«Ouvriers et soldats! Les quatre années de guerre ont été horribles, horribles les sacrifices que le peuple a dû faire en biens et en sang; la malheureuse guerre est finie. Le meurtre est terminé.
Les conséquences de la guerre, les besoins et les souffrances nous accableront pendant de nombreuses années. La défaite que nous nous sommes efforcés d'éviter, en toutes circonstances, s'est abattue sur nous. Nos suggestions concernant une entente ont été sabotées, nous avons personnellement été ridiculisés et ignorés. Les ennemis de la classe ouvrière, les vrais ennemis intérieurs qui sont responsables de l'effondrement de l'Allemagne, ils sont devenus silencieux et invisibles. C'étaient les guerriers de la maison, qui ont maintenu leurs revendications de conquête jusqu'à hier, aussi obstinés qu'ils ont combattu la lutte contre toute réforme de la constitution et surtout du déplorable système électoral prussien.
Ces ennemis du peuple sont finis pour toujours. Le Kaiser a abdiqué. Lui et ses amis ont disparu. le peuple les a tous conquis, dans tous les domaines. Le prince Max von Baden a confié à Ebert le poste de chancelier du Reich. Notre ami formera un nouveau gouvernement composé de travailleurs de tous les partis socialistes.
Le 9 novembre 1918, Karl Liebknecht proclame La libre République d'Allemagne. Chaque mot est important, l'adjectif libre, la mention d'Allemagne et non allemande (comme sera créé le 31 décembre le parti communiste d'Allemagne et non allemand). C'est important la notion de liberté comme est importante la mention d'Allemagne et non allemande pour l'Internationaliste qu'était Karl Liebknecht. C'est une des plus belles proclamations de la République.
A titre d'information et pour comparer, la déclaration de Scheidemann qui proclame lui la république allemande et le fait en toute hâte deux heures avant Karl Liebknecht et son courant.
Karl LIEBKNECHT proclame la République socialiste libre d’Allemagne (novembre 1918)
« Camarades, voici l’aube de notre liberté. Jamais un Hohenzollern* ne mettra plus le pied ici. Ce sont les esprits de millions de personnes qui ont donné leur vie pour la cause sacrée du prolétariat. Avec les crânes brisés, baignant dans leur sang, ces victimes de la tyrannie ont titubé, suivies par les esprits de millions de femmes et d’enfants morts de chagrin et de misère pour la cause du prolétariat. Après eux sont venus les millions de victimes de cette guerre mondiale. Aujourd’hui, une multitude immense de prolétaires impassibles se tient sur la même place, rendant hommage à cette nouvelle liberté. Camarades, je proclame la République socialiste allemande libre qui réunira tous les Allemands dans laquelle il n’y aura plus de bourgeoisie, ni de chefs, ni de serviteurs ; dans laquelle tout travailleur recevra un salaire juste pour son travail. Le règne du capitalisme qui a transformé le continent européen en un marais de sang est brisé. […] Mais si le vieux monde est abattu, nous ne devons pas croire que notre tâche est achevée. Nous devons concentrer toutes nos forces pour construire le gouvernement des ouvriers et des soldats, et pour instaurer un nouvel ordre étatique du prolétariat, un ordre de paix, de bonheur et de liberté pour tous nos frères allemands et pour nos frères du monde entier. Nous leur tendons la main et les appelons à achever la révolution mondiale. Que ceux d’entre vous qui veulent voir réalisées la République socialiste libre d’Allemagne et la révolution mondiale lèvent la main en guise de serment. (Toutes les mains se lèvent et des cris fusent : vive la République !) […] »
Karl LIEBKNECHT, Gesammelte Reden und Schriften (Recueil de textes et discours), Dietz Verlag, 1971.
La déclaration est réfléchie et construite. Elle s'appuie sur ses réflexions tout au long de la guerre et depuis le début de la révolution.
Ce même 9 novembre, il avait été pressenti pour participer au gouvernement par les sociaux-démocrates majoritaires. Refusant d'abord, il avait ensuite accepté jusqu'à la signature de l'armistice mais aux conditions suivantes :
1. L'Allemagne doit être une république socialiste
2. Le pouvoir exécutif, législatif, juridictionnel doit être exclusivement confié aux représentants élus de l'ensemble de la population des travailleurs et des soldats
3. Exclusiondu de tous les membres bourgeois du gouvernement
4. La participation des sociaux-démocrates indépendants vaut pour trois jours pour permettre un gouvernement en mesure de conclure un armistice
5. Les ministres n'ont qu'une fonction d'aide technique aux différents cabinets en charge des décisions
6. Egalité des droits des deux dirigeants du cabinet
Ces conditions ont été rejetées. Ce qui conduisit Karl Liebknecht à la proclamation de la république socialiste sur ces bases.
Karl LIEBKNECHT, Gesammelte Reden und Schriften (Recueil de textes et discours), Dietz Verlag, 1971. P. 593
La déclaration de Philip Scheidemann
La déclaration du responsable des sociaux-démocrates majoritaires a une histoire complexe et significative, tant concernant le contenu que la photographie et le son.
Le compte-rendu sténographique :
"Le peuple allemand a vaincu sur toute la ligne. L'ancien ordre putréfié a disparu; le militarisme est vaincu! Les Hohenzollern ont abdiqué! Vive la République. Une deuxième partie indique que Ebert est devenu chancelier
La déclaration réécrite par Philip Scheidemann en 1928
Il en est de même pour les photographies. la photographie d'origine a été prise par un amateur, très petite et floue. Une autre photo est plus souvent utilisée, mais reconstitue la proclamation 10 ans après.