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Assassinat de Rosa Luxemburg. Ne pas oublier!

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg a été assassinée. Elle venait de sortir de prison après presque quatre ans de détention dont une grande partie sans jugement parce que l'on savait à quel point son engagement contre la guerre et pour une action et une réflexion révolutionnaires était réel. Elle participait à la révolution spartakiste pour laquelle elle avait publié certains de ses textes les plus lucides et les plus forts. Elle gênait les sociaux-démocrates qui avaient pris le pouvoir après avoir trahi la classe ouvrière, chair à canon d'une guerre impérialiste qu'ils avaient soutenue après avoir prétendu pendant des décennies la combattre. Elle gênait les capitalistes dont elle dénonçait sans relâche l'exploitation et dont elle s'était attachée à démontrer comment leur exploitation fonctionnait. Elle gênait ceux qui étaient prêts à tous les arrangements réformistes et ceux qui craignaient son inlassable combat pour développer une prise de conscience des prolétaires.

Comme elle, d'autres militants furent assassinés, comme Karl Liebknecht et son ami et camarade de toujours Leo Jogiches. Comme eux, la révolution fut assassinée en Allemagne.

Que serait devenu le monde sans ces assassinats, sans cet écrasement de la révolution. Le fascisme aurait-il pu se dévélopper aussi facilement?

Une chose est sûr cependant, l'assassinat de Rosa Luxemburg n'est pas un acte isolé, spontané de troupes militaires comme cela est souvent présenté. Les assassinats ont été systématiquement planifiés et ils font partie, comme la guerre menée à la révolution, d'une volonté d'éliminer des penseurs révolutionnaires, conscients et déterminés, mettant en accord leurs idées et leurs actes, la théorie et la pratique, pour un but final, jamais oublié: la révolution.

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Avec Rosa Luxemburg.

1910.jpgPourquoi un blog "Comprendre avec Rosa Luxemburg"? Pourquoi Rosa Luxemburg  peut-elle aujourd'hui encore accompagner nos réflexions et nos luttes? Deux dates. 1893, elle a 23 ans et déjà, elle crée avec des camarades en exil un parti social-démocrate polonais, dont l'objet est de lutter contre le nationalisme alors même que le territoire polonais était partagé entre les trois empires, allemand, austro-hongrois et russe. Déjà, elle abordait la question nationale sur des bases marxistes, privilégiant la lutte de classes face à la lutte nationale. 1914, alors que l'ensemble du mouvement ouvrier s'associe à la boucherie du premier conflit mondial, elle sera des rares responsables politiques qui s'opposeront à la guerre en restant ferme sur les notions de classe. Ainsi, Rosa Luxemburg, c'est toute une vie fondée sur cette compréhension communiste, marxiste qui lui permettra d'éviter tous les pièges dans lesquels tant d'autres tomberont. C'est en cela qu'elle est et qu'elle reste l'un des principaux penseurs et qu'elle peut aujourd'hui nous accompagner dans nos analyses et nos combats.
 
Voir aussi : http://comprendreavecrosaluxemburg2.wp-hebergement.fr/
 
12 janvier 2016 2 12 /01 /janvier /2016 19:15

 

En novembre 2011, nous publiions sur le blog l'article ci-dessous (lire ici) consacré à l'ouvrage rassemblant les photographies de Willy Römer sur la révolution spartakiste. Nous le reprenons aujourd'hui car il montre clairement ce qu'était la révolution spartakiste, un véritable mouvement d'ouvriers et de soldats et ce que signifie le réformisme qui l'a condamnée à mort.

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Berlin, janvier 1919 - Les photos de Willy Römer et le récit des événements qui ont précédé l'assassinat de Rosa Luxemburg

 

La maison d'édition Dirk Nishen avait repris en 1984 un ensemble de photographies de Willy Römer sur la révolution spartakiste.

 

  Januakampfe-1919-.jpg

 

Il s'agit d'un ensemble de photographies réalisées entre le 5 et le 12 janvier 1919 (la dernière photographie représentant les familles faisant la queue pour retrouver leurs disparus est datée seulement de janvier 1919 sans précision de jour) dans le PressevIertel (quartier de la presse).

 

C'est un témoignage inestimable sur l'ampleur de la révolution spartakiste.

 

L'ouvrage se termine par un aperçu des événements qui ont marqué janvier 1919 et la révolution allemande.

 

Ils éclairent le contexte qui aboutit à l'assassinat de Rosa Luxemburg, de Liebknecht, de Leo Jogiches ainsi qu'à la mort de centaines de révolutionnaires, et à l'écrasement d'une tentative révolutionnaire exemplaire, qui rappelle par de nombreux aspects l'écrasement de la Commune.

 

Ecrasement cependant dû cette fois à la social-démocrate et à son appui sur les forces militaires les plus réactionnaires.


Willy Römer

 

Né en 1987 à Berlin, fils d'un artisan tailleur, il a fait son apprentissage dans la toute première agence de presse allemande. Mobilisé, il resta sous les drapeaux de 1915 à 1918 en Russie, Pologne et en Flandres. Démobilisé en novembre 1918, il reprend l'entreprise "Photothek": c'est à cette époque qu'il réalise ses photographies sur la révolution à Berlin en janvier 1919.

 

(D'après wikipedia)

 


Eléments chronologiques repris du texte accompagnant les photographies.

 

Les combats de janvier 1919 commencent tout d'abord par un conflit entre les dirigeants du SPD et ceux de l'USPD et des Spartakistes suite au renvoi par Ebert du responsable de la police à Berlin, Eichhorn.

 

. L'appel à la manifestation, le 5 janvier, rassemble une foule énorme et armée.

 

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Manifestation. Le 5 janvier 1919

 

. Sans que cela soit organisé et planifié, les combats s'engagent alors l'après-midi même. Des groupes armés de soldats et d'ouvriers occupent les gares et les journaux.

 

  5-janvier-1919--ouvriers-et-soldats-en-marche-vers-le-quart.jpg

Occupation du quartier de la presse par les ouvriers et soldats

 

. La principale cible fut le journal Vorwärts, dont la rédaction avait été chassée par les militaires et qui ne fut pas remise en plac,e après la défaite, par le SPD (Karl etslaw).

 

. Après trois jours, les combats s'atténuèrent et une manifestation regroupa des ouvriers demandant leur arrêt et la fin de la guerre civile.

 

. C'est à ce moment-là que le SPD fit appel à l'armée impériale, constituée pour partie de régiments et pour partie de corps francs. Les combats durèrent du 9 au 12 janvier. Le combat était inégal entre les révolutionnaires armés de fusils, de mitrailleuses et de grenades et l'armée avec ses tanks et canons.

 

. Le 11, les locaux de Vorwärts furent repris par l'armée, il y eut environ 120 morts et 300 prisonniers.

 

 Vraisemblablement-12.01.1919-Vorwarts.jpgImmeuble-de-Vorwarts-apres-l-assaut-des-forces-militaires.jpg

L'assaut des troupes contre le l'immeuble occupée du Vorwärts. 11 janvier 1919

 

. Les autres rédactions tombèrent ensuite, puis le Polizeipräsidium (la préfecture de police). S'ensuivirent des tortures exercées contre les prisonniers et des exécutions sommaires ...

 

Les-familles-a-la-recherche-de-leurs-disparus.jpg

Des familles font la queue à la recherche de proches disparus. Janvier 1919

 

A la lumière de ces quelques indications, ne comprend-on pas clairement dans quelles circonstances eurent lieu les assassinats de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht et la responsabilité manifeste et incontestable du SPD? Qui préféra cet écrasement et ces assassinats à la possibilité d'une société différente.

 

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L'article publié dans la Rote Fahne le 14 janvier 1919 par Rosa Luxemburg à la suite de ces événements ...

 

http://www.marxists.org/francais/luxembur/spartakus/rl19190114.htm 

 

« L'ordre règne à Berlin »

 

« L'ordre règne à Varsovie », déclara le ministre Sébastiani, en 1831, à la Chambre fran­çaise, lorsque, après avoir lancé son terrible assaut sur le faubourg de Praga, la soldatesque de Souvorov [1], eut pénétré dans la capitale polonaise et qu'elle eut commencé son office de bourreau.

« L'ordre règne à Berlin », proclame avec des cris de triomphe la presse bourgeoise, tout comme les Ebert et les Noske, tout comme les officiers des « troupes victorieuses » que la racaille petite-bourgeoise accueille dans les rues de Berlin en agitant des mouchoirs et en criant : « Hourrah ! » Devant l'histoire mondiale, la gloire et l'honneur des armes allemandes sont saufs. Les lamentables vaincus des Flandres et de l'Argonne ont rétabli leur renommée en remportant une victoire éclatante... sur les 300 « Spartakistes » du Vorwärts. Les exploits datant de la glorieuse invasion de la Belgique par des troupes allemandes, les exploits du général von Emmich, le vainqueur de Liège, pâlissent devant les exploits des Reinhardt [2] et Cie dans les rues de Berlin. Assassinat de parlementaires venus négocier la reddition du Vorwärts et que la soldatesque gouvernementale a frappés a coups de crosse, au point que l'identification des corps est impossible, prisonniers collés au mur, dont on a fait éclater les crânes et jaillir la cervelle : qui donc, en présence de faits aussi glorieux pourrait encore évoquer les défaites subies devant les Français, les Anglais et les Américains ? L'ennemi, c'est « Spartacus » et Berlin est le lieu où nos officiers s'entendent à remporter la victoire. Et le général qui s'entend à organiser ces victoires, là où Ludendorff a échoué, c'est Noske, l' « ouvrier » Noske.

Qui n'évoquerait l'ivresse de la meute des partisans de « l'ordre », la bacchanale de la bourgeoisie parisienne dansant sur les cadavres des combattants de la Commune, cette bourgeoisie qui venait de capituler lâchement devant les Prussiens et de livrer la capitale à l'ennemi extérieur après avoir levé le pied ? Mais quand il s'est agi d'affronter les prolétaires parisiens affamés et mal armés, d'affronter leurs femmes sans défense et leurs enfants, ah comme le courage viril des fils de bourgeois, de cette « jeunesse dorée », comme le courage des officiers a éclaté Comme la bravoure de ces fils de Mars qui avaient cané devant l'ennemi extérieur s'est donné libre cours dans ces atrocités bestiales, commises sur des hommes sans défense, des blessés et des prisonniers !

 

« L'ordre règne à Varsovie », « l'ordre règne à Paris », « l'ordre règne à Berlin ». Tous les demi-siècles, les gardiens de « l'ordre » lancent ainsi dans un des foyers de la lutte mondiale leurs bulletins de victoire. Et ces « vainqueurs » qui exultent ne s'aperçoivent pas qu'un « ordre », qui a besoin d'être maintenu périodiquement par de sanglantes hécatombes, va inéluctablement à sa perte.

Cette « Semaine Spartakiste » de Berlin, que nous a-t-elle apporté, que nous enseigne-t-elle ? Au cœur de la mêlée, au milieu des clameurs de triomphe de la contre-révolution, les prolétaires révolutionnaires doivent déjà faire le bilan des événements, les mesurer, eux et leurs résultats, au grand étalon de l'histoire. La révolution n'a pas de temps à perdre, elle poursuit sa marche en avant, - par-dessus les tombes encore ouvertes, par-delà les « victoires » et les « défaites » - vers ses objectifs grandioses. Et le premier devoir de ceux qui luttent pour le socialisme internationaliste, c'est d'étudier avec lucidité sa marche et ses lignes de force.

Pouvait-on s'attendre, dans le présent affrontement, à une victoire décisive du prolétariat révolutionnaire, pouvait-on escompter la chute des Ebert-Scheidemann et l'instauration de la dictature socialiste ? Certainement pas, si l'on fait entrer en ligne de compte tous les éléments qui décident de la réponse. Il suffit de mettre le doigt sur ce qui est à l'heure actuelle la plaie de la révolution : le manque de maturité politique de la masse des soldats qui continuent de se laisser abuser par leurs officiers et utiliser à des fins contre-révolutionnaires est à lui seul la preuve que, dans ce choc-ci, une victoire durable de la révolution n'était pas possible. D'autre part, ce manque de maturité n'est lui-même que le symptôme du manque général de maturité de la révolution allemande.

 

Les campagnes, d'où est issu un fort pourcentage de la masse des soldats, continuent de n'être à peu près pas touchées par la révolution. Jusqu'ici, Berlin est à peu près isolé du reste du Reich. Certes en province, les foyers révolutionnaires - en Rhénanie, sur la côte de la mer du Nord, dans le Brunswick, la Saxe, le Wurtemberg - sont corps et âme aux côtés du prolétariat berlinois. Mais ce qui fait défaut, c'est la coordination de la marche en avant, l'action commune qui donnerait aux coups de boutoir et aux ripostes de la classe ouvrière berlinoise une tout autre efficacité. Ensuite - et c'est de cette cause plus profonde que proviennent ces imperfections politiques - les luttes économiques, ce volcan qui alimente sans cesse la lutte de classe révolutionnaire, ces luttes économiques n'en sont encore qu'à leur stade initial.

Il en résulte que, dans la phase actuelle, on ne pouvait encore escompter de victoire définitive, de victoire durable. La lutte de la semaine écoulée constituait-elle pour autant une « faute » ? Oui, s'il s'agissait d'un « coup de boutoir » délibéré, de ce qu'on appelle un « putsch » ! Mais quel a été le point de départ des combats ? Comme dans tous les cas précé­dents, le 6 décembre, le 24 décembre : une provocation brutale du gouvernement ! Naguère l'attentat contre les manifestants sans armes de la Chausséestrasse, le massacre des matelots, cette fois le coup tenté contre la Préfecture de Police, ont été la cause des événements ultérieurs. C'est que la révolution n'agit pas à sa guise, elle n'opère pas en rase campagne, selon un plan bien mis au point par d'habiles « stratèges ». Ses adversaires aussi font preuve d'initiative, et même en règle générale, bien plus que la Révolution.

Placés devant la provocation violente des Ebert-Scheidemann, les ouvriers révolution­naires étaient contraints de prendre les armes. Pour la révolution, c'était une question d'honneur que de repousser l'attaque immédiatement, de toute son énergie, si l'on ne voulait pas que la contre-révolution se crût encouragée à un nouveau pas en avant ; si l'on ne voulait pas que fussent ébranlés les rangs du prolétariat révolutionnaire et le crédit dont jouit au sein de l'Internationale [3] la révolution allemande.

 

Du reste, des masses berlinoises jaillit spontanément, avec une énergie si naturelle, la volonté de résistance, que, dès le premier jour, la victoire morale fut du côté de la « rue ».

Or il existe pour la Révolution une règle absolue : ne jamais s'arrêter une fois le premier pas accompli, ne jamais tomber dans l'inaction, la passivité. La meilleure parade, c'est de porter à l'adversaire un coup énergique. Cette règle élémentaire qui s'applique à tout combat vaut surtout pour les premiers pas de la révolution. Il va de soi - et pareil comportement témoi­gne de la justesse, de la fraîcheur de réaction du prolétariat, - qu'il ne pouvait se satis­fai­re d'avoir réinstallé Eichhorn à son poste. Spontanément, il occupa d'autres positions de la contre-révolution : les sièges de la presse bourgeoise, le bureau de l'agence d'informations officieuse, le Vorwärts. Ces démarches étaient inspirées à la masse par ce qu'elle comprenait d'instinct : la contre-révolution n'allait pas pour sa part se satisfaire de sa défaite, mais préparer une épreuve de force générale.

Là encore nous nous trouvons en présence d'une de ces grandes lois historiques de la révolution, sur laquelle viennent se briser toutes les habiletés, toute la « science » de ces petits révolutionnaires de l'U.S.P. [4], qui dans chaque lutte ne sont en quête que d'une chose ; de prétextes pour battre en retraite. Dès que le problème fondamental d'une révolution a été clairement posé - et dans celle-ci c'est le renversement du gouvernement Ebert-Scheidemann, premier obstacle à la victoire du socialisme - alors ce problème ne cesse de resurgir dans toute son actualité, et, avec la fatalité d'une loi naturelle, chaque épisode de la lutte le fait apparaître dans toute son ampleur, si peu préparée à le résoudre que soit la révolution, si peu propice que soit la situation.

« A bas Ebert-Scheidemann ! » Ce mot d'ordre jaillit immanquablement à chaque nouvelle crise révolutionnaire ; c'est la formule qui, seule, épuise tous les conflits partiels et qui, par sa logique interne, qu'on le veuille ou non, pousse n'importe quel épisode de la lutte jusqu'à ses conséquences extrêmes.

 

De cette contradiction entre la tâche qui s'impose et l'absence, à l'étape actuelle de la révolution, des conditions préalables permettant de la résoudre, il résulte que les luttes se terminent par une défaite formelle. Mais la révolution est la seule forme de « guerre » - c'est encore une des lois de son développement - où la victoire finale ne saurait être obtenue que par une série de « défaites ».

Que nous enseigne toute l'histoire des révolutions modernes et du socialisme? La première flambée de la lutte de classe en Europe s'est achevé par une défaite. Le soulèvement des canuts de Lyon, en 1831, s'est soldé par un lourd échec. Défaite aussi pour le mouvement chartiste en Angleterre. Défaite écrasante pour la levée du prolétariat parisien au cours des journées de juin 1848. La Commune de Paris enfin a connu une terrible défaite. La route du socialisme - à considérer les luttes révolutionnaires - est pavée de défaites.

Et pourtant cette histoire mène irrésistiblement, pas à pas, à la victoire finale ! Où en serions-nous aujourd'hui sans toutes ces « défaites », où nous avons puisé notre expérience, nos connaissances, la force et l'idéalisme qui nous animent ? Aujourd'hui que nous sommes tout juste parvenus à la veille du combat final de la lutte prolétarienne, nous sommes campés sur ces défaites et nous ne pouvons renoncer à une seule d'entre elles, car de chacune nous tirons une portion de notre force, une partie de notre lucidité.

Les combats révolutionnaires sont à l'opposé des luttes parlementaires. En Allemagne, pendant quatre décennies, nous n'avons connu sur le plan parlementaire que des « victoires »; nous volions littéralement de victoire en victoire. Et quel a été le résultat lors de la grande épreuve historique du 4 août 1914 : une défaite morale et politique écrasante, un effondre­ment inouï, une banqueroute sans exemple. Les révolutions par contre ne nous ont jusqu'ici apporté que défaites, mais ces échecs inévitables sont précisément la caution réitérée de la victoire finale.

A une condition il est vrai ! Car il faut étudier dans quelles conditions la défaite s'est chaque fois produite. Résulte-t-elle du fait que l'énergie des masses est venue se briser contre la barrière des conditions historiques qui n'avaient pas atteint une maturité suffisante, ou bien est-elle imputable aux demi-mesures, à l'irrésolution, à la faiblesse interne qui ont paralysé l'action révolutionnaire ?

Pour chacune de ces deux éventualités, nous disposons d'exemples classiques : la révolution française de février, la révolution allemande de mars. L'action héroïque du prolétariat parisien, en 1848, est la source vive où tout le prolétariat international puise son énergie. Par contre, les navrantes petitesses de la révolution allemande de mars sont comme un boulet qui freine toute l'évolution de l'Allemagne moderne. Elles se sont répercutées - à travers l'histoire particulière de la social-démocratie allemande - jusque dans les événements les plus récents de la révolution allemande, jusque dans la crise que nous venons de vivre.

A la lumière de cette question historique, comment juger la défaite de ce qu'on appelle la « semaine spartakiste » ? Provient-elle de l'impétuosité de l'énergie révolutionnaire et de l'insuffisante maturité de la situation, ou de la faiblesse de l'action menée ?

De l'une et de l'autre ! Le double caractère de cette crise, la contradiction entre la manifes­tation vigoureuse, résolue, offensive des masses berlinoises et l'irrésolution, les hésitations, les atermoiements de la direction, telles sont les caractéristiques de ce dernier épisode.

La direction a été défaillante. Mais on peut et on doit instaurer une direction nouvelle, une direction qui émane des masses et que les masses choisissent. Les masses constituent l'élément décisif, le roc sur lequel on bâtira la victoire finale de la révolution.

Les masses ont été à la hauteur de leur tâche. Elles ont fait de cette « défaite » un maillon dans la série des défaites historiques, qui constituent la fierté et la force du socialisme international. Et voilà pourquoi la victoire fleurira sur le sol de cette défaite.

« L'ordre règne à Berlin ! » sbires stupides ! Votre « ordre » est bâti sur le sable. Dès demain la révolution « se dressera de nouveau avec fracas » proclamant à son de trompe pour votre plus grand effroi

J'étais, je suis, je serai ! [5]


Notes

[1] Erreur de Rosa Luxemburg : Souvorov est mort en 1800. Les troupes russes étaient commandées par Paskevitch. (Note de G.Badia).

[2] REINHARDT, Walther (1872-1930). Officier d'État Major pendant la première guerre mondiale, dernier ministre prussien de la guerre, il fut nommé en octobre 1919, chef de la direction de l'armée. Il démissionna en même temps que Noske, après le putsch de Kapp.

[3] Il s'agit encore à ce moment-là d'une Internationale toute théorique puisque le premier Congrès de la III° Internationale n'a pas encore eu lieu. (Note de G.Badia).

[4] L’U.S.P. était le parti social-démocrate indépendant au sein duquel militaient notamment Kautsky et Bernstein.

[5] Vers extrait du poème de F. Freiligrath « La Révolution ». (Note de G.Badia).


