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Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

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Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
21 décembre 2012 5 21 /12 /décembre /2012 00:01

(Ce travail, qu'il a accompagné dans les années 86 - 89 et qui inspire ce blog, est dédié à Gilbert Badia, aujourd'hui disparu)
.
Article publié le 8 mai 2008. Repris dans le cadre du regroupement des articles 1898 - 1900

"Rosa Luxemburg, un combat communiste contre militarisme, nationalisme et réformisme politique"

1898 - 1900

Durant toute cette période, Rosa Luxemburg mène de fait une information sur l'impérialisme sans que cela n'apparaisse dans la correspondance comme un projet formulé: les articles signés ego et la réflexion menée dans "Réforme sociale ou révolution?", initient cet intérêt. De même que sa sensibilité aux problèmes du militarisme. Au moment de la guerre en Chine, son intérêt prend une forme pratique: la volonté d'organiser une action au-delà des articles.

Bien que les articles relèvent de manière générale de l'opportunité, documentation trouvée dans la presse, le plan en trois points qu'elle s'était fixé pour sa chronique - phénomènes purement économiques, progrès technique et politique sociale - a pu lui permettre de structurer son intérêt.

En fait, elle va dans trois directions : la formation du marché mondial et de la politique mondiale, la politique coloniale, la course aux armements et les guerres auxquelles il faut ajouter le progrès technique.

Et cela recouvre l'ensemble du développement capitaliste.

Les faits qu'elle décrit vont de fait dans le même sens et rejoignent, l'image qu'elle donnait d'un développement vers la guerre, à savoir le rétrecissement progressif de l'espace à conquérir par le capital, qui fait que peu les différentes puissances se retrouvent comme elle le dit "poitrine contre poitrine" donc dans une situation d'affrontement.

Que ce soit le développement du marché mondial presque achevé et dont elle donne dans une de ses chroniques sur la politique en Chine une image et un raccourci saisissant.

Révolte des Boxers
Que ce soit la politique coloniale qui rapproche dangereusement en Afrique du Nord en particulier les grands puissances.
Que ce soit le progrès technique lui aussi, qui rapproche ces grandes puissances  sur mer (les progrès de la navigation, les grands canaux) et sur terre (les chemins de fer dans les colonies).
c.a.r.l. - le 8 mai 2008.

"La limitation des armements n'est pas dans la ligne du développement du capitalisme international, ne pourrait venir que de la stagnation du capitalisme ... La politique mondiale, sur mer et sur terre, en temps de paix comme en temps de guerre, n'est rien d'autre que la méthode spécifiquement capitaliste utilisée pour développer les antagonismes mondiaux et les résoudre.
"La révolution prolétaire comme seul et premier acte de la paix mondiale"
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20 décembre 2012 4 20 /12 /décembre /2012 23:59

 

Le blog va s'attacher à plusieurs aspects de la vie et de la pensée de Rosa Luxemburg: question nationale, lutte contre la guerre, description du processus impérialiste, conscience politique et éducation.

Mais il est une période plus attachante peut-être que toutes,
c'est celle de l'arrivée en Allemagne, de l'adhésion au parti social-démocrate allemand, de la position si rapidement forte qu'elle y prendra, de ses premiers combats. 1898 - 1899. C'est l'objet d'un premier axe d'information et de réflexion de ce blog.

 

5 mars 1870 ou 1871   : Naissance à Zamosc

 

1889 :  Exil à Zurich             

 

1898/1899 :                    

 

Mai 1898 : arrivée à Berlin

Elle adhère à la social-démocratie allemande
Rédactrice en chef du Sächsischer Arbeiterzeitung
Congrès de Stuttgart
Polémique contre Bernstein
: Réforme ou révolution


Paru sur le blog le 4 décembre 2007

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20 décembre 2012 4 20 /12 /décembre /2012 23:13
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Cette image  pour ouvrir le blog. Comprendre avec Rosa Luxemburg

(Ce travail, qu'il a accompagné dans les années 86 - 89 et qui inspire ce blog,
est dédié à Gilbert Badia, aujourd'hui disparu) - lieb

C'était le 2 décembre 2007, la création du blog
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24 novembre 2012 6 24 /11 /novembre /2012 10:12

comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com

 

Ce chapitre de l'ouvrage de J.Howorth offre l'intérêt d'une information très détaillée sur l'action de Vaillant et par là de l'Internationale socialiste face au militarisme et à la guerre. Il est cependant à nos yeux très partial quant  aux causes de l'échec du mouvement socialiste, reportant presque uniquement sur la social-démocratie allemande la responsabilité de celui-ci, ne produisant aucune analyse de l'action de la social-démocratie française, et très réduite du ralliement de Vaillant à l'Union sacrée. L'action de Rosa Luxemburg et d'autres militants ne montre-t-elle pas pourtant qu'une autre voie était possible ...

 

Nous voulons cependant reprendre les mots cités à la fin de cet extrait, de celui, qui avant ce ralliement, avait été le plus proche de Rosa Luxemburg parmi les socialistes français, un compagnon de lutte, le Vieux comme elle l'appelait:

 

"cette guerre m'a tué [...] avoir lutté quarante ans pour l'écarter, pour la conjurer et avoir été forcé de la subir, atroce, implacable! C'est l'écroulement de tout mon être."

 

c.a.r.l. 4 mars 2012


Edouard Vaillant. Par Jolyon Howorth

edi/syros - 1982 - P323/337

  Chapitre XVII, L'Internationale et la guerre

 

Un des premiers actes militants d'Edouard Vaillant fut de signer, le 15 mai 1866, l'appel des étudiants parisiens à "leurs frères allemands et italiens" pour protester contre la guerre qui allait bientôt éclater entre la Prusse et l'Autriche. En 1877, quand la guerre entre la Russie et la Turquie risquait de s'étendre à toute l'Europe, Vaillant écrivait que ce serait pour le mouvement socialiste la pire des catastrophes. Dix ans plus tard, alors que le boulangisme attisait les flammes d'une véritable psychose de guerre en France, il livrait sa pensée intime à Scheu:


"Pour moi, je vous le dirai sans que je m'en sois ouvert encore à personne, de toutes les questions, celle qui me préoccupe le plus, celle pour laquelle je voudrais voir toutes les forces du socialisme intervenir, c'est celle de la paix européenne. Pour garder cette paix d'où sortira infailliblement la Révolution émancipatrice des peuples et du prolétariat, rien ne doit être négligé, tout doit être fait."


