal - Rapports avec les indépendants - Supplément féminin
À Clara Zetkin 29 novembre [1918]. Très chère,
Je n’en puis plus, non seulement de travail et de bousculade, mais aussi à cause du souci que je me fais pour la Rote Fahne, où tant de choses manquent encore et où tant de choses sont mauvaises. Thalheimer nous aide avec un zèle touchant, mais, sur le plan rédactionnel, il manque encore un peu d’expérience et le brave Rück est encore très jeune. Sa dernièré note signée Juvenus, qui a été naturellement insérée à mon insu, avec sa polémique maladroite contre les indépendants, a (...)
3 décembre 2008 par eric
Les débuts de la « Rote Fahne » - Propagande parmi les femmes
À Clara Zetkin
Berlin, 24.11.1918.
Mon adresse provisoirement Mathilde.
(Je ne suis toujours pas allée chez moi !!!)
Ma très chère, au lieu de la longue lettre qui est prête dans mon cœur, ces quelques pauvres lignes. L’essentiel : je voudrais naturellement te voir et te parler. M’échapper d’ici pour deux jours, je ne le pourrai que dans deux semaines à peu près, si entre-temps Thalheimer et Hörnle sont arrivés ici, pour nous aider au journal. Nous avons en effet à peine le temps de réfléchir, en plus, il y a le (...)
29 novembre 2008 par eric
Disparition du fils des Geck - RL se sait dans la ligne de mire de la contre-révoluton - Cosigné Liebknecht
À Adolf et Marie Geck.
Berlin, hôtel Moltke.

Mes chers et bien-aimés amis, proches de mon cœur,
À l’instant je reçois de Breslau l’affreuse enveloppe noire. Ma main et mon cœur tremblaient déjà lorsque j’ai reconnu l’écriture et le cachet de la poste, et pourtant j’espérait encore que cette chose terrible n’était pas vraie. Je n’arrive pas à comprendre et les larmes m’empêchent d’écrire. Tout ce que vous éprouvez intérieurement, je le sais, je le ressens, nous savons tous mesurer l’horreur du coup. J’attendais tant (...)

29 novembre 2008 par eric
Parution du premier numéro de « Die Rote Fahne »
À Clara Zetkin 18.XI.1918
Mon adresse : Berlin, hôtel Moltke.
Ma très chère, deux lignes seulement, en toute hâte. Depuis que je suis descendue du train, je n’ai pas encore mis le pied dans mon appartement. Pendant tout le temps jusqu’à hier, on a fait la chasse au journal Die rote Fahne. Paraîtrait-il, ne paraîtrait-il pas ? Du matin au soir la bataille tournait autour de ce point. Enfin il sort. Il faut que tu fasses preuve d’indulgence envers lui. Techniquement, il n’est pas encore à la hauteur. Tout ça (...)
25 novembre 2008 par eric
Reprise de contact et projets de collaboration au journal
À Franz et Eva Mehring
Hôtel Moltke, Berlin, 18 novembre 1918.

Chers amis,
Je ne saurais vous dire combien je suis navrée de n’avoir pas encore pu me précipiter chez vous pour vous serrer la main. Mais, depuis que jE suis descendue du train à Berlin, je ne parviens même pas à mettre les pieds chez moi à Südende et j’habite à l’hôtel. Vous pouvez donc vous rendre compte à quel point l’agitation d’ici me dévore. Mon premier souci a été de faire enfin sortir le journal. Et maintenant je brûle d’entendre votre avis, de (...)
25 novembre 2008 par eric
Trois courts télégrammes dans les premiers jours de la Révolution
[À Clara Zetkin]
Berlin, 14 novembre.
Mille amitiés. Venue pour moi totalement impossible. Ne peux charger ma conscience de ta venue ici. Suis absolument contre ton voyage. Réponds télégraphiquement, si pouvons nous entendre par lettre exprès ou si Levi doit venir te voir. Baisers et amitiés. Réponse et lettres à Mathilde. J’essaie de t’atteindre par téléphone.
Rosa.
18 novembre.
Envoie-moi immédiatement pour Rote Fahne tout petit article avec signature. Sujet à ton choix. Souhaiterions sur femmes.

24 novembre 2008 par eric
1918-11-08 : Rosa Luxemburg à Paul Löbe
Premières directives dès la sortie de prison
[Breslau, le soir du 8 novembre 1918.]
[À Paul Löbe.]
Je suis dans le bureau des ouvriers des transports, Rossplatz 23. Vous pouvez venir me voir à n’importe quelle heure, cette nuit ou demain matin avant la réunion. Il est absolument indispensable que nous nous mettions d’accord avant la manifestation.
R.

Source :
LUXEMBURG Rosa, J’étais, je suis, je serai ! Correspondance 1914-1919, Textes réunis, traduits et annotés sous la direction de Georges Haupt par Gilbert Badia, Irène Petit, Claudie Weill, (...)
>> lire la suite de l'article
23 novembre 2008 par eric
1918-11-04 : Rosa Luxemburg à Mathilde Jacob
Une des dernières lettres de prison - Aspects pratiques
Breslau, 4.11.1918
Ma chère Mathilde,
Tout d’abord je pensais que j’allais sortir d’un instant à l’autre et n’avais du coup absolument pas la patience d’écrire des lettres. Voilà pourquoi je vous ai laissée si longtemps sans nouvelles. A présent, je vois que l’affaire traîne fort en longueur et je m’empresse de reprendre contact avec vous - au moins épistolairement.
Votre dernière lettre et votre petit envoi m’ont procuré une joie incroyable. Les petits pois sont arrivés tout à fait à propos. Mes pigeons sont en (...)

