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Deux lettres à Walter Stoecker font partie du tome 4 des Gesammelte Briefe pour l'année 1914. Comme les lettres à Rosi Wolfstein ou Brandel Geck, précedemment traduites sur le blog, ce sont des courriers adressés à un jeune militant. On y retrouve la même proximité, attention et gentillesse.
Ces courriers révèlent aussi un peu du quotidien de Rosa Luxemburg fait de réflexion théorique et d'action. Et au détour d'une lettre qui pourrait être banale des phrases qui montrent tout l'engagement réel de Rosa Luxemburg et dont on sait que ce ne sont pas des mots en l'air, des mots pour rien:
"Cher jeune ami, je vous assure, que je ne fuirai pas même si j'étais menacée de la potence pour la simple raison que je pense que l'on doit habituer le parti au fait que le sacrifice fait partie de l'action d'un socialiste et que c'est une évidence. Vous avez raison: "Vive la lutte!"."
L'apparition de ces noms de jeunes militants a aussi ceci de profondément émouvant que l'on peut suivre ensuite leur destinée, souvent terrible et révélatrice. Ainsi la mort de Walter Stoecker, comme tant de militants sociaux-démocrates, dans les camps nazis
Lettres de Rosa Luxemburg à Walter Stoecker
Cher camarade Stoecker,
Berlin-Südende, 22 janvier 1914
Le chapitre sur l'argent dans le Capital est en fait assez difficile. Malheureusement, il n'y a pas d'ouvrage qui le résumerait de façon facile à lire et de la seule manière acceptable, c'est-à-dire dans sa dimension historique; ni dans la littérature du parti et encore moins dans la littérature bourgeoise. Cette année (en été), je vais publier un ouvrage de popularisation de la théorie économique de Marx, où je pourrai, je l'espère, représenter de manière simple la théorie de la valeur et de l'argent.
Cordialement,
Votre R. Luxemburg
(Si vous avez la possibilité de venir à Berlin, nous pourrions discuter de cela)
Cher camarade Stoecker,
Berlin-Südende, 11 mars 1914
Lindenstr. 2
Je ne peux malheureusement vous recommander aucun des ouvrages bourgeois d'économie politique, car cela ne représenterait que perte de temps et désagrément. Continuez plutôt votre lecture du Capital. Avant d'entamer la lecture du tome II, je vous conseillerais peut-être de lire mon ouvrage "L''Accumulation du capital. Je ne connais mallheureusement pas d'autres ouvrages qui pourraient vous familiariser un peu avec le tome II; ce tome est cependant très difficile car il propose plus des problèmes à la réflexion que des analyses achevées. Essayez malgré tout. Si cet ouvrage vous semble cependant trop difficile, commencez peut-être plutôt par le mien. Ce qui me semble le plus dangereux, c'est que l'on peut penser maîtriser tous les détails, avec même une apparente facilité. Mais l'on ne prend pas conscience que l'on n'est pas au clair sur des points de fond: quels domaines sont réellement abordés dans ce travail, quels sont les problèmes que pose ce second tome? - Qu'il existe des camarades qui pensent que je pourrais fuir devant la menace d'un emprisonnement, m'amuserait beaucoup si dans le même temps cela ne m'attristait pas. Cher jeune ami, je vous assure, que je ne fuirai pas même si j'étais menacée de la potence pour la simple raison que je pense que l'on doit habituer le parti au fait que le sacrifice fait partie de l'action d'un socialiste et que c'est une évidence. Vous avez raison: "Vive la lutte!"
Cordialement,
Votre R. Luxemburg
Gesammelte Briefe, P 335 et 339
Dietz Verlag
Walter Stoecker a adhéré au parti social-démocrate en 1908.Il est l'un des dirigeants des jeunes travailleurs socialistes de Cologne. Il est mobilisé en 1915. Contre la guerre, il quitte le parti en 1917 et adhère à l'USPD. Il participe à la révolution spartakiste comme membre du conseil des ouvriers et soldats de Cologne. Arrêté après l'incendie du Reichstag, il mourra à Buchenwald en 1939.