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12 janvier 2016 2 12 /01 /janvier /2016 18:12

Il s'agit du 1er texte publié dans les Gesammelte Werke chez Dietz Verlag. Non signé, il est présenté comme rédigé par la rédaction de la "Sprawa Robotnicza", journal créé par le courant de Rosa Luxemburg et Leo Jogiches dans le même temps que leur parti,  le SDKP (puis SDKPil). Il constitue le premier acte de l'action au sein du mouvement ouvrier international de ces militants en lutte contre le développement du "social-patriotisme", c'est-à-dire le développement du mouvement nationaliste au sein du mouvement ouvrier, incarné en Pologne par le Parti Socialiste Polonais. Il est  inédit en français sur le net. La traduction a été assurée par nos soins.

 

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Rapport adressé au IIIème Congrès ouvrier socialiste international de Zurich, 1893 sur l'état et le développement du mouvement social-démocrate en Pologne russe de 1889 à 1893.

 

 

Source allemande : Gesammelte Werke,

Dietz Verlag, Pages 5 - 13

Traduction : Dominique Villaeys-Poirré et

mise en ligne, décembre 2015.

DOSSIER SOCIAL-PATRIOTISME

Consulter le dossier

 

Chers camarades! C’est la première fois que les sociaux-démocrates polonais de la Pologne sous domination russe participent à votre Congrès.

 

Venant du sombre empire du despotisme et de la réaction la plus rigide, les travailleurs de Varsovie et de Lodz envoient leur délégué, qui est aussi le nôtre, participer au Parlement des travailleurs des deux mondes.

 

Nous vous envoyons nos salutations fraternelles et l'heureux message que les principes sociaux-démocrates ont pris racine chez nous aussi et que, malgré les poursuites de la bourgeoisie alliée à une puissance policière brutale, le drapeau rouge est devenu pour les masses ouvrières polonaises l’étendard de son combat pour son émancipation. Pendant que vous volez à l’Ouest de victoire en victoire, nous menons à l’Est, fidèles aux principes de la social-démocratie internationale, sans faillir, le combat contre le despotisme russe, ce dernier et puissant rempart de la réaction européenne. Les conditions politiques fondamentalement différentes nous contraignent à adopter une autre méthode de lutte différente dans sa forme. Poussés par la nécessité, nous enveloppons notre inlassable travail de l'obscurité de la conspiration, nous mettons en danger sans cesse notre liberté et nos vies, et nous ne pouvons donc agir comme vous librement et ouvertement et nous ne pouvons qu'au coup par coup, dans des cas précis, comme au 1er mai, nous joindre à vos formes de lutte. Naturellement, les formes et les moyens de ce combat doivent être autres. C'est pourquoi, parmi les résolutions prises lors des importantes réunions où vous évoquez les moyens et les formes que doit utiliser le prolétariat des deux mondes pour atteindre les buts qu'il s'est fixés, peu peuvent être appliquées dans notre situation.

 

Le mouvement socialiste dans ce que l'on nomme "la Pologne issue du Congrès" existe depuis presque 15 ans, cependant ce mouvement ne pouvait être qualifié jusqu'à ces quatre dernières années de social-démocrate. Le parti révolutionnaire "Prolétariat" auquel revient l'immense mérite d'avoir donné naissance aux premiers courants socialistes et de les avoir fusionnés dans un seul ensemble organique et qui a dirigé le mouvement jusqu'en 1889, a certes formellement reconnu les principes généraux exprimés dans le Manifeste communiste, cependant il n'était pas simple de mettre en application ces principes  dans de nouvelles conditions dans un Etat dont les conditions politiques sont si totalement différentes de celles de l'Europe occidentale. Ce parti n'est pas parvenu à résoudre cette tâche. Parallèlement, il faut garder à l'esprit, l'influence exercée par le combat héroïque du parti révolutionnaire "Narodnadja Wolna" sur notre mouvement. Ce duel héroïque des révolutionnaires contre le tyran tout puissant a suscité la plus grande admiration et a éveillé involontairement beaucoup d'espoirs. Aussi n'est-il pas étonnant que le Parti Socialiste Polonais partant du présupposé, exact,  d'un combat commun avec les révolutionnaires russes soit tombé complètement sous l'influence de ce parti  et, en contradiction avec le programme formel, ait pris la forme du blanquisme utopique à caractère conspiratif.

 

Selon les conceptions des révolutionnaires d'autrefois, la chute du tsarisme allait de pair avec la révolution sociale. Comme leur parti frère, la "Narodnadja Wolna", les révolutionnaires d'autrefois étaient persuadés que la révolution peut être amenée par un petit nombre de conspirateurs décidés, ayant la volonté d'agir et conscients du but à atteindre. Ils attribuaient à la grande masse du prolétariat comme seul rôle celui de soutenir au moment décisif les conspirateurs socialistes.

 

Conformément à cette analyse, l'action du parti était pratiquement totalement orientée vers l'éveil de sentiments révolutionnaires au moyen de proclamations et actes terroristes. On pensait peu ou pas du tout à élever le niveau matériel et la conscience des masses prolétaires au sein de la société actuelle. On négligeait totalement de considérer comme prochain objectif d'obtenir de l'Etat actuel des concessions politiques et sociales, circonstancielles, comme le font les partis ouvriers de tous les pays. Le parti se contentait de gagner des individus - ce en quoi il a grandement facilité ensuite l'action social-démocrate - et d'autre part d'éveiller au sein des masses la haine contre le despotisme et l'ordre social dominant; le parti travaillait, vivant dans un pays despotique, sur une révolution sociale à court terme. Régulièrement, il était contraint de se rallier, même s'il était en cela en contradiction avec le caractère général de son action, aux mouvements se manifestant de manière autonome au sein des masses et orientés vers des buts politiques ou sociaux propres., de même, il participa au 1er mai 1890.

 

Pour parvenir cependant au rôle qui lui revient et pour devenir l'expression véritable du combat de classe des travailleurs, le socialisme devait rompre définitivement avec la tradition blanquiste et se placer sur le terrain du mouvement ouvrier de l'Europe occidentale. Ce bouleversement des conceptions et de la tactique des socialistes a commencé en 1889 pour parvenir finalement à l'existence d'un mouvement social-démocrate indépendant. Il a enfin été compris que le rôle du parti social-démocrate consiste à diriger, conscient du but à atteindre, le combat du prolétariat contre l'ordre établi se développant au sein de la société capitaliste avec une force élémentaire, que le combat sur le plan économique, pour les intérêts au quotidien de la classe ouvrière, le combat pour arracher des formes démocratiques de gouvernement, constitue de fait l'école que doit suivre le prolétariat avant d'être en mesure de renverser la société actuelle. Cette conception, la nouvelle organisation l'a constamment gardée à l'esprit.

 

Comme tout parti socialiste, la social-démocratie chez nous s'efforçait de gagner et de regrouper autour d'elle les meilleurs éléments et les plus actifs de la classe ouvrière; cependant on ne s'attachait pas à attirer les dirigeants de la future révolution mais des agitateurs conscients du but à atteindre, des dirigeants de la classe ouvrière l'accompagnant dans l'accomplissement de l'ensemble de ses tâches et combats.

 

La situation matérielle misérable des travailleurs polonais exploités sans limite devait nécessairement faire naître un combat économique désespéré; la social-démocratie s'est  alors placée à sa tête, lui a donné un plan d'action et une organisation cohérents et a cherché à lui donner la conscience du but à atteindre.

 

Ces dernières années, il y a eu presque 30 grèves concernant presque autant de secteurs économiques. Ces grèves pratiquement toutes victorieuses dans la plupart des cas ont été menées sous la direction active de l'organisation social-démocrate. Ces chiffres qui seraient à peine notables en Europe occidentale, revêtaient chez nous une importantance tout à fait significative, parce que les grèves, ici plus qu'ailleurs, sont un formidable outil, qui fait bouger les masses indifférentes et les fait se lever pour résister. Cela a constitué nos premiers succès pratiques, elles ont montré clairement et de manière manifeste l'importance d'une conscience solidaire de classe, démasqué la contradiction fondamentale existant entre bourgeoisie et prolétariat, démontré le caractère de classe du gouvernement et la nécessité incontournable de les combattre tous les deux. Pour organiser et faciliter ce combat, le parti social-démocrate devait faire naître les organisations correspondantes nécessaires. C'est ainsi qu'ont été créées des organisations sectorielles qui, en poursuivant des buts économiques immédiats, constituaient dans le même temps un terrain solide  pour la propagande socialiste. Des bibliothèques et des cercles de lecture furent créés avec le même objectif.

 

Dans les deux principaux centres industriels, de véritables caisses de grève ont été organisées qui apportèrent leur aide à des centaines d'ouvriers. Ces caisses ont à nos yeux une signification particulière dans la mesure où prenant en compte les intérêts matériels des travailleurs, elles rencontrent donc un écho dans de larges couches et maintiennent par leur administration même leurs membres en mouvement, tout en créant des points d'ancrage pertinents pour l'action socialiste.

 

De cette manière, les sociaux-démocrates devinrent  peu à peu les véritables dirigeants du mouvement ouvrier et gagnèrent en popularité et la confiance des larges masses.

 

L'attitude décidée adoptée par les travailleurs força la bourgeoisie et le gouvernement à faire des concessions; ici et là, les travailleurs obtinrent des salaires plus élevés, une réduction du temps de travail, le gouvernement se posa, obligé par la nécessité, en protecteur du travail, surveilla la mise en place d'une législation de protection des travailleurs, répondant aux besoins les plus essentiels, ce qui permit de réduire au moins les maux les plus criants; le nombre des services d'inspection des usines et des inspecteurs fut augmenté. Naturellement, ici et là comme dans les autres Etats,  fut menée une "politique sociale d'en haut", pour la galerie et non pour résoudre fondamentalement les problèmes.

 

Le combat politique est imposé au prolétariat du fait de l'attitude du gouvernement dans les questions économiques; car d'une part cette politique de protection des travailleurs est une tromperie, offre de misérables moyens palliatifs, qui restent pour une grande part lettre morte, d'autre part, elle cherche à vaincre toute volonté indépendante des classes opprimées par la force policière la plus brutale. Les grèves sont interdites en vertu d'ordonnances spéciales et quand elle ont lieu malgré tout, la police et l'armée sont prêtes à les combattre par la force.  Les associations ouvrières et les caisses de grève sont également interdites et si elles sont découvertes, de lourdes peines de prison menacent les participants. Tout fait de ce type constitue un enseignement pour les travailleurs et confirme l'enseignement social-démocrate; car chacun de ces faits montre clairement et manifestement que l'absolutisme est une barrière qui rend impossible toute amélioration de la situation actuelle de la classe ouvrière, de même qu'elle constitue un obstacle aux aspirations social-démocrates, que tous les efforts du prolétariat doivent être orientés vers le renversement de cette barrière, il montre que toutes les forces doivent s'employer à arracher une constitution démocratique au tsarisme. Cette devise de la social-démocratie, le combat politique pour les droits et la liberté, se fait entendre le plus fortementr lors du 1er mai.

 

Le 1er mai a revêtu dès le premier moment auprès du Prolétariat sa pleine signification. Dès 1890, environ une dizaine de milliers d'ouvriers, principalement à Varsovie, ont manifesté en même temps que les travailleurs du monde entier. L'année suivante, ce chiffre était monté déjà à 20 000 jusqu'à 30 000 et, en dehors de Varsovie, des travailleurs ont manifesté à Lodz et Zyradow. Le 1er mai 1892, durant lequel, à Lodz, 80 000  ouvriers cessèrent le travail et qui se termina par un bain de sang à la suite de provocations policières, a attiré l'attention de l'Europe entière. Cette année aussi malgré la terrible hemorragie subie par le parti du fait de nombreuses arrestations, malgré la cruauté raffinée et l'espionnage exercés par le gouvernement, quelques milliers de travailleurs ont brandi l'étendard des huit heures et ce n'est que par le déploiement dans les villes ouvrières de toute la puissance militaire, que "l'ordre fut maintenu".

 

Par son caractère et sa signification, le 1er mai chez nous est le plus proche du 1er mai en Autriche; mais il a pour nous une signification encore plus grande, car il constitue la seule occasion de manifester en masse de manière ouverte. Le 1er mai ébranle les masses ouvrières les plus larges et les réveille d'un profond sommeil. Du fait de notre situation, il ne peut revêtir d'autre forme que celle de l'arrêt du travail. Cette forme concrète, claire de manifester est seule en mesure de susciter l'enthousiasme et d'exercer une influence; elle revêt comme en Autriche la forme d'une manifestation politique. Du fait du manque total de libertés et de droits, elle lie la revendication des huit heures avec le droit de vote, le droit d'association,  la liberté de conscience, de langue, de parole et d'écrire. Ces revendications sont toutes exprimées à cette occasion dans des proclamations écrites. Enfin, le 1er mai est la seule forme concrète qui rend visible la solidarité internationale de nos masses ouvrières; il constitue presque la seule opportunité pour notre prolétariat de se sentir et d'agir comme membre de la puissante armée internationale des travailleurs.

 

C'est ainsi que l'on peut décrire l'action de notre social-démocratie durant ces quatre dernières années. Appuyée sur les principes de la social-démocratie internationale, elle poursuit sans faillir son but; chaque pas en avant est payé cher par elle. Dans ce court laps de temps de quatre ans, des centaines de camarades ont été privés de liberté; sur les quatre 1er mai, deux se sont terminés comme à Fourmies par un affrontement sanglant avec l'armée. - En 1891, les travailleurs celèbrent dans le calme et avec sérieux, comme partout, le 1er mai, l'armée les attaque et provoque un affrontement sanglant. L'année suivante, 80 000 travailleurs livrent une bataille en règle avec la soldatesque, là aussi suite à une provocation de la part de la police. Les arrestations arrachent presque chaque jour des camarades des rangs des combattants; la "Citadelle" à Varsovie manque souvent de place pour incarcérer tous les prisonniers, et malgré ce sacrifice, le combat continue de manière opiniâtre. Une nouvelle arme vient justement d'être mise à sa disposition dernièrement, sous la forme d'un journal ouvrier social-démocrate, paraissant à l'étranger, la "Sprawa Robotnicza".

 

Le mouvement ouvrier dans le Royaume de Pologne est devenu peu à peu une élément important de notre vie sociale. Conformément à sa tradition historique, la bourgeoisie s'est vouée entièrement à la recherche effrènée de profit et a sacrifié pour le plat de lentilles de ses intérêts matériels garantis par le gouvernement, toutes ses aspirations patriotiques et politiques avec un cynisme manifeste. Le marché russe qui lui permet de réaliser sa plus-value sur les travailleurs polonais, en fait un soutien fidèle du "trône et de l'autel"; elle n'existe pas en tant que force politique indépendante. La petite-bourgeoisie polonaise est encore celle qui est le plus traversée par  les traditions révolutionnaires patriotiques; ses intérêts opposés à ceux de la grande industrie, qui s'est développée du fait du lien politique avec la Russie, nourrit son patriotisme et en fait des adeptes de l'indépendance de la Pologne. Mais la petite-bourgeoisie est aussi peu indépendante dans son action que la grande-bourgeoisie. Le seul élément actif oppositionnel dans notre société est la classe ouvrière. Naturellement, toute aspiration politique, tout mouvement oppositionnel cherche à en faire son porte-parole. Mêmes nos "intellectuels" patriotes, qui épousent inconsciemment sur le terrain social les idéaux petits-bourgeois, cherchent à attirer le mouvement ouvrier dans les eaux patriotiques; d'ou les tentatives de ces "intellectuels" ces derniers temps de fondre le programme d'une restauration d'un empire polonais indépendant avec celui de la social-démocratie en une synthèse social-patriote. Mais le premier essai pratique, de plaquer sur le 1er mai de cette année, un caractère semi-patriotique, a échoué du fait de la résistance énergique du prolétariat social-démocrate conscient de son identité de classe.

 

L'orientation patriotique, l'idéal d'un empire polonais indépendant n'a aucune chance de gagner à sa cause le prolétariat social-démocrate. L'histoire économique et sociale des trois parties de l'ancien royaume de Pologne les a intégrées de manière organique aux trois pays qui les ont annexées et a créé dans chacune des parties des aspirations et des intérêts propres. Sur un marché mondial chroniquement saturé, la grande industrie de l'ancienne Pologne n'existe et ne peut se développer aujourd'hui que dans une coexistence politique avec la Russie, d'où est né un ensemble économique liant les deux pays. Ce lien économique est renforcé encore continuellement par une politique habile du gouvernement russe qui favorise de manière générale le développement de l'industrie polonaise en partie dans le but de gagner la classe capitaliste dans l'intérêt de la russification, en partie pour ses propres intérêts économiques. Du fait de ce lien économique, qui trouve ses racines dans la logique du capitalisme, l'aspiration à créer un Etat capitaliste polonais ne repose sur aucune base réelle. Le patriotisme, de ce fait, devient un programme auquel les souhaits subjectifs de ses créateurs servent de fondement et pour lequel l'éventualité incalculable d'une guerre européenne sert de moyen de réalisation. Le soutien de la démocratie européenne, sur laquelle comptent nos patriotes ne peut pas remplacer cependant du fait de son énorme importance morale le manque de base matérielle du programme.

 

Le programme d''une restauration de la Pologne indépendante, ne s'appuyant pas sur une réalité, il ne peut créer d'action politique correspondant aux besoins du prolétariat. Un programme minimal de la classe ouvrière commun aux trois parties de la Pologne, alors qu'une partie jouit d'une liberté politique relativement large et du droit de vote, que la deuxième possède des droits politiques modestes et doit conquérir le droit de vote, et que la troisième se trouve complètement sous le joug de l'absolutisme, un tel programme commun est impossible pratiquement dans la mesure où l'action d'un parti ouvrier doit toujours correspondre aux conditions existantes. Adopter un tel programme aujourd'hui sur le plan politique signifierait renoncer à toute action poliique. Cependant, la classe ouvrière doit mener une telle action, elle ne peut être gagnée que pour des revendications  réelles,  pour des revendications qui entraînent un combat au nom de besoins réels, proches et essentiels. Une telle action politique reposant sur des conditions réelles correspond aujourd'hui pour le prolétariat de Galicie au combat commun avec le prolétariat de toute l'Autriche pour le suffrage universel. Pour le prolétariat de Posnanie et de Silésie c'est le combat commun avec la social-démocratie allemande. Pour le prolétariat de la Pologne russe, c'est le slogan, correspondant véritablement à ses conditions de vie et commun à l'ensemble du prolétariat de l'empire russe : abattre l'absolutisme.. Ce programme vient des nécessités de son combat économique quotidien tout comme de ses aspirations socialistes. Ce programme lui permet de se protéger de la politique de russification du gouvernement, en  se donnant pour but l'obtention des droits politiques qui correspondent le plus étroitement à ses intérêts sur le plan local. Ce programme enfin mène directement la classe ouvrière au triomphe du socialisme et rapproche le moment de la disparition définitive de toute forme d'oppression, fait disparaître l'oppression de la nationalité polonaise définitvement et enlève toute base à l'oppression culturelle.

 

Le programme, qui se donne comme tâche d'abattre le tsarisme, ne compte pas sur des bouleversements hypothétiques pour parvenir à son but, il ne fait pas dépendre son existence des souhaits et idéaux d'individus et de classes sans plus aucune vie. Il naît au contraire du cours objectif de l'histoire, qui voit disparaître une économie agricole patriarcale et de ce fait enterre les fondements matériels du tsarisme, qui voit parallèlement le développement du capitalisme et la création de ce fait de la force politique qui le renversera - le prolétariat.

 

Décidée dans son propre intérêt à imposer une nouvelle forme politique, notre classe ouvrière a une haute conscience qu'elle agit pour le bien commun du prolétariat international, qu'elle contribue en combattant le rempart le plus puissant de la réaction européenne, réellement au triomphe des buts fondamentaux qui unissent aujourd'hui dans un même sentiment et une même aspiration des milliers de camarades dans le monde entier.

 

Rapport adressé au IIIème Congrès ouvrier socialiste international de Zurich, 1893 sur l'état et le développement du mouvement social-démocrate en Pologne russe de 1889 à 1893. rédigé par la rédaction du journal "Sprawa Robotnicza" (La cause ouvrière), organe des sociaux-démocrates du Royaume de Pologne.

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12 janvier 2016 2 12 /01 /janvier /2016 16:06
Le tribunal correctionnel d'Amiens

Le tribunal correctionnel d'Amiens

En 2010, le blog publiait la pétition ci-dessous. Et maintenant il faut reprendre le combat! Comme pour Air France, l'Etat et le système savent quels sont leurs ennemis : les ouvriers qui se battent contre leurs licenciements et qui aujourd'hui sont condamnés ... à de la prison! Repris du blog linter.

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2010

Nous soutenons les salariés de Goodyear-Amiens et Goodyear-Dunlop France dans leurs combats

 

Pétition de soutien :  http://bellaciao.org/fr/spip.php?article99934#petition

 

Chers amis, chers camarades et sympathisants,

Cela fait un moment que nous suivons les batailles des salariés de GOODYEAR à AMIENS NORD, et notamment les combats du syndicat majoritaire CGT, contre la rapacité du patronat et des actionnaires. Vous regarderez ICI le reportage qui a été fait par Arte il y a quelques mois sur cette usine.

Vous verrez leurs conditions de travail dignes de pays du tiers monde, vous entendrez les mensonges du patronat, des actionnaires, vous constaterez à quel point leurs luttes sont difficiles.

Mais vous comprendrez mieux encore pourquoi leurs combats acharnés et quotidiens sont exemplaires et doivent être soutenus, désormais, PAR TOUT LE PAYS.

