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Intervention au Congrès de Mayence sur la guerre de Chine – septembre 1900
traduction c.a.r.l. - 1988 - sur le blog le 19.04.2014
Si je prends brièvement la parole pour aborder le problème de la politique mondiale, ce n’est pas pour devancer le débat sur le point 7 de l’ordre du jour, c’est simplement parce que je veux aborder une question relevant de la pratique, en l’occurrence le point de savoir si notre parti, pour ce qui concerne la guerre de Chine, a développé une action en rapport avec la portée de l’événement,
Il est impossible de répondre autrement que par la négative à cette question. Certes notre presse, et en particulier le Vorwärts, a fait beaucoup pour flétrir la politique aventureuse du gouvernement. Mais cela est insuffisant. L’essentiel de notre action ne devrait pas dans ce cas précis porter sur la presse, qui n’agit que sur une faible partie de la population, mais sur l’agitation orale qui touche de larges cercles encore éloignés de notre mouvement..
Jusqu’à présent, nous avons toujours su répondre aux attaques réactionnaires par d’imposants mouvements populaires. Mais aujourd’hui, alors que des événements ont lieu, dépassant par leur portée, tout ce que nous avons pu connaître depuis dix ans, des événements qui représentent un véritable tournant dans l’histoire de l’ensemble de l’Europe capitaliste, il n’a été engagé aucune campagne de meetings de protestation. Certes, notre presse réclame une session extraordinaire du Reichstag, revendication tout à fait logique pour ce qui concerne. Mais si cela devait constituer notre unique réponse, on pourrait dire qu’en ce qui concerne la social-démocratie, la montagne de la politique mondiale a véritablement accouché d’une souris. Car de ce Reichstag qui a approuvé la loi navale, on ne peut rien attendre d’autre que d’être le plus fidèle soutien de l’actuelle politique mondiale. Nous ne pouvons donc considérer la convocation du Reichstag que comme une tribune pour notre protestation.
Mais il convient alors de se demander s’il n’était pas mille fois plus important de porter notre protestation dans des meetings populaires et de nous adresser directement aux masses ? Je ne veux faire aucun reproche au Comité directeur, il a des raisons valables pour faire tout ce qu’il fait ; je ne pose cette question que dans la mesure où l’on pourrait facilement se méprendre sur ces raisons. Ainsi des gens qui ne connaîtraient pas notre parti, pourraient croire que nous sommes avant tout un parti parlementaire, qui ne sait répondre aux événements mondiaux que par quelques discours au Reichstag. Il pourrait aussi venir à l’esprit de gens mal informés, que notre parti qui, dans de nombreux cas, a su développer de si larges mouvements de protestation, ne se comporterait avec autant de calme, dans ce cas précis et alors qu’il s’agit d’une guerre sanglante réelle de toute l’Europe réunie contre l’Asie, que parce qu’il tiendrait compte du chauvinisme officiel et officieux ; une telle interprétation serait bien entendu fatale pour nous. Et c’est justement parce que je sais qu’il est loin de la pensée de notre Comité directeur de surestimer l’action parlementaire, que je souhaiterais dans l’avenir que nous ne donnions aucune prise à de telles suppositions. (applaudissements)
Dietz Verlag, Gesammelte Werke, édition 1982, P 799 - 800
Discours sur la nécessité de renforcer notre mouvement de protestation - septembre 1900
traduction c.a.r.l. - 1988
J’ai reçu de toutes parts la confirmation de la justesse des remarques que j’avais faites hier à propos du rapport Singer sur l’activité du parti. La réponse de Pfannkuch m’a appris cependant que dans son inaltérable optimisme, concernant le comité directeur, je m’étais cruellement trompée ; car ce que Pfannkuch a dit pour excuser l’inactivité du parti a été en dessous de toute critique. Il a repris encore une fois les sempiternels prétextes, comme le fait que nous ne disposerions pas d’une douzaine de Bebel. C’est toujours la même réponse qui nous est faite à tous les reproches, à toutes les critiques que nous pouvons émettre, tout comme le médecin de Molière qui ne connaît pour toutes les maladies qu'un seul et unique traitement : lavements et clystères (rires)
Je vais de mon côté montrer ce que nous aurions pu faire même sans la multiplication des primadonnas de notre parti. 1. On aurait pu rédiger un manifeste contre la guerre de Chine, qui aurait informé de larges cercles de la population sur le caractère de cette politique. 2. Nous aurions pu organiser une campagne de meetings homogène et imposante grâce à des directives données par la direction du parti.
Mais ce n’est pas tout. La guerre de Chine est le premier événement de l’ère de la politique mondiale, dans lequel tous les pays industriels sont impliqués, et cette première percée de la réaction internationale, de la Sainte Alliance aurait dû aussitôt rencontrer la protestation des partis ouvriers réunis de l’Europe. Et l’initiative aurait dû certainement venir du pays jouant le rôle principal dans cette guerre contre la Chine (dans la salle : Paris).
Je sais, dans une semaine, une manifestation sera organisée à Paris ; mais il ne s’agit pas que seuls les représentants des partis socialistes réunis à Paris protestent – personne n’a jamais douté qu’ils soient des opposants résolus à cette guerre en Chine.-, ce qu’il faut, c’est mobiliser les masses populaires indifférentes, dans tous les pays, et dans cette optique, je crains bien que notre parti se soit rendu coupable de négligence non seulement dans notre propre pays, mais aussi au regard de la solidarité internationale.
Nous nous rendons réellement ridicules devant de larges couches de la population. En effet, chaque jour nous tempêtons contre la politique mondiale, nous tonnons contre le militarisme en temps de paix ; et quand éclate véritablement un conflit, nous négligeons de tirer les conséquences et de montrer le bien-fondé de l’agitation que nous menons depuis de longues années.
C’est vrai que les principaux événements de la guerre de Chine ont eu lieu pendant les vacances ; les discours de l’empereur, l’envoi de bâtiments de guerre en Asie. Mais pour prendre des vacances durant un conflit conduit par l’Allemagne et lourd de conséquences, il faut être au moins chancelier. Nous sommes un parti d’opposition et comme tel nous devons rester à notre poste.
Je ne dis pas cela pour critiquer ce qui s’est passé, mais parce que nous ne sortirons plus maintenant de la politique mondiale. De tels événements peuvent se produire chaque jour, et j’aimerais que nous puissions montrer un peu plus à la hauteur.
Nous allons réfléchir les jours qui viennent au problème de notre participation ou non aux élections de Prusse, et si les apparences ne sont pas trompeuses, nous devrions prendre la décision d’y participer. Le seul argument valable à mes yeux, du moins le seul argument positif que l’on peut donner en faveur de cette participation serait que nous devions chercher d’autres terrains d’agitation, si nous laissions les anciens en friche.
Et quel terrain plus juste pourrions-nous trouver que cette guerre, que ces événements récents, pour mobiliser les masses. Que l’on cesse de nous faire languir, sous prétexte que nous n’aurions pas suffisamment d’orateurs! Si un seul orateur a suffi pour déclencher une guerre, nous devrions certainement parvenir à mettre sur pied un mouvement même avant que nos Bebel, Auer et Vollmar se soient multipliés.
Dietz Verlag, Gesammelte Werke, édition 1982, P 801 - 802