C'est pourquoi dès la création de la Deuxième Internationale, Vaillant est devenu, au sein de celle-ci, la principale force motrice derrière toute son activité antimilitariste et antiguerre. Il considérait le militarisme - ainsi que la mentalité politique et sociale qu'il véhiculait - comme "le plus grand ennemi " du socialisme international.


Entre les deux Congrès internationaux de Paris (1889 et 1900), Vaillant se contenta de multiples résolutions et propositions en faveur de l'abolition de l'armée permanente et de son remplacement par les milices populaires, revendication quasi séculaire de la gauche française. Ce fut lui qui présenta l'ordre du jour sur cette question au premier Congrès de la Deuxième Internationale et, en collaboration ave Wilhelm Liebknecht, au deuxième qui s'est tenu à Bruxelles en 1891. Ce fut également Vaillant, qui, au nom du groupe socialiste parlementaire, déposa, en 1893, en 1898 et en 1903, une proposition de loi dans ce même sens devant la Chambre des Députés. Pendant les années 1890, il déposa également toute une série de propositions de loi "antimilitaristes": suppression du code militaire, suppression des conseils de guerre, suppression des commandements militaires de Paris et de Lyon. Les principaux arguments dont il s'est servi pour exposer les motifs de ces propositions se fondent tous sur le caractère foncièrement antirépublicain de l'armée permanente. Elle constituait, à ses yeux, un divorce dangereux entre l'institution militaire (représentée par le corps des officiers) et la nation-république (représentée par le contingent), permettant à la classe dirigeante de disposer de la force physique contre "l'ennemi" intérieur sans garantir au pays une défense efficace contre l'ennemi extérieur. Elle désorganisait la vie civile, encasernant, abrutissant et démoralisant la jeunesse pendant sa période d'apprentissage, d'études et d'activité créatrice, stérilisant ainsi les forces vives de la nation. Elle symbolisait (et perpétuait, à travers ses écoles militaires et ses casernes) l'esprit brutal de caste, d'élitisme et de hiérarchie que vomissait l'esprit de la démocratie. Et elle constituait une menace permanente contre les pays voisins, ce qui était le contraire de l'esprit républicain.

 

Mais de telles propositions qui exigeaient une restructuration totale de l'institution militaire, même formulées simultanément dans plusieurs pays, n'avaient pratiquement qu'une valeur symbolique. Elles n'avaient aucune chance d'être votées par une chambre, même radicale, qui n'aspirait qu'à une républicanisation des structures militaires existantes, nullement à leur abolition. Dans la même veine, la proposition de transformer la manifestation du Premier Mai en une célébration internationale de la paix universelle, n'était en réalité qu'un symbole. Pour empêcher la guerre, il fallait des mesures plus musclées.


Cependant les dirigeants du socialisme international, Vaillant compris, préoccupés par les problèmes idéologiques (Bernstein, Millerand), consacraient le plus gros de leur temps, lors des Congrès de 1900 et de 1904,  aux débats sur la tactique. Le Congrès d'Amsterdam, après avoir applaudi à la poignée de mains symbolique entre Katayana et Plekhanov, envoya simplement son salut fraternel aux prolétaires japonais et russes, massacrés par le crime du capitalisme, avant de passer à l'ordre du jour (le ministérialisme).


Ce fut néanmoins le conflit russo-japonais qui précipita la mobilisation socialiste contre la guerre. Les hostilités commencèrent le 8 février 1904 dans l'incertitude générale quant aux obligations militaires éventuelles de la France. Le 14 février, Vaillant, dans un article du Socialiste, lança  le célèbre mot d'ordre: "Plutôt l'insurrection que la guerre", et commença une tournée de conférences et de meetings pendant le printemps 1904, aux quatre coins de la France. L'agitation socialiste et ouvrière contre toute participation française dans le conflit fut intense. L'on se sait pas si la diplomatie française où les préparatifs de l'état-major ont été véritablement influencés par toute cette agitation. Ce qu'il importe surtout de noter, c'est que les socialistes eux-mêmes en étaient fermement persuadés. Ainsi, au Congrès de Limoges, en 1906, Marcel Sembat est allé jusqu'à affirmer que "si la France n'a pas été entraînée à intervenir, si nous avons été sauvés de la guerre, c'est à Vaillant qu'on le doit". Vaillant lui-même, plus modeste quant à son propre rôle, n'en déclarait pas moins, au même congrès que l'intervention de la France avait été empêchée par l'action du Parti socialiste.


La conséquence la plus significative de ces événements fut donc le développement d'une croyance inébranlable, partagée par presque tous les socialistes (exception faite des guesdistes), que l'agitation populaire était capable d'exercer une influence directe sur la politique étrangère du gouvernement. Dorénavant, les socialistes français en général et Edouard Vaillant en particulier, se sont donné essentiellement pour tâche d'en convaincre les dirigeants du S.P.D.


Après 1904, les événements se précipitèrent. Le "coup" de Tanger (31 mars 1905) déclencha une nouvelle vague d'agitation antimilitariste en France, agitation, dont cette fois la CGT, aussi bien que la SFIO se chargeaient de l'organisation. Cette fois, il ne s'agissait plus d'une vague menace orientale, mais d'une confrontation directe entre l'Allemagne et la France. La nécessité de faire une campagne commune avec les socialistes allemands se faisait sentir de façon urgente. La CGT proposa aux Gewerkschaften des manifestations simultanées dans les deux pays, mais cette proposition fut rejetée par Legien, qui y détectait un "motif politique" alors que les syndicalistes allemands ne s'occupaient que de l'économique. Face à leur impuissance apparente pendant un moment de crise, les socialistes français se sont rendus soudain compte de la gravité de la situation. Dans le discours qu'il devait prononcer à Berlin en juillet, Jaurès avoua que la force ouvrière n'était pas encore suffisamment organisée, consciente et efficace pour "neutraliser les forces mauvaises" du capitalisme, et qu'il restait toujours une "œuvre immense d'éducation et d 'organisation à accomplir.