A ce stade, nous ne pouvons pas faire grand-chose d’autre que de construire la solidarité et de SOUTENIR, par tous les moyens que nous jugerons appropriés, cette lutte pour l’emploi et la dignité, lutte qui est passée encore "un cran au-dessus" depuis plus de 3 ans .

Derrière les luttes des GOODYEAR Amiens, ce sont plus de 3000 emplois GOODYEAR/DUNLOP qui sont en jeu en France.

Pouvons nous rester les bras croisés et muets face à la nouvelle vague de dés-industrialisation qui frappe notre pays depuis le début de "la crise"?

Un pays sans OUVRIERS, SANS USINES, SANS INDUSTRIES, est un pays à genoux, mort, une économie FRAGILE, FOUTUE, à la merci des pires pratiques du capitalisme financier.

Sans usines, sans ouvriers, TOUT LE MONDE TRINQUERA, salariés du tertiaire, artisans, TPE compris !

POURQUOI PRIVER LA FRANCE DE SES USINES ET DE SES OUVRIERS, DE SA PRODUCTION, QUAND ON SAIT QUE TOUT CE QUI A ÉTÉ RETIRE DE NOTRE PAYS A ÉTÉ RECONSTRUIT AILLEURS, DANS DES PAYS DITS "A BAS COUTS" ET RÉINTRODUIT ENSUITE SUR LE MARCHE EUROPÉEN COMME DE L’IMPORTATION?

C’EST BIEN QUE LES BESOINS EXISTENT !

MAIS LE PATRONAT ET LES ACTIONNAIRES NE VEULENT PAS INVESTIR NI PRÉSERVER LES DROITS DES SALARIES, CAR ILS VEULENT SIMPLEMENT MAINTENIR LEUR TAUX DE PROFIT ET ACCROITRE LEURS DIVIDENDES.

Ça suffit !

Alors, ce n’est pas grand chose, un simple SOUTIEN, la signature d’une pétition, "c’est peu", diront certains.

Peut être.

Mais d’une part, rien n’oblige à en rester là

et surtout, d’autre part, si nous ne faisons pas d’abord acte public de solidarité envers nos frères de lutte et nos camarades de cette usine, qui se battent comme des chiens enragés contre le patronat et la finance internationale depuis des années, sur tous les fronts, avec tous les instruments de lutte de classe à leur disposition, et qui ne reculent JAMAIS sur RIEN, si nous ne faisons pas au moins ces actes de solidarité somme toute minimes, mais qui leur fera chaud au cœur pour continuer la lutte, si nous ne leur disons pas PUBLIQUEMENT que "Nous sommes toutes et tous à leurs côtés" et que leurs combats sont aussi les nôtres, du privé, du public, salariés, actifs, chômeurs, retraités, avec ou sans papiers, des usines, des bureaux, des magasins, des chantiers, des écoles... si nous ne faisons rien, à quoi servons-nous? A eux, et A NOUS MÊMES?

Voilà donc le but de cette pétition, simplement de dire à nos amis et camarades en lutte de chez GOODYEAR à Amiens, et derrière eux à tous les salariés GOODYEAR DUNLOP FRANCE :

COURAGE DANS VOS COMBATS,
nous sommes avec vous !

Nous soutenons votre action du 30 mars 2010 au Tribunal de Nanterre pour empêcher les actionnaires de dépouiller la filière française, que nous puissions être sur place ou pas.

Vous êtes, comme d’autres lutteurs partout en France, une partie de notre fierté, des porteurs de flambeaux.

On ne vous laissera pas TOMBER.

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Signez la pétition :

http://bellaciao.org/fr/spip.php?article99934#petition

 

D'Air France à Goodyear

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31 décembre 2015 4 31 /12 /décembre /2015 16:31

Auf, auf zum Kampf, zum Kampf!!
Zum Kampf sind wir geboren!!
Auf, auf zum Kampf, zum Kampf!!
Zum Kampf sind wir bereit!!
|: Dem Karl Liebknecht, dem haben wir's geschworen,!
   Der Rosa Luxemburg reichen wir die Hand. :|. !

 

2. Wir fürchten nicht, ja nicht,!
Den Donner der Kanonen!!
Wir fürchten nicht, ja nicht,!
Die grüne Polizei!!
|: Den Karl Liebknecht, den haben wir verloren,!
   Die Rosa Luxemburg fiel durch Mörderhand. :| !

 

3. Es steht ein Mann, ein Mann,!
So fest wie eine Eiche!!
Er hat gewiß, gewiß,!
Schon manchen Sturm erlebt!!
|: Vielleicht ist er schon morgen eine Leiche,!
   Wie es so vielen Freiheitskämpfern geht. :| !

 

4. Auf, auf zum Kampf, zum Kampf!!
Zum Kampf sind wir geboren!!
Auf, auf zum Kampf, zum Kampf!!
Zum Kampf sind wir bereit!!
|: Dem Karl Liebknecht, dem haben wir's geschworen,!
   Der Rosa Luxemburg reichen wir die Hand. :| !

 

Les paroles ont été écrites par Bertold Brecht au lendemain de l'écrasement de l'insurrection spartakiste, en 1919, par le gouvernement du socialiste Noske et les corps francs de la droite militariste qui assassinèrent Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht.

Debout ! Debout !

Nous sommes nés pour lutter.
Debout ! Debout !

Nous sommes prêts pour la lutte.
 

Nous l’avons juré à Karl Liebknecht

Nous tendons la main à Rosa Luxemburg
Nous l’avons juré à Karl Liebknecht

Nous tendons la main à Rosa Luxemburg


Nous ne craignons pas, non ne craignons pas

Le tonnerre des canons
Nous ne craignons pas, non ne craignons pas

La police vert de gris

 

Nous avons perdu Karl Liebknecht,

Rosa Luxembourg est tombée sous la main des meurtriers.

Nous avons perdu Karl Liebknecht,

Rosa Luxembourg est tombée sous la main des meurtriers.

 

Il y a un homme, un homme

Aussi solide qu’un chêne

Il a c'est  sûr, c'est sûr

Vécu de nombreuses tempêtes
 

Peut-être sera-t-il  mort demain

Comme c’est le cas pour tant de combattants de la liberté.

Peut-être sera-t-il  mort demain

Comme c’est le cas pour tant de combattants de la liberté.

 

Debout ! Debout !

Nous sommes nés pour lutter.
Debout ! Debout !

Nous sommes prêts pour la lutte.
 

Nous l’avons juré à Karl Liebknecht

Nous tendons la main à Rosa Luxemburg
Nous l’avons juré à Karl Liebknecht

Nous tendons la main à Rosa Luxemburg

 

Traduction : D.V;P., décembre 2015

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24 décembre 2015 4 24 /12 /décembre /2015 19:39
Rosa Luxemburg. Rapport adressé au IIIème Congrès ouvrier socialiste international de Zurich, 1893 sur l'état et le développement du mouvement social-démocrate en Pologne russe de 1889 à 1893. (inédit en français sur le net)

Il s'agit du 1er texte publié dans les Gesammelte Werke. Non signé, il est présenté comme rédigé par la rédaction de la "Sprawa Robotnicza", journal créé par le courant de Rosa Luxemburg et Leo Jogiches dans le même temps que leur parti,  le SDKPiL.

 

Il constitue le premier acte au sein du mouvement ouvrier international de ces militants en lutte contre le développement du "social-patriotisme", c'est-à-dire, puisqu'il faut peut-être réexpliquer aujourd'hui ce terme,  le développement du mouvement nationaliste au sein du mouvement ouvrier, incarné en Pologne par le Parti Socialiste Polonais.

 

Il est  inédit en français sur le net. La traduction a été assurée par nos soins, nous accueillons volontiers toute amélioration de celle-ci.

 

La raison qui nous amène à privilégier la traduction en vue de publication sur le blog de ces premiers textes de Rosa Luxemburg témoignant de son combat contre le nationalisme au sein du mouvement ouvrier, vient de la nécessité qui resurgit aujourd'hui de donner à chacun les moyens d'une réflexion contre le développement du nationalisme prôné par la social-démocratie au pouvoir et même au sein d'autres courants dits de gauche, ce sont des outils pour un internationalisme fondé et réfléchi.

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Dossier : Textes de Rosa Luxemburg

contre le social-patriotisme 1893 - 1899

 

Ier texte

 

Rapport adressé au IIIème Congrès ouvrier socialiste international de Zurich, 1893 sur l'état et le développement du mouvement social-démocrate en Pologne russe de 1889 à 1893.

 

Source allemande : Gesammelte Werke,

Dietz Verlag, Pages 5 - 13

Traduction : Dominique Villaeys-Poirré et

mise en ligne, décembre 2015.

 

Chers camarades! C’est la première fois que les sociaux-démocrates polonais de la Pologne sous domination russe participent à votre Congrès.

 

Venant du sombre empire du despotisme et de la réaction la plus rigide, les travailleurs de Varsovie et de Lodz envoient leur délégué, qui est aussi le nôtre, participer au Parlement des travailleurs des deux mondes.

 

Nous vous envoyons nos salutations fraternelles et l'heureux message que les principes sociaux-démocrates ont pris racine chez nous aussi et que, malgré les poursuites de la bourgeoisie alliée à une puissance policière brutale, le drapeau rouge est devenu pour les masses ouvrières polonaises l’étendard de son combat pour son émancipation. Pendant que vous volez à l’Ouest de victoire en victoire, nous menons à l’Est, fidèles aux principes de la social-démocratie internationale, sans faillir, le combat contre le despotisme russe, ce dernier et puissant rempart de la réaction européenne. Les conditions politiques fondamentalement différentes nous contraignent à adopter une autre méthode de lutte différente dans sa forme. Poussés par la nécessité, nous enveloppons notre inlassable travail de l'obscurité de la conspiration, nous mettons en danger sans cesse notre liberté et nos vies, et nous ne pouvons donc agir comme vous librement et ouvertement et nous ne pouvons qu'au coup par coup, dans des cas précis, comme au 1er mai, nous joindre à vos formes de lutte. Naturellement, les formes et les moyens de ce combat doivent être autres. C'est pourquoi, parmi les résolutions prises lors des importantes réunions où vous évoquez les moyens et les formes que doit utiliser le prolétariat des deux mondes pour atteindre les buts qu'il s'est fixés, peu peuvent être appliquées dans notre situation.

 

Le mouvement socialiste dans ce que l'on nomme "la Pologne issue du Congrès" existe depuis presque 15 ans, cependant ce mouvement ne pouvait être qualifié jusqu'à ces quatre dernières années de social-démocrate. Le parti révolutionnaire "Prolétariat" auquel revient l'immense mérite d'avoir donné naissance aux premiers courants socialistes et de les avoir fusionnés dans un seul ensemble organique et qui a dirigé le mouvement jusqu'en 1889, a certes formellement reconnu les principes généraux exprimés dans le Manifeste communiste, cependant il n'était pas simple de mettre en application ces principes  dans de nouvelles conditions dans un Etat dont les conditions politiques sont si totalement différentes de celles de l'Europe occidentale. Ce parti n'est pas parvenu à résoudre cette tâche. Parallèlement, il faut garder à l'esprit, l'influence exercée par le combat héroïque du parti révolutionnaire "Narodnadja Wolna" sur notre mouvement. Ce duel héroïque des révolutionnaires contre le tyran tout puissant a suscité la plus grande admiration et a éveillé involontairement beaucoup d'espoirs. Aussi n'est-il pas étonnant que le Parti Socialiste Polonais partant du présupposé, exact,  d'un combat commun avec les révolutionnaires russes soit tombé complètement sous l'influence de ce parti  et, en contradiction avec le programme formel, ait pris la forme du blanquisme utopique à caractère conspiratif.

 

Selon les conceptions des révolutionnaires d'autrefois, la chute du tsarisme allait de pair avec la révolution sociale. Comme leur parti frère, la "Narodnadja Wolna", les révolutionnaires d'autrefois étaient persuadés que la révolution peut être amenée par un petit nombre de conspirateurs décidés, ayant la volonté d'agir et conscients du but à atteindre. Ils attribuaient à la grande masse du prolétariat comme seul rôle celui de soutenir au moment décisif les conspirateurs socialistes.

 

Conformément à cette analyse, l'action du parti était pratiquement totalement orientée vers l'éveil de sentiments révolutionnaires au moyen de proclamations et actes terroristes. On pensait peu ou pas du tout à élever le niveau matériel et la conscience des masses prolétaires au sein de la société actuelle. On négligeait totalement de considérer comme prochain objectif d'obtenir de l'Etat actuel des concessions politiques et sociales, circonstancielles, comme le font les partis ouvriers de tous les pays. Le parti se contentait de gagner des individus - ce en quoi il a grandement facilité ensuite l'action social-démocrate - et d'autre part d'éveiller au sein des masses la haine contre le despotisme et l'ordre social dominant; le parti travaillait, vivant dans un pays despotique, sur une révolution sociale à court terme. Régulièrement, il était contraint de se rallier, même s'il était en cela en contradiction avec le caractère général de son action, aux mouvements se manifestant de manière autonome au sein des masses et orientés vers des buts politiques ou sociaux propres., de même, il participa au 1er mai 1890.

 

Pour parvenir cependant au rôle qui lui revient et pour devenir l'expression véritable du combat de classe des travailleurs, le socialisme devait rompre définitivement avec la tradition blanquiste et se placer sur le terrain du mouvement ouvrier de l'Europe occidentale. Ce bouleversement des conceptions et de la tactique des socialistes a commencé en 1889 pour parvenir finalement à l'existence d'un mouvement social-démocrate indépendant. Il a enfin été compris que le rôle du parti social-démocrate consiste à diriger, conscient du but à atteindre, le combat du prolétariat contre l'ordre établi se développant au sein de la société capitaliste avec une force élémentaire, que le combat sur le plan économique, pour les intérêts au quotidien de la classe ouvrière, le combat pour arracher des formes démocratiques de gouvernement, constitue de fait l'école que doit suivre le prolétariat avant d'être en mesure de renverser la société actuelle. Cette conception, la nouvelle organisation l'a constamment gardée à l'esprit.

 

Comme tout parti socialiste, la social-démocratie chez nous s'efforçait de gagner et de regrouper autour d'elle les meilleurs éléments et les plus actifs de la classe ouvrière; cependant on ne s'attachait pas à attirer les dirigeants de la future révolution mais des agitateurs conscients du but à atteindre, des dirigeants de la classe ouvrière l'accompagnant dans l'accomplissement de l'ensemble de ses tâches et combats.

 

La situation matérielle misérable des travailleurs polonais exploités sans limite devait nécessairement faire naître un combat économique désespéré; la social-démocratie s'est  alors placée à sa tête, lui a donné un plan d'action et une organisation cohérents et a cherché à lui donner la conscience du but à atteindre.

 

Ces dernières années, il y a eu presque 30 grèves concernant presque autant de secteurs économiques. Ces grèves pratiquement toutes victorieuses dans la plupart des cas ont été menées sous la direction active de l'organisation social-démocrate. Ces chiffres qui seraient à peine notables en Europe occidentale, revêtaient chez nous une importantance tout à fait significative, parce que les grèves, ici plus qu'ailleurs, sont un formidable outil, qui fait bouger les masses indifférentes et les fait se lever pour résister. Cela a constitué nos premiers succès pratiques, elles ont montré clairement et de manière manifeste l'importance d'une conscience solidaire de classe, démasqué la contradiction fondamentale existant entre bourgeoisie et prolétariat, démontré le caractère de classe du gouvernement et la nécessité incontournable de les combattre tous les deux. Pour organiser et faciliter ce combat, le parti social-démocrate devait faire naître les organisations correspondantes nécessaires. C'est ainsi qu'ont été créées des organisations sectorielles qui, en poursuivant des buts économiques immédiats, constituaient dans le même temps un terrain solide  pour la propagande socialiste. Des bibliothèques et des cercles de lecture furent créés avec le même objectif.

 

Dans les deux principaux centres industriels, de véritables caisses de grève ont été organisées qui apportèrent leur aide à des centaines d'ouvriers. Ces caisses ont à nos yeux une signification particulière dans la mesure où prenant en compte les intérêts matériels des travailleurs, elles rencontrent donc un écho dans de larges couches et maintiennent par leur administration même leurs membres en mouvement, tout en créant des points d'ancrage pertinents pour l'action socialiste.

 

De cette manière, les sociaux-démocrates devinrent  peu à peu les véritables dirigeants du mouvement ouvrier et gagnèrent en popularité et la confiance des larges masses.

 

L'attitude décidée adoptée par les travailleurs força la bourgeoisie et le gouvernement à faire des concessions; ici et là, les travailleurs obtinrent des salaires plus élevés, une réduction du temps de travail, le gouvernement se posa, obligé par la nécessité, en protecteur du travail, surveilla la mise en place d'une législation de protection des travailleurs, répondant aux besoins les plus essentiels, ce qui permit de réduire au moins les maux les plus criants; le nombre des services d'inspection des usines et des inspecteurs fut augmenté. Naturellement, ici et là comme dans les autres Etats,  fut menée une "politique sociale d'en haut", pour la galerie et non pour résoudre fondamentalement les problèmes.

 

Le combat politique est imposé au prolétariat du fait de l'attitude du gouvernement dans les questions économiques; car d'une part cette politique de protection des travailleurs est une tromperie, offre de misérables moyens palliatifs, qui restent pour une grande part lettre morte, d'autre part, elle cherche à vaincre toute volonté indépendante des classes opprimées par la force policière la plus brutale. Les grèves sont interdites en vertu d'ordonnances spéciales et quand elle ont lieu malgré tout, la police et l'armée sont prêtes à les combattre par la force.  Les associations ouvrières et les caisses de grève sont également interdites et si elles sont découvertes, de lourdes peines de prison menacent les participants. Tout fait de ce type constitue un enseignement pour les travailleurs et confirme l'enseignement social-démocrate; car chacun de ces faits montre clairement et manifestement que l'absolutisme est une barrière qui rend impossible toute amélioration de la situation actuelle de la classe ouvrière, de même qu'elle constitue un obstacle aux aspirations social-démocrates, que tous les efforts du prolétariat doivent être orientés vers le renversement de cette barrière, il montre que toutes les forces doivent s'employer à arracher une constitution démocratique au tsarisme. Cette devise de la social-démocratie, le combat politique pour les droits et la liberté, se fait entendre le plus fortementr lors du 1er mai.

 

Le 1er mai a revêtu dès le premier moment auprès du Prolétariat sa pleine signification. Dès 1890, environ une dizaine de milliers d'ouvriers, principalement à Varsovie, ont manifesté en même temps que les travailleurs du monde entier. L'année suivante, ce chiffre était monté déjà à 20 000 jusqu'à 30 000 et, en dehors de Varsovie, des travailleurs ont manifesté à Lodz et Zyradow. Le 1er mai 1892, durant lequel, à Lodz, 80 000  ouvriers cessèrent le travail et qui se termina par un bain de sang à la suite de provocations policières, a attiré l'attention de l'Europe entière. Cette année aussi malgré la terrible hemorragie subie par le parti du fait de nombreuses arrestations, malgré la cruauté raffinée et l'espionnage exercés par le gouvernement, quelques milliers de travailleurs ont brandi l'étendard des huit heures et ce n'est que par le déploiement dans les villes ouvrières de toute la puissance militaire, que "l'ordre fut maintenu".

 

Par son caractère et sa signification, le 1er mai chez nous est le plus proche du 1er mai en Autriche; mais il a pour nous une signification encore plus grande, car il constitue la seule occasion de manifester en masse de manière ouverte. Le 1er mai ébranle les masses ouvrières les plus larges et les réveille d'un profond sommeil. Du fait de notre situation, il ne peut revêtir d'autre forme que celle de l'arrêt du travail. Cette forme concrète, claire de manifester est seule en mesure de susciter l'enthousiasme et d'exercer une influence; elle revêt comme en Autriche la forme d'une manifestation politique. Du fait du manque total de libertés et de droits, elle lie la revendication des huit heures avec le droit de vote, le droit d'association,  la liberté de conscience, de langue, de parole et d'écrire. Ces revendications sont toutes exprimées à cette occasion dans des proclamations écrites. Enfin, le 1er mai est la seule forme concrète qui rend visible la solidarité internationale de nos masses ouvrières; il constitue presque la seule opportunité pour notre prolétariat de se sentir et d'agir comme membre de la puissante armée internationale des travailleurs.

 

C'est ainsi que l'on peut décrire l'action de notre social-démocratie durant ces quatre dernières années. Appuyée sur les principes de la social-démocratie internationale, elle poursuit sans faillir son but; chaque pas en avant est payé cher par elle. Dans ce court laps de temps de quatre ans, des centaines de camarades ont été privés de liberté; sur les quatre 1er mai, deux se sont terminés comme à Fourmies par un affrontement sanglant avec l'armée. - En 1891, les travailleurs celèbrent dans le calme et avec sérieux, comme partout, le 1er mai, l'armée les attaque et provoque un affrontement sanglant. L'année suivante, 80 000 travailleurs livrent une bataille en règle avec la soldatesque, là aussi suite à une provocation de la part de la police. Les arrestations arrachent presque chaque jour des camarades des rangs des combattants; la "Citadelle" à Varsovie manque souvent de place pour incarcérer tous les prisonniers, et malgré ce sacrifice, le combat continue de manière opiniâtre. Une nouvelle arme vient justement d'être mise à sa disposition dernièrement, sous la forme d'un journal ouvrier social-démocrate, paraissant à l'étranger, la "Sprawa Robotnicza".