23 novembre 2008 par eric

1918-10-18 : Rosa Luxemburg à Sophie Liebknecht

 

Impatience dans l’attente d’une libération

Breslau, le 18 octobre 1918.
Ma Sonitchka chérie,
Je vous ai écrit avant-hier. Jusqu’à présent, je n’ai pas de réponse à mon télégramme au chancelier du Reich, ça peut durer encore quelques jours. Mais en tout cas une chose est sûre : je suis dans une telle disposition d’esprit que recevoir la visite de mes amis sous surveillance est devenu pour moi impossible. J’ai tout supporté des années durant avec grande patience et, dans d’autres circonstances, je serais restée tout aussi patiente des années encore. Mais, (...)

 

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11 novembre 2011 5 11 /11 /novembre /2011 20:11

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Un combat exemplaire! La sortie du journal "Die Rote Fahne"

Novembre 1918, Rosa Luxemburg emprisonnée depuis près de trois ans sans jugement pour son combat contre la guerre, sort non sans mal de prison. Sans se laisser un jour de répit, elle se joint à la révolution et son premier combat sera la sortie du journal: Die Rote Fahne.

 

(article en cours. Merci pour toute amélioration de la traduction)


Lettre à Wolfgang Fernbach- 18 novembre 1918 - Hôtel Molkte

 

Cher camarade Fernbach

 

Nous avons compté sur votre collaboration pour le journal. Il y aura beaucoup de travail, car nous voulons publier d'autres choses que la "Rote Fahne". Seulement, nous devons rester sans cesse en contact. Comme vous le voyez par exemple pour le numéro d'aujourd'hui, nous avons déjà traité le thème que vous aviez choisi: la peine de mort. Pour éviter de telles situations, il est nécessaire à l'avenir que vous vous mettiez d'abord d'accord avec nous sur le thème traité et la longueur de l'article. La plus grande difficulté: nous sommes tous d'accord dans la rédaction pour limiter la parution à deux articles, sinon le journal serait trop volumineux. Ces deux articles sont cependant déjà consacrés à toute une série de problèmes fondamentaux liés à la révolution et à la tactique, si bien que nous ne pouvons pas disposer librement de place pour d'autres articles. Ce qui serait cependant très utile, ce serait des notes, des entrefilets sur des événements actuels. Il faudrait alors se mettre d'accord cas par cas. Pour toutes ces raisons, il serait utile que vous passiez rapidement à la rédaction pour parler avec nous et plus précisément avec le camarade Meyer, qui est le secrétaire de la rédaction ou bien avec le camarade Levi, qui en général supervise cette rubrique. Certes, nous n'avons pas pour l'instant de salles de rédaction, mais cela devrait être réglé. J'espère que tout marchera bientôt.

 

Déjà, recevez mes salutations

Votre R. Luxemburg.


Télégramme à Clara Zetkin - Berlin - 18 novembre 1918

 

Envoie-moi tout de suite des articles courts signés pour la "Rote Fahne". Sur les thèmes que tu veux. Souhaités, sur les femmes. Mille saluts.

 

Rosa, Hôtel Milkte


Lettre à Clara Zetkin

 

Chère Clara, en toute hâte, seulements deux lignes. Depuis que je suis descendue du train, je n'ai pas encore mis le pied dans mon appartement. Durant tout ce temps et jusqu'à hier, c'était la poursuite pour  faire paraître la "Rote Fahne". Va-t-elle paraître, ne va-t-elle pas paraître?. C'était un combat du matin au soir. Enfin, le journal est paru. Tu devras te montrer patiente à son égard, Il n'est pas encore au mieux techniquement, cela viendra au fur et à mesure. Je veux avant tout savoir ton avis sur le contenu. J'ai le sentiment que nous avançons conformément à nos idées et cela me rend heureuse. Toutes mes pensées et mon coeur vont vers toi. Si seulemet, je pouvais passer une seule journée avec toi! Mais, cela sera possible maintenant, dès que les trains fonctionneront à nouveau. Pour l'instant, écris-moi par lettre urgente. J'attends impatiemment ton article - très court! Ne te donne pas trop de travail. Nous voulons ta signature. Ecris quelque chose sur les femmes, c'est si important maintenant et personne parmi nous ne s'y connaît.

 

Ma très chère, en hâte, je t'envoie des milliers de salutations et de baisers

Ta RL.


Lettre à Franz Mehring

Le 18 novembre 1918

 

Cher ami, je ne peux vous die combien cela me peine de ne pas pouvoir venir vous voir et vous serrer la main. Je ne suis même pas parvenue, depuis que je suis descendue du train à mettre un pied dans mon appartement à Südende et je loge à l'hôtel. Vous pouvez en conclure combien je suis aspirée par le tourbillon qui règne ici. La première chose était de faire paraître le journal. Et maintenant, je brûle de connaître votre avis, vos conseils. Nous nous sommes tous profondément réjouis, quand nous avons appris par notre ami X, que nous pourrions bientôt "orner" Die Fahne d'une contribution de votre part et de votre signature. J'attends avec la plus grande impatience. J'espère pouvoir venir vous voir très prochainement. Je suis heureuse d'apprendre que vous vous portez bien, que vous êtes si content et si prêt à vous mettre au travail. Ce brave et gentil ... aide et travaille avec la plus grande des abnégations, sa participation est inestimable à chaque instant. En toute hâte et pour l'instant ce bref et chaleureux salut, bientôt à nous revoir.

 

Votre Rosa Luxemburg


Télégramme à Clara Zetkin

 

Mille mercis pour la lettre et l'article. Tout à fait d'accord avec ton analyse. Lettre suit bientôt. Mille saluts.