Cependant les socialistes français, rassurés par les événements de 1904 et assez satisfaits de leur réaction en 1905, avaient tendance à croire que cette œuvre d'organisation manquait plus au-delà du Rhin qu'en deçà. Louis Dubreuilh, dans un article hautement significatif, prenant acte du refus opposé pa les syndicalistes allemands à l'invitation de la CGT, remarque que "s'il faut être deux pour se battre, il est plus exact encore qu'il faut être aussi deux pour refuser de se battre". Et il sommait l'Internationale de passer de  la formule à la pratique en établissant une procédure concrète à suivre en cas de menaces de guerre renouvelées. Autrement dit, il fallait que les Français et les Allemands se mettent d'accord sur les moyens concrets et pratiques pour empêcher véritablement la guerre. L'histoire de la deuxième Internationale entre 1905 et 1914 (maintes fois relatée) est essentiellement l'histoire des tentatives diverses mais vaines de trouver ces moyens.


Il ne s'agit pas ici de reprendre les détails de cette histoire, dans laquelle Vaillant, en tant que principal délégué de la SFIO au BSI joua un rôle de toute première importance. Georges Haupt et moi-même avons publié ailleurs les documents concernant ce rôle. Ce qu'il convient d'étudier ici, par contre, c'est l'approche tactique adoptée par Vaillant dans ses efforts de conclure avec les Allemands un accord sur les moyens concrets, et surtout, les mutations considérables dans cette approche. 

 

Jusqu'au Congrès international de Stuttgart (1907), Vaillant faisait l'impossible pour ménager les susceptibilités des dirigeants de la social-démocratie et pour leur montrer que les socialistes français comprenaient les contraintes auxquelles ils étaient soumis dans l'empire du Kaiser. Déjà, au Congrès international de Bruxelles, en 1891, quand Domela Nieuwenhuis avait accusé les Allemands de ne pas être de sincères internationalistes, Vaillant avait rigoureusement pris la défense de ses amis du S.P.D., en rappelant "les conditions spéciales" du régime du Kaiser et en affirmant qu'il était impossible aux Allemands, sous peine d'interdiction de leur parti, de voter les propositions hollandaises sur la grève antimilitariste. Vaillant comprenait parfaitement bien qu'il ne saurait être question d'imposer aux Allemands une tactique ou un moyen d'action qu'ils n'auraient pas proposés eux-mêmes. Le comble de la subtilité, à ses yeux, consistait à les amener, indirectement, à formuler spontanément ces propositions. Tâche, pour le moins délicate.

 

Alors, qu'au Congrès de Limoges en 1906, Gustave Hervé reprenait à sa façon l'ancienne accusation portée contre les Allemands par Domela Neuwenhuis, Vaillant, nous l'avons déjà vu, essayait de son mieux de calmer la tempête et de faire comprendre aux délégués français que les conditions de lutte antimilitariste n'étaient pas partout les mêmes. Le Socialiste, organe officiel de la SFIO, prenait grand soin de présenter l'activité antimilitariste du  SPD sous le meilleur jour possible, rapportant infailliblement la moindre peine d'emprisonnement pour faits antimilitaristes du plus insignifiant militant local. En outre, pas un mot ne paraissait dans l'organe du parti sur les débats houleux qui avaient lieu aux Congrès SPD de Dresde (1904) et de Mannheim (1906) où les propositions antimilitaristes de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg avaient été vigoureusement repoussées par la direction du parti. Et pour convaincre les sceptiques, le Socialiste ne se lassait pas de citer le cas de Bebel et de Wilhelm Liebknecht qui, en décembre 1870, avaient été arrêtés et emprisonnés pour avoir protesté contre l'invasion de la France et pour avoir voté contre les crédits militaires au Reichstag.

 

Mais en même temps que Vaillant poursuivait cet objectif de présenter l'antimilitarisme des Allemands sous un jour très positif, derrière les portes fermées du BSI, il multipliait propositions et résolutions en faveur de l'établissement de procédures de consultations en cas de risque de guerre. Cette campagne aboutissait enfin à l'adoption par le BSI - non sans une discussion qui devait être amère et même violente - de sa proposition qui portait que:

 

"Dès que, secrets ou publics, des événements pourront faire craindre un conflit entre gouvernements, rendre une guerre possible ou probable, les partis socialistes des pays concernés devront, de suite, spontanément et à l'invitation du Bureau socialiste international, entrer en rapports directs, à l'effet de déterminer et concerter les moyens d'action ouvrière et socialiste, commune et combinée, pour prévenir et empêcher la guerre."

 

Ce fut, après tout, la moindre des choses. Et les "moyens d'action commune et combinée" restaient toujours à déterminer.

 

Dans ce but, et poursuivant toujours sa tactique courtoire et bienveillante, Vaillant proposa, lors de la séance suivante du BSI, en novembre 1906, que "nos amis d'Allemagne, qui se trouvent dans des conditions spéciales" préparassent eux-mêmes un rapport sur les moyens pratiques pour prévenir les conflits internationaux. Ainsi la balle était-elle fermement renvoyée dans le camp du SPD et le monde attendait anxieusement le discours de Bebel au prochain Congrès international de Stuttgart. En attendant, et à titre d'exemple, la SFIO vota au Congrès de Limoges et de Nancy (1906 et 1907) une résolution proposée par Vaillant et Jaurès en faveur de l'adoption de "tous les moyens" pour empêcher la guerre "depuis l'intervention parlementaire, l'agitation publique, les manifestations populaires, jusqu'à la grève générale ouvrière etl'insurrection."

 

Si Vaillant et Jaurès s'attendaient à ce que les Allemands suivent cet exemple, ils ont été vite désillusionnés. Dans le discours d'ouverture qu'il prononça à Stuttgart, Bebel faisait trois remarques principales concernant les moyens d'action contre la guerre. D'abord, que la question avait déjà été tranchée et que le congrès aurait pu s'en tenir aux résolutions antérieures. Ensuite qu'aucun parti socialiste au monde n'avait combattu le militarisme "d'une manière plus conséquente " que le SPD. Et enfin que le gouvernement impérial avait tellement peur des conséquences d'une guerre que jamais il ne prendrait la responsabilité d'en déclencher une. C'était en réponse à ce discours de Bebel que Vaillant infléchissait assez sensiblement pour la première fois la tactique et le ton qui avaient été les siens depuis la création de l'Internationale. L'on constate dans le langage de son discours plus d'une pointe d'irritation contre ses camarades d'outre-Rhin. De son côté Jaurès affichait son intention de poursuivre, parallèlement à la campagne socialiste propre, une campagne de pression diplomatique sur les grandes puissances en faveur des conférences de la paix et de l'arbitrage. Etait-ce un premier constat de faiblesse ou même d'incapacité de la part du mouvement socialiste international?