 

Le mouvement ouvrier dans le Royaume de Pologne est devenu peu à peu une élément important de notre vie sociale. Conformément à sa tradition historique, la bourgeoisie s'est vouée entièrement à la recherche effrènée de profit et a sacrifié pour le plat de lentilles de ses intérêts matériels garantis par le gouvernement, toutes ses aspirations patriotiques et politiques avec un cynisme manifeste. Le marché russe qui lui permet de réaliser sa plus-value sur les travailleurs polonais, en fait un soutien fidèle du "trône et de l'autel"; elle n'existe pas en tant que force politique indépendante. La petite-bourgeoisie polonaise est encore celle qui est le plus traversée par  les traditions révolutionnaires patriotiques; ses intérêts opposés à ceux de la grande industrie, qui s'est développée du fait du lien politique avec la Russie, nourrit son patriotisme et en fait des adeptes de l'indépendance de la Pologne. Mais la petite-bourgeoisie est aussi peu indépendante dans son action que la grande-bourgeoisie. Le seul élément actif oppositionnel dans notre société est la classe ouvrière. Naturellement, toute aspiration politique, tout mouvement oppositionnel cherche à en faire son porte-parole. Mêmes nos "intellectuels" patriotes, qui épousent inconsciemment sur le terrain social les idéaux petits-bourgeois, cherchent à attirer le mouvement ouvrier dans les eaux patriotiques; d'ou les tentatives de ces "intellectuels" ces derniers temps de fondre le programme d'une restauration d'un empire polonais indépendant avec celui de la social-démocratie en une synthèse social-patriote. Mais le premier essai pratique, de plaquer sur le 1er mai de cette année, un caractère semi-patriotique, a échoué du fait de la résistance énergique du prolétariat social-démocrate conscient de son identité de classe.

 

L'orientation patriotique, l'idéal d'un empire polonais indépendant n'a aucune chance de gagner à sa cause le prolétariat social-démocrate. L'histoire économique et sociale des trois parties de l'ancien royaume de Pologne les a intégrées de manière organique aux trois pays qui les ont annexées et a créé dans chacune des parties des aspirations et des intérêts propres. Sur un marché mondial chroniquement saturé, la grande industrie de l'ancienne Pologne n'existe et ne peut se développer aujourd'hui que dans une coexistence politique avec la Russie, d'où est né un ensemble économique liant les deux pays. Ce lien économique est renforcé encore continuellement par une politique habile du gouvernement russe qui favorise de manière générale le développement de l'industrie polonaise en partie dans le but de gagner la classe capitaliste dans l'intérêt de la russification, en partie pour ses propres intérêts économiques. Du fait de ce lien économique, qui trouve ses racines dans la logique du capitalisme, l'aspiration à créer un Etat capitaliste polonais ne repose sur aucune base réelle. Le patriotisme, de ce fait, devient un programme auquel les souhaits subjectifs de ses créateurs servent de fondement et pour lequel l'éventualité incalculable d'une guerre européenne sert de moyen de réalisation. Le soutien de la démocratie européenne, sur laquelle comptent nos patriotes ne peut pas remplacer cependant du fait de son énorme importance morale le manque de base matérielle du programme.

 

Le programme d''une restauration de la Pologne indépendante, ne s'appuyant pas sur une réalité, il ne peut créer d'action politique correspondant aux besoins du prolétariat. Un programme minimal de la classe ouvrière commun aux trois parties de la Pologne, alors qu'une partie jouit d'une liberté politique relativement large et du droit de vote, que la deuxième possède des droits politiques modestes et doit conquérir le droit de vote, et que la troisième se trouve complètement sous le joug de l'absolutisme, un tel programme commun est impossible pratiquement dans la mesure où l'action d'un parti ouvrier doit toujours correspondre aux conditions existantes. Adopter un tel programme aujourd'hui sur le plan politique signifierait renoncer à toute action poliique. Cependant, la classe ouvrière doit mener une telle action, elle ne peut être gagnée que pour des revendications  réelles,  pour des revendications qui entraînent un combat au nom de besoins réels, proches et essentiels. Une telle action politique reposant sur des conditions réelles correspond aujourd'hui pour le prolétariat de Galicie au combat commun avec le prolétariat de toute l'Autriche pour le suffrage universel. Pour le prolétariat de Posnanie et de Silésie c'est le combat commun avec la social-démocratie allemande. Pour le prolétariat de la Pologne russe, c'est le slogan, correspondant véritablement à ses conditions de vie et commun à l'ensemble du prolétariat de l'empire russe : abattre l'absolutisme.. Ce programme vient des nécessités de son combat économique quotidien tout comme de ses aspirations socialistes. Ce programme lui permet de se protéger de la politique de russification du gouvernement, en  se donnant pour but l'obtention des droits politiques qui correspondent le plus étroitement à ses intérêts sur le plan local. Ce programme enfin mène directement la classe ouvrière au triomphe du socialisme et rapproche le moment de la disparition définitive de toute forme d'oppression, fait disparaître l'oppression de la nationalité polonaise définitvement et enlève toute base à l'oppression culturelle.

 

Le programme, qui se donne comme tâche d'abattre le tsarisme, ne compte pas sur des bouleversements hypothétiques pour parvenir à son but, il ne fait pas dépendre son existence des souhaits et idéaux d'individus et de classes sans plus aucune vie. Il naît au contraire du cours objectif de l'histoire, qui voit disparaître une économie agricole patriarcale et de ce fait enterre les fondements matériels du tsarisme, qui voit parallèlement le développement du capitalisme et la création de ce fait de la force politique qui le renversera - le prolétariat.

 

Décidée dans son propre intérêt à imposer une nouvelle forme politique, notre classe ouvrière a une haute conscience qu'elle agit pour le bien commun du prolétariat international, qu'elle contribue en combattant le rempart le plus puissant de la réaction européenne, réellement au triomphe des buts fondamentaux qui unissent aujourd'hui dans un même sentiment et une même aspiration des milliers de camarades dans le monde entier.

 

Rapport adressé au IIIème Congrès socialiste des Travailleurs, Zurich 1893 sur l'état et le développement du mouvement social-démocrate en Pologne russe de 1889 à 1893. rédigé par la rédaction du journal "Sprawa Robotnicza" (La cause ouvrière), organe des sociaux-démocrates du Royaume de Pologne.

source de l'illustration de début d'article : http://www.ozzip.pl/images/fotki/rewo04.jpg

La ville de Lodz

La ville de Lodz

 

En  mémoire de Rosa Luxemburg et Leo Jogiches, Julian Marchlewski (1921)

 

Un éclairage important est constitué par un texte de Julian Marchlewski écrit en l'honneur de Rosa Luxemburg et Leo Jogiches en 1921. Nous reprenons le passage qui concerne les débuts du courant représenté par lui-même, Rosa Luxemburg, Leo Jogiches, Adolf Warski et sur le Congrès de Zurich ...

 

"Les thèses fondamentales de cette tendance étaient celles-ci : le capitalisme se développe dans la Pologne asservie dans un étroit accord avec le capitalisme russe, allemand et autrichien ; les liens les plus étroits se créent nécessairement entre la bourgeoisie des provinces polonaises et celle de ces États ; la lutte des classes devient plus âpre en Pologne et rend impossible l'insurrection contre le joug national. La tâche du prolétariat polonais c'est de lutter, de concert avec les ouvriers russes, allemands et autrichiens, contre l'ordre capitaliste ; cette lutte politique et économique doit être conduite en tenant compte des conditions de la vie politique dans chaque Etat, ce qui rend nécessaires des relations étroites avec les Partis socialistes russe, allemand et autrichien. L'autonomie du Parti polonais, qui lui permet de défendre les intérêts de la culture du prolétariat polonais, doit être naturellement sauvegardée. Seule la révolution commune, en détruisant l'ordre capitaliste, entraînera la libération de tous les peuples, donc du peuple polonais ; tant que règne l'ordre capitaliste, la création d'un Etat polonais indépendant n'est pas possible. La tâche des prolétaires polonais, ce n'est donc pas de lutter pour une Pologne capitaliste indépendante, mais pour la destruction des Etats capitalistes en général. Tout ceci nous paraît aujourd'hui indiscutable, mais il fallut alors un énorme travail pour ouvrir un chemin à ces idées.

 

Rosa Luxemburg prouva de suite un remarquable talent de publiciste et les dons d'un brillant théoricien. Nous reconnûmes volontiers en elle notre guide doctrinal. Le camarade Jogiches était son auxiliaire le plus actif bien que seuls ses plus proches amis l'avaient su.

 

La nouvelle tendance eut bientôt à soutenir son premier combat sur une large arène. A l'automne de 1891, la gendarmerie du tsar détruisit l'Union Ouvrière dont presque tous les leaders furent arrêtés. La manifestation du 1er mai, en 1892, revêtit néanmoins des proportions grandioses, montrant que le mouvement des masses ouvrières était devenu en Pologne un fait capital de la vie sociale.

 

En 1893, il devint possible de renouveler et d'élargir notre activité révolutionnaire dans la région. Le camarade Wesołowski était alors l'un des meilleurs organisateurs. Les ouvriers de l'Union et ceux qui restaient du Parti du Prolétariat adhérèrent au nouveau groupe et nous adoptâmes le nom de Parti Social-Démocrate de l'empire polonais. Cette appellation paraîtra étrange à beaucoup (quel accouplement de mots : socialiste et empire !). Elle fut choisie dans un but défini. Nous voulions exprimer ainsi que, selon nos doctrines, nous étendions notre organisation sur un territoire donné et précisément sur cette partie de la Pologne où le prolétariat doit lutter la main dans la main avec le prolétariat de toute la Russie. Justement, cette année-là, un Congrès Socialiste International se réunissait à Zurich. Nous résolûmes de nous y affirmer devant le prolétariat du monde entier. Les ouvriers de Varsovie m'envoyèrent un mandat de délégué. Les groupes de l'étranger en donnèrent à Rosa Luxemburg et au camarade Warszawski. Les meneurs du P. P. S. menaient contre nous une furieuse campagne dans laquelle ils eurent recours aux moyens les plus honteux, accusant effrontément le camarade Warszawski d'être « un agent russe ». Comme il y avait parmi eux des hommes entretenant depuis longtemps d'excellentes relations avec les chefs de l'Internationale : Engels, Wilhem Liebknecht et d'autres, il leur fut facile de nous représenter comme un petit groupe d'intrigants rompant l'unité du socialisme polonais. Malgré le brillant discours de Rosa Luxemburg réfutant ce mensonge le Congrès résolut de ne valider ni son mandat ni celui du camarade Warszawski. Plekhanov joua dans cette affaire un bien piètre rôle ; il connaissait les affaires polonaises et il eût suffi d'un mot de lui qui jouissait dans l'Internationale d'une si grande popularité pour anéantir toute cette intrigue. Mais il préféra se taire et reconnut plus tard qu'il lui sembla fâcheux de « devoir aller à l'encontre de l'opinion du vieil Engels ». Malheureusement, ces choses devaient par la suite arriver assez souvent dans la Seconde Internationale où les affaires se décidaient fréquemment selon les sympathies et les antipathies des chefs jouissant d'une certaine popularité. Nous subîmes un échec, mais on s'intéressa dans l'Internationale aux questions du socialisme polonais et l'occasion se présenta à nous d'exposer ces questions dans la presse française et allemande. Cette tâche aussi fut surtout dévolue à Rosa Luxemburg.

 

* Repris du site de la MIA. Source de ce texte : numéro 3 du Bulletin communiste (deuxième année), 20 janvier 1921, dans la rubrique « Héros et martyrs du communisme ».

http://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/article-julian-marchlewski-a-la-memoire-de-rosa-luxemburg-et-de-leo-tyszka-jogiches-117436322.html

 

* Indiquons une lettre qu'il convient de lire en contre-point à ce texte : Lettre à Leo Jogiches, Clarens, 15 avril 1893

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Le texte en allemand

 

Rosa Luxemburg: Bericht an den III. Internationalen Sozialistischen Arbeiterkongress in Zürich 1893 über den Stand und Verlauf der sozialdemokratischen Bewegung in Russisch-Polen 1889-1893

 

Erstattet von der Redaktion der Zeitschrift „Sprawa Robotnicza" (Arbeitersache), Organ der Sozialdemokraten des Königreichs Polen1

 

[Bericht an den III. Internat. Socialistischen Arbeiterkongress in Zürich 1893 über den Stand und Verlauf der socialdemokratischen Bewegung in Russisch-Polen 1889-1893, erstattet von der Redaktion der Zeitschrift „Sprawa Robotnicza" („Arbeitersache"), Organ der Socialdemokraten des Königreichs Polen, o. O. u. J. Nach Gesammelte Werke Band 1/1, 1970, S. 5-13]

Genossen! Es ist das erste Mal, dass die polnischen Sozialdemokraten aus dem Russland unterworfenen Teile Polens an Eurem Kongress teilnehmen.

Aus dem finstern Reiche des politischen Despotismus und der starren Reaktion senden die Arbeiter von Warschau und Łódź ihren Delegierten, der zumal der unsrige ist, teilzunehmen an dem Arbeiterparlament zweier Welten.

Wir senden Euch unsern Brudergruß und die frohe Botschaft, dass auch bei uns die sozialdemokratischen Prinzipien Wurzel gefasst haben und trotz der Verfolgungen der mit einer rohen Polizeimacht verbündeten Bourgeoisie das rote Banner der Sozialdemokratie für die polnischen Arbeitermassen zum Leitstern ihres Emanzipationskampfes geworden ist. Während Ihr im Westen von Sieg zu Sieg schreitet, führen wir im Osten, den Prinzipien der internationalen Sozialdemokratie treu, unentwegt den Kampf mit dem russischen Despotismus, diesem letzten und gewaltigsten Hort der europäischen Reaktion. Die von Grund aus verschiedenen politischen Verhältnisse zwingen uns eine der Form nach andere Kampfesweise auf. Notgedrungen hüllen wir unsere unablässige Arbeit in das Dunkel der Konspiration, gefährden beständig Freiheit und Leben und können daher nicht frei und offen wie Ihr handeln und vorläufig nur in einzelnen Fällen, wie der Maifeier, uns Eurer Kampfesweise anschließen. Selbstverständlich müssen auch die Formen und Mittel dieses Kampfes andere sein. Deshalb sind nur wenige der Beschlüsse, welche Ihr bei Euren wichtigen und fruchtbaren Beratungen fasst, in denen Ihr die Mittel und Wege erwägt, welche das Proletariat beider Welten zum erhabenen Ziele, zum Siege der sozialistischen Ideen, führen sollen, auf unsere Lage anwendbar.

Die sozialistische Bewegung im sogenannten Kongresspolen2 datiert seit fast 15 Jahren; doch war diese Bewegung bis zu den letzten vier Jahren nicht sozialdemokratisch zu nennen.3 Die revolutionäre Partei „Proletariat"4, welcher das hohe Verdienst zukommt, den ersten sozialistischen Strömungen Ausdruck gegeben und sie in ein organisches Ganzes zusammengefasst zu haben, und welche die Bewegung bis zum Jahre 1889 leitete, hat zwar formell die allgemeinen im Kommunistischen Manifest ausgedrückten Prinzipien anerkannt; doch war es nicht leicht, diese Prinzipien unter neuen Bedingungen in einem Staate, dessen politische Verhältnisse so gänzlich verschieden von denen des westlichen Europas sind, in Anwendung zu bringen. Diese Aufgabe zu lösen ist dieser Partei nicht gelungen. Dabei muss man den Einfluss im Auge behalten, welchen der heroische Kampf der russischen revolutionären Partei „Narodnaja Wolja" auf unsere Bewegung ausüben musste. Hat doch dieser heldenmütige Zweikampf der Revolutionäre mit dem allmächtigen Alleinherrscher in ganz Europa höchste Bewunderung hervorgerufen und unwillkürlich Hoffnungen erweckt. Es ist daher nicht zu verwundern, wenn die Polnische Sozialistische Partei, von dem richtigen Standpunkte des gemeinsamen Kampfes mit den russischen Revolutionären ausgehend, vollständig unter den Einfluss jener Partei geriet. Die Folge hiervon war, dass die praktische Tätigkeit und Taktik des „Proletariat" im Widerspruch mit dem formellen Programm der Ausdruck des utopistisch verschwörerischen Blanquismus wurde.

In den Begriffen der damaligen Revolutionäre fiel der Sturz des Zarentums mit der sozialen Revolution zusammen. Ebenso wie ihre Bruderpartei „Narodnaja Wolja" waren die damaligen Revolutionäre überzeugt, dass die Revolution durch eine Anzahl entschlossener, tatkräftiger und zielbewusster Verschwörer herbeigeführt werden kann. Der großen Masse des Proletariats wurde nur die Rolle vorbehalten, im entscheidenden Augenblicke die sozialistischen Verschwörer zu unterstützen.

Dieser Voraussetzung entsprechend war die Agitation der Partei fast ausschließlich darauf gerichtet, revolutionäre Gefühle mittelst Proklamationen und terroristischer Taten zu erwecken; an die Hebung des geistigen und materiellen Niveaus der Arbeitermasse innerhalb der heutigen Gesellschaftsordnung wurde wenig oder gar nicht gedacht. Man versäumte, es ganz, die vorläufigen, von dem heutigen Staate zu erzwingenden sozialen und politischen Zugeständnisse als nächstes Ziel zu betrachten, wie dies die Arbeiterparteien aller Länder tun. Die Partei beschränkte sich darauf, einzelne Individuen zu gewinnen – wodurch sie viel dazu beigetragen hat, die spätere sozialdemokratische Agitation zu erleichtern – und anderseits den Hass gegen die Despotie und die bestehende Gesellschaftsordnung unter den Massen zu wecken; die Partei arbeitete, in einem despotischen Staate lebend, direkt auf eine soziale Revolution in nächster Zeit hin. Wiederholt war die Partei gezwungen, wenn auch im Widerspruche zum Charakter ihrer Tätigkeit im allgemeinen, den sich in der Masse selbständig kundgebenden, auf ökonomische oder politische Ziele gerichteten Regungen sich anzuschließen, ebenso nahm sie an der Maifeier 1890 teil.

Um jedoch die ihm zukommende Bedeutung zu erlangen und zum wahren Ausdruck des Klassenkampfes der Arbeiter zu werden, musste der Sozialismus endgültig mit den blanquistischen Traditionen brechen und sich auf den Boden der westeuropäischen Arbeiterbewegung stellen. Diese Umwandlung in den Ansichten und der Taktik der Sozialisten begann im Jahre 1889 und führte schließlich zu einer selbständigen sozialdemokratischen Bewegung. Man sah endlich ein, dass die Rolle der sozialdemokratischen Partei darin bestehe, den im Kapitalismus mit elementarer Gewalt sich entwickelnden Kampf des Proletariats gegen die bestehende Gesellschaftsordnung zielbewusst zu leiten, dass der Kampf auf ökonomischem Gebiete um die alltäglichen Interessen der arbeitenden Klassen, der Kampf um demokratische Regierungsformen die Schule ist, welche das Proletariat unbedingt durchmachen muss, ehe es imstande ist, die heutige Gesellschaft zu stürzen. Diesen Gesichtspunkt behielt die neue Organisation bei ihrer Tätigkeit beständig im Auge.

Wie jede sozialistische Partei, war die Sozialdemokratie bei uns bemüht, die besten und tatkräftigsten Elemente der Arbeiterschaft heranzuziehen und um sich zu gruppieren; dabei war aber das Augenmerk nicht darauf gerichtet, Leiter der bevorstehenden Revolution heranzuziehen, sondern zielbewusste Agitatoren, Führer der Arbeiterklasse bei allen ihren Aufgaben und Kämpfen.

Die elende materielle Lage der schrankenlos ausgebeuteten polnischen Arbeiter musste notgedrungen einen verzweifelten ökonomischen Kampf hervorrufen; die Sozialdemokraten stellten sich an seine Spitze, verliehen ihm einen einheitlichen Plan, eine Organisation und suchten ihn zielbewusst zu machen.

In den letzten drei Jahren fanden etwa 30 Streiks statt, welche fast ebenso viele Gewerke betrafen.5 Diese in den meisten Fällen wesentlich erfolgreichen Streiks wurden unter der tätigen Leitung der sozialdemokratischen Organisation ausgefochten. Diese Ziffer, welche im westlichen Europa kaum nennenswert sein würde, hat bei uns eine ganz besondere Bedeutung, weil die Streiks hier mehr als irgendwo ein hervorragendes Mittel, die indifferente Masse aufzurütteln, sie zum Widerstand hinzureißen, bilden. Es waren dies unsere ersten praktischen Erfolge; sie bewiesen klar und anschaulich die Bedeutung des solidarischen Klassenbewusstseins, enthüllten den prinzipiellen Gegensatz zwischen Bourgeoisie und Proletariat, legten den Klassencharakter der Regierung bloß, wiesen auf die unumgängliche Notwendigkeit, beide zu bekämpfen, hin. Um diesen Kampf zu regeln und zu erleichtern, musste die sozialdemokratische Partei entsprechende Organisationen ins Leben rufen. So wurden Fachvereine gegründet, welche, unmittelbare ökonomische Vorteile verfolgend, gleichzeitig festen Boden für die sozialistische Propaganda bildeten. Zu demselben Zwecke wurden Bibliotheken und Lesezirkel eingerichtet.

In den beiden Hauptzentren unserer Industrie wurden regelrechte Streikkassen angelegt, welchen Hunderte von Arbeitern beitraten. Diese Kassen haben für uns eine besondere Bedeutung, da sie direkt die alltäglichen materiellen Interessen der Arbeiter ins Auge fassten, daher in den weitesten Schichten Anklang fanden und schon durch ihre Administration ihre Mitglieder in fortwährender Bewegung erhielten, während sie andererseits treffliche Anknüpfungspunkte für die sozialistische Agitation abgaben.