 

Rosa

 

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1 juillet 2011 5 01 /07 /juillet /2011 10:18

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De la correspondance de Rosa Luxemburg , 1890-1898 (1)

Cette série d'articles met en ligne des indications reprises de la correspondance de Rosa Luxemburg sur des thèmes divers permettant d'approfondir notre connaissance de l'élaboration de la pensée de Rosa Luxemburg, en nous attachant aux tout premiers courriers conservés: soit sur la période 1890-1898. Ce sont  des écrits de jeunesse. En 1890, Rosa Luxemburg a juste 19 ans  Premières années d'exil, en Suisse essentiellement, en France partiellement et jusqu'à son arrivée en Allemagne qui marque son entrée mûrement réfléchie et fracassante dans la social-démocratie allemande.


C'est une des toutes premières lettres de Rosa Luxemburg. Elle est déjà en exil, elle est déjà au centre de l'action politique - en relation avec les militants russes ou polonais qui se sont réfugiés en Suisse, et ils sont nombreux -, on trouve dans cette première lettre l'assurance tranquille, la fraîcheur d'expression, la volonté qui vont caractériser ses lettres. Elle a à peine 20 ans ...

 

 

A Boris Kritchewski

Genève le 17 juillet 1891

 

"... En général, je me plais beaucoup ici - je travaille assidûment et je rencontre des gens intéressants. Les dimanches seulement, "la pensée langoureuse" me porte vers vous, mes chers, vers l'Oberstrasse, pour vous accompagner chez les Axelrod, goûter leur kéfir et leurs harengs. Trêve de plaisanterie, j'ai parfois envie de revoir mon Oberstrasse, mais en général je suis absolument ravie d'habiter seule et je ne me plains pas. A présent, je suis vraiment tout à fait adulte et j'en suis très fière.

 

 

Je suis allée à Mornex, mais je n'y retournerai pas, bien que j'aie envie de les revoir. Je n'irai pas car Plekhanov est trop intelligent pour moi, ou, plus précisément, il est trop cultivé. Que peut lui apporter une conversation avec moi? Il sait tout mieux que moi et quant aux "idées" inédites, originales, - voyez-vous -, je ne sais pas en forger et, en vérité, je ne m'en soucie guère. J'aime regarder Plekhanov de mon coin chez Axelrod, tout simplement regarder comment il parle, bouge - regarder son visage - qui me plaît beaucoup. Mais je ne peux tout de même pas aller à Mornex pour me mettre dans mon coin et l'admirer ..."

 

Rosa Luxemburg, Vive la lutte! correspondance 1891 - 1914, françois maspéro, P 37

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13 juin 2011 1 13 /06 /juin /2011 17:51

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Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier international - Collection Jean Maitron - L'Allemagne. Sous la direction de Jacques Droz - Les Editions ouvrières 1990 - P 322.

 

"Née le 5 mars 1871 à Zamosc (Pologne russe). Assassinée le 15 janvier 1919 à Berlin. Leader social-démocrate de gauche.

 

De toute la social-démocratie allemande du XXème siècle, Rosa Luxemburg, en dépit de son origine (juive polonaise), est aujourd'hui la figure la plus connue, la plus vivante aussi. Tandis que les Liebknecht (Wilhem et Karl), les Bebel ou les Ebert semblent appartenir à une époque et un monde révolus, Rosa Luxemburg pourrait être notre contemporaine. Cela tient à la fois aux problèmes qu'elle a soulevés et abordés (le nationalisme, le rapport entre les réformes et la révolution), mais aussi et peut-être plus encore à l'exemple qu'elle a donné: celui d'une militante, d'une révolutionnaire prête à mourir pour ses idées et en même temps sensible à toutes les souffrances, ouverte à toutes les joies, à tous les arts (littérature, peinture, musique). Journaliste et oratrice brillante, elle a prolongé les analyses de Marx sur le plan théorique. Contre Eduard Bernstein d'abord, contre Karl Kautsky ensuite, elle se battait pour un socialisme fidèle à la doctrine de Marx qui se proposait, non d'amender le système et la société capitaliste, mais de les remplacer par un système et une société différents: socialistes.

 

Animatrice du mouvement spatakiste, elle hésitait à rompre organisationnellement avec le Parti social-démocrate jusqu'au moment (31 décembre 1918) où toute cohabitation au sein de l'USPD lui paraissait impossible; elle participa à la fondation du Parti communiste allemand. Si elle critiqua (dans un texte posthume: La Révolution russe) certaines mesures de Lénine et Trotsky, Rosa Luxemburg ne cela pas son admiration pour les bolcheviks, et c'est mal connaître son oeuvre et ses idées que de vouloir faire d'elle l'adversaire de Lénine.

 

Cependant Rosa Luxemburg eut, peut-être plus que Lénine, le respect de "quiconque pense autrement" qu'elle. Dans une lettre écrite pendant la guerre, de sa prison de Wronke, elle écrivit à Mathilde Wurm : "Tâche donc de demeurer un être humain. C'est vraiment là l'essentiel. Et ça veut dire: être solide, lucide et gaie, oui gaie malgré tout et le reste."

 

Rosa Luxemburg naquit dans une famille juive aisée. C'est là que, de 1877 à 1887, elle fréquenta le lycée de jeunes filles. A seize ans (1887), elle faisait partie d'un groupe de socialistes révolutionnaires (Proletariat). Menacée d'arrestation, elle émigra en Suisse (1889) où elle entreprit des études (sciences naturelles, mathématiques, puis sciences politiques et économie) à l'Université de Zurich. C'est à Zurich qu'elle fit la connaissance de Leo Jogiches dont elle devint la compagne. Avec lui, Marchlewski et Warski, elle édita la première publication socialiste polonaise, la Sprawa Robotnicza (La cause ouvrière, 1893) et fonda le Parti social-démocrate de Pologne et de Lituanie (SDKPiL). En tant que déléguée de ce parti, elle participa jusqu'en 1912 à tous les congrès de la IIème Internationale. En 1893-1894, elle séjourna à Paris.