 

Après Stuttgart, le visage public des rapports entre la SFIO et leSPD ne changeait pas. Les dirigeants français et Vaillant tout d'abord, continuaient de fournir les militants socialistes français  de l'image rassurante d'une Internationale intimement unie et d'un SPD ferme et résolu et dont l'activité antimilitariste ne le cédait en rien à celle de la SFIO. Et maintenant ils n'avaient plus besoin d'avoir recours à l'acte de Bebel et de Wilhelm Liebknecht en 1870, Liebknecht fils - Karl - venait de se faire emprisonner pour avoir publié son ouvrage Militarismus und Antimilitarismus, événement qui était interprété en France comme la preuve irréfutable du dynamisme de l'antimiitarisme allemand. Ce que les dirigeants de la SFIO ne disaient pas, cependant, c'était qu'au Congrès de Stuttgart, Bebel et Vollmar avaient tous deux cité le cas de Karl Liebknecht pour montrer l'impossibilité d'une agitation antimilitariste poussée.

 

Malgré le visage décontracté que Vaillant arborait en public, dans l'enceinte fermée du BSI, le ton ne cessait de monter. A la première réunion du bureau après Stuttgart, Vaillant insista de nouveau pour que l'Internationale définisse "les moyens et mesures pratiques" au lieu de simplement les évoquer. Dans une séance fort houleuse, dont l'atmosphère tendue suite à l'annexion de la Bosnie et de l'Herzégovine ne rassurait nullement les délégués, la proposition de Vaillant fut de nouveau court-circuitée, cette fois par son vieil ami Victor Adler qui protestait que les Autrichiens n'auraient rien pu faire de plus pour endiguer la vague belliciste dans leur pays. Le délégué britannique, Bruce Glasier, dans un discours fort hostile aux Autrichiens et aux Allemands, s'insurgeaient contre les "pieux sentiments" derrière lesquels, à son avis, la majorité des délégués dissimulaient leur incapacité d'agir. Encore une fois, la définition des moyens concrets était laissée en suspens. Néanmoins, dans son rapport au Congrès de la SFIO à Toulouse quelques jours après cette réunion désastreuse, Vaillant parlait comme si l'harmonie la plus totale y avait présidé.

 

Deux semaines plus tard, la France et l'Allemagne se trouvaient de nouveau au bord du gouffre pendant l'affaire des "déserteurs de Casablanca". Suivant la procédure définie, par l'intermédiaire de Huysmans, de proposer aux Allemands des manifestations communes entre SPD et SFIO, mais devant le refus catégorique des dirigeants de la social-démocratie allemande, il renonça à cette tentative. La faillitte de la procédure adoptée en 1905 s'avéra totale non seulement pendant l'affaire de Casablanca, mais aussi au moment de la première crise des Balkans pendant l'hiver 1908-1909.

 

Prenant acte de cette situation, Vaillant et Jaurès rectifièrent de nouveau leur tir. Jaurès, soutenu par Vaillant, commençait à mettre tous ses espoirs dans un rapprochement franco-allemand dont il pensait que le gouvernement britannique pourrait être un des architectes. Vaillant, quant à lui, modifia totalement son approche psycho-tactique vis-à-vis du SPD et passa carrément à l'offensive. En mars 1910, faisant justice de ses scrupules antérieurs, il proposa à Huysmans que, dorénavant, en cas de menace de guerre, le Bureau puisse être convoqué non plus avec l'accord des deux parties concernées, mais par une seule section nationale. Cette fois, il ne mâchait plus ses mots: "Il ne faudrait plus que la résistance des uns empêchât le BSI de régler ou prévenir un conflit international menaçant." Le BSI, soulignait-il, toujours ne devait pas sortir de son rôle "d'organe de coordination", mais devait tout de même être capable de faire, "quand l'intérêt supérieur de l'Internationale lui commande, une intervention nécessaire." Le point culminant de cette offensive lancée contre le Parteivorstand vint au Congrès international de Copenhague en septembre 1910. A cette occasion, jetant tous ses scrupules aux quatre vents, Vaillant proposa, avec Keir-Hardie, son célèbre amendement portant que:

 

"Entre tous les moyens à employer pour prévenir et empêcher la guerre, le Congrès considère comme particulièrement efficace: la grève générale ouvrière, surtout dans les industries qui fournissent à la guerre ses instruments (armes, munitions, transports, etc), ainsi que l'agitation et l'action populaires sous leurs formes les plus actives."

 

Malgré l'opposition violente des Allemands, cet amendement était renvoyé au BSI "pour étude", le bureau étant invité à faire un rapport sur ses propositions au prochain Congrès de l'Internationale. Ainsi, enfin, les dirigeants du socialisme international s'étaient mis d'accord pour ... envoyer à l'étude un moyen pratique et concret.

 

Comment expliquer l'attitude de Vaillant à Copenhague? Au Congrès de la SFIO, tenu à Paris en juillet 1910, une noouvelle résolution concernant les moyens pratiques avaient été présentée par la fédération de la Seine. Cette fois, il n'y était pas fait mention explicite de la grève générale, la résolution se contentant de citer celle de Stuttgart où la grève générale était évoquée comme un moyen possible. Pourquoi Vaillant avait-il insisté pour insinuer son amendement à Copenhague? Le correspondant parisien du SPD, Josef Steiner, s'interrogeant sur ses motifs, tirait la conclusion que c'était "une manoeuvre pour opposer l'Allemagne à l'Angleterre". Accusation grave et sans doute dépourvue de fondement. Autrement plus grave, cependant, était l'observation cinglante par laquelle Steiner terminait son article:

 

"La pensée secrète qui tourmente les socialistes français, ce n'est pas si les socialistes allemands peuvent faire la grève générale en cas de guerre, même le citoyen Alexandre Varenne n'en doute pas, et là-dessus il est certainement mieux renseigné que les socialistes allemands eux-mêmes, mais s'ils veulent la faire, c'est-à-dire, s'ils n'hésiteraient pas, par patriotisme, à aller jusque-là? Eh bien! là-dessus les socialistes allemands n'en savent pas plus que les socialistes français."