Auf diese Weise wurden die Sozialdemokraten nach und nach die wirklichen Führer der Arbeiterbewegung, erlangten Popularität und Zutrauen der großen Masse.

Die von den Arbeitern angenommene entschlossene Haltung zwang der Bourgeoisie und Regierung manches Zugeständnis ab; hier und da erlangten die Arbeiter höhere Löhne oder kürzere Arbeitszeit, die Regierung nahm notgedrungen die Rolle eines Beschützers der Arbeit auf sich, überwachte die Erfüllung der notdürftigsten Arbeiterschutzgesetzgebung, wodurch wenigstens den schreiendsten Übeln hie und da abgeholfen wurde; die Zahl der Fabrikinspektionskreise und der Inspektoren wurde vergrößert. Natürlich wurde auch hier wie in allen Staaten, die „Sozialpolitik von oben" treiben, hauptsächlich der Schein gewahrt und nichts Durchgreifendes geschaffen.

Der politische Kampf wird dem Proletariat durch die Haltung der Regierung in ökonomischen Fragen aufgedrungen; denn einerseits heuchelt diese Arbeiterschutzpolitik, bietet ihm kleinliche Palliativmittelchen an, welche größtenteils auf dem Papier bleiben, anderseits sucht sie jede selbständige Regung der ausgebeuteten Klassen mit roher Polizeifaust niederzuschmettern. Die Streiks werden durch besondere Verordnungen verboten, und wenn sie trotzdem zustande kommen, sind Polizei und Militär bereit, sie niederzuhalten. Arbeitervereine und -kassen sind ebenfalls verboten, und wenn sie entdeckt werden, drohen den Beteiligten langjährige Kerkerstrafen. Jede Tatsache dieser Art ist eine neue praktische Lehre von der Notwendigkeit des politischen Kampfes für die Arbeiter und bestätigt die Lehren der Sozialdemokratie; denn jede dieser Tatsachen zeigt klar und deutlich, dass der Absolutismus eine Schranke ist, welche jede Verbesserung der heutigen Lage der arbeitenden Klasse unmöglich macht, ebenso wie er den sozialistischen Bestrebungen überhaupt im Wege steht, dass alle Anstrengungen des Proletariats darauf gerichtet sein müssen, diese Schranke zu stürzen, dass alle Kräfte daranzusetzen sind, dem Zaren-tum eine demokratische Konstitution abzuzwingen. Diese Losung der Sozialdemokratie, der politische Kampf, der Kampf um Rechte und Freiheiten für das arbeitende Volk, ertönt am lautesten am Tage der Maifeier.

Die Maifeier hat vom ersten Augenblicke an bei unserm Proletariat ihre volle Bedeutung gewonnen. Schon im Jahre 1890 feierten gegen zehntausend Arbeiter, hauptsächlich in Warschau, gemeinschaftlich mit den Arbeitern der ganzen Welt. Im nächsten Jahre war die Zahl schon auf 25000 bis 30000 gestiegen und feierten außer in Warschau die Arbeiter der Industriezentren Zyrardów und Łódź. Die Maifeier im Jahre 1892, an welcher in Łódź allein 80000 Arbeiter die Arbeit niederlegten und welche infolge der Polizeiprovokationen so blutig endete, zog ihrerzeit die Aufmerksamkeit von ganz Europa auf sich. Auch in diesem Jahre erhoben trotz des furchtbaren Aderlasses, den die Partei durch zahlreiche Verhaftungen erlitten hatte, trotz der raffinierten Grausamkeit und Spionage seitens der Regierung einige tausend Arbeiter das Banner des achtstündigen Arbeitstages, und nur dadurch, dass in den Fabrikstädten die ganze Militärmacht entfaltet wurde, gelang es, „die Ruhe aufrechtzuerhalten".

Der Charakter und die Bedeutung der Maifeier bei uns steht der in Österreich am nächsten; doch hat sie für uns eine noch größere Bedeutung, weil sie die einzige Gelegenheit zu offener Massenmanifestation ist. Die Maifeier rüttelt die weitesten Massen des Proletariats auf und weckt sie aus ihrem tiefen Schlafe. Infolge unserer Lage kann dieselbe bei uns keine andere Form erhalten als die der Arbeitseinstellung. Diese konkrete, grelle Art der Demonstration ist allein imstande, Begeisterung hervorzurufen und Einfluss zu üben; sie trägt, wie in Österreich, den Charakter einer politischen Manifestation. Beim vollständigen Mangel an politischen Freiheiten und Rechten verbindet sie mit der Forderung des Achtstundentages die des allgemeinen Wahlrechts, des Versammlungs- und Vereinsrechts, der Freiheit des Gewissens, der Sprache, des Wortes und der Schrift. Solche Forderungen enthalten alle bei dieser Gelegenheit gedruckten Proklamationen. Schließlich ist die Maifeier die einzige konkrete Form, bei der die internationale Solidarität unsern Massen ersichtlich wird; sie ist fast die einzige Gelegenheit, bei welcher unser Proletariat sich als Glied der mächtigen internationalen Arbeiterarmee fühlen und betätigen kann.

So stellt sich die Tätigkeit unserer Sozialdemokratie in den letzten vier Jahren dar. Gestützt auf die Prinzipien der internationalen Sozialdemokratie, verfolgt sie unentwegt ihr Ziel; schwer muss jeder Schritt von ihr erkauft werden. In der kurzen Zeit von vier Jahren verloren Hunderte von Genossen die Freiheit; von den vier Maifeiern endeten zwei, ähnlich wie in Fourmies, mit einem blutigen Zusammenstoß mit dem Militär. – Im Jahre 1891 feiern die Arbeiter ruhig und ernst wie überall, das Militär greift sie an und provoziert einen blutigen Kampf. – Im nächsten Jahre liefern 80000 Arbeiter in Łódź der Soldateska eine förmliche Schlacht, und das wiederum infolge der Provokation seitens der Polizei. Die Verhaftungen reißen fast jeden Tag Genossen aus den Reihen der Kämpfer; die Warschauer „Zitadelle" hat oft nicht Platz genug, um alle Gefangenen aufzunehmen, und trotz dieser Opfer wird der Kampf beharrlich fortgesetzt. Es wurde ihm eben in der letzten Zeit eine neue Waffe in Gestalt der sozialdemokratischen, im Ausland erscheinenden Arbeiterzeitung „Sprawa Robotnicza" zu Diensten gestellt.

Die Arbeiterbewegung im Königreich Polen wurde allmählich zur wichtigsten Erscheinung unseres sozialen Lebens. Jeder historischen Tradition bar, hat sich unsere Bourgeoisie ganz der Profitwut hingegeben und um das Linsengericht des ihren materiellen Interessen von der Regierung gewährten Schutzes alle patriotischen und politischen Bestrebungen mit zynischer Offenheit preisgegeben. Der russische Absatzmarkt, der ihr erlaubt, den aus den polnischen Arbeitern erpressten Mehrwert zu realisieren, hat sie zur treuen Stütze „des Throns und Altars" gemacht; als eine selbständige politische Macht existiert sie nicht. Das polnische Kleinbürgertum ist noch am ehesten von patriotisch-revolutionären Traditionen durchdrungen; sein Interessengegensatz zur Großindustrie, welche sich infolge der politischen Verbindung mit Russland entwickelt hat, entfacht seine patriotische Stimmung und macht es zum Schwärmer für die Unabhängigkeit Polens. Aber selbständig tätig ist das Kleinbürgertum ebensowenig wie die Großbourgeoisie. Das einzige oppositionell tätige Element in unserer Gesellschaft ist die Arbeiterklasse. Natürlicherweise sucht auch jeder politische Gedanke, jede oppositionelle Regung sie zu ihrem Träger zu machen. Auch unsere patriotische „Intelligenz", welche auf sozialem Gebiet unbewusst kleinbürgerliche Ideale vertritt, sucht die Arbeiterbewegung ins patriotische Fahrwasser hinüberzulenken; daher die Versuche dieser „Intelligenz" in der allerletzten Zeit, das Programm der Wiederherstellung des selbständigen polnischen Reiches mit dem sozialdemokratischen zu einer Synthese des Sozialpatriotismus zu verschmelzen. Aber der erste praktische Versuch, der Maifeier in diesem Jahre einen halbpatriotischen Charakter aufzuzwingen, scheiterte an dem energischen Widerstand der klassenbewussten sozialdemokratischen Arbeiterschaft.

Die patriotische Richtung, das Ideal eines selbständigen polnischen Reiches, hat keine Aussichten, die sozialdemokratische Arbeiterschaft für sich zu gewinnen. Die ökonomisch-soziale Geschichte der drei Teile des ehemaligen Königreiches Polen hat sie den drei großen Annexionsstaaten organisch einverleibt und in jedem besondere Bestrebungen und politische Interessen geschaffen. Bei der chronischen Überfüllung des Weltmarktes existiert und entwickelt sich heute die Großindustrie von Kongresspolen nur infolge der politischen Koexistenz mit Russland, welcher ein ökonomisches Band beider Länder entwuchs. Dieses ökonomische Band verstärkt noch beständig die russische Regierung durch tückische Politik, indem sie die polnische Industrie teils um im Interesse der Russifizierung die Kapitalistenklasse für sich zu gewinnen, teils im eigenen ökonomischen Interesse im großen und ganzen fördert. Angesichts dieser ökonomischen Verknüpfung, die in der unüberwindlichen Logik des Kapitalismus wurzelt, entbehrt die Bestrebung, einen kapitalistischen polnischen Staat ins Leben zu rufen, jeder reellen Basis. Der Patriotismus wird angesichts dieser Tatsachen zu einem Programm, welchem die subjektiven Wünsche seiner Schöpfer zur Grundlage und die unberechenbaren Eventualitäten eines europäischen Krieges als Mittel der Verwirklichung dienen. Die Unterstützung der europäischen Demokratie, auf welche unsere Patrioten rechnen, kann bei ihrer enormen moralischen Bedeutung die mangelnde materielle Basis des Programms denn doch nicht ersetzen.

Das Programm, ein selbständiges Polen wiederherzustellen, kann, da es nicht mit der Wirklichkeit rechnet, keine politische Tätigkeit schaffen, welche den Bedürfnissen des Proletariats entspricht. Ein gemeinsames politisches Minimalprogramm der Arbeiterklasse der drei polnischen Länder, deren eines eine relativ weite politische Freiheit mit allgemeinem Stimmrecht besitzt, deren zweites, im Besitz einiger kümmerlicher politischer Rechte, das allgemeine Stimmrecht erst zu erkämpfen hat, deren drittes vollends im Joch des Absolutismus sich befindet, ein solches gemeinsames Programm ist heute eine praktische Unmöglichkeit, da ja die politische Tätigkeit der Arbeiterpartei immer den gegebenen politischen Formen entsprechen muss. Jenes Programm heute als ein politisches annehmen würde soviel bedeuten, wie auf jede politische Tätigkeit verzichten zu wollen. Die Arbeiterklasse muss aber eine solche üben, sie kann nur für reelle Forderungen gewonnen werden, für solche, die schon heute einen praktischen Kampf im Namen wirklicher, naheliegender und wichtiger Bedürfnisse schaffen. Eine solche auf reellen Verhältnissen beruhende politische Aktion ist heute für das Proletariat von Galizien der ihm mit dem Proletariat von ganz Österreich gemeinsame Kampf um das allgemeine Wahlrecht. Für das Proletariat von Posen und Schlesien ist das politische Programm das Zusammengehen mit der deutschen Sozialdemokratie. Für das Proletariat von Russisch-Polen ist es die seinen wirklichen Lebensverhältnissen entsprechende, dem gesamten Proletariat des russischen Reiches gemeinsame Parole – die Niederwerfung des Absolutismus. Dieses Programm ergibt sich aus den Bedürfnissen seines alltäglichen ökonomischen Kampfes ebensowohl wie aus seinen sozialistischen Bestrebungen überhaupt. Dieses Programm macht es ihm möglich, indem es ihm die Erkämpfung solcher politischen Rechte, welche am besten seinen lokalen Interessen entsprechen, zum Ziele setzt, sich gleichzeitig vor der Russifizierungspolitik der Regierung zu schützen. Dieses Programm endlich führt die Arbeiterklasse auf geradem Wege zum Triumphe des Sozialismus und nähert sie gleichzeitig demjenigen Momente, in welchem mit der definitiven Aufhebung aller Unterdrückung auch die Unterjochung der polnischen Nationalität endgültig beseitigt und aller kulturellen Bedrückung der Grund entzogen wird.

Das Programm, das sich die Niederwerfung des Zarentums zur nächsten politischen Aufgabe stellt, rechnet in seiner Verwirklichung nicht auf zufällige Umwälzungen in der europäischen Politik, es verdankt sein Bestehen nicht den Wünschen und Idealen einzelner [Personen] und abgelebter Klassen. Es ist vielmehr von dem objektiven Gang der Geschichte erzeugt, welcher die patriarchalische Bauernwirtschaft zersetzt und die materiellen Bedingungen des Zarentums dadurch untergräbt, welcher gleichzeitig den Kapitalismus entwickelt und damit die politische Macht geschaffen hat, die ihn stürzen wird – das Proletariat.

Bestrebt, in ihrem eigenen Interesse eine neue politische Form zu erringen, hat unsere Arbeiterklasse das erhabene Bewusstsein, dass sie für die gemeinsame Sache des internationalen Proletariats wirkt, dass sie durch Bekämpfung des mächtigsten Hortes der europäischen Reaktion wirklich zum Triumphe der großen Ziele beiträgt, welche heute in einem Gedanken und einem Gefühle Tausende von Genossen der ganzen Welt vereinigen.

 

1 Dieser Bericht ist nicht gezeichnet. Aus einer Fußnote in Rosa Luxemburgs Artikel „Der Sozialpatriotismus in Polen" (siehe S. 39) geht hervor, dass sie an der Abfassung des Berichts weitgehend beteiligt war.

2 Als Kongresspolen wird das 1815 durch den Wiener Kongress geschaffene Königreich Polen bezeichnet, das bis 1915 bestand, durch Personalunion mit Russland verbunden war und unter zaristischer Herrschaft litt.

3 Im Jahre 1889 war in Warschau unter Führung der Sozialdemokraten Julian Marchlewski und Jan Leder der Verband Polnischer Arbeiter (Związek Robotników Polskich) gegründet worden. Er konzentrierte sich zunächst auf den ökonomischen Kampf, leistete eine breite Aufklärungsarbeit unter dem Proletariat und forderte das Bündnis mit den russischen Sozialdemokraten. Der Verband konstituierte sich 1893 mit einem Teil des „II. Proletariat" zur Sozialdemokratischen Partei des Königreichs Polen (SDKP).

4 Die 1882 von Ludwik Waryński gegründete erste Sozialrevolutionäre Arbeiterpartei im Königreich Polen, genannt das „I." oder „Große Proletariat", wurde 1886 in einer großen Verhaftungswelle zerschlagen.

Das von Marcin Kasprzak gegründete „II." oder „Kleine Proletariat" bestand von 1888 bis 1893.

5 Seit dem 1. Mai 1890 nahm die Streikbewegung große Ausmasse an und erfasste die meisten Branchen der metallverarbeitenden und chemischen Industrie Warschaus, der Textilindustrie in Łódź, der Kohlen- und Hüttenindustrie von Dabrowa sowie die Webereien von Zyrardów. Den Höhepunkt erreichte sie im Aufstand von Łódź am 5. Mai 1892 mit etwa 80 000 Streikende

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21 décembre 2015 1 21 /12 /décembre /2015 12:46
Rosa Luxemburg dans les annéees 1895 - 1898

Rosa Luxemburg dans les annéees 1895 - 1898

Condamnations possibles pour atteintes aux symboles nationaux, hymne, drapeau, célébration imposée dans les écoles et recommandée fortement dans les rues après les attentats. Peut-on encore être internationalistes en France aujourd'hui?

 

Il devient alors urgent de relire Rosa Luxemburg dont le combat contre le nationalisme a été constant alors même qu'elle venait d'un pays sous domination de trois empires, combat qui lui a permis de s'opposer aux menée impérialistes tout au long du XIXème siècle et au conflit mondial.

 

Son tout premier combat est la création, avec des camarades, du SDKPiL (Social-démocratie du Royaume de Pologne et de Lituanie) sur des bases marxistes et contre le social-patriotisme incarné par le PPS (Parti Socialiste Polonais) et sa lutte contre le social-patriotisme polonais au sein de la Seconde Internationale.

 

A la même époque, elle publie une analyse d'une grande pertinence et témoignant de la même démarche, à propos des événements en Turquie critiquant l'approche nationaliste de la politique de la social-démocratie.

 

Lire sur le blog la page consacrée à Rosa Luxemburg et la question nationale: http://comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com/pages/4_Rosa_luxemburg_et_la_Pologne_la_question_nationale-595118.html

 

"L’adoption de la résolution social-patriotique créerait un précédent important pour le mouvement socialiste dans d’autres pays. Ce qui vaut pour l’un vaut pour les autres. Si la libération nationale de la Pologne devait être élevée au rang d’objectif politique du prolétariat international, pourquoi pas aussi la libération de la Tchécoslovaquie,  de l’Irlande, et de l’Alsace-Lorraine? Tous ces objectifs sont tout autant utopiques, et ne sont pas moins justifiés que la libération de la Pologne. La libération de l’Alsace-Lorraine, en particulier, serait même beaucoup plus importante pour le prolétariat international, et bien plus probable: derrière l’Alsace-Lorraine il y a quatre millions de baïonnettes françaises, et dans les questions d’annexions bourgeoises, les baïonnettes ont plus de poids que les manifestations morales. Ensuite si les polonais des trois  parties occupées s’organisent selon  des critères de nationalités pour la libération de la Pologne, pourquoi les autres nationalités en Autriche n’agiraient-elles pas de la même façon, pourquoi pas les Alsaciens ne s’organiseraient-ils pas en commun avec les Français? En un mot, la porte serait ouverte aux luttes nationales et aux organisations nationalistes. A la place de l’organisation des travailleurs et en fonction des données politiques et étatiques, on rendrait hommage au principe de l’organisation selon la nationalité, procédé qui nous a souvent égarés dès le début.  Au lieu de programmes politiques de classe, on établirait des programmes nationaux.  Le sabotage de la lutte politique unitaire du prolétariat menée dans chaque État déboucherait sur une série de luttes nationales stériles." Citation tirée de son article "La question polonaise au Congrès international de Londres" juillet 1896, article reproduit intégralement plus bas et qui  constitue un exposé très complet de sa position.


Liste des articles et textes parus en langue allemande entre 1893 et 1899

 

Compte-rendu pour le 3ème Congrès de l'Internationale socialiste de Zurich en 1893 sur l'Etat et l'action du mouvement social-démocrate en Pologne russe.

Paru dans la "Sprawa Robotnisza, journal que viennent de créer Rosa Luxemburg et Leo Jogiches

 

Nouveaux courants au sein du mouvement social-démocrate polonais en Allemagne et en Autriche

Paru dans la Neue Zeit, le journal animé par Kautzky

 

Le social-patriotisme en Pologne

Paru dans la Neue Zeit

 

A propos de la tactique de la social-démocratie polonaise

Paru dans l'organe du parti Vorwärt, le 25 juillet 1896

 

Les luttes nationalistes en Turquie et la social-démocratie

Paru les 8, 9 et 10 octobre 1896 dans la Sächsische Arbeiterzeitung

 

A propos de la politique "orientale" du Vorwärts

Paru dans la Sächsische Arbeiterzeitung le 25 novembre 1896

 

L'action auprès de la population polonaise

Paru le 5 juillet 1897 dans la Sächsische Arbeiterzeitung

 

Le socialisme en Pologne

Sozialistische Monatshefte1897

 

Pas à pas (Histoire de la bourgeoisie en Pologne)

Paru dans la Neue Zeit 1897/1898

 

Sa thèse: Le développement industriel de la Pologne

Tenue à à l'Université de Zurich auprès du Professeur Julius Wolf

 

Les élections en Haute-Silésie

Paru dans le Leipziger Volkszeitung

 

Nouvelles de Posnanie

Paru dans la Sächsische Arbeiterzeitung des 8 et13 juillet 1898

 

Etat d'urgence en Galicie autrichienne

Paru dans la Sächsische Arbeiterzeitung  le 13 juillet 1898

 

Adam Mickiewicz

Paru dans le Leipziger Volkszeitung le 24 décembre 1898

 

La Russie en 1898

Paru dans le Leipziger Volkszeitung les 18 et 20 janvier 1899

 La question polonaise au Congrès international de Londres , juillet 1896

Article de Rosa Luxemburg publié simultanément dans Sprawa Robotnicza N°25 (juillet 1896) et dans Critica Sociale N°14 (juillet 1896).

 

Il y a trente-deux ans, lorsque les fondateurs de ce qui allait devenir l’Internationale se sont rencontrés pour la première fois à Londres, ils ont ouvert leurs travaux par une protestation contre l’asservissement de la Pologne, qui était alors engagée, pour la troisième fois, dans une lutte stérile pour l’indépendance. Dans quelques semaines, le Congrès de l’Internationale ouvrière se réunira, également à Londres, et y verra présenté une résolution en faveur de l’indépendance polonaise. La similitude des circonstances amène tout naturellement à comparer ces deux événements dans la vie du prolétariat international.

