Rosa Luxemburg et Zimmerwald sur le blog
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Dans un précédent article, nous avions indiqué l'importance de cet ouvrage pour mieux appréhender les réactions et l'action de chacun tout au long du premier conflit mondial. Cela est tout à fait manifeste dans cette partie de l'ouvrage référant la position des différentes sections socialistes parisiennes face à Zimmerwald.
L'impact de Zimmerwald
... Deux faits nous paraissent tout à fait acquis en ce qui concerne les socialistes parisiens.
D'abord le courant favorable aux thèses de Zimmerwald est faible. La résolution, pourtant modérée car ne faisant aucune allusion sur les responsabilités françaises de la guerre et gardant le silence sur la question du caractère défensif de celle-ci, présentée par les zimmerwaldiens au Congrès fédéral de décembre 1915 préconisant la reprise immédiate des rapports internationaux sans aucune condition n'obtient que 545 voix sur 10 502, soit 5 %, ce qui est très faible. Des réticences vives se manifestent dans plusieurs organisations. Ainsi le groupe de Roquette-Sainte-Marguerite du 11ème arrondissement décide de refuser d'aller écouter le compte rendu de la conférence organisée par la 12ème section, le groupe de Saint-Ambroise du même arrondissement vote à l'unanimité pour que la conférence de Zimmerwald ne soit pas un point central du débat du Congrès fédéral. A la 13ème section, les adhérents refusent la parole au membre de la 12ème section, venu parler de la conférence, seul Rappoport souhaitant le laisser parler. A la 14ème section, plusieurs intervenants (Moreau, Bracke) estiment que l'on fait trop de bruit autour de Zimmerwald. A la 18ème section, les participants décident de ne pas lire la brochure de la conférence. A la 19ème section, aucune discussion n'a lieu sur celle-ci, ce qui entraîne le regret d'un intervenant de base. Nous avions déjà vu le cas extrême de la 20ème section où la lecture du compte rendu ferait croire que la conférence n'a jamais eu lieu.
Cet ensemble de faits témoigne, au-delà d'une censure bureaucratique bien réelle, plus largement d'une résistance à l'existence même d'une telle conférence. que nombre de militants se refusent à concevoir. En outre, lorsque des orateurs s'en prennent à la conférence, c'est moins sur les thèses qu'elle développe que sur son existence même que portent les critiques. Zimmerwald entraîne la division au sein du pays, diminuant "le réconfort moral pour les combattants". La participation de Merrheim et Bourderon laisserait croire aux Allemands que les Français sont fatigués de la guerre. C'est une conférence "dans les nuages" et Zimmerwald n'était "ni le lieu, ni le moment" Encore une fois, à l'extrême de cette attitude, nous retrouvons Vaillant déclarant se méfier des protestations "qui naissent des neutres d'éducation allemande."
Le deuxième fait plus difficile à cerner tient au contenu de certaines interventions que nous venons de citer déclarant que l'on discute trop de Zimmerwald, qu'il faut éviter d'en faire la question centrale du Congrès. Ceci montre que Zimmerwald a un écho certain, peut-être en dehors des réunions socialistes. Nous pouvons aussi noter que les interventions, peu nombreuses, favorables à Zimmerxwald, favorables à la discussion sur la conférence ou manifestant un pacifisme déterminé (en tout 7 références si l'on excepte Bourderon) ne sont le fait que d'intervenant sans responsabilité, ce qui est tout à fait exceptionnel. Aucun élu national ou local, aucun membre de la Commission exécutive fédérale, aucun secrétaire de section, même M. Maurin, le secrétaire de la 12ème section massivement minoritaire, ne sont en décembre 1915 partisans de Zimmerwald. "J'aimerais mieux me faire tuer pour la paix que pour la guerre", "on se fout de l'Alsace-Lorraine, ce qu'il faut, c'est la paix, on nous a assez berné nous et les boches", ces deux déclarations les plus violentes que nous avons relevées dans les réunions socialistes de 1915, viennent d'un militant de base de la 12ème section et d'une femme de la 15ème section. Les difficultés à la prise de parole des non responsables produisent ainsi une minimisation du discours des militants que Zimmerwald a touchés. La mesure de l'écho de la conférence reste ainsi extrêmement difficile à réaliser. A côté des zones de réticences notables, des répercussions positives se manifestent en certains lieux : 12ème arrondissement, Boulogne-Bollancourt, Saint-Denis.
Il reste que, en décembre 1915, sinon l'écho, du moins l'influence de la conférence reste ainsi extrêmement faible dans le socialisme parisien, et que la fracture qui partage le Congrès fédéral de la Seine ne sépare pas partisans et adversaires de Zimmerwald, mais des socialistes dont nous avons vu que les oppositions, certes restent sensibles, ne sont pas fondamentales, comme le montre d'ailleurs l'accord qui se réalisera au Congrès national entre Longuet et Renaudel.
Notre premier article : http://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/article-en-eclairage-de-la-position-de-rosa-luxemburg-jean-louis-robert