De Stuttgart, un membre de l'opposition, Crispien, avait envoyé le 5 janvier 1915, une lettre circulaire à des camarades sûrs, en leur demandant de proposer une date et un lieu de réunion. Deux semaines plus tard, le 20, il informait ses correspondants qu'il avait reçu une réponse positive de "Karl Liebknecht, Luxemburg, Julian Borchardt (Berlinà, Dissman (Francfort), Menke (Dresde), Notter (Munich), Bartel (Duisbourg), Zimmer (Karlsruhe), Zetkin et Westmeyer (Stuttgart).
LA REUNION DU 5 MARS 1915
Il ya tout lieu de penser que ces sondages de Crispien sont à l'origine de la réunion qui se tint à Berlin le 5 mars 1915; d'abord dans le bureau de Karl Liebknecht - qui était avocat - puis, probablement pour des raisons de sécurité, dans l'appartement de Wilhem Pieck; et à laquelle participèrent cinquante militants environ.
Les noms qui sont mentionnés dans les notes de Wilhem Pieck ne se recoupent pas exactement avec ceux des correspondants de Crispien. Selon Pieck étaient présents notamment Franz Mehring, Käthe et Hermann Duncker (Rosa luxemburg était incarcérée à la prison de Barnimstrasse) et Otto Gäbel pour Berlin, Otto Rühle, le second député qui ait refusé de voter les crédits militaires, et Merkel, de Dresde, Paul Levi, jeune avocat de Francfort, qui avait défendu Rosa Luxemburg lors du procès qui lui avait valu un an de prison en 1914, Otto Geithner, de Gotha, dont le journal venait d'être interdit par l'autorité militaire, Peter Berten de Düsseldorf et Crispien.
Cette liste prouve que la conférence ne réunissait pas que des futurs spartakistes. Crispien par exemple sera l'un des fondateurs du parti socialiste indépendant, mais n'adhèrera jamais au spartakisme. D'une façon générale, à cette date, l'opposition se cherche encore. Unie par une commune hostilité à la politique de compromis et de compromissions menée par la direction du parti, elle diverge sur les méthodes à utiliser pour mettre fin à cette guerre qu'elle condamne et probablement aussi sur l'appréciation de la situation politique intérieure et extérieure.
La Conférence mit sur pied un embryon d'organisation: en fait, on désigna des camarades responsables d'une région. Chacun d'eux pouvait ensuite prendre sur place les contacts qu'il jugeait nécessaires avec les opposants qu'il connaissait. On était avant tout préoccupé de trouver des adresses de militants sûrs auxquels on pourrait envoyer du matériel de propagande. Il n'était pas encore question d'élaborer en commun une plate-forme politique précise ni de proposer une organisation centralisée. Chacun, dans son secteur, menait la lutte avec ses amis comme il le pouvait et comme bon lui semblait. Pour l'instant d'ailleurs, l'action clandestine ne débordait pas le cadre du parti social-démocrate. L'objectif restait de s'assurer des positions à l'intérieur du parti, de convaincre des militants de lire et diffuser les articles de ces dirigeants sociaux-démocrates connus qu'étaient Liebknecht, Luxemburg ou Mehring.
Préoccupée de l'absence de base théorique de l'opposition, Rosa Luxemburg avait proposé "d'éditer une revue mensuelle consacrée surtout à rétablit le contact avec les autres partis socialistes"