Le prolétariat a parcouru un long chemin dans son développement au cours de ces  trente-deux dernières années. Les progrès sont manifestes dans tous les domaines, et de nombreux aspects de la lutte de la classe ouvrière se présentent très différemment d’il y a trente-deux ans. Mais l’élément essentiel de cet essor pourrait se résumer dans la phrase suivante: d’une secte d’idéologues, les socialistes sont devenus un grand parti unifié capable de gérer ses propres affaires. Alors qu’ils existaient à peine dans de petits groupes isolés en marge de la vie politique des pays, ils représentent aujourd’hui le facteur dominant dans la vie de la société. C’est particulièrement vrai dans les grands pays civilisés, mais aussi partout, ils sont un élément que le gouvernement et la classe dirigeante doivent prendre en compte. S’il fallait au départ diffuser le nouveau message, aujourd’hui, la question primordiale est de savoir comment la vaste lutte des masses populaires, désormais baignée de socialisme, peut être au mieux tendue vers son objectif.

Le Congrès international des travailleurs a connu des changements  équivalents. A ses débuts, le Bureau international était surtout un conseil qui se réunissait pour formuler les principes de base du nouveau mouvement, aujourd’hui c’est surtout, voire exclusivement, un organe de délibérations concrètes par un prolétariat conscient sur les questions urgentes de l’ordre du jour de sa lutte. Toutes les tâches et tous les objectifs y sont rigoureusement étudiés quant à leur faisabilité; ceux qui semblent dépasser les forces du prolétariat sont mis de côté, quel que soit leur attrait ou leur effet d’annonce. C’est la différence essentielle entre la conférence de cette année au Hall Saint-Martin et celle qui a eu lieu trente-deux ans auparavant, et c’est de ce point de vue que la résolution déposé devant le Congrès doit être examinée.

La résolution sur la restauration de la Pologne qui sera présenté au Congrès de Londres se lit comme suit. [1]

 » Considérant que l’asservissement d’une nation par une autre ne profite qu’aux capitalistes et aux despotes, qu’elle est également néfaste et à la classe ouvrière de la nation opprimée et à celle de la nation oppresseur; qu’en particulier le tsarisme russe, qui puise sa force intérieure et son poids extérieur dans l’asservissement et le partage de la Pologne, constitue une menace permanente pour le développement du mouvement ouvrier international, le Congrès déclare que l’indépendance de la Pologne représente une impérative exigence politique  tant pour le prolétariat polonais et pour le mouvement ouvrier international mouvement dans son ensemble.

La demande d’indépendance politique de la Pologne est défendue avec deux arguments: premièrement, la nature nuisible des annexions du point de vue des intérêts du prolétariat et, deuxièmement, l’importance particulière de l’asservissement de la Pologne quant au maintien du tsarisme russe, et donc, implicitement, l’importance de l’indépendance polonaise pour contribuer à sa chute. »

Commençons par le second point.

Le tsarisme russe ne puise ni sa force intérieure, ni son poids extérieur de la domination de la Pologne. Cette affirmation de la résolution est fausse de A à Z. Le tsarisme russe tire sa force intérieure des rapports sociaux au sein même de la Russie. La base historique de l’absolutisme russe est une économie naturelle qui repose sur les relations archaïques de propriété communautaire de la paysannerie. L’arrière-plan de cette structure sociale – et il y en a  encore de nombreux vestiges dans la Russie d’aujourd’hui – ainsi que la configuration générale des autres facteurs sociaux, constituent la base du tsarisme russe. La noblesse est contenue sous le joug du tsar par un flot incessant taxe sur la paysannerie.  La politique étrangère est menée au profit de la bourgeoisie, avec l’ouverture de nouveaux marchés comme objectif principal, tandis que la politique douanière met le consommateur russe à la merci des fabricants. Enfin, l’activité interne même du tsarisme est au service du capital: organisation d’expositions industrielles, construction du chemin de fer de Sibérie, et autres projets de même nature sont menés en vue de faire progresser les intérêts du capitalisme. De façon générale, la bourgeoisie joue un rôle très important dans le cadre du tsarisme dans l’élaboration de la politique intérieure et étrangère, un rôle que son inconséquence numérique ne serait jamais  lui permettre de jouer sans le tsar.  C’est cela, la combinaison de facteurs qui donne  au tsarisme sa force interne. S’il continue à végéter, c’est parce que les formes  sociales obsolètes n’ont pas encore complètement disparu, et que les rapports de classe embryonnaires d’une société moderne ne se sont pas encore pleinement développés et cristallisés.

A nouveau: le tsarisme  ne tire pas sa force du partage de la Pologne, mais des particularités de l’Empire russe. Ses vastes masses humaines lui fournissent une source illimitée de ressources financières et militaires, disponibles presque à la demande, qui élève la Russie au niveau d’une puissance européenne de premier plan. Son immensité et  sa situation géographique donnent à la Russie un intérêt tout particulier dans la question d’Orient, où il rivalise avec les autres nations également impliqués dans cette partie du monde. Les frontières de la Russie avec les possessions britanniques en Asie le mènent vers une confrontation inévitable avec l’Angleterre. En Europe aussi, la Russie est profondément impliquée dans les questions vitales des puissances européennes. Surtout en ce dix-neuvième siècle, la lutte de classe révolutionnaire émergente a placé le tsarisme dans le rôle de gardien de la réaction en Europe, ce qui contribue également à sa stature à l’étranger.

Mais surtout, si l’on doit parler de la position extérieure de la Russie, en particulier au cours des dernières décennies, ce n’est pas du partage de la Pologne, mais uniquement et exclusivement de l’annexion de l’Alsace-Lorraine qu’il tire son pouvoir: en divisant l’Europe en deux camps hostiles, par la création d’une menace de guerre permanente, et en conduisant la France dans les bras de la Russie.

De fausses prémisses donnent de fausses conclusions: comme si l’existence d’une Pologne indépendante pourrait priver la Russie de ses pouvoirs chez elle ou à l’étranger… La restauration de la Pologne  ne pourrait provoquer la chute de l’absolutisme russe que si elle supprimait en même temps la base sociale du tsarisme en Russie même, à savoir, les restes de la vieille économie paysanne  et l’utilité du tsarisme pour à la fois la noblesse et la bourgeoisie. Mais bien sûr cela n’a aucun sens:  avec ou sans la Pologne, cela n’y changera rien. L’espoir de briser  la toute-puissance russe grâce à la restauration de la Pologne est un anachronisme qui remonte à ce temps révolu où il ne semblait y avoir aucun espoir que des forces au sein même de la Russie y soient jamais capable de viser la destruction du tsarisme. La Russie de l’époque, une terre d’économie naturelle, semblait, comme l’ont fait ces pays,  s’embourber dans la stagnation sociale  la plus totale. Mais depuis les années soixante elle a mis le cap vers le développement d’une économie moderne et, ce faisant, a semé le germe d’une solution au problème de l’absolutisme russe. Le tsarisme se trouve contraint de soutenir une économie capitaliste, mais, ce faisant, il scie la branche sur laquelle il est assis.

Par sa politique financière, il détruit ce qui reste des anciennes relations agricoles communes, et donc élimine les fondements de la pensée conservatrice chez les paysans. Qui plus est, dans son pillage de la paysannerie, le tsarisme sape ses  propres fondements matériels en détruisant les ressources avec lesquelles il a acquis la loyauté de la noblesse. Enfin, le tsarisme s’est visiblement fait une spécialité de ruiner la plupart des consommateurs pour l’embarassas de la bourgeoisie, ce qui laisse les poches  assez vides  aux seuls qui pourraient vouloir sacrifier un peu de leurs intérêts à ceux de la nation. Une l’agent de l’économie bourgeoise dépensé, la bureaucratie pèse de tout son poids.  Le résultat en est l’accélération de la croissance du prolétariat industriel, la seule force sociale à laquelle le tsarisme ne peut pas s’allier et à laquelle il ne peut pas céder sans mettre en péril sa propre existence.

Ces sont donc là les contradictions sociales dont la solution implique la chute de l’absolutisme. Le tsarisme fonce directement vers  ce moment fatal, comme une pierre roule du haut de la montagne. La montagne c’est le développement du capitalisme et ses flancs sont les poings de la classe ouvrière prête au combat. Seule la lutte politique du prolétariat dans tout l’empire de Russie peut accélérer ce processus. L’indépendance de la Pologne a relativement peu à voir avec la chute du tsarisme, de même que le partage de la Pologne avait peu à voir avec son existence.

Prenons maintenant le premier point de la résolution.  « La soumission d’une nation par une autre», y lit-on, « ne peut servir que les intérêts des capitalistes et des despotes, tandis qu’elle est également néfaste et à la classe ouvrière de la nation opprimée et à celle de la nation oppresseur…  » C’est sur cette base que la proposition de l’indépendance de la Pologne est censée devenir une exigence impérative du prolétariat. Ici, nous avons une de ces grandes vérités, si grande, en effet, que s’en est un lieu commun, et en tant que tel, ne peut mener à la moindre conclusion pratique. Si, en affirmant que l’assujettissement d’une nation par une autre est dans l’intérêt des capitalistes et des despotes,  on en conclut que toutes les annexions sont injustes, et peuvent être éradiquées dans le cadre du système capitaliste, alors raisonnons dans l’absurde, car ça ne tient pas compte des principes de base de l’ordre existant.

Il est intéressant de noter que ce point dans la résolution relève presque du même argument que la fameuse résolution néerlandaise: [2] « la conquête et le contrôle d’une nation par une autre et le combat d’un peuple par un autre ne peuvent être utiles qu’aux classes dirigeantes » … où le prolétariat doit accélérer la fin de la guerre en organisant des grèves militaires. Les deux résolutions sont fondées sur la croyance naïve qu’il suffit de reconnaître qu’un fait quelconque est avantageux pour les despotes  et nuisible pour les travailleurs, pour l’éliminer sur-le-champ. La similitude va plus loin. Le mal qui doit être écarté est dans son principe le même dans les deux résolutions: la résolution néerlandaise veut prévenir de futures annexions futures en mettant fin à la guerre, alors que la résolution polonais veut défaire les guerres passées en supprimant les annexions. Dans les deux cas, il s’agit pour le prolétariat d’éliminer la guerre et les annexions dans le cadre du capitalisme, sans éliminer le capitalisme lui-même,  alors que les deux font, de fait, partie de la nature même du capitalisme.

Si le truisme que nous venons de citer ne sert pas à grand chose pour l’abolition générale des annexions, il offre encore moins de raison d’abolir l’annexion  en question en Pologne. Dans ce cas particulier, sans une évaluation critique des conditions historiques concrètes, rien de bon ne peut être utile.  Mais sur ce point, sur la question de savoir comment – et si – le prolétariat peut libérer la Pologne, la résolution garde un profond silence profond. La résolution néerlandaise est plus élaborée à cet égard: elle propose au moins un moyen spécifique: un accord secret avec l’armée,  ce qui nous donne la mesure du côté utopique de la résolution. La résolution polonais reste en-deçà et se contente de « demander », ce qui n’est guère moins utopique  que le reste.

Comment le prolétariat polonais peut-il construire un État sans classes? Face aux trois gouvernements au pouvoir en Pologne, face de la bourgeoisie du Congrès polonais vendu au trône de Saint-Pétersbourg et rejetant toute idée d’une Pologne ressuscitée comme un crime et un complot contre son propre agenda, face aux grandes propriétés foncières de Galice représentées dans l’administration Badani, [3] qui vise  l’unité de l’Autriche (garantissant le partage de la Pologne) et, enfin, face aux Junkers prussiens qui alimentent le budget militaire pour sauvegarder les annexions; face à tous ces facteurs, que peut faire le prolétariat polonais? Toute révolte  serait matée dans le sang. Mais si aucune tentative de rébellion n’est faite, rien  d’autre ne se fera, car l’insurrection armée est la seule façon de réaliser l’indépendance polonaise. Aucun des États concernés ne renoncera volontairement à ses provinces, où ils ont régné pendant un long siècle. Mais dans les conditions actuelles, toute rébellion du prolétariat serait écrasée – il ne pourrait en résulter rien d’autre. Peut-être le prolétariat international pourrait-il aider? Il  ne serait pas  en position d’agir comme le prolétariat polonais lui-même, mais tout au moins peut-il déclarer sa sympathie.  Supposons  pourtant que toute la campagne en faveur de la restauration de la Pologne se limite à des manifestations pacifiques?  Eh bien, dans ce cas, bien sûr, les États qui l’ont partagé pourront continuer à régner sur la Pologne en toute tranquillité. Si donc le prolétariat international fait du rétablissement de la Pologne sa revendication politique – comme la résolution l’exige – il n’aura fait rien d’autre que prononcer un vœu pieux. Si l’on « exige » quelque chose, il faut se donner les moyens de cette exigence. Si l’on ne peut rien faire, l ‘ « exigence » creuse pourra bien tonner dans les airs, mais il ça n’ébranlera certainement pas le pouvoir des États sur la Pologne.

L’adoption de la résolution social-patriotique par le Congrès international pourrait toutefois avoir des implications plus vastes qu’il ne peut sembler à première vue. Tout d’abord, cela contredirait les décisions du précédent Congrès, en particulier relatifs à la résolution néerlandais sur la grève militaire. À la lumière d’arguments essentiellement équivalents et d’un contenu identique, l’adoption de la résolution social-patriotique réouvrirait la porte à la néerlandaise. Comment les délégués polonais, après avoir voté contre la résolution Nieuwenhuis, ont-ils réussi à proposer ce qui est pour l’essentiel une résolution identique, c’est là un point que nous ne discuterons pas pour le moment. En tout cas, ce serait bien pire si le Congrès dans son ensemble entrait dans une telle contradiction avec lui-même.

Deuxièmement, cette résolution, si elle était adoptée, aurait un effet pour le mouvement polonais que les prochains délégués au Congrès n’ont sûrement même pas osé imaginer. Ces trois dernières années – comme je l’ai détaillé dans mon article dans la Neue Zeit, numéros 32 et 33 [4] – on a tenté d’imposer aux socialistes polonais un programme pour le rétablissement de la Pologne, avec l’intention de les séparer de leurs camarades allemands, autrichiens et russes en les unifiant dans un parti polonais  construit sur une ligne  nationaliste. Compte tenu de l’utopie de ce programme et de sa contradiction avec toute lutte politique efficace, les défenseurs de cette tendance n’ont pas encore été en mesure de fournir d’argument à leur visées nationalistes qui résiste à la critique. C’est ainsi qu’ils n’ont guère, jusqu’à présent, mis en avant leur tendance sur la scène publique. Alors que les partis polonais des secteurs autrichien  et prussien n’ont pas adopté le point relatif au rétablissement de la Pologne dans leur programme, l’avant-garde de la tendance nationaliste, le groupe de Londres qui se fait appeler Zwiazek Polskich Zagraniczny Socjalistow, [5] a travaillé ferme  à susciter des sympathie dans les partis d’Europe occidentale, notamment via le journal Bulletin Officiel et par d’innombrables articles dans: Socialist Poland , The Poland of the Workers , Democratic Poland , The Independent Republic of Poland, etc les mêmes proses ont tourné en boucle en polonais, en allemand et en français. C’est ainsi qu’a été préparé le terrain pour l’adoption dans le programme d’un État de classe polonais. Le couronnement de tout ce processus devait être le congrès de Londres, avec l’adoption de la résolution du courant nationaliste passant en contrebande sous le drapeau international.  Le prolétariat international est sans doute censé lever le drapeau rouge sur le vieil édifice nationaliste et le consacrer temple de l’internationalisme. Ensuite cette consécration par les représentants du prolétariat international devrait couvrir l’absence d’une quelconque motivation scientifique et élever le social-patriotisme au rang de dogme qu’il serait vain de critiquer. Enfin cette décision devrait encourager les partis polonais à adopter, une fois pour toutes, le programme nationaliste et à s’organiser sur des bases nationales.

L’adoption de la résolution social-patriotique créerait un précédent important pour le mouvement socialiste dans d’autres pays. Ce qui vaut pour l’un vaut pour les autres. Si la libération nationale de la Pologne devait être élevée au rang d’objectif politique du prolétariat international, pourquoi pas aussi la libération de la Tchécoslovaquie,  de l’Irlande, et de l’Alsace-Lorraine? Tous ces objectifs sont tout autant utopiques, et ne sont pas moins justifiés que la libération de la Pologne. La libération de l’Alsace-Lorraine, en particulier, serait même beaucoup plus importante pour le prolétariat international, et bien plus probable: derrière l’Alsace-Lorraine il y a quatre millions de baïonnettes françaises, et dans les questions d’annexions bourgeoises, les baïonnettes ont plus de poids que les manifestations morales. Ensuite si les polonais des trois  parties occupées s’organisent selon  des critères de nationalités pour la libération de la Pologne, pourquoi les autres nationalités en Autriche n’agiraient-elles pas de la même façon, pourquoi pas les Alsaciens ne s’organiseraient-ils pas en commun avec les Français? En un mot, la porte serait ouverte aux luttes nationales et aux organisations nationalistes. A la place de l’organisation des travailleurs et en fonction des données politiques et étatiques, on rendrait hommage au principe de l’organisation selon la nationalité, procédé qui nous a souvent égarés dès le début.  Au lieu de programmes politiques de classe, on établirait des programmes nationaux.  Le sabotage de la lutte politique unitaire du prolétariat menée dans chaque État déboucherait sur une série de luttes nationales stériles.

Voilà la signification principale de la résolution social-patriotique, si elle devait être adoptée. Nous avons évoqué en commençant les progrès que le prolétariat a fait depuis l’époque de la première Internationale, son développement à partir de petits groupes  pour devenir un grand parti capable de gérer ses propres affaires. Mais à quoi prolétariat doit-il ce progrès? Seulement à sa capacité de comprendre la primauté de la lutte politique dans son activité. L’ancienne Internationale a fait place à des partis organisés dans chaque pays en conformité avec les conditions politiques propres à ces pays, sans, pour cela, s’occuper de la nationalité des travailleurs. Seule la lutte politique en conformité avec ce principe rend la classe ouvrière forte et puissante. Mais la résolution social-patriotique suit son cours en opposition diamétrale à ce principe. Son adoption par le Congrès serait renier trente-deux ans d’expérience accumulée par le prolétariat et d’enseignement théorique.

La résolution social-patriotique a été formulé très habilement: c’est derrière la protestation contre le tsarisme qu’on proteste contre l’annexion – mais après tout, la  revendication d’indépendance de la Pologne s’adresse aussi bien à l’Autriche et à la Prusse qu’à la Russie: elle sanctionne une tendance nationaliste ayant des intérêts internationaux; elle essaie d’obtenir l’appui du programme socialiste sur la base d’une manifestation morale générale. Mais la faiblesse de son argumentation est encore plus grande que l’habileté de sa formulation: quelques lieux communs sur la malfaisance des annexions et des sottises sur l’importance de la Pologne pour le tsarisme – cela et rien de plus – c’est tout ce que cette résolution est capable d’offrir.

 

Notes:

[1] Le texte de la résolution est reproduit d’après la forme présentée par Rosa Luxemburg dans son essai, Der Sozialpatriotismus in Polen, dans Neue Zeit. Cf. Collected Works , I, I, 39ff.

[2] Il s’agit d’une référence à un projet de résolution néerlandaise au Congrès socialiste international de Zurich en 1893. It was rejected in favor of a German resolution on the same theme. Il a été rejeté au profit d’une résolution allemand sur le même thème. Cf. Protokoll des Internationalen Sozialistischen Arbeiterkongresses in der Tonhalle Zurich vom 6 bis 12 August 1893 , Zurich 1894, p.25.

[3]  Référence à un membre de la noblesse polonaise de la Pologne autrichienne, Premier ministre de 1895 à 1897.

[4] Neue Strömungen in der polnischen sozialistischen Bewegung in Deutschland and Österreich ( New Tendencies in the Polish Socialist Movement in Germany and Austria ), in Collected Works , I, I.

[5] Union  à l’étranger des socialistes polonais , comité spécial associé au PPS.

 

Paru sur le site lLa Bataille socialiste : https://bataillesocialiste.wordpress.com/documents-historiques/1896-07-la-question-polonaise-au-congres-international-de-londres/

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Lettre publiée en 1896

Lettre à Karl Kautsky
Zurich, le 5 mars 1896

Monsieur le rédacteur en chef,

Par le même courrier, je vous envoie un assez long article sur les courants nationalistes dans le mouvement socialiste polonais. Le sujet - j'espère que vous le constaterez à la lecture de l'article - est tout à fait d'actualité. Le changement d'orientation politique des socialistes polonais d'allemagne et d'Autriche, préparé de longue main, peut avoir, à mon avis, une autre conséquence immédiate: à l'exemple de ce qui s'est déjà passé en Allemagne, le parti de Galicie se séparerait de la social-démocratie autrichienne. Ce changement d'orientation a déjà entraîné une résolution du peuple galicien, à propos de la célébration du premier mai, qui est très importante sur le plan pratique. Et son importance déborde et de loin le cadre du mouvement polonais lui-même, même si on laisse de côté l'intérêt immédiat que le mouvement polonais présente pour les camarades allemands. En effet, tout le mouvement nationaliste parmi les socialistes polonais tente de se donner des apparences marxistes, en invoquant surtout les sympathies dont il jouirait auprès de la social-démocratie allemande et il veut d'autre part gagner les sympathies des socialistes d'Europe occidentale grâce à une feuille qu'il édite spécialement à leur intention: Le Bulletin du parti soc(ialiste) pol(onais).
Mais traiter ce problème semble tout particulièrement indiqué si l'on considère que les représentants de la tendance nationaliste- socialiste se proposent - comme ils l'écrivent eux-mêmes dans l'organe allemaniste - Le Parti ouvrier - de soumettre au Congrès international de Londres une résolution qui sanctionnerait comme une rendication politique du prolétariat la restauration d'un Etat polonais, ce qui préparerait l'inclusion de cette revendication dans le programme pratique des partis polonais.
Si vous décidez de faire paraître mon article, son importance pratique sera d'autant plus grande qu'il sera publié plus vite, compte tenu de la proximité du Congrès de la social-démocratie autrichienne qui doit traiter de la question du premier mai et d'autres problèmes abordés dans cet article.