 

En 1896, elle rentre en relation avec le rédacteur en chef de Die Neue Zeit, Karl Kautsky, et publia dans cette revue plusieurs articles sur la Pologne. L'année suivante, elle soutint sa thèse de doctorat sur le développement industriel de la Pologne et, après avoir acquis la nationalité prussienne par un mariage blanc avec Gustav Lübeck, elle s'établit à Berlin où elle adhéra au SPD (1898). A partir de cette date, sans cesser de contribuer aux activités du SDKPiL, Rosa Luxemburg consacra la majeure partie de son temps à militer au sein de la social-démocratie allemande".

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13 juin 2011 1 13 /06 /juin /2011 16:49

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Guesdiste en 14, et donc nationaliste et soutien à la guerre, antibolchévique convaincu, Compère Morel de dérive en dérive devint vichyste dès 40.

 

Ces évolutions fatales nous en apprennent beaucoup sur le rapport entre nationalisme et social-démocratie, même s'il faut rester prudent sur l'interprétation  de vies politiques et ne pas lire les écrits précoces à la lumière d'une évolution aussi dramatique qu'intolérable.


Cependant, cela nous enseigne que la vigilance et la nécessité de rester, strictement, sur des positions de classe et internationalistes apparaissent aujourd'hui plus importantes que jamais.


Le dictionnaire du socialisme de Compère Morel, publié en 1924 reste une mine d'informations sur le mouvement ouvrier. Voici comment il y présente Rosa Luxemburg:

 

"Militante socialiste allemande, née en Pologne, qu'elle dut quitter à l'âge de 16 ans, inculpée d'avoir participé à un complot contre le tsar. Réfugiée à Zurich, elle y obtint ses grades de docteur en droit et en philosophie.Participa à tous les Congrès Nationaux Allemands et Internationaux, où elle représentait et défendait les idées de la fraction la plus avancée de la Social-Démocratie allemande. Propagandiste éprouvée, elle ne cessait de faire des réunions tout en publiant de nombreuses brochures et de nombreux ouvrages socialistes: La Grève des Masses; L'Accumulation du Capital; La Réforme sociale et la Révoluion, etc. Ayant participé au mouvement pacifiste, en Allemagne, au cours de la guerre de 1914-1918, - Elle publia, avec Clara Zetkin et Mehring des lettres révolutionnaires sous le pseudonyme de "Spartacus", - elle fut arrêtée, puis libérée par la Révolution. Arrêtée à nouveau au cours des événements révolutionnaires, elle fut assassinée, dans la soirée du 15 janvier 1919, en sortant de l'Eden Hotel, où les autorités militaires se tenaient, par la même brute qui avait tué Liebknecht: le soldat Runge. Mise dans une auto, un sous-officier lui tira un coup de revolver dans la tête pour l'achever. Berlin socialiste lui fit des obsèques splendides."

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15 avril 2011 5 15 /04 /avril /2011 12:24

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La campagne électorale à Hambourg

Ses liens avec F. Mehring

Les thèmes sur lesquels elle intervient: politique mondiale, le socialisme en France, la question économique

 

 

La correspondance peut nous permettre d'avoir une connaissance plus fine de l'action de Rosa Luxemburg. Un exemple avec le mois de décembre 1900. On y voit Rosa Luxemburg faire ses presques premières armes d'oratrice dans une campagne électorale de la social-démocratie allemande.

On peut y vérifier sa détermination et la conscience de ses capacités, les thèmes sur lesquels elle intervient: la question nationale, déjà la politique mondiale e tses analyses sur le socialisme en France.

On y voit avec émotion les premiers liens qui gagnent en profondeur avec Mehring.

On y croise les figures de la social-démocratie polonaise avec lesquels elle aura sans cesse à croiser le fer.

 


Le mois de décembre 1900

30.12

Friedenau

A Minna Kautsky

. Revient sur la mort de son père.

. Raconte une soirée d'après Noël chez les Kautsky 

. A propos de Mehring: "Je me suis rapprochée des Mehring. Tous les deux me montrent une sympathie d'après moi tout à fait imméritée - et comme toujours la sympathie que l'on me témoigne m'apparaît comme quelque chose de tout à fait inattendu , comme un véritable cadeau."

Elle étudie Hebbel qu'elle ne connaissait pas jusque-là.

30.12

Friedenau

Aux Seidel

Nostalgie du séjour en Suisse - Comme Berlin et l'appartement sont sombres. Bernstein à Zurich, est-ce qu'ils le fréquentent?

17.12

Lundi matin

Hambourg

 A Leo Jogiches

lRécit d'un meeting polonais appelé par une association nationaliste petite-bourgeoise sur la question économique et socale. 1500 personnes. Après les organisateurs, prise de parole de Morawski. Elle s'inscrit pour prendre la parole. Le président indique le manque de temps, lit les noms des personnes qui s'étaient inscrites. Et la salle réclame qu'on lui donne la parole. En vain.

"Ainsi, je n'ai pas pris la parole, mais j'étais très contente d'être allée à ce meeting 1. J'ai appris à connaître ce public et son niveau intellectuel (essentiellement des ouvriers). 2. J'ai entendu les meilleurs orateurs de Hambourg: le rédacteur du Dziennik Berlinski, le président de l'association de Hmbourg et Morawski. Tous les deux se situent au même niveau que Zadawski et Gutt, je n'en ai pas cru mes oreilles. Personne ne peut rivaliser avec moi. D'autre part, j'ai vu la tactique employée par les Morawski and Co dans de telles situations. Ils se sont montrés si lâches que personne ne pourrait imaginer - s'il ne les connaissait pas - que ce sont des socialistes. J'irai natuellement souvent à ces meetings, c'est un terrain favorable pour moi, car c'est un terrain neutre et je m'arrangerai la prochaine fois pour que l'on me donne à coup sûr la parole ... De cette manière, j'espère que le public apprendra à me connaître."

