"Dès 1893, dès l'aube de son activité militante, Rosa Luxemburg se trouve confrontée à ces interrogations; sa réflexion se place à partir et au coeur même de l'action dans le cadre de laquelle se produit l'affrontement des alternatives. Car le socialisme naissant avait, selon ses propres termes, "dès le départ pour tâche de venir à bout de l'héritage historique de la noblesse polonaise, c'est-à-dire de trouver une solution à la question nationale". Tâche qui, pour Rosa Luxemburg, revenait à définir le rapport historique spécifique entre la lutte politique du prolétariat et l'aspiration à la restauration de la Pologne. En fait, le choix n'était pas à opérer entre les "aspirations nationales sans espoir", les voeux pieux "pratiquement irréalisables" et les possibilités concrètes de réalisation de la lutte quotidienne du mouvement ouvrier, ainsi que le présentait Rosa Luxemburg dans le feu de la polémique. Le conflit au sein du socialisme polonais, la division qui en résultait se situaient dans la priorité à accorder à l'objectif national ou à l'objectif de classe, dans les modalités d'une harmonisation entre les intérêts nationaux et les intérêts de classe. Les termes du débat préfiguraient d'ailleurs les dilemmes qui se sont généralisés deux décennies plus tard dans le socialisme européen.. En fait, Rosa Luxemburg ne niait pas l'existence d'un "rapport organique entre ces deux objectifs en Pologne", pas plus qu'elle ne persévéra dans la "tentative discrète" initiale pour le trouver. Son choix était entièrement orienté par le refus de voir renversé l'ordre des priorités et de voir ainsi le socialisme dévié de sa vocation et de son option internationaliste. Par la suite, Rosa Luxemburg allait inverser en quelque sorte la formulation d'Engels: c'est lorsque les socialistes sont le plus internationaliste qu'ils sont les plus nationaux..."