Veuillez agréer l'assurance de ma considération distinguée.

Rosa Luxemburg

L'allemand étant pour moi une langue étrangère, il se pourrait qu'une expression pas tout à fait correcte se fût glissé dans mon article. Aussi je me permets de vous prier très courtoisement de bien vouloir, le cas échéant, corriger mon article à cet égard

Mon adresse: Mademoiselle Luxemburg ...

(Vive la lutte - P44/45 - Maspero - Sous la direction de Georhes Haupt)

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12 décembre 2015 6 12 /12 /décembre /2015 15:06
Pour comprendre. Comment le fascisme prend le pouvoir en "démocratie". L'arrivée d'Hitler au pouvoir (extrait de G. Badia, l'Allemagne contemporaine)

Severing

C’est une histoire très noire, à rebondissements multiples.  L’histoire de l’arrivée au pouvoir d’Hitler. Ou comment le fascisme est arrivé au pouvoir en « démocratie ».

 

Que faut-il pour que le fascisme s’installe, la recette est simple, elle s’inscrit dans le nom-même choisit par le fascisme en Allemagne, nationalisme et socialisme, et de fait les ingrédients sont connus :

 

  • une social-démocratie au pouvoir ou qui l’a exercé mais qui à force de réformisme -  on dira de pragmatisme-  épouse les buts et les méthodes du capitalisme jusqu'à la caricature. Plus royaliste que moi ...

 

  • des exploités - on dira un prolétariat -, qui n’a plus aucun espoir dans un monde économique que l’on dit en crise et qui les broie

 

  • une idéologie - on dira aliénation - qui prétend défendre les intérêts des exploités, mais qui s’appuie sur des idées conservatrices, non émancipatrices, et dont le principal combat est celui pour les cerveaux de ces exploités et contre ceux  qui pourrait leur disputer la conscience

 

  • une société politique conservatrice affaiblit économiquement et politiquement et qui cherche avant tout son sauveur, allant sur les plates-bandes de celui-ci, avant de lui donner les clés du pouvoir

 

  • des forces économiques misant sur un homme fort dans lequel elles investissent sciemment.

 

L’Allemagne de 1932 – 1933 c’est tout cela et le récit des années 1932 – 1933 dans l’ouvrage de Gilbert Badia en donne une image précise et complète. Toute ressemblance avec aujourd’hui serait ou ne serait guère fortuite mais donnerait fortement à réfléchir..

 

Et comme nous ne pouvons pas tout savoir et garder en tête, une série d'articles retrace ici l'Histoire. Et comme nous ne pouvons pas tout reproduire, nous recommandons la lecture de l'ouvrage de Badia.

 

Notre histoire, bien triste histoire commence il y a bien longtemps, elle se cristallise au XIXème siècle avec la formation de la classe ouvrière et de ses partis, elle remonte à une guerre dont on fait porter la responsabilité à un peuple et aux millions de ses morts et blessés, à une révolution - spartakiste - que l’on assassine et à une lente et vertigineuse descente en enfer économique et moral. Son tragique dénouement se noue en 1932- 1933.

 

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AVERTISSEMENT AUX LECTEURS DU BLOG : UNE ABONNEE NOUS A AVERTIS D'UNE PUB POUR ISRAEL QUAND ON ARRIVE EN CE MOMENT SUR LE BLOG. NOUS VOUS RAPPELONS QUE OVERBLOG A DECIDE CET ETE D'IMPOSER A TOUS LES BLOGS GRATUITS DES PUBLICITES. ELLES SONT SELON NOS LECTEURS  SOUVENT AGGRESSIVES, MENSONGERES ET EN CONTRADICTION. COMPLETE AVEC LE CONTENU DU BLOG. SEUL MOYEN D'Y ECHAPPER POUR NOUS, PASSER EN VERSION PAYANTE! POUR NOS LECTEURS, METTRE UN BLOQUEUR DE PUBLICITES STYLE ADBLOCK ET SURTOUT NE JAMAIS CLIQUER SUR AUCUNE PUB. N'HESITEZ PAS A NOUS INFORMER DES PUBS QUE VOUS VOYEZ AFIN QUE L'INFORMATION SOIT REPERCUTEE AUSSITOT SUR LE BLOG.

POURQUOI NOUS NE SOUTENONS PAS ISRAEL :

29 novembre 1947 : partition de la Palestine. Sur liberonsgeorges.

 

 

1er acte : Le coup d’Etat du 20 juillet [1932]

 

(lire dans Gilbert Badia, Histoire de l’Allemagne contemporaine, Tome 1 – 1918 - 1933 aux Editions sociales P 298 - 300)

 

La Prusse était gouvernée depuis 1918 et presque sans interruption par la social-démocratie. Otto Braun en était le premier ministre quasi inamovible et Severing n’abandonnait son poste de Ministre de l’intérieur en Prusse que pour prendre celui des Affaires intérieures du Reich ou vice- versa. Quelques mois après la démission, du cabinet Müller où il occupait le ministère de l’Intérieur, il était redevenu ministre en Prusse.

 

Severing ne menait qu’en apparence un combat sur deux fronts. Il avait bien interdit le port d’uniforme, ce qui touchait les sections d’assaut, mais les S.A. n’étaient pas dissoutes, tandis qu’était maintenue strictement depuis mai 1929 la dissolution du Front rouge des combattants. Le préfet de police Grzezinski n’avait –il pas dit publiquement en novembre 1930 (donc après les élections générales) à Kreuzbeg : « il n’existe pas de danger nazi, il n’y a qu’un danger communiste. »

 

En même temps d'ailleurs un fort courant se faisait jour dans le parti social-démocrate pour laisser accéder Hitler au pouvoir. Otto Braun notamment voulait confier des responsabilités au N.S.D.A.P. "tant que le parti est trop faible pour réaliser ses revendications totalitaires". D'abord hostile, Severing appuya cette politique du "laisser faire l'expérience", quand les élections présidentielles et les élections provinciales eurent montré l'ampleur des succès nazis. Le 25 avril 1932, il écrivait dans le Vorwärts : "Les considérations proprement juridiques mises à part, ce peut être un impératif de l'intelligence politique que de laisser les nazis venir au pouvoir." Et le 30 de nouveau : N'est-il pas compréhensible que se manifeste le vif désir de donner aux nationaux-socialistes l'occasion de mettre leurs paroles en accord avec la dure réalité?"

 

Comment combattre un parti avec vigueur, avec l'intention de le réduire quand on souhaite le voir fournir son contingent de ministres? Et comment les adhérents sociaux-démocrates et les ouvriers syndiqués seraient-il prêts à lutter par tous les moyens contre les nazis s'ils lisent chaque jour de telles considérations sous la plume de leurs dirigeants?

 

Si peu révolutionnaire qu'elle fût, la social-démocratie à la tête du Land le plus important du  Reich gênait le gouvernement.

 

Depuis l'entrée en fonction de von Papen, les rumeurs se faisaient plus nombreuses qui annonçaient le remplacement du gouvernement prussien par un Commissaire du gouvernement. Ces bruits avaient été officiellement démentis. Mais ils correspondaient trop aux desseins des milieux industriels et agrariens, impatients d'écarter enfin du pouvoir la social-démocratie (accusée de bolchévisme) pour ne pas trouver dans les cercles ministériels des oreilles complaisantes.

 

Le 8  juillet, von Papen convoque Severing et Hirtsiefer pour discuter dit-il de questions financières. A peine entrés à la chancellerie, les deux ministres s'entendent annoncer que "la sécurité  et l'ordre public n'étaient plus assurés en Prusse". En conséquence, le Président du Reich avait démis Braun et Severing de leurs fonctions et nommé von Papen au poste de Commissaire du Reich pour la Prusse. Severing conteste la valeur juridique des arguments de son interlocuteur. "Acceptez-vous de remettre volontairement vos pouvoirs?" demande le chancelier. "Je ne cède qu'à la violence" réplique Severing.

 

La conversation était restée polie comme il convient entre gens de bonne compagnie; von Papen "gentlhomme jusque dans le coup d'Etat", essaya alors de persuader les deux ministres de céder de bonne grâce, mais n'y réussit point. Il coupa court en invoquant "la raison d'Etat".

 

Le même jour l'état de siège était proclamé à Berlin et dans tout le Brandenbourg ...

 

La facilité avec laquelle von Papen réussit son coup d'Etat s'explique par la série de concessions consenties au régime présidentiel par la social-démocratie. Dans ce lent glissement vers la dictature, le coup du 20 juillet n'était qu'une étape, une étape un peu plus importante peut-être. Le Président du Reich avait couvert l'opération et signé les ordonnances nécessaires ...

 

Prochains articles à suivre

article originel sur http://linter.over-blog.com/2015/12/c-est-une-histoire-noire-tres-noire-a-rebondissements-multiples-l-histoire-de-l-arrivee-au-pouvoir-d-hitler-ou-comment-le-fascisme-e

Otto Braun par Max Liebermann en 1931

Otto Braun par Max Liebermann en 1931

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10 décembre 2015 4 10 /12 /décembre /2015 19:48
Bonsoir,
 
Après la disparition de notre camarade Rudolf, nous vous transmettons le RDV pour assister à son enterrement ce lundi 12 décembre à Lille.
 
Rudolf a été de nouveau victime d’un malaise la veille du retour chez lui, malheureusement  cette fois ci, il a été impossible de le sauver. Rudolf était hospitalisé depuis le 19 octobre, il allait beaucoup mieux et était impatient de rentrer chez lui, continuer ses combats, lire, écrire et nous faire partager ses réflextions toujours d’une grande rigueur.
 
Parmi ses nombreux engagements, il n’a jamais cessé, et cela depuis des décennies, son engagement dans la lutte pour les droits des Palestiniens et contre le sionisme oppresseur.
Avec des étudiants palestiniens de Lille, il a fondé en 1974 le Comité de Soutien à la Résistance Palestinienne qui est devenu quelques années plus tard le Comité de Soutien au Peuple Palestinien.
 
En 2014, il a participé à la fondation du Collectif de Soutien à la Résistance Palestinienne.(CSRP59)
 
En outre, Rudolf était aussi membre de l'Union Juive Française pour la Paix (UJFP) et de International Jewish AntiZionist Network (IJAN).
 
Notre hommage à notre camarade est pour nous de continuer avec détermination et visibilité notre soutien au Peuple Palestinien. Solidarité avec cette résistance légitime, sous toutes ses formes.
 
Notre cher camarade Rudolf ta disparition nous remplit d’une profonde tristesse.  
 
Collectif de soutien à la résistance palestinienne (CSRP59) et UJFP59 le 8 décembre 2016                                                                           
 
L'enterrement aura donc lieu
Lundi 12 décembre  à 14h (être impérativement présent à 13h45).
 
RV  à l'entrée "porte de la Madeleine" du Cimetière de l'Est à Lille                                       (rue de la Madeleine en face de la  rue des Vicaires)
(le cimetière se trouve en gros dans un triangle  entre le métro St Maurice Pellevoisin,  l'hôpital de la Louvière et la gare Lille-Europe)
         
Au moment de l'inhumation, une cérémonie civile aura lieu avec quelques témoignages.
A l'issue de celle-ci, nous nous retrouverons pour un hommage à Rudolf,  dans une salle dont les coordonnées restent à préciser.
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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 11:47
Une guitare en drapeau. Le nationalisme avance dé-masqué... En contre-point à Rosa Luxemburg
Plutôt qu'un drapeau une guitare

Reprise :

"Demain, on veut faire brandir le drapeau national.

Le nationalisme avance, et la rhétorique de guerre est appelée à squatter toujours plus la réflexion, les têtes.

 

L'état de sécurité permet d'interdire toutes les expressions politiques et de résistances, mais pas les marchés de Noël et autres acte de la consommation-reine pas plus que l'arrivée des chefs d'Etat, seuls qui auront le droit de parole.

Il est utilisé pour des arrestations dans une ferme et pour un couvre-feu en catimini dans un quartier populaire d'une petite ville de province où vivent 7000 personnes, immigrées des premières et dernières générations, des ouvriers et chômeurs d'aujourd'hui.

 

Mais notre tristesse pour le 13 novembre n'est pas la leur.

 

Elle est parce que des jeunes sont créés prêts à tuer par une société capitaliste, impérialiste qui les exploite et les rejette, depuis des décennies.

Et pour ceux, si divers, qu'ils ont tué, la musique dans les oreiles, moment sensible qui les réunissait, venus de partout et parfois de loin.

Nous ne sommes pas nationalistes, nous ne sommes pas bellicistes,

 

Nous n'aimons pas les drapeaux brandis pour les unions sacrées. Nous n'aimons pas les hymnes guerriers.

Nous nous serions reconnus peut-être dans la devise "Liberté, égalité, fraternité", encore aurions-nous certainement été choqués par sa reprise par tous ceux qui la violent, au pouvoir depuis toujours. Mais il n'y avait pas de risque qu'elle soit brandie, un drapeau national, c'est bien plus facile et ben plus porteur.

 

Notre tristesse pour le 13 novembre est profonde, elle n'est pas la leur.

 

Publié le 29 novembre. Repris de linter.over-blog.com

Une guitare en drapeau. Le nationalisme avance dé-masqué... En contre-point à Rosa Luxemburg
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2 décembre 2015 3 02 /12 /décembre /2015 23:09
https://histoireetsociete.files.wordpress.com/2014/04/clara.j

https://histoireetsociete.files.wordpress.com/2014/04/clara.j

Clara Zetkin. Discours au Reichstag en 1932.

Courage extrême de Clara Zetkin qui prononce ce discours dans une Allemagne déjà en but aux idées fascstes et aux meurtres politiques et racistes, parce que désespérée  par le manque d'espoir, la répression de la révolution et l'explotation maximale qu'elle subit, et devant des hommes en uniforme nazi dans le Parlement même.

Une partie des exploités en Allemagne, comme aujourd'hui se laissait séduire par le fascisme, mais les partis ouvriers et sociaux-démocrates étaient encore majoritaires et le vote national-socialiste lui n'était pas majoritaire.

Mais 30 % lui suffisaient pour instaurer son régime de mort.

5 mois après Hitler devenait chancelier. En un an, le nazisme imposait son pouvoir et Clara Zetkin devait quitter 'Allemagne. 10 ans après, des millions de morts, le génocide était l'héritage d'un pouvoir fondé sur le racisme et l''exploitation. c.a.r.l.

____________________________

 

Le 30 août 1932, Clara très vieille femme, en qualité de doyenne du Reichstag, alors que Hitler vient d’accéder au pouvoir, est chargée du discours inaugural. Elle est pratiquement aveugle, impotente, on la soutient jusqu’au pupitre, elle ouvre la première séance devant une centaine de nazis en uniforme, dont Goering, avec un vibrant discours contre la montée du nazisme. Le voici :

 

Mesdames et Messieurs,

 

Le Reichstag se réunit dans une situation où la crise du capitalisme ? Son déclin accable les très larges masses laborieuses d’Allemagne et leur inflige les souffrances les plus épouvantables. Les millions de chômeurs que les maigres allocations dont on leur fait (ou dont on ne leur fait pas) l’aumône n’empêchent pas de mourir de faim seront rejoints cet automne et cet hiver par des millions d’autres. La famine, qui est aussi le sort de tous ceux qui ont besoin d’aide sociale, s’aggrave. Quant aux travailleurs qui ont encore un emploi, les bas salaires les empêchent de renouveler leur force nerveuse et musculaire usée au maximum par la rationalisation et, a fortiori, de satisfaire le moindre besoin culturel. En se poursuivant, le démantèlement des conventions collectives et des organes de conciliation va faire baisser encore les salaires de misère. Un nombre croissant d’artisans et de petits industriels, de petits et moyens paysans sombrent dans le désespoir et la ruine. Le déclin économique, les coupes sombres dans les dépenses culturelles réduisent ? néant les bases économiques de la création intellectuelle et ôtent de plus en plus aux créateurs la possibilité de mettre en œuvre leurs forces et leurs connaissances.

 

L’incendie allumé en Orient que l’Occident attise de toutes ses forces dans l’espoir qu’un océan de flammes engloutisse l’Union soviétique et la construction du socialisme, pourrait bien attirer sur l’Allemagne aussi une abominable terreur, susceptible d’éclipser l’œuvre de mort et de destruction de la dernière guerre mondiale. Le pouvoir politique en Allemagne est aujourd’hui aux mains d’un cabinet présidentiel formé sans l’assentiment du Reichstag, composé des hommes de main du grand capital monopoliste et des grands agrariens et dont les généraux de la Reichswehr constituent l’élément moteur. Malgré ses pouvoirs discrétionnaires, le cabinet présidentiel a échoué devant tous les problèmes actuels de politique intérieure et de politique étrangère. Sa politique intérieure est marquée, comme celle des précédents gouvernements, par la pratique des décrets-lois, lois scélérates qui décrètent la misère et augmentent celle qui règne déjà En même temps, ce cabinet foule aux pieds le droit des masses à lutter contre la misère. Ceux qui ont besoin de l’aide sociale et ceux qui y ont droit, ce sont, pour le gouvernement, les gros agrariens endettés, les industriels faillis, les requins de la finance, les armateurs, les spéculateurs et trafiquants sans scrupules. Toute sa politique fiscale, douanière, commerciale, consiste à prendre aux larges couches du peuple travailleur pour donner ? de petits groupes de profiteurs et à aggraver la crise en restreignant davantage la consommation, les importations et les exportations. Sa politique étrangère aussi est placée sous le signe du mépris pour les intérêts des travailleurs. Déterminée par les appétits impérialistes, elle conduit l’Allemagne à dépendre de plus en plus des grandes puissances du Traité de Versailles, malgré les hésitations qui la font louvoyer entre les coups de gueule des traîneurs de sabres et les bassesses les plus plates, et elle compromet ses relations avec l’Union soviétique, le seul Etat qui, par sa politique de paix sincère et son essor économique, puisse offrir aux travailleurs allemands un véritable soutien.

 

Le solde du cabinet présidentiel est déjà lourdement débiteur depuis les meurtres des dernières semaines, dont il porte l’entière responsabilité en ayant levé l’interdiction de porter l’uniforme prononcée contre les S.A. nationaux-socialistes et en favorisant ouvertement ces troupes fascistes de guerre civile. C’est en vain qu’il cherche à faire oublier sa culpabilité politique et morale en se chamaillant avec ses alliés sur la répartition du pouvoir dans l’Etat ; le sang versé en fait pour toujours un complice des assassins fascistes. L’impuissance du Reichstag et la toute puissance du cabinet présidentiel sont l’expression de la décadence du libéralisme bourgeois, qui accompagne nécessairement l’effondrement du mode de production capitaliste. Cette décadence se retrouve entièrement dans la social-démocratie réformiste qui se place en théorie et en pratique sur le terrain pourri de l’ordre social bourgeois.

 

La politique du gouvernement Papen-Schleicher n’est rien autre que la continuation ouverte de la politique du gouvernement Brüning toléré par les sociaux-démocrates, précédée elle-même par la politique de coalition de la social-démocratie qui lui avait ouvert la voie. La politique du « moindre mal » confirmait les forces réactionnaires dans la conscience qu’elles avaient de leur puissance et ne pouvait, et ne peut encore, manquer d’engendrer le pire de tous les maux : habituer les masses à la passivité. On leur demande de renoncer à mettre en jeu la puissance dont elles disposent à l’extérieur du parlement. De cette façon, c’est le rôle du parlement dans la lutte de classes du prolétariat que l’on réduit aussi. Il est possible aujourd’hui dans certaines limites d’utiliser le parlement pour la lutte des travailleurs, mais uniquement s’il s’appuie sur de puissantes actions des masses à l’extérieur de ses murs. Avant que le Reichstag ne puisse prendre position sur des problèmes particuliers de l’heure, il faut qu’il ait compris quelle est sa tâche essentielle, et qu’il l’ait accomplie : il faut qu’il renverse le gouvernement qui tente, au mépris de la Constitution, de mettre le parlement complètement à l’écart.

 

Le Reichstag pourrait aussi saisir la Haute Cour de Leipzig d’une plainte contre le Président du Reich et les Ministres pour viol de la Constitution et pour les nouveaux viols de la Constitution qu’ils projettent. Mais il est vrai qu’une plainte devant cette haute instance reviendrait à demander à Lucifer de condamner Belzébuth. Bien entendu, ce n’est pas un vote du parlement qui peut briser le pouvoir d’un gouvernement qui s’appuie sur l’armée et sur tous les autres moyens dont dispose le pouvoir d’Etat bourgeois, sur la terreur exercée par les fascistes, la lâcheté du libéralisme bourgeois et la passivité d’une grande partie du prolétariat, des travailleurs. Le renversement du gouvernement au parlement peut seulement donner le signal de la levée en masse des travailleurs à l’extérieur du parlement. Et ceci afin de jeter dans la bataille tout le poids économique et social des masses, et aussi toute la force de leur nombre.

 

Dans cette bataille, il s’agit d’abord et avant tout d’abattre le fascisme qui veut réduire à néant, par le fer et par le sang, les manifestations de classe des travailleurs, en sachant bien, comme nos ennemis, que la force du prolétariat ne dépend pas du nombre de sièges au parlement, mais qu’elle est ancrée dans ses organisations politiques, syndicales et culturelles. La Belgique montre aux travailleurs que la grève de masse conserve sa force, même à une époque de crise économique aiguë, à condition qu’en employant cette arme les masses soient résolues et prêtes à ne reculer devant aucun sacrifice, ni devant l’extension de la lutte, prêtes à répondre par la violence à la violence de leurs ennemis.

