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A Kostia Zetkin
Berlin - Sudende, 2 août 1914
Petit Niouniou, ai bien reçu tes deux lettres. J'aimerais tant être avec toi, chez vous, pour parler et discuter de tout avec toi. Mais comment m'en aller quand il faut tenter et faire ici tout ce qui est humainement possible. Je suis encore obligée de rester ici jusqu'au moment où tout sera tout à fait impossible [...] Pour l'heure, j'essaie de faire tout ce qu'on peut et surtout - d'empêcher ce qu'on peut empêcher, si peu que ce soit.
Ce soir Hannes Diefenbach est venu prendre congé avec Maxim [Zetkin,]. Hannes m'a fait beaucoup de peine; il ressemble à quelqu'un qui marche à l'échafaud; il a pris congé pour toujours et a une mine affreuse. Il ne s'est pas occupé de se faire incorporer en sa qualité de médecin, et le voilà qui entre à la caserne avec le grade de sergent! Maxim n'a pas encore reçu sa feuille de route. Le petit Kurt Rosenfeld part dans la nuit de mardi à 3 heures et demie. Dans les rues, on ne voit que des réservistes se hâtant une petite valise à la main et des tas de femmes et d'enfants qui restent dehors jusque tard dans la nuit. Le monde entier est soudain devenu un asile de fous.
Ton "démissionner du parti" m'a fait rire. Espèce de grand enfant, ne voudrais-tu par hasard démissionner du "genre humain"? En présence de phénomènes historiques de cette ampleur toute colère doit céder la place à une action opiniâtre. Dans quelques mois, quand la faim commencera à se faire sentir, les choses changeront peu à peu. Reste dispos et serein, comme moi.
N
Dans Rosa Luxemburg, épistolière
Zditions de l'Atelier
Gilbert Badia, 1995