 

Cette observation touche directement au coeur du problème et explique en partie la tactique du désespoir adoptée par Vaillant à Copenhague, tactique qui ne diffère guère, en fin de compte, de celle proposée par Hervé et combattue par Vaillant en 1906. Il serait simple de dire que Vaillant passa à l'offensive parce que toutes les autres stratégies s'étaient soldées par un échec. Mais l'explication est plus complexe. Elle doit en effet tenir compte de la seule tactique de rechange qui s'offrait aux socialistes (étant donné leur refus catégorique du défaitisme  léniniste) et qui allait bientôt être proposée par Charles Adler. Quelle était cette tactique? Tout simplement de faire le constat pénible - et ceci ouvertement, devant l'opinion publique - de la faillitte totale de l'Internationale dans sa tentative de définir et de faire accepter les moyens concrets d'empêcher la guerre; et, l'ayant constaté, d'en tirer les conséquences, fussent-elles le vote du budget militaire et la préparation de la défense nationale. Ce fut à cause de la nature impensable de cette tactique que Vaillant dut adopter l'offensive.

 

Depuis Stuttgart, l'irritation des dirigeants de la SFIO devant ce qu'ils considéraient comme l'obstructionnisme du SPD n'était qu'un pâle reflet de l'humeur noire qui se manifestait quotidiennement dans la presse syndicaliste. Depuis quelques années, la CGT était partie en guerre contre Legien et les syndicalistes allemands. La France en général était en proie à une nouvelle vague de nationalisme. Poincaré s'apprêtait à franchir le seuil de l'Elysée, la loi des trois ans se profilait à l'horizon. Les dirigeants socialistes français croyaient - dans une certaine mesure à juste titre - qu'ils représentaient  le dernier espoir de conserver la paix. Mais, afin d'espérer, il fallait, à défaut de la réalité, au moins l'illusion du progrès dans la voie d'une campagne pratique et concrète contre la guerre. Tant que son amendement était "à l'étude", Vaillant pouvait croire au progrès de l'Internationale. Sans son amendement, le mouvement était bloqué. Pour Vaillant, Jaurès et les autres dirigeants, la perspective la plus redoutable était que, dans un moment de crise ou d'affolement international, la vague nationaliste, qui emportait de plus en plus les masses populaires, ne viennent balayer le barrage tout verbal de l'internationalisme socialiste. Mieux valait, à leurs yeux, que la pression exercée sur le SPD le fut par eux-mêmes plutôt que par les militants de base. Dans le premier cas, cette pression était contrôlable, dans le second elle ne l'était pas.

 

A la lecture de tous les documents du BSI, une chose saute aux yeux. C'est que Vaillant semble n'avoir jamais un seul instant douté de la capacité du BSI de prévenir, le cas échéant, une conflagration, comme si l'institution elle-même aurait pu conjurer un événement qui montait des profondeurs de l'histoire. Il était lié par une amitié personnelle qui datait parfois d'un demi-siècle - à la plupart des dirigeants de l'Internationale. Il était fermement persuadé que, le moment venu, ils feraient, comme il disait, "tout leur devoir".

 

A mesure que la guerre s'approchait, sa propre activité devenait de plus en plus frénétique. Lors de la guerre des Balkans, il tenta d'organiser une conférence entre socialistes des pays concernés, il cherchait à faire activer la cour d'arbitrage de La Haye, il fit voter par le BSI le texte d'un manifeste, il tâcha, sans succès, de convoquer une session extraordinaire du Bureau. En 1913, il se donna tout entier à la campagne contre les trois ans, multipliant non seulement (en direction du peuple français) conférences et discours contre la loi elle-même, mais aussi (en direction du BSI), lettres et propositions en faveur du rapprochement franco-allemand. Il écrivait à ce propos à son ami Keir Hardie dont il voulait faire jouer l'influence auprès du gouvernement britannique afin de favoriser ce rapprochement.

 

Ce qui frappe, pourtant, au printemps de 1914, c'est son calme apparent et son optimisme relatif. Le succès électoral de la SFIO en mai lui semblait de bonne augure. Le parti était devenu une force trop puissante pour que le gouvernement ne tienne aucun compte de sa position sur la guerre et le militarisme. Les graves crises de 1904,1905, 1908-09, 1911 et 1912 avaient après tout été surmontées. Et surtout il y avait le congrès de Vienne. A mesure que le congrès s'approchait, il bombardait Huysmans de lettres et de rappels concernant l'amendement qu'il avait proposé à Copenhague avec Keir Hardie. Malgré la résistance très évidente du Bureau, Vaillant semble être resté confiant que la décision tant retardée sur "les moyens pratiques" ne saurait cette fois être éludée. La lecture du compte rendu de la dernière séance du BSI à Bruxelles le 29 juillet 1914 fait ressortir de façon frappante le fait que presque tout le monde semble avoir pensé que le prochain Congrès (qui devait ouvrir ses portes à Paris, Vienne n'étant plus un site possible, le 8 août) saurait dresser un obstacle infranchissable à  la guerre. Mais celle-ci ne se faisait pas attendre et la discussion sur "les moyens pratiques", malgré tous les efforts de Vaillant, n'a jamais eu lieu.

