1er mai 1909, Rosa Luxemburg est immergée dans un de ses travaux majeurs : "La question des nationalités et l'autonomie". Elle est sollicitée par un journal français Le Socialiste pour écrire un article sur le 1er mai. Il paraît sous le titre "Le 1er mai et la lutte de classes". Les guerres et incidents sont omniprésents en ce début de siècle, en 1909, cela se passe en Bosnie. La guerre mondiale n'est jamais loin, elle s'approche inexorablement et les crises économiques sont bien présentes.
Rosa Luxemburg écrit : "… Le vingtième 1er mai nous arrive au milieu d'une paix apparente. Le monde bourgeois croit de nouveau les bases de sa domination complètement assurée. ... Guerre, révolution, ces ombres sinistres de la fatalité élémentaire sont momentanément conjurées. La société bourgeoise se sent de nouveau maitresse de sa destinée et des millions d'échines courbées sont sous son joug. Les aspirations des prolétaires de deux mondes, l'idéal du socialisme, le rêve insensé d'une nouvelle société faite d'hommes libres et égaux, comme tout cela parait lointain aux honnêtes bourgeois qui croient tenir les rênes du monde! ... Cependant il y a une ombre au tableau. C'est l'ombre épaisse de la crise économique. Des centaines de milliers, on peut dire des millions d'ouvriers sans travail en Europe et en Amérique, réclament du pain, que la société capitaliste est hors d'état de leur fournir ... Elle suit comme une ombre toute révolution, toute guerre moderne, étendant aussi son voile noir sur la tête du 1er mai de cette année. C'est la preuve certaine que la victoire remportée par la société bourgeoisie sur la guerre et la révolution n'est qu'une apparence mensongère, que la sécurité et la quiétude par elle simulée ne sont qu'un trompe-l’œil. Dans la nuit des misères que font naître les crises du capitalisme, des fantômes s’élèvent, annonçant l’inexorable destin, qui déjà se pouvait prévoir à l’aurore même de l’ère capitaliste ... »
Elle continuant faisant référence aux luttes en France et en dernier de la Commune : « La lutte de classes, génératrice de ces crises qui déchirent la société bourgeoise et qui, fatalement, causera sa perte, fait comme une trainée rouge à travers toute l’histoire d’un siècle. Elle se dessinait confusément dans la grande tourmente de la Révolution française. Elle s’inscrivait en lettres noires sur la bannière des canuts de Lyon, les révoltés de la faim qui, en 1834, jetèrent le cri : « Vivre en travaillant ou mourir en combattant ! » » Elle alimentait le feu rouge des torches allumées par les chartistes anglais de 1830 et de 1840. Elle se levait comme une colonne de flammes du terrible massacre de juin 1848 à Paris. Elle jetait son éclat de pourpre dans la capitale de la France, sur le mouvement de 1871, lorsque la canaille bourgeoise victorieuse se vengeait sur les héros de la Commune par le fer meurtrier des mitrailleuses. … »
Elle conclut : « Le but du 1er mai est une déclaration de guerre retentissante sans merci, lancée à cette société par des millions de bouches et qui se répercute sur toute l’étendu du globe. Dans cette unanimité internationale du mouvement se trouve la garantie que nos bataillons ne seront plus écrasés dans une lutte héroïque, mais inégale, parce qu’isolés, comme ceux de Juin et de la Commune, comme les glorieux combattants de Saint-Pétersbourg, de Varsovie et de Moscou. Le 1er mai est la fête mondiale du travail, la commémoration annuelle des luttes révolutionnaires glorieuses du prolétariat moderne, la continuation de leurs traditions et la proclamation solennelle de cette vérité qu’un jour sonnera l’heure où non plus des détachements isolés du prolétariat de telle ou telle nation mais le prolétariat de tous les pays soulèvera dans une lutte commune pour mettre bas le jour exécrable du capitalisme. »
Le 1er mai et la lutte de classes(extraits) - Socialisme N° 74, 1er mai 1909, P 1 et 2 - Publié dans Le socialisme en France P 265 – 267, Editions Agone/Smolny,
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