 

Mais la démonstration de force du peuple travailleur à l’extérieur du parlement ne doit pas se limiter au renversement d’un gouvernement anticonstitutionnel ; elle doit aller au delà de cet objectif limité et se préparer à renverser l’Etat bourgeois et son fondement, l’économie bourgeoise. Toutes les tentatives d’atténuer, et a fortiori de résoudre la crise en restant sur le terrain de l’économie capitaliste ne peuvent qu’aggraver le mal. Les interventions de l’Etat ont échoué, car ce n’est pas l’Etat bourgeois qui tient l’économie, c’est au contraire l’économie qui tient l’Etat bourgeois. Entre les mains des possédants, l’appareil d’Etat ne saurait être utilisé qu’ à leur avantage et au détriment des larges masses populaires qui travaillent, qui produisent et qui consomment. Une économie planifiée sur la base du capitalisme est une contradiction en soi. Les tentatives en ce sens ont toujours achoppé sur la propriété privée des moyens de production. La planification de l’économie n’est possible que si l’on abolit cette propriété privée. La seule et unique voie pour surmonter les crises économiques et écarter tous les dangers de guerre impérialiste, c’est la révolution prolétarienne qui supprime la propriété privée des moyens de production et garantit ainsi la possibilité de planifier l’économie. La meilleure preuve historique en est la Révolution russe. Elle a montré que les travailleurs ont la force de jeter à terre tous leurs ennemis, d’abattre les rapaces impérialistes en même temps que le capitalisme dans leur propre pays et de déchirer des traités d’asservissement comme celui de Versailles. L’Etat soviétique confirme aussi que les travailleurs ont la maturité nécessaire pour construire un nouvel ordre économique où le développement économique de la société peut aller sans ces crises désastreuses, précisément parce qu’a été supprimée la cause du mode de production anarchique, la propriété privée des moyens de production.

 

La lutte des masses laborieuses contre la misère qui les opprime maintenant est en même temps une lutte pour leur libération totale. C’est lutter contre le capitalisme qui exploite et avilit, pour le socialisme qui délivre et libère. C’est vers ce but lumineux que les masses doivent tourner constamment leurs regards, sans se laisser troubler par des illusions sur la démocratie libératrice, et sans se laisser effrayer par la brutalité du capitalisme, qui cherche son salut dans un nouveau génocide universel, dans les assassinats fascistes et la guerre civile. La nécessité de l’heure, c’est le front uni de tous les travailleurs pour repousser le fascisme, et pour conserver ainsi aux esclaves de l’exploitation la force et la puissance de leurs organisations, et même tout simplement pour les conserver en vie.

 

Devant cette impérieuse nécessité historique, toutes les opinions politiques, syndicales, religieuses, idéologiques, qui nous entravent et nous séparent, doivent passer au second plan. Tous ceux qui sont menacés, tous ceux qui souffrent, tous ceux qui aspirent à se libérer doivent faire partie du front uni contre le fascisme et ses fondés de pouvoir au gouvernement ! Tous les travailleurs doivent se retrouver et s’affirmer contre le fascisme, telle est la condition indispensable pour que se constitue le front uni contre la crise, les guerres impérialistes et leur cause, le mode de production capitaliste. Le soulèvement de millions de travailleurs, hommes et femmes, en Allemagne, contre la faim, la privation de leurs droits, les assassinats fascistes et les guerres impérialistes est une expression de l’indestructible communauté de destin de tous les travailleurs du monde.

 

Cette communauté de destin internationale doit devenir une communauté de combat solidement forgée par les travailleurs partout où le capitalisme étend sa domination, une communauté de combat avec nos frères et nos sœurs soviétiques qui nous ont précédés dans l’assaut. Les grèves et les soulèvements dans les pays les plus divers sont des signes enflammés dont la lumière montre à ceux qui combattent en Allemagne qu’ils ne sont pas seuls. Partout les déshérités et les humiliés s’apprêtent à la conquête du pouvoir. Dans le front uni des travailleurs qui se forme aussi en Allemagne ne doivent pas être absentes les millions de femmes qui portent encore les chaînes de l’esclavage de leur sexe, et qui sont de ce fait livrées à l’esclavage de classe le plus dur. Et aux tout premiers rangs, c’est la jeunesse qui doit lutter, la jeunesse qui aspire à s’épanouir librement, mais qui n’a aujourd’hui d’autres perspectives que l’obéissance aveugle et l’exploitation dans les colonnes des esclaves du travail. Dans ce front uni ont aussi leur place tous les créateurs intellectuels dont le savoir et la volonté d’accroître le bien être et la culture de la société ne peuvent plus s’exercer aujourd’hui dans l’ordre bourgeois. Puissent-ils tous rejoindre le front uni de combat, les esclaves salariés, les corvéables du capital, tous ceux qui sont ? la fois les supports et les victimes du capitalisme !

 

En ma qualité de doyenne d’âge et dans l’espoir que, malgré mon invalidité actuelle, j’aurai encore le bonheur d’ouvrir, en qualité de doyenne d’âge, la première session du Congrès des Conseils de l’Allemagne soviétique, je déclare ouverte la session du Reichstag.

 

http://www.alger-republicain.com/Clara-Zetkin-Discours-au-Reishtag.html

Source :
http://socio13.wordpress.com/2009/0...

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Clara Zetkin

Rede als Alterspräsidentin bei der Eröffnung des Reichstags

(30. August 1932

Meine Damen und Herren!

Der Reichstag tritt in einer Situation zusammen, in der die Krise des zusammenbrechenden Kapitalismus die breitesten werktätigen Massen Deutschlands mit einem Hagel furchtbarster Leiden überschüttet. Zu den Millionen Arbeitslosen, die mit den Bettelpfennigen der sozialen Unterstützung oder auch ohne sie hungern, werden im Herbst und im Winter neue Millionen stoßen. Verschärfter Hunger ist auch das Schicksal aller anderen sozial Hilfsbedürftigen. Die noch Beschäftigten können bei ihrem niedrigen Verdienst die durch die Rationalisierung aufs äußerste ausgepreßte Muskel- und Nervenkraft nicht ersetzen, geschweige denn kulturelle Bedürfnisse befriedigen. Der weitere Abbau des Tarifrechts und des Schlichtungswesens wird die Entbehrungslöhne noch tiefer senken. Wachsende Scharen von Handwerkern und Kleingewerbetreibenden, von Klein- und Mittelbauern versinken verzweifelnd in Elendstiefen. Der Niedergang der Wirtschaft, das Zusammenschrumpfen der Aufwendungen für Kulturzwecke vernichten die wirtschaftlichen Grundlagen für die Existenz der geistig Schaffenden und verengen fortschreitend das Betätigungsfeld für ihre Kenntnisse und Kräfte. Der im Osten entfesselte Weltbrand, der vom Westen her kräftig geschürt wird, und dessen Flammenmeer auch die Sowjetunion und ihren sozialistischen Aufbau vertilgen soll, würde auch Deutschland mit Schrecken und Greueln überhäufen, die das Mord- und Vernichtungswerk des letzten Weltkrieges in den Schatten stellen.

Die politische Macht hat zur Stunde in Deutschland ein Präsidialkabinett an sich gerissen, das unter Ausschaltung des Reichstags gebildet wurde und das der Handlanger des vertrusteten Monopolkapitals und des Großagrariertums und dessen treibende Kraft die Reichtwehrgeneralität ist.

Trotz der Allmacht des Präsidialkabinetts hat es gegenüber allen innen- und außenpolitischen Aufgaben der Stunde gänzlich versagt. Seine Innenpolitik charakterisiert sich genau wie die des vorausgegangenen durch die Notverordnungen, Notverordnungen im ureigensten Sinne des Wortes; denn sie verordnen Not und steigern die schon vorhandene Not. Gleichzeitig zertritt dieses Kabinett die Rechte der Massen, gegen die Not zu kämpfen. Sozial Hilfsbedürftige und Hilfsberechtigte erblickt die Regierung nur in verschuldeten Großagrariern, krachenden Industriellen, Bankgewaltigen, Reedern und gewissenlosen Spekulanten und Schiebern. Ihre Steuer-, Zoll- und Handelspolitik nimmt breiten Schichten des schaffenden Volks, um kleine Gruppen von Interessenten zu beschenken, und verschlimmert die Krise durch weitere Einschränkung des Konsums, des Imports und Exports.

Ebenso schlägt ihre Außenpolitik den Interessen des schaffenden Volks ins Gesicht. Sie wird geleitet von imperialistischen Gelüsten, bringt Deutschland in ziellosem dilettantischem Schwanken zwischen plumper Anbiederung und Säbelrasseln in immer tiefere Abhängigkeit von den Großmächten des Versailler Vertrags und schädigt die Beziehungen zur Sowjetunion, dem Staat, der durch seine ehrliche Friedenspolitik und seinen wirtschaftlichen Aufstieg ein Rückhalt für die deutsche werktätige Bevölkerung ist.

Schwerstens belastet ist das Schuldkonto des Präsidialkabinetts durch die Morde der letzten Wochen, für die es die volle Verantwortung trägt durch die Aufhebung des Uniformverbots für die nationalsozialistischen Sturmabteilungen und durch die offene Begönnerung der faschistischen Bürgerkriegstruppen. Vergebens sucht es über seine politische und moralische Schuld hinwegzutäuschen durch Auseinandersetzungen mit ihren Bundesgenossen über die Verteilung der Macht im Staate; das vergossene Blut kittet es für ewig mit den faschistischen Mördern zusammen.

Die Ohnmacht des Reichstags und die Allmacht des Präsidialkabinetts sind der Ausdruck des Verfalls des bürgerlichen Liberalismus, der zwangsläufig den Zusammenbruch der kapitalistischen Produktionsweise begleitet. Dieser Verfall wirkt sich auch voll aus in der reformistischen Sozialdemokratie, die sich in Theorie und Praxis auf den morschen Boden der bürgerlichen Gesellschaftsordnung stellt. Die Politik der Papen-Schleicher-Regierung ist nichts anderes als die unverschleierte Fortsetzung der Politik der von den Sozialdemokraten tolerierten Brüning-Regierung, wie dieser ihrerseits die Koalitionspolitik der Sozialdemokratie als Schrittmachern vorausgegangen ist.

Die Politik des „kleineren Übels“ stärkte das Machtbewußtsein der reaktionären Gewalten und sollte und soll noch das größte aller Übel erzeugen, die Massen an Passivität zu gewöhnen. Diese sollen darauf verzichten, ihre volle Macht außerhalb des Parlaments einzusetzen. Damit wird auch die Bedeutung des Parlaments für den Klassenkampf des Proletariats gemindert. Wenn heute das Parlament innerhalb bestimmter Grenzen für den Kampf der Werktätigen ausgenutzt werden kann, so nur dann, wenn es seine Stütze hat an kraftvollen Aktionen der Massen außerhalb seiner Mauern.

Ehe der Reichstag Stellung nehmen kann zu Einzelaufgaben der Stunde, muß er seine zentrale Pflicht erkannt und erfüllt haben: Sturz der Reichsregierung, die den Reichstag durch Verfassungsbruch vollständig zu beseitigen versucht. Anklagen müßte der Reichstag auch erheben gegen den Reichspräsidenten und die Reichsminister wegen Verfassungsbruchs und noch weiterer geplanter Verfassungsbrüche vor dem Staatsgerichtshof zu Leipzig. Doch eine Anklage vor dieser hohen Instanz hieße den Teufel bei seiner Großmutter zu verklagen.

Selbstverständlich kann nicht einfach durch Parlamentsbeschluß die Gewalt einer Regierung gebrochen werden, die sich stützt auf die Reichswehr und alle anderen Machtmittel des bürgerlichen Staates, auf den Terror der Faschisten, die Feigheit des bürgerlichen Liberalismus und die Passivität großer Teile der Werktätigen. Der Sturz der Regierung durch den Reichstag kann nur das Signal sein für den Aufmarsch und die Machtentfaltung der breitesten Massen außerhalb des Parlaments, um in dem Kampf das ganze Gewicht der wirtschaftlichen und sozialen Leistung der Schaffenden und auch die Wucht der großen Zahl einzusetzen.

In diesem Kampf gilt es zunächst und vor allem, den Faschismus niederzuringen, der mit Blut und Eisen alle klassenmäßigen Lebensäußerungen der Werktätigen vernichten soll, in der klaren Erkenntnis unserer Feinde, daß die Stärke des Proletariats am allerwenigsten von Parlamentssitzen abhängt, vielmehr verankert ist in seinen politischen, gewerkschaftlichen und kulturellen Organisationen.

Belgien zeigt den Werktätigen, daß der Massenstreik sogar in Zeiten größter Wirtschaftskrise seine Kraft bewährt, vorausgesetzt, daß hinter dem Gebrauch dieser Waffe die Entschlossenheit und Opferfreudigkeit der Massen steht, vor keiner Weiterung des Kampfes zurückzuschrecken und die Gewalt der Feinde mit Gewalt zurückzuschlagen. Jedoch die außerparlamentarische Machtentfaltung des werktätigen Volkes darf sich nicht auf den Sturz einer verfassungswidrigen Regierung beschränken; sie muß über dieses Augenblicksziel hinaus gerichtet sein auf den Stutz des bürgerlichen Staates und seiner Grundlage, der kapitalistischen Wirtschaft.

Alle Versuche, auf dem Boden der kapitalistischen Wirtschaft die Krise zu mildern, geschweige denn zu beheben, können das Unheil nur verschärfen. Staatliche Eingriffe versagten; denn der bürgerliche Staat hat nicht die Wirtschaft, sondern umgekehrt die kapitalistische Wirtschaft hat den Staat. Als Machtapparat der Besitzenden kann dieser sich nur zu deren Vorteil einsetzen auf Kosten der produzierenden und konsumierenden breiten schaffenden Volksmassen. Eine Planwirtschaft auf dem Boden des Kapitalismus ist ein Widerspruch in sich. Die Versuche dazu werden immer wieder vereitelt durch das Privateigentum an den Produktionsmitteln. Planmäßigkeit des Wirtschaftens ist nur möglich bei der Aufhebung des Privateigentums an den Produktionsmitteln. Der Weg zur Überwindung wirtschaftlicher Krisen und aller drohenden imperialistischen Kriegsgefahren ist einzig und allein die proletarische Revolution, die das Privateigentum an den Produktionsmitteln abschafft und damit die Planmäßigkeit des Wirtschaftens verbürgt.

Der große weltgeschichtliche Beweis dafür ist die russische Revolution. Sie hat gezeigt, daß den Schaffenden die Kraft eigen ist, alle ihre Feinde niederzuwerfen und zusammen mit dem Kapitalismus im eigenen Lande auch die imperialistischen Raubgewalten zurückzuwerfen und Sklavenverträge wie den Versailler Vertrag zu zerreißen

Der Sowjetstaat erhärtet auch, daß die Werktätigen die Reife besitzen, eine neue Wirtschaftsordnung aufzubauen, in der eine wirtschaftliche Höherentwicklung der Gesellschaft ohne verwüstende Krisen erfolgen kann, weil eben die Ursache der anarchischen Produktionsweise vernichtet ist, das Privateigentum an den großen Produktionsmitteln.

Der Kampf der werktätigen Massen gegen die zerfleischenden Nöte der Gegenwart ist zugleich der Kampf für ihre volle Befreiung. Er ist ein Kampf gegen den versklavenden und ausbeutenden Kapitalismus und für den erlösenden, den befreienden Sozialismus. Diesem leuchtenden Ziel muß der Blick der Massen unverrückt zugewandt sein, nicht umnebelt durch Illusionen über die befreiende Demokratie und nicht zurückgeschreckt durch die brutalen Gewalten des Kapitalismus, der seine Rettung durch neues Weltvölkergemetzel und faschistische Bürgerkriegsmorde erstrebt. Das Gebot der Stunde ist die Einheitsfront aller Werktätigen, um den Faschismus zurückzuwerfen, um damit den Versklavten und Ausgebeuteten die Kraft und die Macht ihrer Organisationen zu erhalten, ja sogar ihr physisches Leben. Vor dieser zwingenden geschichtlichen Notwendigkeit müssen alle fesselnden und trennenden politischen, gewerkschaftlichen, religiösen und weltanschaulichen Einstellungen zurücktreten. Alle Bedrohten, alle Leidenden, alle Befreiungssehnsüchtigen in die Einheitsfront gegen den Faschismus und seine Beauftragten in der Regierung! Die Selbstbehauptung der Werktätigen gegen den Faschismus ist die nächste unerläßliche Voraussetzung für die Einheitsfront im Kampfe gegen Krise, imperialistische Kriege und ihre Ursache, die kapitalistische Produktionsweise. Die Auflehnung von Millionen werktätiger Männer und Frauen in Deutschland gegen Hunger, Entrechtung, faschistischen Mord und imperialistische Kriege ist ein Ausdruck der unzerstörbaren Schicksalsgemeinschaft der Schaffenden der ganzen Welt. Diese internationale Schicksalsgemeinschaft muß ehern geschmiedete Kampfesgemeinschaft der Werktätigen in allen Herrschaftsgebieten des Kapitalismus werden, eine Kampfesgemeinschaft, die sie mit den vorausgestürmten befreiten Brüdern und Schwestern in der Sowjetunion verbindet. Streiks und Aufstände in den verschiedensten Ländern sind lodernde Flammenzeichen, die den Kämpfenden in Deutschland zeigen, daß sie nicht allein stehen. Überall beginnen die Enterbten und Niedergetretenen zur Eroberung der Macht vorzustoßen. In der auch in Deutschland sich formierenden Einheitsfront der Werktätigen dürfen die Millionen Frauen nicht fehlen, die noch immer Ketten der Geschlechtssklaverei und dadurch härtester Klassensklaverei ausgeliefert sind. In den vordersten Reihen muß die Jugend kämpfen, die freies Emporblühen und Ausreifen ihrer Kräfte heischt, aber heute keine andere Aussicht hat als den Kadavergehorsam und die Ausbeutung in den Kolonnen der Arbeitsdienstpflichtigen. In die Einheitsfront gehören auch alle geistig Schaffenden, deren Können und Wollen, den Wohlstand und die Kultur der Gesellschaft zu mehren, heute in der bürgerlichen Ordnung sich nicht mehr auszuwirken vermag.

In die kämpfende Einheitsfront alle, die als Lohn- und Gehaltsangehörige oder sonstwie Tributpflichtige des Kapitals zugleich Erhalter und Opfer des Kapitalismus sind!

Ich eröffne den Reichstag in Erfüllung meiner Pflicht als Alterspräsidentin und in der Hoffnung, trotz meiner jetzigen Invalidität das Glück zu erleben, als Alterspräsidentin den ersten Rätekongreß Sowjetdeutschlands zu eröffnen.

https://www.marxists.org/deutsch/archiv/zetkin/1932/08/alterspraes.html


Verhandlungen des Reichstages, VI. Wahlperiode, 1932, Bd.454, S.1-3.
Zur Geschichte der Kommunistischen Partei Deutschlands. Eine Auswahl von Materialien und Dokumenten aus den Jahren 1914-1946, o.J., S.330-333.
Kopiert mit Dank von der verschwundenen Webseite Marxistische Bubliothek.
Transkription und HTML-Markierung:
Einde O’Callaghan für das Marxists’ Internet Archive.

Clara Zetkin. Discours au Reichstag en 1932. 30% ont suffi aux nazis pour instaurer le régime de mort et d'exploitation. Ne pas oublier. En contre-point à Rosa Luxemburg
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Grève de masse. Rosa Luxemburg

La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu'il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution. Son champ d'application, sa force d'action, les facteurs de son déclenchement, se transforment continuellement. Elle ouvre soudain à la révolution de vastes perspectives nouvelles au moment où celle-ci semblait engagée dans une impasse. Et elle refuse de fonctionner au moment où l'on croit pouvoir compter sur elle en toute sécurité. Tantôt la vague du mouvement envahit tout l'Empire, tantôt elle se divise en un réseau infini de minces ruisseaux; tantôt elle jaillit du sol comme une source vive, tantôt elle se perd dans la terre. Grèves économiques et politiques, grèves de masse et grèves partielles, grèves de démonstration ou de combat, grèves générales touchant des secteurs particuliers ou des villes entières, luttes revendicatives pacifiques ou batailles de rue, combats de barricades - toutes ces formes de lutte se croisent ou se côtoient, se traversent ou débordent l'une sur l'autre c'est un océan de phénomènes éternellement nouveaux et fluctuants. Et la loi du mouvement de ces phénomènes apparaît clairement elle ne réside pas dans la grève de masse elle-même, dans ses particularités techniques, mais dans le rapport des forces politiques et sociales de la révolution. La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire et tout décalage dans le rapport des forces aux prises, dans le développement du Parti et la division des classes, dans la position de la contre-révolution, tout cela influe immédiatement sur l'action de la grève par mille chemins invisibles et incontrôlables. Cependant l'action de la grève elle-même ne s'arrête pratiquement pas un seul instant. Elle ne fait que revêtir d'autres formes, que modifier son extension, ses effets. Elle est la pulsation vivante de la révolution et en même temps son moteur le plus puissant. En un mot la grève de masse, comme la révolution russe nous en offre le modèle, n'est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l'effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. A partir de là on peut déduire quelques points de vue généraux qui permettront de juger le problème de la grève de masse..."

 
Publié le 20 février 2009