 

L'intensite même de la foi internationaliste de Vaillant explique son attitude pendant la guerre. Le fait qu'il épousait la défense nationale n'a rien d'étonnant: ceci était parfaitement prévisible au vu de ce qu'il avait toujours dit et écrit sur la nécessité historique de l'indépendance nationale. La distinction qu'il faisait constamment entre le peuple allemand et le régime militariste du Kaiser cadre parfaitement avec ses convictions républicaines. Quant à son refus catégorique d'avoir le moindre contact avec les dirigeants du SPD, celui-ci s'explique par des facteurs plutôt psychologiques. Que les responsables de la social-démocratie, trompés par la propagande impériale faisant état d'une invasion française, aient voté les crédits militaires, Vaillant l'aurait sans grande difficulté compris et accepté. Mais que, sachant la perfidie de cette propagande, sachant que l'armée allemande ayant violé la neutralité belge, était en route pour Paris, les dirigeants du SPD n'aient pas protesté de tout coeur, cela Vaillant pouvait à peine y croire. Pire, qu'ils aient accepté et reproduit la propagande officielle concernant la nécessité militaire de mettre la France hors de combat afin de pouvoir plus efficacement régler le problème russe, ce n'était pour Vaillant, que trahison pure et simple. Trahison à l'égard de la classe ouvrière allemande, trahison à l'égard de la SFIO et trahison surtout à l'égard de l'Internationale.

 

Ainsi, répondant, en octobre 1914, aux socialistes français qui critiquaient son soutien à l'effort militaire du gouvernement en lui lançant à la figure les textes et résolutions des congrès internationaux qu'il avait lui-même fait voter, il écrivit:

 

"Ces textes [...] ne sont pas des formules abstraites, mais des textes dont les conditions et les circonstances déterminent le sens et la valeur. [...] Tant à Stuttgart qu'à Bâle et à Paris, toutes les décisions et leurs textes se résument et se synthétisent en cette décision suprême de la guerre sans merci, de la guerre par tous les moyens du socialisme à l'impérialisme militariste [...] il demeure, pour nous, certain que l'anéantissement de l'impérialisme militariste allemand est la condition première et nécessaire de l'accomplissement des décisions, de la volonté, du devoir du socialisme international."

 

Le choc physique et psychologique d'abord de la mort de Jaurès et ensuite la réalité de la guerre était pour Vaillant mortel. A soixante-quinze ans, même sa santé robuste ne pouvait résister à l'effondrement du monde dans lequel il avait toujours fonctionné.Quelques jours avant de mourir, en décembre1915, il confia à Louis Dubreuilh:

 

"cette guerre m'a tué [...] avoir lutté quarante ans pour l'écarter, pour la conjurer et avoir été forcé de la subir, atroce, implacable! C'est l'écroulement de tout mon être."

 

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5 novembre 2012 1 05 /11 /novembre /2012 10:22

comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com

 

On imagine mal, bien que l'on pense connaître de mieux en mieux les lettres de cette période, la violence qu'a connue Rosa Luxemburg durant toutes ces années. On s'habitue trop à héroïser les personnes, à mettre entre elles et nous une sorte de voile historique qui empêche de saisir les faits et les personnes. Alors ici un instant de la vie de Rosa Luxemburg en prison qui montre la violence jamais démentie du pouvoir à son encontre.


22 septembre 1916. Rosa luxemburg est à la prison des femmes de Berlin. Elle reçoit la visite de Mathilde Jacob. Un policier est présent pour surveiller la conversation. Au bout de dix minutes, il prétend interrompre la visite. Rosa Luxemburg se révolte. Le malheureux policier qu'elle aurait traité de misérable espion (ce qu'elle reconnaît) et à la tête duquel elle aurait lancé un objet (ce qu'elle nie), se voit bien sûr agressé et injurié. Résultat: une plainte qui se soldera par une condamnation à 10 jours de prison. Et un transfert brutal vers une prison plus dure.


N'est-il pas important de comprendre cette violence à laquelle Rosa Luxemburg  a été confrontée en permanence, la violence d'un système qui ira jusqu'à son assassinat et à l'assassinat de toute vélléité révolutionnaire en janvier 19 ? ...

 

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29 octobre 2012 1 29 /10 /octobre /2012 17:46

 

« Te réjouis-tu de ce qui se passe avec la  Russie? Bien entendu, ils ne pourront pas se maintenir dans ce désordre infernal - non pas à cause des statistiques qui témoignent du développement économique arriéré de la Russie - comme l'a montré ton sagace époux - mais parce que la social-démocratie de cet Occident si supérieurement développé est composée d'abjects poltrons qui, en spectateurs paisibles, laisseront les Russes perdre tout leur sang. Mais une pareille mort vaut mieux que de « rester en vie pour la patrie » ; c'est un acte d'une envergure historique mondiale dont les traces resteront marquées à travers les siècles. J'attends encore de grandes choses au cours des prochaines années, seulement j'aimerais admirer l'histoire du monde autrement qu'à travers les grilles... »


Rosa Luxembourg,
Lettre à Louise Kautsky,
Breslau, prison pénitentiaire,
24 novembre 1917.

 

comprendre-avec-rosa-luxemburg, 22 mai 2008

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10 octobre 2012 3 10 /10 /octobre /2012 02:33


Ce texte est inédit en français. Il a été publié sur le blog en 2008 (Traduction lieb, 1988).


Compte rendu du discours qu'elle a prononcé comme rapporteur des commissions sur le militarisme et la politique coloniale au Congrès de l'Internationale (1900)