 

15.12

A Leo Jogiches

Hambourg

"Nous sommes assis dans un café après le deuxième discours. Cela s'est de nouveau merveilleusement bien passé ..."

(Il s'agit d'un de ses discours pour la campagne législative à Hambourg à laquelle elle participe. Le 13 décembre, elle parle à Eisbüttel sur la Politique mondiale et la social-démocratie, le 14 à Uhlenhorst sur la politique commerciale et la social-démocratie et le 15 sur le socialisme et la France)

14.12

A Leo Jogiches

Hambourg

"Et voilà un meeting de passé. Le résultat est formidable sans exagération. J'ai reçu des tonnerres d'applaudissements, les gens ont prétendu qu'il ont été "électrisés", ils m'ont constamment interrompue, soit pour proteester soit pour manifester leur contentement. ..."
   

  HEBBEL

200px-Friedrich_Hebbel.jpg

 

A titre indicatif, ces lignes sur Hebbel dans l'encyclopedia universalis ...

 

« Le drame moderne, si du moins celui-ci doit enfin prendre naissance, se distinguera du drame shakespearien (dont il faut de toute manière partir) en ceci que la dialectique dramatique se situera non seulement dans les caractères, mais dans l'idée elle-même. Le drame sera non seulement celui de l'homme dans ses rapports avec l'Idée, mais la justification même de l'Idée » (Journal intime).

Pareille optique explique à la fois la force et la faiblesse de l'œuvre. Sa force, car Hebbel ouvre la voie à un nouveau théâtre européen que l'on pourrait appeler drame du dévoilement, de la démystification de l'être. Cette nouvelle forme inspirera Ibsen, Gerhart Hauptmann, Strindberg, Georg Kaiser et Jean-Paul Sartre jusque dans les années 1950. Sa faiblesse en même temps, car l'œuvre de Hebbel est souvent surchargée d'intentions qui risquent de transformer les personnages en illustrations de théorèmes et qui écartèrent de lui un bon nombre de lecteurs et de spectateurs.


 
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
   
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2 avril 2011 6 02 /04 /avril /2011 15:44

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Nous avons lu aussi cet article sur le site  liberationirlande, publié le  1er .

 

L'occasion de redire en effet l'essentiel de ce lien conscience et sensibilité qui est propre à Rosa Luxemburg et de relire des extraits de lettres dont on ne peut se lasser. (en remerciant aussi pour la citation du blog).

A la question « qu’est-ce qu’être de gauche? », Gilles Deleuze répondait que ce n’était pas une question de morale, mais une question de perception: ne pas voir le monde en commençant par son petit moi, mais à partir de ce qui est loin autour de nous et qui nous englobe et nous appelle en quelque sorte. Par exemple pour nous, l’équipe de Libération Irlande, le sort tragique des prisonniers républicains de Maghaberry nous touche beaucoup, même si nous ne les connaissons pas.


Pour faire voir ce qu’est la sensibilité révolutionnaire, voici trois extraits de lettres envoyées par Rosa Luxembourg depuis sa prison en Allemagne à son amie et camarade Sonia Liebknecht, extraites du livre J’étais, je suis, je serai, Correspondance 1914-1919, ed. Maspéro, 1977.


Ce que je lis ? Avant tout, des ouvrages de sciences naturelles : géographie végétale et animale. Hier, j’ai justement lu un livre sur la cause de la disparition des oiseaux chanteurs en Allemagne : c’est l’entretien rationnel des forêts de plus en plus étendu, la culture des jardins et l’agriculture qui font disparaître une à une toutes leurs possibilités naturelles de nicher et de trouver leur nourriture : arbres creux, terres en friche, broussailles, feuilles mortes dans les jardins. J’avais si mal en lisant cela.


Ce n’est pas que je m’inquiète du chant des oiseaux pour les hommes, mais c’est la représentation de la disparition silencieuse et irréversible de ces petits êtres sans défense qui me peine au point je n’ai pu retenir mes larmes. Cela m’a rappelé un livre russe écrit par le professeur Ziber traitant de la disparition des Peaux-Rouges dans l’Amérique du Nord, que j’ai lu quand j’étais encore à Zurich. Tout comme les oiseaux, ils sont chassés peu à peu de leur territoire par les hommes civilisés et voués à une disparition silencieuse et cruelle.

Mais il faut bien sûr que je sois malade pour que tout me bouleverse si profondément. Ou alors savez-vous ce que c’est ? J’ai parfois le sentiment de ne pas être un vrai être humain, mais un oiseau ou quelque autre animal qui a pris forme humaine ; au fond de moi, je me sens beaucoup plus chez moi dans un petit bout de jardin comme ici ou dans la campagne, sur l’herbe, entourée de bourdons que… dans un congrès du parti. A vous, je peux bien dire tout cela : vous n’irez pas tout de suite me soupçonner de trahir le socialisme.


Vous le savez, j’espère malgré tout que je mourrai à mon poste, dans une bataille de rues ou au bagne. Mais mon moi le plus profond appartient plus à mes mésanges charbonnières qu’aux « camarades ». Et non pas parce que je trouve dans la nature un asile, un lieu de repos, comme tant d’hommes politiques qui n’ont plus rien dans le coeur. Au contraire, je trouve à chaque pas, dans la nature aussi, tant de cruauté que j’en souffre beaucoup. Imaginez-vous par exemple que je n’arrive pas à oublier le petit événement que voici.


