comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com
De l'absurdité totale de la guerre.
Le destin de Hans Diefenbach, ami très proche de Rosa Luxemburg qui comme elle a combattu contre la guerre, en est une illustration forte. Il est le symbole de tous ces militants sociaux-démocrates que tout liait à la paix et qui sont morts dans le conflit. Rapprocher les deux extraits de lettres de Rosa Luxembug offre alors un raccourci inouï :
Son départ. Lettre du 2 août 1914
"Ce soir Hannes Diefenbach est venu prendre congé avec Maxim [Zetkin,]. Hannes m'a fait beaucoup de peine; il ressemble à quelqu'un qui marche à l'échafaud; il a pris congé pour toujours et a une mine affreuse. Il ne s'est pas occupé de se faire incorporer en sa qualité de médecin, et le voilà qui entre à la caserne avec le grade de sergent! Maxim n'a pas encore reçu sa feuille de route. Le petit Kurt Rosenfeld part dans la nuit de mardi à 3 heures et demie. Dans les rues, on ne voit que des réservistes se hâtant une petite valise à la main et des tas de femmes et d'enfants qui restent dehors jusque tard dans la nuit. Le monde entier est soudain devenu un asile de fous."
Sa mort - Lettre à S. Liebknecht mi-novembre 1917
"Très chère Sonitschka, j'espère avoir bientôt la possibilité de vous envoyer cette lettre, aussi je m'empresse de l'écrire. J'ai été si longtemps privée de la joie de m'entretenir avec vous., tout au moins par lettre. Mais je devais réserver à Hans D. les quelques lettres que j'avais la permission d'écrire, car il les attendait. C'est fini, maintenant. Mes deux dernières lettres s'adressaient à un mort et on m'en a déjà renvoyé une. Je ne puis y croire, mais il vaut mieux ne pas parler de cela; je préfère me retrouver seule avec ma douleur, et quand on veut user de "ménagements" pour m'annoncer une mauvaise nouvelle et me "consoler" par des jérémiades, comm l'a fait N., on ne réussit qu'à m'irriter. Faut-il que mes amis les plus proches me connaissent mal et aient pour moi peu d'estime! Ne comprennent-ils pas qu'en pareille circonstance, il est préférable et plus délicat de me dire tout de suite, en toute simplicité; il est mort ... C'est affligeant, mais n'en parlons "plus
"C'est fini, maintenant". Rosa Luxemburg apprend la mort au front de son ami Hans Diefenbach
Autres lettres:
Lettre à Franz Mehring - 13 septembre 1914
" ... De notre ami Hans, j'ai reçu de longues lettres dans lesquelles il me décrit batailles et exécutions ..."
Extrait d'une lettreà Mathilde Wurm, 15 novembre 1917
"Ainsi aujourd'hui, j'ai fini de lire le Simplicius Simplicissimus de Grimmelshausen, dans la belle édition d'Albert Langen que je possède depuis des années sans y avoir pris auparavant plaiisir. C'est une puissante et vaste fresque de l'époque de la guerre de trente ans, un tableau de l'état barbare de la société allemande d'alors qui vous bouleverse. Pourtant, je ne te conseille pas de le lire maintenant, il pourrait te déprimer beaucoup. Je l'ai lu d'un trait, rien que pour m'étourdir et me distraire, car j'ai subi un choc très dur. Hans Diefenbach a été tué. Je sais que la vie continue, qu'il faut rester fort et courageux et même serein, je sais tout cela ... Je m'en sortirai sans doute toute seule mais je préfère ne pas en parler..."
Ta Rosa
Extrait d'une lettre à Sonio Liebknecht du 24 novembre 1917
... Dans la cour, dans les bâtimentsdel'intendance, les lumière s'éteignent peu à peu; je rentre et on ferme les portes à double tout en poussant les verrous - la journée est bien finie. Je me sens si bien, malgré la douleur due à Hans. C'est que je vis dans un monde de rêve dans lequel il n'est pas mort. Pour moi, il est toujours en vie et souvent, quand je pense à lui, je lui souris ..."
Je vous embrasse
Votre Rosa