Grève à Limoges en 1905 - Barricades - face à face - Protection policière pour convois Haviland - Porte de prison enfoncée
Une république sans républicains
Rosa Luxemburg a consacré de nombreux articles au mouvement socialiste en France. Dans le dernier, pratiquement, de cette série, "L'unification des socialistes en France", elle livre une analyse précise, incisive et toujours d'actualité de la collaboration de classe que représente le réformisme politique. C'est un texte majeur.
En 1899, pour la première fois, un ministre socialiste était entré au gouvernement. Rosa Luxemburg remet en cause cette décision et le soutien d'une partie du mouvement social de l'époque à cette initiative. On retrouve dans ses critiques, en écho à aujourd’hui, tout ce que nous combattons dans le réformisme :le prétexte du bloc républicain, le militarisme, l’exploitation des travailleurs, la répression des mouvements ouvriers. "Ironie du sort, le sang des ouvriers français n’avait peut-être jamais coulé aussi souvent que du temps du gouvernement « socialiste » de Waldeck-Rousseau" écrit-elle, en donnant l'exemple de la grève ouvrière de Limoges. Et Rosa Luxemburg livre le triste secret du réformisme politique : "Quant à ce dernier [le gouvernement], le fait qu’il comprenait un socialiste ne l’empêchait nullement de demeurer un gouvernement de domination de classe, l’organisation politico-policière de la bourgeoisie contre le prolétariat révolutionnaire, et il continua de servir fidèlement les intérêts de la classe capitaliste dans tous les domaines de la vie sociale". Rosa Luxemburg montre aussi concrètement que 35 après, pour le réformisme, la Commune est et reste bien … l’ennemi : "Il faut également noter que la police parisienne interdit à l’époque tout discours et se comporta d’une manière particulièrement insolente et provocatrice envers les congressistes quand ceux-ci se rendirent au cimetière où reposent les dépouilles des héros de la Commune, afin de rendre hommage à leur mémoire. Et ceci malgré la présence de Millerand dans le gouvernement républicain."
Le texte de Rosa Luxemburg
"Une première unification, bien qu’encore très lâche, des différentes organisations socialistes existant en France depuis longtemps avait eu lieu en 1899. Mais, la même année, l’un des députés socialistes, Millerand, accepta le portefeuille de ministre du Commerce dans le gouvernement bourgeois de Waldeck-Rousseau. Le motif invoqué était que la République française aurait été menacée par les cléricaux et les conservateurs visant à restaurer la monarchie en France et que, partant, tous les républicains sincères devaient s’unir pour défendre solidairement la République contre les attaques des monarchistes. Une partie des socialistes — les partisans de Jaurès — décida de soutenir le gouvernement « républicain » de Waldeck-Rousseau dans lequel, à côté du socialiste Millerand, prit place, en tant que ministre de la Guerre, le général de Galliffet, un de ceux qui, de la manière la plus sauvage et la plus cruelle, avaient écrasé, en 1871, la glorieuse insurrection des ouvriers: la Commune de Paris. Ces socialistes conclurent une alliance (dite « Bloc Républicain ») avec divers partis bourgeois radicaux, donc avec des ennemis de la classe ouvrière, et ils consentirent à la participation de Millerand au gouvernement bourgeois. ...
Le danger majeur d’une telle participation était qu’elle engageait la responsabilité des socialistes dans les agissements de ce gouvernement. Quant à ce dernier, le fait qu’il comprenait un socialiste ne l’empêchait nullement de demeurer un gouvernement de domination de classe, l’organisation politico-policière de la bourgeoisie contre le prolétariat révolutionnaire, et il continua de servir fidèlement les intérêts de la classe capitaliste dans tous les domaines de la vie sociale. C’était précisément cette circonstance – la participation d’un socialiste au gouvernement – qui encourageait davantage le gouvernement bourgeois à agir de la manière la plus brutale contre les ouvriers en grève et de recourir en toute occasion à la force armée. Ironie du sort, le sang des ouvriers français n’avait peut-être jamais coulé aussi souvent que du temps du gouvernement « socialiste » de Waldeck-Rousseau.
Dans la période antérieure au récent congrès qui décida l’unification, Millerand n’était plus depuis longtemps au gouvernement, mais les partisans de Jaurès restaient toujours alliés avec les partis bourgeois pour une prétendue « défense » de la République : c’est alors qu’à Limoges coula à flot le sang des ouvriers français qui revendiquaient d’être mieux traités par leurs contremaîtres. En devenant un parti qui soutenait toujours et partout la politique du gouvernement, les jauressistes étaient obligés de voter un budget dont les plus beaux fleurons étaient les fonds secrets (aux fins de rétribuer les mouchards), des dépenses sans cesse accrues pour la marine et l’armée – cet instrument le plus puissant de la bourgeoisie dans sa lutte contre les revendications ouvrières – , un budget fondé dans sa quasi-totalité sur les impôts indirects et qui pèse donc de tout son poids sur les épaules des couches sociales les plus pauvres. Pris dans cet engrenage, les partisans de Jaurès durent également soutenir l’alliance franco-russe, en tant que prétendue « garantie » de la paix européenne. Tant et si bien que pendant l’Exposition universelle de Paris en 1900, Millerand s’abstint d’assister au congrès socialiste international qui se tenait au même moment, afin de ne pas se compromettre aux yeux de ses collègues bourgeois du ministère, tandis que ses convictions « socialistes » ne l’empêchaient pas d’accueillir à l’Exposition le tsar sanglant et même de laisser orner sa propre poitrine d’une décoration impériale ... ."
Il faut également noter que la police parisienne interdit à l’époque tout discours et se comporta d’une manière particulièrement insolente et provocatrice envers les congressistes quand ceux-ci se rendirent au cimetière où reposent les dépouilles des héros de la Commune, afin de rendre hommage à leur mémoire. Et ceci malgré la présence de Millerand dans le gouvernement républicain...."
L'unification des socialistes en France, 1905
Mémoire ouvrière. La grève à Limoges en 1905
"... c’est alors qu’à Limoges coula à flot le sang des ouvriers français qui revendiquaient d’être mieux traités par leurs contremaîtres." Rosa Luxemburg
Dans l'article Rosa Luxemburg, cite la grève qui a eu lieu en 1905 à Limoges. Nous avons la chance unique de pouvoir voir et entendre ce combat des ouvriers de Limoges, d'analyser et de réfléchir pour aujourd'hui grâce au travail d'une chercheuse : Geneviève DËSIRË-VUILLEMIN. Elle livre en effet dans un long article un récit incroyablement précis, au jour le jour de cette grève . ... . Même si tout récit est sous-tendu par des analyses, les faits bruts parlent d'eux-mêmes A lire aussi la partie sur les forces politiques qui est un écho dans une situation concrète des analyses de Rosa Luxemburg : https://www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1971_num_83_101_5686