Au printemps dernier, je rentrais chez moi d’une promenade dans la campagne par ma rue tranquille et vide, quand je remarquai sur le sol une petite tache brune. Je me baissai et fus témoin d’une tragédie sans paroles : un gros bousier était couché sur le dos, essayant de se défendre en agitant ses pattes tandis qu’un tas de fourmis minuscules grouillaient sur lui et… le dévoraient tout vif ! Frissonnante, je sortis mon mouchoir et me mis à chasser ces bestioles cruelles, mais elles étaient si insolentes et tenaces que je dus soutenir contre elles une longue lutte et lorsque j’eus finalement libéré le pauvre martyr et que je l’eus posé loin sur l’herbe, on lui avait déjà dévoré deux pattes… Je m’en allai précipitamment, en proie au sentiment pénible de lui avoir finalement rendu un fort douteux service.

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Hier donc je me disais : comme c’est étrange que je vive toujours dans une ivresse joyeuse, sans raison particulière. C’est ainsi par exemple que je suis allongée ici, dans cette cellule obscure, sur un matelas dur comme de la pierre, tandis que m’environne l’habituelle paix de cimetière qui règne dans le bâtiment ; on se croirait dans la tombe, tandis qu’à travers la vitre se dessine sur le plafond le reflet de la lanterne qui brûle toute la nuit devant la prison.


De temps à autre, on entend la rumeur très assourdie d’un train qui passe au loin ou encore, tout près, sous ma fenêtres, le raclement de gorge de la sentinelle qui, chaussée de ses lourdes bottes, fait lentement quelques pas pour se dégourdir les jambes. Sous ses pieds le crissement du sable est si désespéré qu’on y perçoit, dans cette nuit humide et sombre, tout le vide et l’absence de perspectives de l’existence. Et me voilà gisant seule et silencieuse, enveloppée dans tous les voiles noirs de ténèbres, de l’ennui de l’hiver qui vous tient prisonnière ; et pourtant mon coeur bat, secoué par une joie intérieure, inconnue, incompréhensible, comme si, dans l’éclat du soleil, je traversais une prairie en fleur.


Et dans le noir je souris à la vie, comme si je connaissais quelque secret magique qui démentirait tout ce qu’il y a de méchant et de triste, et j’éclate dans un monde de lumière et de bonheur. Et, dans le même temps, je m’interroge moi-même sur la raison de cette joie ; je n’en trouve pas et ne puis m’empêcher de sourire encore de moi-même.


Je crois que ce secret n’est autre que la vie elle-même ; la nuit profonde est si belle et douce comme du velours, pourvu que l’on sache bien regarder. Et dans le crissement du sable humide sous les pas lourds et lents de la sentinelle chante aussi la chanson de la vie, une petite chanson et belle – pourvu que l’on sache bien entendre.

A ces moments-là, je pense à vous et j’aimerais tant vous transmettre cette clef magique pour que vous perceviez toujours, et dans n’importe quelle situation, la part de beauté et de joie de la vie, pour que vous aussi vous viviez dans l’ivresse et marchiez comme dans une prairie diaprée. Loin de moi l’idée de vous payer d’ascétisme, de joies imaginaires. Je vous accorde toutes les joies réelles des sens. Simplement, je voudrais vous donner en sus mon inépuisable sérénité intérieure, afin de ne plus être inquiète pour vous, pour que vous alliez dans la vie enveloppée dans un manteau semé d’étoiles qui vous protège de tout ce qu’il y a de mesquin, de trivial et d’angoissant.

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Ah! ma petite Sonia, j’ai éprouvé ici une douleur aiguë. Dans la cour où je me promène arrivent tous les jours des véhicules militaires bondés de sacs, de vielles vareuses de soldats et de chemises souvent tachées de sang… On les décharge ici avant de les répartir dans les cellules où les prisonnières les raccommodent, puis on les recharge sur la voiture pour les livrer à l’armée.


Il y a quelques jours arriva un de ces véhicules tiré non par des chevaux, mais par des buffles. C’était la première fois que je voyais ces animaux de près. Leur carrure est plus puissante et plus large que celle de nos boeufs ; ils ont le crâne aplati et des cornes recourbées et basses ; ce qui fait ressembler leur tête toute noire avec deux grands yeux doux plutôt à celle des moutons de chez nous. Ils sont originaires de Roumanie et constituent un butin de guerre…


Les soldats qui conduisent l’attelage racontent qu’il a été très difficile de capturer ces animaux qui vivaient à l’état sauvage et plus difficile encore de les dresser à traîner des fardeaux. Ces bêtes habituées à vivre en liberté, on les a terriblement maltraitées jusqu’à ce qu’elles comprennent qu’elles ont perdu la guerre : l’expression vae victis ["malheur aux vaincus", en latin] s’applique même à ces animaux… une centaine de ces bêtes se trouveraient en ce moment rien qu’à Breslau.


En plus des coups, eux qui étaient habitués aux grasses pâtures de Roumanie n’ ont pour nourriture que du fourrage de mauvaise qualité et en quantité tout à fait insuffisante. On les fait travailler sans répit, on leur fait traîner toutes sortes de chariots et à ce régime ils ne font pas long feu. Il y a quelques jours, donc, un de ces véhicules chargés de sacs entra dans la cour.


Le chargement était si lourd et il y avait tant de sacs empilés que les buffles n’arrivaient pas à franchir le seuil du porche. Le soldat qui les accompagnait, un type brutal, se mit à les frapper si violemment du manche de son fouet que la gardienne de prison indignée lui demanda s’il n’avait pas pitié des bêtes.


