Un deuxième document sur le net sur la construction du chemin de fer de Bagdad. (
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La photo de Bagdad aurait pu constituer la preuve d’un événement extraordinaire. Elle montre un ingénieur en chef allemand entouré de travailleurs turcs qui posent pour le photographe. En arrière-plan, quelqu’un a fièrement inscrit à la craie blanche sur la tôle noire de la locomotive en allemand : „La première locomotive à Bagdad, 1912“.
L’ingénieur en chef de la fameuse trajectoire était August Heinrich Meissner de Leipzig qui rêvait depuis son enfance de construire des chemins de fer. « Cher père, cet après-midi, Meissner est venu me chercher. Les palmiers se penchaient sur les rives du Tigre et une flottille de vieux bateaux voguait sur le fleuve grossi. Les flots boueux du Tigre, les palmiers, les Arabes chantant – le vieil Orient, et au beau milieu de tout cela, les locomotives immaculées, les Allemands aux yeux bleus et aux cheveux courts avec leurs mouvements secs et rapides, leur allure un peu militaire. Les soldats de l’Occident viennent pour conquérir, leur arme est la technologie. » : voici ce que rapporta la célèbre espionne anglaise Gertrude Bell de sa rencontre avec Meissner à Bagdad le 28 mars 1914.
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La photographie de 1912 semble prouver que le chemin de fer de Bagdad est déjà arrivé dans la métropole du pays des deux fleuves, une prouesse technique pour le début du XXème siècle. C’est comme si les 2 500 kilomètres entre Constantinople, aujourd’hui Istanbul, et Bagdad, passant par les montagnes et le désert, traversant l’Euphrate et le Tigre, étaient reliés par une voie de chemin de fer continue. Mais les apparences sont trompeuses.
A peine dix ans plus tôt, le 5 mars 1903, commence cette entreprise politique et technique titanesque. L’idée de relier les deux métropoles, Constantinople et Bagdad, par une voie ferrée vient du sultan turc Abdoul Hamid II, souverain de l’immense Empire ottoman qui s’étend de Constantinople jusqu’au golfe Persique, de la mer Noire jusqu’à La Mecque. Il désirait créer une infrastructure de transports moderne et espérait, grâce au réseau ferroviaire, resserrer les liens entre la capitale Constantinople et les provinces récalcitrantes.
Pour ce faire, il avait besoin d’alliés. Grâce à l’habileté diplomatique d’Adolf Freiherr Marschall von Biberstein, ambassadeur allemand à Constantinople, le contrat pour la construction du chemin de fer fut passé avec les Allemands. Le financement fut pris en charge par les banques allemandes, des entreprises allemandes envoyèrent leurs ingénieurs et dirigèrent le chantier. Locomotives, rails ou boulons, tout arrivait en bateau du Reich.
De même pour les locomotives sur la photo de 1912 : elles n’ont jamais parcouru la ligne de Constantinople. Car, deux ans avant le début de la Première Guerre mondiale, le chemin de fer de Bagdad comptait encore plusieurs chantiers en pleine activité. Il est vrai, par contre, qu’en 1912, les premières locomotives allemandes étaient en gare de Bagdad, mais arrivées en pièces détachées de Hambourg avant d’être assemblées sur place. Elles permettaient de faire avancer la construction de la ligne vers le nord en partant de Bagdad, car sur ce terrain impraticable, les rails pesant plusieurs tonnes ne pouvaient être transportés que par chemin de fer.
L’épopée des deux locomotives reflète parfaitement les forces en présence en Europe et au Proche-Orient avant la Première Guerre mondiale. Le cargo de Hambourg vogua sur la mer Méditerranée jusqu’au canal de Suez contrôlé par les Britanniques, le traversa, fit le tour du sud de l’Empire ottoman – actuellement l’Arabie saoudite et le Koweït - pour aller jusqu’à la ville portuaire de Bassorah dans le golf Persique. A Bassorah, les locomotives furent transférées sur des vapeurs de rivière afin de remonter le Tigre, également sous contrôle britannique, jusqu’à Bagdad.
L’histoire du chemin de fer de Bagdad qui devait relier la capitale de l’Empire ottoman, Constantinople, à Bagdad a déjà beaucoup échauffé les esprits chez les grandes puissances européennes et en Russie avant que cette photo ne fut prise. La construction du chemin de fer jusqu’à Bagdad était un projet de prestige pour Le Reich et un objet de fierté pour l’Empire ottoman. Cette ligne d’une grande importance stratégique devait rapprocher les provinces éloignées de la capitale du Bosphore. La France, la Russie et particulièrement la Grande-Bretagne y voyaient un danger pour leurs intérêts coloniaux dans la région. « L’homme malade du Bosphore » pouvait-il préserver son hégémonie au Proche-Orient uniquement à l’aide du chemin de fer ? Le chemin de fer était aux yeux de ses adversaires un instrument de pouvoir dont la création devait être empêchée à tout prix. Les bonnes relations entre l’empereur allemand et le sultan turc ainsi que la construction du chemin de fer entre Bagdad et Médine représentaient une sérieuse menace, en particulier pour les Britanniques. Ces derniers voulaient absolument éviter la présence des Allemands près des puits de pétrole arabes, un objectif partagé par la France et la Russie.
par Roland May
Pour en savoir plus sur le rôle du chemin de fer de Bagdad pendant la Première Guerre mondiale, ne ratez pas le documentaire en deux parties
„Le chemin de fer de Bagdad.
1. 1903 – Une entreprise titanesque
2. 1914 – Aventuriers et espions »,
le 3 janvier 2006 à partir de 20h40 et le 6 janvier à partir de 18h05