Rosa Luxemburg : Constructions de canaux en Amérique du Nord, 4 décembre 1898. Chronique EGO. Inédit
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Premier article de la chronique EGO.
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"Construction de canaux en Amérique du Nord", 4 décembre 1898, Sächsische Arbeiterzeitung.
Paru dans la chronique "Tour d'horizon économique et social", sous le pseudonyme EGO.
Les Etats-Unis d'Amérique du Nord ont entamé la construction de deux formidables voies d'eau, qui sont d'une grande importance, non seulement pour le développement économique de ce pays, mais aussi pour celui des Etats européens. La première de ces entreprises consiste en l'élargissement de la voie d'eau Erie-Huron, qui relie l'ensemble constitué par les trois grands lacs, Supérieur, Michigan et Huron, à celui constitué par les deux plus petits, Erié et Ontario. Et à partir de là à l'Océan atlantique, grâce au fleuve Saint-Laurent.
Dès maintenant, cette voie d'eau peut-être considérée comme exemplaire; elle peut être empruntée par des vapeurs transportant jusqu'à 250 tonnes et pouvant aller à une vitesse de 70 à 100 kilomètres par jour. Mais aujourd'hui, on prévoit d'élargir cette voie et de la transformer de telle façon que des bateaux transatlantiques puissent l'emprunter jusqu'à Chicago. Dans ce but, on construit un canal d'une profondeur de 100 mètres et d'un coût d'environ 400 millions de Mark. La principale difficulté de ce nouvel ouvrage réside dans le fait que le niveau de l'eau change à plusieurs reprises; ainsi, par exemple, la différence de niveau entre les lacs Erié et Ontario atteint 100 mètres. Ceci rend nécessaire la construction d'écluses et d'ascenseurs. Il y en aura cinq en tout qui permettront de faire monter les navires transocéaniques grâce à un système d'air comprimé.
Cette nouvelle construction sera d'une immense importance pour le commerce des céréales. Les céréales venant de Chicago, principal centre céréalier des Etats-Unis seront transportées directement, sans être déchargées jusqu'à l'Atlantique et de là jusqu'en Europe, diminuant fortement les coûts de transport; cela favorisera considérablement la concurrence et aura une grande influence sur la situation de l'agriculture en Europe occidentale, de même qu'en Russie.
L'autre voie d'eau prévue aux Etats-Unis est la liaison entre les océans pacifique et atlantique par un canal traversant le lac du Nicaragua. L'éloignement des côtes est ici sensiblement plus important qu'à Panama, mais l'existence d'un lac en son milieu devrait en faciliter la construction. Le canal devrait faire 169,4 miles anglais de long et comporter six écluses et son coût devrait être de 280 millions à un milliard de Mark. Grâce à la construction de ce canal, les navires américains pourraient directement et dans les délais les plus réduits relier les ports l'Océan Atlantique à ceux de l'Océan Pacifique sans comme c'est le cas maintenant devoir effectuer ce colossal détour que constitue le contournement de l'Amérique du Sud.
L'extraordinaire signification politique et économique de cette nouvelle voie est claire. Et sa construction devrait, une fois les yankees à l'oeuvre, connaître un sort plus heureux que la construction du canal de Panama qui a coûté et en vain tant d'argent à la petite-bourgeoisie française et tant d'honneur à la grande bourgeoisie.
D'une part ces deux gigantesques entreprises sont tout simplement les enfants des intérêts commerciaux et militaires, mais ils survivront à leur créatrice - l'économie capitaliste. Et d'autre part, ils montrent quelles gigantesques forces productives sommeillent au sein de notre société et quel essor connaîtraient le progrès et la civilisation, s'ils étaient enfin libérés des chaînes des intérêts capitalistes.
Traduction: c.a.r.l. (1988)
Parution 1ère partie sur le blog le 11 juin 2008
Parution complète le 31 août 2014