Et nous autres, qui donc a pitié de nous? répondit-il, un sourire mauvais aux lèvres, sur quoi il se remit à taper de plus belle…


Enfin les bêtes donnèrent un coup de collier et réussirent à franchir l’obstacle, mais l’une d’elle saignait… Sonitchka, chez le buffle l’épaisseur du cuir est devenue proverbiale, et pourtant la peau avait éclaté. Pendant qu’on déchargeait la voiture, les bêtes restaient immobiles, totalement épuisées, et l’un des buffles, celui qui saignait, regardait droit devant lui avec, sur son visage sombre et ses yeux noirs et doux, un air d’enfant en pleurs.


C’était exactement l’expression d’un enfant qu’on vient de punir durement et qui ne sait pour quel motif et pourquoi, qui ne sait comment échapper à la souffrance et à cette force brutale… J’étais devant lui, l’animal me regardait, les larmes coulaient de mes yeux, c’étaient ses larmes. Il n’est pas possible, devant la douleur d’un frère chéri, d’être secouée de sanglots plus douloureux que je ne l’étais dans mon impuissance devant cette souffrance muette.


Qu’ils étaient loin les pâturages de Roumanie, ces pâturages verts, gras et libres, qu’ils étaient inaccessibles, perdus à jamais. Comme là-bas tout – le soleil levant, les beaux cris des oiseaux ou l’appel mélodieux des pâtres – comme tout était différent. Et ici cette ville étrangère, horrible, l’étable étouffante, le foin écoeurant et moisi mélangé de paille pourrie, ces hommes inconnus et terribles et les coups, le sang ruisselant de la plaie ouverte…


Oh mon pauvre buffle, mon pauvre frère bien-aimé, nous sommes là tous deux aussi impuissants, aussi hébétés l’un que l’autre, et notre peine, notre impuissance, notre nostalgie font de nous un seul être. Pendant ce temps, les prisonniers s’affairaient autour du chariot, déchargeant de lourds ballots et les portant dans le bâtiment. Quant au soldat, il enfonça les deux mains dans les poches de son pantalon, se mit à arpenter la cour à grandes enjambées, un sourire aux lèvres, en sifflotant une rengaine qui traîne les rues.


Et devant mes yeux je vis passer la guerre dans toute sa splendeur.

 

Visitez ce site : http://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/

 

http://liberationirlande.wordpress.com/author/liberationirlande/

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18 juin 2010 5 18 /06 /juin /2010 18:52

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"Ne comprends-tu donc pas que c'est notre propre cause qui l'emporte et triomphe là-bas"

    "Je sais ce qui te déprime, c'est que je ne sois pas en liberté, pour rassembler les étincelles qui jaillissent là-bas"

"A tout instant, je suis à mon poste et, dès que la possibilité m'en sera offerte, je m'empresserai de taper de mes dix doigts sur la clavier du piano du monde, que cela fera un beau vacarme!"

 

Wronke, le 15 avril 1917

Chère Loulou,

 

Ta courte lettre d'avant Pâques, m'a vivement inquiétée par son ton d'extrême abattement et je me suis promis sur-le-champ de te laver la tête une fois de plus. Dis-moi, comment peux-tu, telle une triste cigale,  continuer à chanter ta chanson si désolée, tandis que de Russie nous parviennent ce choeur, ces chants d'alouette si clairs? Ne comprends-tu donc pas que c'est notre propre cause qui l'emporte et triomphe là-bas, que c'est l'histoire mondiale en personne qui y livre ses combats et, ivre de joie, dans la Carmagnole? Quand notre cause, celle de tous, connaît un tel développement, ne devons-nous pas oublier toutes nos misères privées?

 

Je sais ce qui te déprime, c'est que je ne sois pas en liberté, pour rassembler les étincelles qui jaillissent  là-bas, pour aider et orienter les choses en Russie et ailleurs aussi. Pour sûr, ce serait beau et tu peux imaginer quels fourmillements je ressens dans tous les membres et comment chaque nouvelle de Russie me traverse comme une décharge électrique jusqu'au bout des doigts. Mais de ne pouvoir participer à ces mouvements ne me rend pourtant nullement triste et il ne me vient pas à l'idée en gémissant sur ce que je ne puis changer, de gâcher la joie que j'éprouve à voir ce qui se passe.

 

Vois-tu, l'histoire des dernières années précisément et, en remontant dans le passé à partir de celle-ci, toute l'histoire m'ont appris qu'on ne doit pas surestimer l'action de l'individu. Au fond, ce qui agit et force la décision, ce sont les grandes forces invisibles, les forces plutoniennes des profondeurs et, finalement tout se met en place, pour ainsi dire de "soi-même". N'interprète pas mal ce que je te dis! Ce faisant, je ne prône pas je ne sais quel optimisme fataliste et commode, destiné à masquer sa propre impuissance, et que je déteste chez Monsieur ton époux précisément. Non, non! A tout instant, je suis à mon poste et, dès que la possibilité m'en sera offerte, je m'empresserai de taper de mes dix doigts sur la clavier du piano du monde, que cela fera un beau vacarme! Mais comme, non par ma faute, mais par contrainte externe, j'ai été mise en congé d'histoire mondiale, je ris un bon coup, je suis heureuse quand cela marche même sans moi, et je crois dur comme fer que tout cela se passera bien. L'histoire sait toujours mieux que quiconque comment s'en sortir, alors qu'elle paraît s'être engagée dans une impasse sans le moindre espoir d'issue (...)

 

Et à présent tâche un peu d'être gaie, tu m'entends? Ne récrimine pas contre le temps gris, étudie plutôt la beauté et la diversité toute partiiculière d'un ciel gris.

 

Je t'embrasse de tout coeur.

 

Ta R.

 

Cette lettre est largement répandue et traduite. Cette version est publiée dans la revue Commune, N°18, mai 2000 (Prairial an 208)


Repères chronologiques sur le site du collectif smolny et qui permettent de mieux situer cette lettre dans son contexte historique. Il faut tenir compte du fait que Rosa Luxemburg est alors emprisonnée et qu'elle ne dispose certainement pas de toutes les informations, mais qu'elle connaît vraisemblablement les bouleversements politiques et les mouvements populaires de février-mars.