Dès le départ, les deux commissions, la quatrième et la cinquième ont siégé ensemble, parce que le militarisme et la politique coloniale constituent actuellement les deux aspects d'un seul et même phénomène. La protestation contre le militarisme n'est pas une nouveauté dans les congrès internationaux. Avec son instinct de classe, toujours juste, le prolétariat a toujours senti que le militarisme est l'ennemi mortel de toute civilisation. L'Internationale a déjà formulé à plusieurs reprises de telles protestations. Cependant, il ne s'agit pour nous de répéter les anciennes résolutions, mais de créer, quelque chose de neuf face aux nouveaux phénomènes de la politique mondiale.
L'oratrice décrit sous les applaudissements du congrès, les errements de la politique mondiale, le développement de la politique coloniale qui a causé ces six dernières années quatre conflits sanglants. Face à cela, les socialistes ne doivent plus se contenter de discours "platoniques".
Jusqu'à présent il n'y avait eu d'action pratique au niveau international que dans le domaine économique. Les relations de dépendance entre la situation des travailleurs des différents pays sont apparues très tôt et se sont traduites par une action internationale dont le but était de protéger les travailleurs.
Le rapport étroit existant entre les intérêts des travailleurs dans les différents pays était beaucoup moins directement perceptible au niveau politique. Dans ce cas aussi, c'est seulement avec le développement de la politique mondiale que s'est produit un complet bouleversement.
Ce sont les mêmes militarisme et politique navale, la même course aux colonies, la même politique réactionnaire qui s'installent partout, et surtout le danger permanent de guerre ou du moins cet état d'hostilité permanente règnant dans les principaux pays développés, tout cela a créé une base nouvelle pour une action poltique commune. Il faut que face à l'alliance des forces réactionnaires impérialistes se dresse un mouvement international de protestation du prolétariat.
La résolution comporte des propositions concrètes à ce sujet. Les propositions que nous faisons ne représentent pas grand chose en elles-mêmes: engagement des députés socialistes de refuser partout le vote des crédits destinés au développement du militarisme sur terre et sur mer, organisation par la Commission permanente créée par le Congrès, dans le cas de conflits de portée internationale comme c'est le cas aujourd'hui en Chine, d'un mouvement de protestation homogène dans tous les pays.
Mais si ces propositions déjà sont mises en application, nous enregistrerons un grand progrès dans les relations internationales. Cependant, ce rapprochement international des partis ouvriers apparaît urgent, non seulement du point de vue du combat quotidien contre le militarisme, mais aussi au regard du but final poursuivi par le socialisme. Il devient de plus en plus vraisemblable que l'effondrement de l'ordre capitaliste ne sera pas le résultat d'une crise économique, mais d'une crise politique, d'une crise causée par la politique mondiale. La domination de l'ordre capitaliste durera peut-être encore longtemps. Mais tôt ou tard, l'heure sonnera et il est nécessaire que nous soyons prêts à assumer notre rôle au moment décisif, que le prolétariat de tous les pays se prépare à ce moment par une action internationale. Puisse ce congrès donner le mot d'ordre dans cette optique, puisse-t-il lancer au prolétariat international l'appel "Prolétaires de tous les pays, en attendant le combat décisif commun, unissez-vous pour le combat quotidien commun contre les forces militaristes, soutien de la politique mondiale"!

Publié le 25 mai 2008
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2 octobre 2012 2 02 /10 /octobre /2012 20:17

comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com

 

Finalement, il semble bien que la position la plus lucide était celle de la fondatrice du Parti communiste allemand quand elle rappelait que « l’idée de civilisation européenne est complètement étrangère au prolétariat conscient. Ce n’est pas la solidarité européenne mais la solidarité internationale [...] qui est le fondement du socialisme ».

 

Cette citation apparaît dans l'ouvrage de Perry Anderson publié chez Agone.

 

http://www.les-lettres-francaises.fr/2012/03/lunion-europeenne-ou-le-liberalisme-censitaire/

Le Nouveau Vieux monde
Parution : 14/10/2011
ISBN : 978-2-7489-0143-6
744 pages
12 x 21 cm
30.00 euros

Perry Anderson


Le Nouveau Vieux monde
Sur le destin d’un auxiliaire de l’ordre américain
Traduit de l’anglais par Cécile Arnaud

Dans le contexte de la montée générale du néolibéralisme, l’autosatisfaction des élites européennes et de leurs porte-parole accompagne le mépris des populations. À ce niveau, l’absence d’un réel clivage politique empêche l’émergence d’une véritable sphère publique en Europe. La bonne conscience entretient les illusions, comme celle d’une autonomie vis-à-vis des États-Unis. Entre la réalité d’un régime politique produisant des effets plus ou moins uniformes sur l’ensemble de son territoire et l’intensité incomparablement supérieure de la vie interne de chacune des nations qui la composent, l’Europe ressemble beaucoup à un objet impossible. Ce livre veut contribuer à rompre le concert d’échos médiatiques qu’est aujourd’hui l’Union européenne pour en faire un objet de véritables choix politiques.
Publié le 24 mars 2012

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1 octobre 2012 1 01 /10 /octobre /2012 20:52

  comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com

 

Dans cet article, Rosa Luxemburg décrit l'essor économique fulgurant des Etats-Unis en cette fin du XIXème siècle et en tire les conséquences concernant la loi de l'offre et de la demande et le nécessaire effondrement du capitalisme.


Apparemment anodins, les articles qu'elle écrit en 1898 sous pseudonyme, à peine arrivée en Allemagne, dans l'un des principaux journaux sociaux-démocrates allemands se rattachent en fait directement à ces analyses sur l'accumulation du capital écrits à la fin de sa vie. Iils sont le témoignage de la constance marxiste de ses analyses et de son action. Le blog souhaite continuer à donner accès à ces courts textes trop souvent négligés qui constituent le quotidien de son action d'analyse et d'information. Nous apprécions et prendrons en compte  toute amélioration de la traduction à laquelle nous continuons de notre côté à travailler.


Quant à l'époque actuelle, ne peut-on voir de surprenants ou peu surprenants parallèles avec l'émergence de l'économie chinoise par exemple.

 

c.a.r.l. le 1er avril 2012

 


Rosa Luxemburg. L'essor économique des Etats-Unis

article paru sous pseudonyme dans la Sächsische Arbeiterzeitung, le 11 décembre 1898.

 

Il y a peu de temps encore les Etats-Unis étaient un pays pricipalement agricole, qui couvrait ses besoins industriels essentiellement par des importations en provenance des pays européens. Les récentes statistiques concernant l'élevage bovin montrent combien a été importante l'évolution qui s'est produite ces dernières années dans ce domaine. L'on constate ainsi, depuis 1894, une baisse régulière du nombre de têtes de bétail aux Etats-Unis - on comptait en 1895, 16, millions de vaches laitières et en 1898, seulement 15,8 millions . En 1894, il y avait 36,6 millions de boeufs contre seulement 38,2 millions en 1898. Dans le même temps, les importations augmentent. S'il n'y avait pas plus de 1600 bêtes importées en 1894, on en compte aujourd'hui près de 300 000. Et l'on ne doit pas rapporter le recul constaté à des causes momentanées ou relevant du hasard, mais il vient des coûts sans cesse croissants du fourrage, augmentation à mettre en relation avec celle de la densité de la population.