 

Repères chronologiques - 1917 :

Janvier

-  9 janvier : Grève de 50 000 ouvriers et manifestation à Petrograd en commémoration du Dimanche rouge de 1905.

Février

-  22 février : Lockout aux usines Poutilov.

-  23 février : Journée internationale des femmes et grande manifestation à Petrograd contre les difficultés d’approvisionnement. Les « Cinq Glorieuses » débutent spontanément.

-  25 février : Grève générale à Petrograd.

-  26 février : Heurts violents entre manifestants et armée.

-  27 février : Mutinerie à Petrograd. Mise en place d’un double pouvoir : le Comité provisoire de la Douma et, le Soviet des députés ouvriers de Petrograd.

Mars

-  1° mars : Par son Prikaz (“ordre”) n°1, le Soviet de Petrograd invite les soldats à élire des comités dans chaque unité, ce qui va dissoudre la discipline dans l’armée. Les grandes places de Petrograd se transforment en lieux de meeting permanent ; des centaines de soviets, des milliers de comités d’usine et de quartier, de paysans, de cosaques, de « ménagères », de milices ... fleurissent en quelques semaines ; plus de 150 quotidiens ou hebdomadaires accompagnent cette « libération de la parole ».

-  2 mars : Formation d’un gouvernement provisoire libéral, présidé par le prince Lvov ; abdication de Nicolas II.

-  6 mars : Publication du programme du gouvernement provisoire : amnistie, convocation d’une Assemblée constituante élue au suffrage universel, poursuite de la guerre.

Avril

-  3 avril : Arrivée de Lénine à Petrograd.

-  4 avril : Lénine expose aux bolcheviks ses “Thèses d’avril”.

-  20-21 avril : “Journées d’avril” : vives réactions du Soviet à la note Milioukov (confirmant aux Alliés l’engagement de la Russie dans la guerre) ; manifestations et violents heurts dans les rues de Petrograd entre manifestants et contre-manifestants.

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14 juin 2010 1 14 /06 /juin /2010 10:15

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On parle beaucoup en ce moment de Rosa Luxemburg. Lettres de prison, spectacle à partir de sa vie, citations reprises dans tous les contextes possibles.


Comprendre avec Rosa Luxemburg, c'est cependant vouloir aller plus loin: s'appuyer sur une lecture parallèle des textes, de la correspondance et des actions, pour mieux saisir sa logique politique et ce que nous pouvons en apprendre  pour nos pratiques aujourd'hui. C'est surtout revenir à une compréhension plus directe et plus précise.


Ainsi le Le tome V de l'édition allemande de la correspondance chez Dietz Verlag qui va de la mobilisation générale en Allemagne à la révolution spartakiste est-il d'une grande importance. Il nous apporte en effet de précieux renseignements, presque au quotidien, sur l'action de Rosa Luxemburg dès la déclaration de guerre, sur ceux avec lesquels elle a sans discontinuer tenté d'organiser en pleine guerre, et souvent de prison, la lutte contre la guerre et ce jusqu'à sa libération et son engagement dans la révolution.


Ce tome s'ouvre sur deux phrases adressées le 1er août à Kostia Zetkin  Le 1er août est le jour de la mobilisation générale en Allemagne:


"...  Je suis profondément ébranlée. Je viens de rentrer. Lettre suit ."


Et se termine par une très longue lettre datée du 11 janvier à Klara ... en plein soulèvement spartakiste.

 

Nous préparons une page sur le blog sur cette période.Et sommes intéressés à des contributions.

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24 avril 2010 6 24 /04 /avril /2010 17:03

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hans-diefenbach.jpgParmi les plus grandes absurdités de cette guerre dite de 14/18, il y aura la mort de ceux qui ont passé leur teur vie à lutter contre cette montée de la guerre et que le ralliement des sociaux-démocrates envoient mourir sur les fronts. 

Parmi eux, Hans Diefenbach. Militant discret et ami proche de Rosa Luxemburg que l'on voit apparaître tant de fois dans la correspondance que, quand tombe l'annonce de sa mort dans cette lettre, l'on est véritablement frappé de stupeur et d'une véritable tristesse ...

 

"Très chère Sonitschka, j'espère avoir bientôt la possibilité de vous envoyer cette lettre, aussi je m'empresse de l'écrire. J'ai été si longtemps privée de la joie de m'entretenir avec vous., tout au moins par lettre. Mais je devais réserver à Hans D. les quelques lettres que j'avais la permission d'écrire, car il les attendait. C'est fini, maintenant. Mes deux dernières lettres s'adressaient  à un  mort et on m'en a déjà renvoyé une. Je ne puis y croire, mais il vaut mieux ne pas parler de cela; je préfère me retrouver seule avec ma douleur, et quand on veut user de "ménagements" pour m'annoncer une mauvaise nouvelle et me "consoler" par des jérémiades, comm l'a fait N., on ne réussit qu'à m'irriter. Faut-il que mes amis les plus proches me connaissent mal et aient pour moi peu d'estime! Ne comprennent-ils pas qu'en pareille circonstance, il est préférable et plus délicat de me dire tout de suite, en toute simplicité; il est mort ... C'est affligeant, mais n'en parlons "plus


Mi-novembre 1917.

Lettres de prison, bélibaste, 1969, P45



De Hans Diefenbach au grand-père de Dominique Grange: médecins aux fronts!

"Des lendemains qui saignent" de Dominique Grange et Tardi ne pouvait qu'être mis à l'honneur sur un blog consacré à Rosa Luxemburg.

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Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009