 

D'autre part, l'industrie se développe avec une rapidité étonnante. Il suffit de prendre un secteur comme exemple, la production de fer-blanc. En 1891, cette branche n'existait pas encore aux Etats-Unis et l'ensemble des besoins était couvert par l'importation de produits étrangers, anglais en général, pour un total de plus d'un milliard de livres. Cette nouvelle branche industrielle a été créée en 1892, et la production a d'abord atteint  les 13 millions de livres, et grâce à une croissance par bonds sucessifs, elle représente un total de 650 millions de livres en 1898. Dans un deuxième temps, les importations étrangères baissent, et passent de un milliard à 170 000 livres et vont bientôt disparaître complètement.

 

Mais les Etats-Unis sont devenus eux aussi ces dernières années un Etat industriel exportateur. Il suffit de prendre de nouveau les exportations vers un pays comme exemple: le Japon. En 1896, les Etats-Unis représentaient seulement 26% et l'Angleterre de son côté 65% des exportations de locomotives vers ce pays. En 1897, la part des Etats-Unis atteint 57% et celle de l'Angleterre est en baisse et ne représente plus que 43% de ce marché, quant aux importations en provenance des autres pays, elle disparaissent complètement. La même chose vaut pour l'importation d'autres matériels ferroviaires.

 

En Amérique du Sud comme en Asie orientale, l'industrie américaine prépare une rude concurrence à l'industrie anglaise. Pour résumer, ce pays qui représentait jusqu'alors un débouché pour l'industrie européenne devient aujourd'hui un pays exportateur, qui en fin de compte vient disputer leur place aux autres pays. Et quelles sont les conséquences de ce phénomène? Le marché mondial devient de plus en plus étroit, les forces productives dépassent de plus en plus les possibilités de débouchés, la concurrence devient de plus en plus désespérée et un krach commercial plus ou moins généralisé ébranlera à court ou long terme les pays capitalistes. Le développement industriel des Etats-Unis avec toutes les conséquences qu'il entraîne donne là de nouveau une fameuse couleuvre à avaler à tous ceux qui soutiennent la célèbre théorie des capacités d'adaptation capitalistes de la production aux besoins.

 

Traduction : c.a.r.l. le 1er avril 2012


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26 août 2012 7 26 /08 /août /2012 17:58

comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com

 

Ce site reprend régulièrement les articles du blog : http://nutopia2sergiofalcone.blogspot.fr

On peut grâce à lui accéder à une traduction en italien de notre article sur Leo Jogiches.

Nous le remercions ainsi que ceux qui ont assuré la traduction

c.a.r.l.


Leo Jogiches, una lotta comune con Rosa Luxemburg

  jogiches.jpg

  Il suo assassinio il 10 marzo 1919

 

Conosciamo Liebknecht, conosciamo Rosa Luxemburg. Conosciamo meno Leo Jogiches. Desideriamo far conoscere con questo breve articolo questo militante che condivise tutte le lotte di Rosa Luxemburg e fu assassinato durante la rivoluzione spartchista. Leo Jogiches è un nome troppo poco presente nelle nostre memorie! Eppure inseparabile da quello di Rosa Luxemburg e dunque di lotta politica del movimento operaio della fine del XIX secolo e dell'inizio del XX.


Leggere la corrispondenza di Rosa Luxemburg tra il 1893 e il 1898, è seguire innanzitutto le loro vite intrecciate. Dalla loro vita in Svizzera e in Francia sino alla partenza di Rosa Luxemburg per la Germania. È seguire con divertimento una relazione che potremmo dire alla Sartre e Beauvoir anche se questa relazione è diversa, ma è una relazione segnata dalla riflessione e l'azione politica che si svolge nel corso delle righe. È vedere Rosa Luxemburg molto giovane che segue già degli studi brillanti e prepara un dottorato che pretende di fare di Jogiches il suo alter ego in questo campo. Ed è vedere Leo Jogiches impegnarsi in una ricerca che non lo entusiasma, lui che vive piuttosto nell'organizzazione e l'azione. La qual cosa sottolineerà molto più tardi Clara Zetkin in un omaggio a lui. È soprattutto vedere sin da quest'epoca i loro scambi e la loro azione su un abase di riflessione comune, marxista.


Leo Jogiches, come Rosa Luxemburg è di quei giovani che vivono sotto il dominio russo che molto presto si sono politicizzati e impegnati. Lo vediamo seguire un percorso che sarà quello di numerosi di questi giovani siano essi Russi, Lituani o Polacchi: raggiunge un gruppo vicino alla Narodnaja Volja di ispirazione piuttosto populista prima di evolversi verso una concezione marxista. Arrestato due volte nel 1888 e 1889, fugge verso Ginevra poi Zurigo. È anche un percorso obbligato per numerosi militanti che fuggono la prigione, il confino, l'esercito, e di cui fa parte Rosa Luxemburg. Si incontrano dunque a Zurigo a fine del 1890 o inizio 1891.

 

Come Rosa Luxemburg, si avvicina dapprima a Plekhanov, per infine allontanarsene e creare con lei su basi classiste il SDKPiL (Partito social-democratico del Regno di Polonia e di Lituania) in opposizione ai socialisti nazionalisti del PPS (Partito socialista polacco). Una grande parte della vita di Jogiches sarà dedicata alla lotta all'interno del movimento operaio polacco. Nel 1905, partecipa alla rivoluzione russa.

 

Arrestato, condannato a otto anni di lavori forzati, evade. Nel 1914 sin dai primi giorni della guerra e dello stato d'assedio, Jogiches allestisce i suoi primi elementi dell'organizzazione che sarebbe divantato il gruppo Internazionale poi Spartakus. Dopo il doppio assassinio di Liebknecht e Rosa Luxemburg, conduse clandestinamente l'inchiesta e fece in poche settimane luce sul caso, ritrovando soprattutto una fotografia degli assassini mentre stavano festeggiando. Fuprobabilmente il motivo per il quale, il giorno stesso del suo arresto il 10 marzo 1919, fu abbattuto dall'ufficiale di polizia Tamschik all'interno della prigione di Moabit, con il pretesto di un tentativo di fuga.

 

LINK: Leo Jogiches,un combat commun avec Rosa Luxemburg. Son assassinat le 10 mars 1919

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Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009